• ynglinga saga

    Heimskringla, ynglinga saga

    Guerre entre Vanes et Ases. Karl Ehrenberg.

     

    4- De la guerre d'Odin contre les peuples du Vanaland

    Odin partit en guerre contre le peuple du Vanaland avec une grande armée. Mais ils étaient bien préparés, et défendirent leur pays, de telle sorte que la victoire resta indécise et que chacun ravagea les terres de l'autre, en y causant de grands dégâts.

     

    Heimskringla, Ynglinga saga, Ases, Vanes

    La première lance. C.E. Doepler

     

    A la longue, ils s'en lassèrent, et dans chaque camp, on convint d'une rencontre pour rétablir la paix, faire une trêve et échanger des otages. Le peuple du Vanaland envoya ses meilleurs hommes, Njord le Riche et son fils Frey. Les gens d'Asaland envoyèrent un homme nommé Hone, dont ils pensaient qu'il était convenable en tant que chef, car il était robuste et fort bel homme.
    Et avec lui, ils envoyèrent un homme d'une grande intelligence appelé Mimir. En échange, le peuple du Vanaland renvoya le plus sage des hommes de leur communauté, qui se nommait Kvase1.

    En arrivant chez les Vanes, Hone fut immédiatement considéré comme un chef, et Mimir le secondait par ses bons conseils en toute occasion. Mais lorsque Hone siégeait au Thing ou en toute autre réunion sans que Mimir fût à ses côtés, et qu'une question difficile était soulevée devant lui, il répondait toujours de la même façon : "- Que les autres donnent d'abord leur avis." Alors le peuple du Vanaland se dit que le peuple d'Asaland l'avait berné dans l'échange des otages. Ils prirent Mimir, le décapitèrent, et envoyèrent sa tête au peuple d'Asaland. Odin prit la tête, l'enduisit de toutes sortes d'herbes de façon qu'elle ne pourrisse pas, et chanta des incantations sur elle. Ainsi, il lui conféra le pouvoir de discuter avec lui, et il en apprit nombre de secrets.

     

    ynglinga saga, mimir                          ynglinga saga, mimir

    La mort de Mimir.                                                                                                             La source de Mimir.

     

    Odin fit de Njord et Frey des prêtres en charge du sacrifice, et ils devinrent Diar du peuple d'Asaland. Freya, fille de Njord, était prêtresse du sacrifice, et fut la première à enseigner l'art de la magie au peuple de l'Asaland, telle qu'elle était couramment pratiquée par le peuple du Vanaland. Lorsque Njord était en Vanaland, il avait épousé sa propre sœur, ainsi qu'il était autorisé par la loi. Et leurs enfants furent Frey et Freya. Mais dans le peuple d'Asaland, il était interdit de contracter un mariage avec des parents aussi proches.

     

    5- Odin partage son royaume. Où l'on parle de Gefion.

    Une longue barrière montagneuse qui va du nord-est au sud-ouest partage le vaste Svithiod des autres royaumes. Le sud de cette chaîne montagneuse n'est pas loin du pays des Turcs, où Odin avait de grandes possessions. En ce temps, les chefs romains allaient partout dans le monde, soumettant tous les peuples au leur. Et de ce fait, beaucoup de chefs s'enfuyaient de leurs domaines. Mais Odin étant doué de prescience, et de vision magique, il eut connaissance que sa postérité perdurerait s'il colonisait et habitait la moitié nord du monde. Il établit donc ses frères Vili et Vé à Asgaard, et lui-même, avec tous les dieux et nombre d'autres grands notables, s'exilèrent, tout d'abord vers l'ouest à Gardarike, puis vers le sud au pays des Saxons. Il eut de nombreux fils, et après avoir conquis un vaste royaume en Saxland, il y installa ses fils pour régner sur le pays. Lui-même partit vers le nord, vers la mer, et installa sa demeure dans une île nommée Odins en Finn. Puis il envoya Gefion à travers le détroit vers le nord pour découvrir de nouveaux pays. Et elle arriva chez le roi Gylfi, qui lui donna une terre équivalente à un passage de charrue. Elle se rendit ensuite à Jotunheim et eut quatre fils d'un géant, et les transforma en un attelage de bœufs. Elle les mit sous le joug pour labourer, et sépara un territoire du continent, l'envoyant dans l'océan, juste en face de Odins.

     

    ynglinga saga, gefion, gefjon

    Gefion guidant son attelage. Copenhague, Danemark.

     

    Cette terre fut appelée Zealand, et elle s'y installa et y résida par la suite. Skiold, un fils d'Odin, l'épousa, et ils habitèrent à Leidre. Où la terre fut labourée se trouve un lac ou une mer nommé Laage. Dans le pays des Suédois, les Fjords de Laage correspondent aux caps de Sjaelland.

     

    ynglinga saga

    Falaises de Sjaelland (Danemark)

     

    Bragi l'Ancien chanta à ce sujet :

    " Gefion loin de Gylfi emporta une terre

    Nouvelle à ajouter au royaume des Danes,

    Heureuse Gefion, labourant dans la buée

    S'évaporant de son attelage de bœufs.

    Sur leurs quatre têtes, huit étoiles à leur front,

    Brillaient lumineuses, tant qu'elle les guidait,

    Ôtant des terres neuves au continent profond

    Pour les adjoindre à la douce plaine de l'île."

    Lorsqu'Odin sut que la situation était prospère dans les terres à l'est de chez Gylfi, il s'y rendit, et Gylfi fit la paix avec lui, car il pensait qu'il n'avait pas les forces suffisantes pour affronter le peuple d'Asaland.

     

    ynglinga saga, gylfi

    Odin fait la paix avec Gylfi. Hugo Hamilton.

     

    Odin et Gylfi avaient usé de nombreux charmes et enchantements l'un envers l'autre, mais le peuple d'Asaland avait toujours eu le dessus. Odin tint sa résidence au bord du lac Maelare, à l'endroit maintenant nommé Vieille Sigtun. Là, il érigea un grand temple, où furent faits les sacrifices en vertu des coutumes du peuple d'Asaland. Il s'appropria pour lui-même la totalité de ce district et le nomma Sigtun. Il donna également des domaines aux prêtres du temple. Njord eut Noatun, Frey Upsal, Heimdall les Himinbergs, Thor Thrudvang, Balder Breidablik. Il avait offert à chacun un excellent établissement.

     

    ynglinga saga, niord, njord

    Njord à Noatun

     

    1  Pour l'origine légendaire de Kvasir, voir aussi les Skaldskaparmal.

     

     ynglinga saga                                                                                                                                      ynglinga saga


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  •  volsunga saga

    Alexander Borodine. La charge du Prince Igor.

     

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    Alors ils entrèrent dans la halle du roi, et Atli disposa ses troupes pour la bataille, et les rangs étaient ainsi placés qu'ils y avait un mur entre eux et les frères.

    "- Bienvenue ici, dit-il. Donnez-moi tout cet or qui est à moi de droit, puisque la richesse que posséda un jour Sigurd appartient aujourd'hui de droit à Gudrun."

    Gunnar répondit : "- Tu n'obtiendras jamais cette fortune. Et tu affronteras aujourd'hui des hommes puissants, ou nous mourrons si tu veux traiter avec nous en combattant. Ah, tu as manigancé cette fête de main de maître, et cette main te vient de l'aigle ou du loup !"

    "- Depuis longtemps, dit-il, j'ai dans l'esprit de vous ôter la vie, et de devenir maître de l'or, et de vous châtier pour cet acte honteux, par lequel vous avez trompé le meilleur de vos alliés. Mais à présent, je dois le venger."

    Hogni répondit : "- Il est de peu d'utilité de mentir aussi longuement sur la raison de tes actes, en laissant le travail inachevé."

    Et là-dessus, ils commencèrent à se battre durement, lançant l'assaut par des tirs.

    Mais dans le même temps, ces nouvelles parvenaient à Gudrun, et lorsqu'elle en entendit parler, elle se mit très en colère, et jeta son manteau sur ses épaules, et courut accueillir les nouveaux venus, embrassant ses frères et leur montrant tous les signes d'affection, et ce furent les dernières salutations entre eux.

     

    gudrun accueille jogni et gunnar

    Gudrun accueille ses frères.

     

    Alors elle dit : "- Je pensais vous avoir clairement conseillé de ne pas venir ici, mais personne ne peut composer avec son destin tel qu'il est décidé." Et elle ajouta : "- N'y a-t-il rien à faire pour rechercher la paix ?"

    Mais répondirent sombrement et avec vaillance par la négative. Alors elle se rendit compte que les événements tournaient au désavantage de ses frères, et elle rassembla toute la vaillance de son cœur, ajusta une cotte de maille sur elle et prit une épée, puis se battit aux côtés de ses frères, et avança le plus possible comme le plus brave des guerriers. Et tous dirent d'une seule voix qu'ils n'avaient jamais vu une attitude plus digne que la sienne.

    Maintenant, les hommes s'étaient rassemblés, et plus remarquable que tous les autres fut le combat de cette fratrie, et la bataille dura longtemps, jusqu'à midi. Gunnar et Hogni allaient droit à travers les guerriers d'Atli, et l'histoire raconte que le sang coulait comme un hydromel rouge. Les fils d'Hogni aussi se conduisaient valeureusement.

     

    La bataille dans le château d'Atli. J. Gerhts.

    La bataille dans le château d'Atli. J. Gerhts.

     

    Alors parla le roi Atli : "- Nous avons une grande armée, et parmi elle, de grands champions, et nombre d'entre eux sont déjà tombés, et si je suis navré que dix-neuf d'entre eux soient morts, six sont encore en vie".

    Il se produisit alors une accalmie dans la bataille.

    Alors parla le roi Atli : "- Nous étions quatre frères, et à présent je reste seul. J'ai contracté une intéressante alliance, et ai considéré qu'ainsi ma fortune en serait augmentée. J'ai eu une femme, belle et sage, à l'esprit élevé et pleine de cœur. Mais je n'ai pu obtenir aucune satisfaction de sa connaissance, car il n'y avait que peu d'harmonie entre nous, mais vous, vous avez tué ceux de mon sang, et m'avez spolié de terres et de richesses, et par votre plus grand crime avez tué ma sœur."

    Hogni rétorqua : "- Pourquoi nous baratines-tu ainsi ? Tu as été le premier à rompre la paix. Tu as pris ma parente et l'a conduite à la mort en l'affamant, et tu l'as assassinée, et tu as pris ses richesses ; un acte honteux pour un roi ! Je trouve cela risible et grotesque que tu éprouves le besoin de faire de longs discours pour décrire tes peines. Plutôt remercier les dieux s'il t'arrive malheur."

     

     volsunga saga                                                                                                                      volsunga saga


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  • Futhark

    The rune (How far to Asgard). Tyr.

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    Pierres runiques

     

    Sur les quelques 6000 inscriptions runiques découvertes en Scandinavie, 3000 sont portées par des pierres levées, érigées entre le IVème siècle et la fin de l'ère viking (commodément datée de 1066, bataille d'Hastings), quelquefois jusqu'au XIIème siècle. 

    Elles appartiennent à une tradition religieuse relevée à la fois dans l'Ynglinga Saga et dans les Havamal : 

    "Un tumulus funéraire devrait être érigé à la mémoire de tout homme de quelque importance, et une pierre levée pour tout autre guerrier s'étant distingué par sa bravoure." (Ynglinga saga, chapitre 8)

    Mieux vaut avoir un fils, fut-il né trop tard, / Après la mort de son père. / La pierre commémorative se dresse rarement au bord de la route, / Si le parent ne l'érige au parent. (Havamal, strophe 72).

     

    runes, gravure

    Graveur de pierre. Louis Moe.

     

    Les pierres runiques, en fonction des inscriptions qu'elles portent, peuvent être classées en différentes catégories : 

     - les pierres funéraires, de loin les plus nombreuses,

     - les pierres commémoratives d'expéditions, soit vikings (schématiquement vers l'ouest), soit varangiennes (vers l'est),

     - les pierres à la gloire de soi-même,

    - les pierres votives d'affirmation de la foi en Christ, commémoratives de conversions...

    - les pierres magiques : malédictions ou bénédictions,

    et enfin toutes sortes de pierres diverses dont certaines portent des inscriptions qui s'apparentent à des graffitis.

    Il n'entre pas dans mes intentions d'en faire une revue exhaustive. Mais ce que j'ai lu de certaines, ou leur aspect, car elles peuvent être de très beaux objets, m'a intéressée. Je vous en présente donc quelques-unes parmi celles qui ont retenu mon attention. Elles sont parfois nommées dans les textes "bornes" ou "ponts".

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    Les Pierres Funéraires

     

    Elles peuvent ou non marquer l'emplacement d'un tombeau et sont le plus souvent érigées en mémoire du défunt par un proche. Elles constituent autour de 90% des pierres runiques. Elles ont apparemment commencé à proliférer après 960, lorsque Harald Ier Dent-Bleue, roi de Danemark, fit élever à Jelling une pierre à la mémoire de Gorm, son père, à côté de celle que ce dernier avait fait ériger pour son épouse, Thyra. Cet effet de mode s'est étendu en fonction des régions sur une à plusieurs générations. Ces deux pierres sont très célèbres et classées au patrimoine mondial de l'Unesco.

     

    Futhark, Runes et Magie 

    Pierres de Gorm l'Ancien et Thyra à Jelling, devant le tumulus funéraire.

     

    Mais les pierres funéraires runiques existaient bien avant.

     

    La pierre runique de Möjbro (Uppland, Suède) 

    Cette pierre de granite grossier de 2,46 m de haut est datée d'entre 400 et 550, donc de la première période des pierres runiques. Elle est remarquable par la qualité graphique à la fois simple et expressive du tracé de son image: un guerrier armé d'une épée, casqué, à cheval et accompagné de deux chiens. Le style évoque les images germaniques continentales inspirées du style du bas empire romain tardif. 

     

    Futhark, Runes et Magie

     

    et pour plus de lisibilité :

    Futhark, Runes et Magie

     

    Comme souvent sur les inscriptions anciennes, le futhark se lit de droite à gauche, et dans ce cas, en commençant en bas à droite, ce qui donne : "Frawaradaz anahaha i slaginaz." Frawaradaz est probablement un nom. I slaginaz signifie selon toute vraisemblance "est mort" : anglais : to slay, slaughter, suédois et norvégien "slaget" = bataille... et même "est mort à la bataille", si on en croit l'aspect martial de l'illustration. Anahaha n'est pas élucidé : incantation, mort "sous la grêle" (de flèches), lamentation ?

    Frawaradaz est donc mort à la bataille.

     

    La pierre runique de Karlevi (Öland 1)

    La pierre de Karlevi, en granite, est datée du Xème siècle et se trouve sur l'île de Öland (Suède). Elle serait juste postérieure à la bataille de Fyrisvellir, qui a opposé le roi Erik le Victorieux de Suède et son neveu Styrbjörn le Fort (Björn Olafson) vers 980. Elle est l'un des supports les plus anciens de vers scaldiques. Elle est en effet rédigée partiellement en prose, et partiellement en drottkættar, mètre de l'âge du fer, drott signifiant "chef de groupe" : c'est le mètre des chefs et des seigneurs. C'est le seul exemple de pierre sur lequel figure une strophe scaldique complète, et elle a probablement été élevée par des guerriers à la mémoire de leur chef.  

     

    Futhark, Runes et Magie

     

    Les strophes en drottkvaett sont constituées de huit lignes de six syllabes, chacune comprenant trois accentuations, deux ou trois allitérations, et s'achevant par une trochée (une longue, une courte). Les vers impairs devaient en plus renfermer des rimes partielles consonantiques avec voyelles dissemblables, et les lignes paires des rimes syllabiques internes.

    Le texte renferme également deux kenningar.

    Transcription et translittération

    S[t]æ[inn] [sa]s[i] es sattr æftiR Sibba Goða, sun Fuldars, en hans liði satti at ... 

     Fulginn liggR hinns fylgðu, / flæstr vissi þat, mæstaR / dæðiR dolga ÞruðaR / draugR i þæimsi haugi; / munat Ræið-Viðurr raða / rogstarkR i Danmarku / [Æ]ndils iarmungrundaR / uRgrandaRi landi

    Folginn liggr hinn’s fylgðu / (flestr vissi Þat) mestar / Dáðir dolga Þrúdar / Draugr í Þeimsi haugi / Mun-at reið-Viðurr ráda / Rógstarkr í Danmǫrku / Endils iǫrmungrundar / Ørgrandari landi.

    Traduction : 

    "Cette pierre a été dressée en mémoire de Sibbi le Goði (ou le Bon), fils de Foldarr, et son escorte......

    Est caché celui

    Que suivaient (la plupart le savent)

    Les plus grands des exploits,

    Guerrier de Þrud dans la bataille,

    En ce tumulus.

    Jamais plus honnête,

    Plus aguerri (conducteur) des chariots de Viðurr

    Ne chevauchera au royaume de Danemark

    Aussi parfaitement

    Les puissants domaines d'Endill."

    Il existe bien sûr d'autres manières de traduire ce texte en associant différemment les expressions les unes avec les autres. C'est une des spécialités de la poésie scaldique.

    Les kenningar : dólga Þrúdar draugur signifie mot à mot : bataille, Thrud (fille de Thor), fantôme (revenant, esprit). Ce dernier mot est un heiti classique pour "guerrier", il y ajoute une dimension effrayante. L'ensemble insiste sur l'aspect effrayant de ce guerrier lors des combats, qui se bat au nom de Thrud, fille de la Force.

    reið-Viðurr associé à Endils iǫrmungrundar

     - reið-Viðurr : les chariots d'Odin, soit les navires.

      - Endils iǫrmungrundar : les puissants domaines d'Endill soit la mer.

    Le texte laisse donc penser que Sibbi était un chef, et un roi de mer, qui plus est généralement basé au Danemark. Ce qui est cohérent avec ce qu'on sait de l'histoire de Styrbjörn, devenu chef des Vikings du Jomsland, et ayant emmené avec lui à la guerre contre son oncle un fort contingent de vikings, dont certains pouvaient être Danois, mais aussi de guerriers du Danemark, qu'il avait forcé Harald Ier Gormson, roi du Danemark, à lui donner. Il est donc très possible qu'après la défaite infligée par Erik à son neveu, certains hommes de l'armée de ce dernier aient emmené ce chef et l'aient enterré sur l'île de Öland en retournant vers le sud.

     

    La pierre runique de Rök

    Cette présentation est en grande partie issue d'un article trouvé sur le net.

    La pierre de Rök est une pièce monumentale (3,50 m de haut, 4 tonnes), et porte le plus grand nombre connu à ce jour de runes gravées sur un monument : 768, de différents types. Elle se trouve sous abri à proximité de l'église de la ville de Rök (Suède), dans un mur de laquelle elle avait été recyclée en pierre de construction (phénomène plus que classique de récupération des matériaux dans des constructions nouvelles religieuses ou profanes : chapiteaux de temples grecs ou romains dans des églises, têtes de méduse dans la citerne-basilique d'Istanbul, statues-menhirs en Corse dans les Torre, maisons ou églises...). Au vu des photos (couleur, granulométrie, finesse et précision de la gravure), elle paraît en calcaire, comme d'autres pierres de construction de cette région.

    D'après le style de rune majoritairement utilisé (runes suédo-norvégienne dites "raccourcies") et l'état de la langue, elle daterait du IXème siècle. Elle est non seulement intéressante des points de vue mythologique (à propos de légendes et de Thor), historique (à propos du roi des Ostrogoths, Théodoric le grand (455 ? - 526) et littéraire (vers métrés) mais aussi du fait des 5 types de runes utilisées.

     

    Futhark, Runes et Magie

    Arrière                                         Avant

    Futhark, Runes et Magie

     

    Devant :
    Futhark suèdo-norvégien à 16 runes dites raccourcies :
    Verticales : En fornyrðislag mètre.

    Le fornyrðislag est le mètre le plus commun, utilisé dans des textes narratifs et en particulier en poésie héroïque. Tous les textes de l'Edda Poétique suivent ce mètre. Les strophes comprennent quatre lignes, chaque ligne étant partagée en deux. Chaque moitié comprend deux accentuations et une syllabe qui s'allitère avec une syllabe de l'autre moitié. Ces accentuations et allitérations peuvent apparaître n'importe où dans le vers.

     

    Nous avons d'abord une inscription commémorative à la mémoire de Vämod, puis une légende sur des trésors de guerre et terminant par l'identité d'un héros qui vivait chez les Hreidgoths (Ostrogoths).
    Horizontales (puis côté droit) : En ljóðaháttr mètre, strophe sur ce héros qui serait roi des Ostrogoths, Théodoric le grand.

    Le ljóðaháttr est un type de mètre utilisé en poésie d'enseignement et de dialogue. Les strophes sont coupées en deux parties, dont chaque moitié comprend un vers long et un vers court. Le vers long comprend quatre accentuations et deux allitérations, le vers court deux de chaque. Accentuations et syllabes allitérées peuvent se trouver n'importe où dans les vers.

     

    Derrière :
    Futhark suèdo-norvégien à 16 runes dites raccourcies :
    Horizontales puis verticales : Légende sur 23 rois de la mer en conflit pour l'île de Sjælland (Seeland, Danemark).

    Futhark à 24 runes :
    puis Verticales : Légende sur un homme de la lignée d'Ingold (Ynve-Freyr, voir Ynglinga saga) qui fut racheté par le sacrifice d'une femme.

    Runes secrètes décalées : Présentation de l'ancêtre de la lignée du défunt qui pouvait terrasser un géant. Le texte étant codé en décalant d'une rune vers la droite le futhark à 16 runes de la façon suivante :
    uþąrkh niast bmlRf vient de
    fuþąrk hnias tbmlR , avec f(3) h(2) t(1) : numéros des aett

    Horizontales : airfb frbnhn finb an tfąnh nu devient sakum| |mukmini uaim si burin| |niþ
    puis en Runes normales : troki uilin is þat puis décalées: rhfþ rhis devient knuo knat|
    puis fin en Runes normales boustrophédon : niatun uilin is þat


    puis Runes secrètes en futhark à 24 runes : le nombre de oðal(o) donnant le numéro de l'aett et le nombre de | donnant le numéro de la rune dans cette Aett :
    ( o o|| ) (o o||| ) (ihwaz ou 1/1 ) donnant : (n)(i)(é ou t )



    Transcription et traduction des textes :
    Devant :

     Verticales
    aft uamuþ stonta runaR þaR n uarin faþi faþiR aft faikion sunu.
    "A la mémoire de Vamödr se dressent ces runes et Varinn les a coloré, le père à la mémoire du fils destiné à mourir", ou : "A la mémoire de Vámóðr sont dressées ces runes / Et Varinn, le père, les grava / En mémoire de son fils mort."

    sakum mukmini þat huariaR ualraubaR uaRin tuaR þaR suaþ tualf sinum uaRin numnaR t ualraubu baþaR somon o umisum monum ' þat
    "Je dis la lége
    nde de deux butins de guerre, qui douze fois ont été butins de guerre, tous les deux de différent hommes", ou "Je raconte aux jeunes hommes l’histoire de deux butins de guerre, douze fois pris comme butin, pris tous deux par divers hommes."

    sakum onart huaR fur niu altum on urþi fiaru miR hraiþkutum auk tu miR on ub sakaR
    "Je dis cet
    te deuxième (légende), sur celui qui perdit la vie il y a neuf générations chez les Hreidgoths (ostrogoths); et mourut avec eux par sa culpabilité." ou "Je dis ceci au second (en second), qui il y a neuf générations perdit la vie par les Hreidgoths ; et mourut avec eux pour sa culpabilité."

    Horizontales (puis côté droit) : strophe sur ce héros qui serait roi des Ostrogoths, Théodoric le grand.
    raiþ þiaurikR hin þurmuþi stiliR flutna strontu hraiþmaraR sitiR nu karuR o kuta sinum skialti ub fatlaþR skati marika
    "Régnait Théodoric le hardi chef des guerriers sur le rivage de la mer de Hreid. Il est assis maintenant en arme sur son palefroi son bouclier accroché (dans le dos), le chef des Mæ
    ringa.", ou "Þjoðrikr le Courageux / Chef des guerriers de la mer, / Régna sur les côtes de l'Océan Hreið. / Maintenant il est assis armé / Sur son (cheval) goth(ique), / Son bouclier attaché, / Le prince des Mærings."


    Derrière :
    Futhark suèdo-norvégien à 16 runes dites raccourcies :
    Horizontales puis verticales : Légende (inconnue) sur 20 rois de la mer en conflit pour l'île de Sjælland.

    þat sakum tualfta huar histR si kunaR itu uituoki on kunukaR tuaiR tikiR suaþ o likia ' þat sakum þritaunta huariR tuaiR tikiR kunukaR satin t siulunti fiakura uintur at fiakurum nabnum burnR fiakurum bruþrum ' ualkaR fim ra=þulfs suniR hraiþulfaR fim rukulfs suniR hoislaR fim haruþs suniR kunmuntaR fim (b)irnaR suniR * nuk m--- (m)-- alu --(k)(i) ainhuaR -þ... ...þ ... ftiR fra
    "Je dis cette douzième où le cheval de Gunnr voit les fourrages du champ du bataille là où vingt rois reposent. Ceci je le dis en treizième que vingt rois régnèrent sur Sjælland pendant quatre hivers, de quatre noms, nés de quatre frères, cinq Valkis, fils de Hráðulfr, cinq Hreiðulfrs, fils de Rugulfr, cinq Haisl, fils de Horðr, cinq Gunnmundrs, fils de Bjorn. Maintenant m---- quelqu'un....." ou "
    Je dis ceci au douzième, où le cheval de Gunnr voit les fourrages du champ de bataille, là où vingt rois reposent. Ceci je le dis en tant que treizième, que vingt rois régnèrent sur Sjólund pendant quatre hivers, de quatre noms, nés de quatre frères : cinq Valkis, fils de Hráðulfr, cinq Hreiðulfrs, fils de Rugulfr, cinq Háisl, fils de Hôrðr, cinq Gunnmundrs/Kynmundrs, fils de Bjôrn. Maintenant je raconte le conte en entier. Quelqu'un ..."


    Futhark à 24 runes : puis Verticales : Légende sur un homme de la lignée d'Ingold qui fût racheté par le sacrifice d'une femme.
    sagwm mogmeni (þ)ad hOaR igOldga OaRi gOldin d gOonaR hOsli
    "Je dis la légende de celui de la lignée d'Ingold qui a été racheté par le sacrifice d'une femme" ou "Je raconte le conte populaire / au jeune homme, dont la lignée d’Ingold fut réparée par le sacrifice d'une épouse."


    Runes secrètes décalées :
    airfb frbnhn finb an tfąnh nu devient sakum mukmini uaim si burin niþ troki uilin is þat knuo knat niatun uilin is þat
    "Je dis la légende de celui dont je suis né de la descendance d'un homme. C’est Vélinn qui pouvait écraser un géant. C’est Vélinn
    " ou "Je raconte le conte populaire / au jeune homme, à qui est né un parent, un homme vaillant. C’est Vélinn. Il pouvait écraser un géant. C’est Vélinn..."


    Côté gauche :
    Runes secrètes à branches (Isaz ou Ihwaz) :
    sakum mukmini þur
    "Je dis la légende de Thor" ou "Je raconte la légende de Thor au jeune homme" (suite du paragraphe précédent, Vélinn ?)


    Dessus :
    Runes secrètes à branches en croix :
    sibi uiauari ul niruþR.
    "Sibbi, le gardien du sanctuaire, engendra à 90 ans" ou "Sibbi de Vé, nonagénaire, engendra."

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    Les Pierres commémoratives d'expéditions

     

    Elles sont généralement érigées à la mémoire de ceux qui ne sont pas revenus, et non à la gloire de ceux qui sont revenus, qu'ils soient partis vers l'ouest ou vers l'est.

     

    Södermanland 164

    Cette pierre runique se trouve à Spanga et comporte des runes à longues branches et des runes raccourcies. L'illustration est un navire dont le mât est une croix stylisée. Le texte également est en relation avec la navigation.

     

    Futhark, Runes et Magie

     

    Translittération et transcriptionkuþbirn : uti : þaiR r(a)isþu : stan þansi : at : kuþmar : f(a)þur : sin : stuþ : triki:l(a) : i * stafn skibi : likR uistarla uf huln sar tu : Guðbiorn, Oddi, þæiR ræisþu stæin þannsi at Guðmar, faður sinn. Stoð drængila i stafn skipi, liggR vestarla of hulinn(?), saR do.

    Traduction : "Guðbjôrn et Oddi, ont érigé cette pierre en mémoire de Guðmarr, leur père. Celui qui est mort était un vaillant membre d'équipage d'un navire ; il est inhumé dans l'ouest."

    Elle est rédigée en vers allitératifs. Elle est attribuée à un nommé Traen, maître des runes de la région. 

     

    Pierre Runique de Tibble (Uppland 611)

    Cette pierre se trouve à Tibble. Elle a été érigée en mémoire d'un homme mort dans la troupe d'un chef viking nommé Freygeirr.

     

    Futhark, Runes et Magie

     

    Translittération et transcription biurn : auk : stnfriþ : litu : arisa s--n : afti : kisila : han : uti : fial : i liþi : frekis*: Biorn ok Stæinfrið letu ræisa s[tæi]n æftiR Gisla. Hann uti fioll i liði FrøygæiRs(?).

    Traduction : Bjôrn et Steinfríðr ont érigé la pierre en mémoire de Gísli. Il tomba à l'étranger, dans la suite de Freygeirr. 

     

    Pierre gravée de runes de Norby (Uppland  898). 

    Il ne s'agit pas d'une pierre runique à proprement parler, mais d'une inscription dans une forme de serpent sur un rocher plat à Norby. Elle a été gravée en mémoire de trois hommes dont un est mort dans l'est. Le texte est signé.

     

    Futhark, Runes et Magie

     

    Translittération et transcription : ali ' uk ' iufurfast * litu ' gera ' merki ' iftiR iarl faþur sin ' uk ' at ' kisl ' uk ' at ' ikimunt han ' uaR ' trebin ' hustr ' sun ' iarls ybiR risti : Ali ok Iofurfast letu gæra mærki æftiR Iarl, faður sinn, ok at Gisl ok at Ingimund. Hann vaR drepinn austr, sunn Iarls. ØpiR risti. 

    Traduction : "Ali et Jofurfast ont fait faire cette borne en mémoire de Jarl, leur père, et en mémoire de Gisli et en mémoire d'Ingimundr. Lui, fils de Jarl, est mort dans l'est. Gravé par Öpir."

     

    Södermanland 65

    Cette pierre runique incomplète, élevée à la mémoire d'un homme mort à l'étranger, spécifie le lieu de son décès : le pays des Lombards. Elle est rédigée en ce que Snorri dénommait le hinn skammi hattr (le vers bref) dans le Hattatal.

     

    Futhark, Runes et Magie

     

    Translittération et transcription : [inka : raisti : stain : þansi : at : ulai](f) : sin : [a...k] : han : austarla : arþi : barþi : auk : o : lakbarþilanti : [anlaþis +] : Inga ræisti stæin þannsi at Olæif sinn ... Hann austarla arði barði ok a Langbarðalandi andaðis.

    L'expression arði barði signifie : "labourer avec sa proue" (de son navire). C'est une expression classique en poésie scaldique pour exprimer un voyage en bateau au long cours. De même, andaðis, "rencontrer sa fin" pour mourir, était très fréquemment employée, tant en prose qu'en versification.

    Traduction : Inge a fait élever cette pierre en mémoire d'Oleif, son.... Il est parti labourer avec sa proue dans l'est, et a rencontré son destin dans le pays des lombards.

     

    On ne saura jamais qui était Oleif pour Inge, mais on peut supposer qu'il s'agissait de son mari, les filles faisant rarement ériger des pierres pour leur père, tâche dévolue plutôt aux épouses et aux fils.

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    Les Pierres Votives

    Elles signent le plus souvent la conversion au christianisme, et sont donc généralement tardives, et parfois expatriées.

     

    Pierre de Frösö

    Elle est datée des années 1030-1050, est la plus septentrionale des pierres runiques, et la seule connue du Jamtaland (aujourd'hui Jamtland, district de l'ouest de la Suède).

    Elle présente à la fois un Ouroboros bien caractéristique : le serpent du monde qui se mord la queue, et une croix chrétienne.

     

    Futhark, Runes et Magie

     

    Transcription et translittération normalisée : austmoþr kuþfastaR sun lit rai...rais... .....-n þino auk kirua bru þisa auk hon lit kristno eotalont .. osbiurn kirþi bru triun raist auk tsain runoR þisaR: : Austmaðr, Guðfastar sun, lét raisa stainn þenna, auk gerva brú þessa, auk hann lét kristna Jamtaland. Ásbjörn gerði brú. Trjónn raist, auk Stainn, rúnar þessar.

    Traduction : Austmadr, fils de Gudfast, a fait ériger ce pont (cette pierre) et a christianisé le Jämtland. Asbjorn a taillé la pierre. Trjonn et Steinn ont gravé ces runes.  

     

    Pierre Runique de Risbyle (Uppland 160).

    Cette pierre a été élevée à proximité de Risbyle pour Ulf de Skolhamar par ses enfants Ulfketill, Gyi et Unni. On pense que le graveur des runes était Ulf de Baristadir, un maître des runes célèbre de la région.

     

    Futhark, Runes et Magie

     

    Transcription et translittération : ulfkitil * uk * kui uk + uni + þiR × litu * rhisa × stin þina * iftiR * ulf * faþur * sin * kuþan on * buki * i skul(o)bri * kuþ * ilbi * ons * at * uk * salu * uk * kusþ muþiR * li anum lus * uk baratis : Ulfkætill ok Gyi ok Uni þæiR letu ræisa stæin þenna æftiR Ulf, faður sinn goðan. Hann byggi i Skulhambri. Guð hialpi hans and ok salu ok Guðs moðiR, le hanum lius ok paradis.

    Traduction : "Ulfketill et Gyi et Unni, ils ont élevé cette pierre à la mémoire de Ulf, leur bon père. Il vivait à Skolhamar. Puisse Dieu et la Mère de Dieu aider son esprit et son âme ; puissent-ils lui octroyer la lumière et le paradis."

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    Les Pierres Personnelles.

     

    Elles ont été élevées de leur vivant par des hommes désireux d'exposer leurs hauts-faits, la vantardise n'étant pas considérée comme un défaut dans cette société.

     

    Le pont de Jarlabanke.

    L'ensemble des pierres runiques de Jarlabanke est un exemple typique et démultiplié d'auto-louange. Le pont, érigé au XIème siècle à Taby, en Suède, comprend vingt pierres dont certaines écrites en norrois en nouveau futhark. Elles ont été élevées de son vivant par un hersir (chef de cent hommes, nommé par le roi) appelé Jarlabank Ingefastson, chrétien, propriétaire de la localité, bâtisseur de ponts et de routes, descendant d'une famille prospère (noms des membres de quatre générations sur les pierres) et organisateur de Thing. Un homme puissant, donc, et fier de l'être.

     

    Futhark, Runes et Magie

    Le pont de Jarlabanke

     

    Uppland 164

    Cette pierre a été érigée par Jarlabanke de son vivant à sa propre gloire et à sa mémoire. C'est la pierre en bas à droite de la photo ci-dessus.

     

    Futhark, Runes et Magie

     

    Transcription et translittération : × iarlabaki × lit × raisa × stain × þisa × at sik × kuikuan ×× auk bru × þisa × karþi × fur ont × sina × auk ain ati × alan × tabu × kuþ hialbi ont hans : Iarlabanki let ræisa stæina þessa at sik kvikvan, ok bro þessa gærði fyr and sina, ok æinn atti allan Tæby. Guð hialpi and hans.

     Traduction : Jarlabanke a fait élever ces pierres à sa propre mémoire durant sa vie, et a fait bâtir ce pont pour son esprit, lui qui possédait seul tout Tábýr. Puisse Dieu aider son esprit.

     

    Pierre runique d'Örby (U1011)

    Cette pierre gravée au XIème siècle, a été trouvée à Örby (Rasbo, Suède).

     

    Futhark, Runes et Magie

     

    Transcription : Vígmundr lét hôggva stein at sik sjalfan, slœgjastr manna. Gudh hjalpi sál Vígmundar stýrimanns. Vígmundr ok Áfrídhr hjoggu merki at kvikvan sik.

    Traduction : "Vigmund a fait graver cette pierre en mémoire de lui-même, le plus habile des hommes. Puisse Dieu aider l'esprit de Vigmund le Capitaine. Vigmund et Afridh ont fait graver cette borne en mémoire d'eux-mêmes de leur vivant."

    Vigmund le Capitaine était un homme content de lui-même...

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    Les Pierres Magiques 

     

    Elles sont plutôt rares.

     

    La pierre runique d'Elgesem (Vestfold, Norvège).

    Cette pierre a été trouvée dans un tumulus funéraire. Elle est datée du début du Vèmesiècle. Elle est particulière en ce sens qu'elle ne porte pas de nom, seulement la formule magique rituelle ALU, à lire de droite à gauche et de haut en bas (voir l'article sur les bractéates). Elle était probablement destinée à protéger l'hôte du tumulus, et peut être assimilée soit à une pierre magique, soit à une pierre funéraire..

     

    Futhark, Runes et Magie

     

    La pierre runique de Björketorp

    Cette pierre très étrange, datée de la 2ème moitié du VIIème siècle, présente deux panneaux portant les inscriptions en runes mixtes (elder et younger futhark).

     

    Futhark, Runes et Magie

     

    Transcription :

    (côté nord-ouest) A : uþarabasba

    (côte sud) B1 : haidRruno ronu

    B2 : falahak haidera g

    B3 : inarunaR arageu

    B4 : haeramalausR

    B5 : uti aR weladaude

    B6 : saR þat barutR

    Traduction : la plus communément admise est la suivante :

    A : Prophétie de malheur

    B1 : La rangée des runes brillantes

    B2 : J’ai préservée ici,

    (le ‘g’ final de B2 est associé au début de B3 pour produire le mot ‘gina’ = porteur de magie)

    B3 : Runes porteuses de magie. Par l’ergi

    B4 : Sans repos

    B5: A l’étranger, une mort malicieuse

    B6: A qui ceci détruit (ce monument).

    Ce qui peut donner selon les runologistes classiques : "Par la rangée des runes brillantes apportant une malédiction, je préserve ici les runes porteuses de magie. Par l'ergi sans repos l'étranger qui détruira ceci subira une mort malicieuse."

    Cette pierre promet donc malédiction et mort à celui qui détruira ce monument, les deux en devenant "ergi". L'ergi, arageu, correspond au comportement de l'élément "passif" dans un couple lors de l'acte sexuel, et était considéré comme une grande honte dans la civilisation nordique lorsqu'il était présenté par un homme. Mais cet avis nous est donné dans la rédaction des sagas et documents par des auteurs bien plus tardifs et déjà christianisés. D'un autre côté, ce comportement était également une conséquence de la pratique de la magie, notamment du Seidr. C'est même la raison pour laquelle cette pratique magique du Seidr était réservée aux femmes, car il était honteux pour un homme d'être ainsi privé de sa virilité :

     - voir la Lokasenna : "Loki à Odin : - Tu as pratiqué, à ce qu'on dit, la magie noire à Samsey, et tu as frappé aux portes comme les völva sous la figure d'un sorcier, tu volas par-dessus le peuple-des-hommes, et cela est, ce me semble, le propre d'un efféminé",

     - ou l'Ynglinga Saga : "Mais l'usage de cette sorcellerie était suivi d'une telle faiblesse et d'une telle détresse qu'il n'a pas été jugé convenable pour les hommes de la pratiquer. Ce furent donc les prêtresses qui furent instruites dans cet art."

    On peut donc placer la ponctuation différemment, ce qui change le sens de la phrase : "Par la rangée des runes brillantes apportant une malédiction, je préserve ici les runes porteuses de magie grâce à l'ergi. Sans repos l'étranger qui détruira ceci subira une mort malicieuse." Dans ce cas, celui qui a inscrit les runes prévient qu'étant ergi, il pratique lui-même le seidr à la perfection puisqu'il dispose de la puissance/faiblesse féminine nécessaire pour que sa magie soit efficace. Il se vante de son pouvoir avec un argument d'autant plus imparable que c'est le seul cas où l'ergi était considéré comme en connexion avec une quelconque puissance. Sinon, nul n'aurait eu l'idée de s'en prévaloir.

    La phrase n'étant pas ponctuée sur la pierre, elle peut cependant avoir les deux sens, ce qui serait bien dans le style ambivalent des lettrés de l'époque.

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    Les Graffitis

     

    Comme beaucoup, et peut-être encore plus que les autres à cause de l'importance de la réputation (gloire, célébrité...) dans leur culture, les vikings ont tenu à laisser leur marque où ils passaient. 

     

    Le Lion du Pirée ou Lion de l'Arsenal.

    Cette statue représentant un lion assis gueule fermée fait partie d'un groupe de quatre fauves sculptés au deuxième siècle en Grèce dans des blocs de marbre athénien, et autrefois placés à l'entrée du port du Pirée. Il se trouve à présent à l'entrée de l'arsenal de Venise, où il a été emporté par Francesco Morosini (doge de Venise) en 1687. C'est aussi ce bienfaiteur de l'histoire de l'art qui a fait sauter le Parthénon au mortier pour le reprendre aux Turcs, qui y avaient stocké leurs réserves de poudre...

    Ce lion porte des inscriptions runiques, identifiées comme telles en 1800 par le Suédois Akerblad.

     

    Futhark, Runes et Magie

    Futhark, Runes et Magie

     

    Cette inscription, longtemps restée mystérieuse, a été réalisée en 1040 par des mercenaires d'origine scandinave qui travaillaient pour l'empereur de Byzance, Michel IV le Paphlagonien, et avaient été envoyés à Athènes réprimer une révolte des athéniens contre une levée d'impôts. Ces guerriers varangiens, de la garde impériale, ont donc voulu laisser une trace de leur passage et de leurs exploits sur les lieux, en faisant des graffitis sur cette statue.

    Tous les caractères n'étaient pas bien lisibles, et certains mots ont dû être extrapolés en fonction du nombre de caractères pouvant être gravés à l'emplacement effacé, ou à partir de ce qui semblait être écrit. A cette réserve près, les textes ont pu être transcrits ainsi, puis traduits pour la première fois en 1856 par C.C. Rafn, un danois qui a compris que ces runes formaient un texte dans une antique langue des pays du nord, encore parlée à l'époque dans des coins reculés d'Islande.

     

    Futhark, Runes et Magie

    Dessins de l'ouvrage de C.C. Rafn, "Inscription Runique du Pirée."

     

    Il en a donc fourni une transcription et une traduction (en gras, ce qui est vraiment lisible, en maigre, ce qu'on devine/extrapole en regardant la pierre en lumière rasante) : 

    Côté gauche : Hakun : van : Þir : ulfr : auk : asmudr : auk : aurn : hafn : Þesa : Þir : men : lagÞu : a : u: haradr : hafi : ufiabuta : uprarstar : vegna : grikiaÞiÞs : varÞ : dalk: nauÞugr : i : fiari : laÞum : egil : var : i : faru : miÞ : ragnarr : til : rumaniu …... auk : armeniu.

    "Hakon avec Ulf et Asmund et Orn, a conquis ce port. Ces hommes et Harald le Grand ont imposé une amende considérable à cause de l'insurrection du peuple grec (ont reçu de fortes sommes à cause de la révolte du peuple grec). Dalk est resté captif dans des contrées éloignées. Egil est parti en campagne avec Ragnar en Roumanie …. et Arménie."

     

    Côté droit asmudr : hju : runar : Þisar : iskir : auk : Þurlifr : ÞurÞr : auk : ivar : at : bon : harads : hafa : Þuat : grikiar : uf : hugsaÞu : auk : banaÞu :

    "Asmund grava ces runes avec Asgeir et Thorleif, Thord et Ivar, à la demande d'Harald le Grand (à la haute stature), bien que les grecs considérant la chose l'aient interdite (bien que les grecs s'y opposèrent)."

    Certains ont voulu voir dans le chef de cette équipe Harald Hardradi Sigurdarson (futur Harald III de Norvège, dit "le Dernier des Vikings"). Cette année-là, il était en Méditerranée, normalement en Sicile ou en Afrique du Nord, aux imprécisions de dates près... Il n'était cependant toujours pas remonté en Norvège, et il ne semble pas impossible qu'il ait été chargé de cette mission.

     

    Mais d'autres auteurs ont ultérieurement donné d'autres transcriptions et d'autres traductions, comme Erik Brate en 1914:  

    hiuku þir hilfninks milum hna en i hafn þesi þir min eoku runar at haursa bunta kuþan a uah riþu suiar þita linu fur raþum kul uan farin

    tri(n)kiar ristu runar 

    [a rikan strin]k hiuku þair isk[il-] [þu]rlifr

    litu auka ui[i þir a] roþrslanti b[yku] - a sun iuk runar þisar. ufr uk - li st[intu] a[t haursa] kul] uan farn.

    Ce qui donne

    "Ils ont tranché ses forces par le milieu. Mais dans le port, les hommes ont gravé des runes près de la mer en mémoire de Horsi, un bon guerrier.

    Les Suédois ont inscrit ceci sur le lion (note : les varangiens étaient le plus souvent suédois, les norvégiens partant plutôt vers l'ouest)

    Il a continué son chemin avec un bon conseil, il a gagné de l'or dans ses voyages.

    Les guerriers ont gravé les runes, ils les ont taillées sur un manuscrit ornemental.

    Askel (et d'autres) et Thorleif les ont bien gravées, eux qui vivaient à Rosklagen. (Inconnu) les a coloré en mémoire de Horsi. Il a gagné de l'or dans ses voyages."

    Cette version est certainement plus détachée de la connaissance des événements historiques et moins influencée par elle. Mais il y a fort à parier que, l'érosion aidant, le sens réel de cette inscription ne demeure à jamais une énigme.

     

    Les Graffitis d'Hagia Sophia.

    La grande église de Constantinople, ville d'attache de la tagma des varègues, la garde varangienne des Empereurs grecs, porte au moins deux graffitis dont la nature runique d'origine scandinave est avérée, et cinq autres qui sont encore à l'étude.

    Le plus célèbre est le nom d'Halfdan : -ALFTAN, gravé dans le courant du XIème dans la balustrade de marbre de la galerie sud (celle des impératrices) de la grande église. Le reste de l'inscription est difficilement déchiffrable, mais on peut imaginer quelque chose dans le genre : "Halfdan a gravé ces runes". Parce qu'il s'ennuyait à l'office avec ces dames ?

     

    Futhark, Runes et Magie

     

    La seconde se trouve dans une niche de la même galerie, et porte les lettres : ari:k. Cette gravure a l'air inachevée, et Ari (Arni) voulait peut-être écrire : Ari a gravé ces runes.

     

    Futhark, Runes et Magie

     

    Il existe bien trop d'autres pierres, préparées à dessein, ou impromptues, qui ont servi de support à la gravure de runes, pour qu'elles soient toutes citées ici.

     

    .Futhark                                                                                                                               Futhark


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  • ynglinga saga

    Sons of Odin. Manowar.

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    Heimskringla : l'Orbe du Monde

      

    6- des exploits d'Odin

    Lorsqu'Odin d'Asaland vint dans le nord, et les Diar avec lui, ils introduisirent et enseignèrent aux autres les arts que leur peuple pratiquait depuis longtemps. Odin était le plus habile de tous, et tous les autres apprirent de lui leur technique et leur savoir-faire. Et il fut le premier à les connaître, et en savait beaucoup plus que tout autre.

    A présent, pour expliquer pourquoi il était tenu en si haute estime, nous devons énoncer les raisons qui ont contribué à ce respect.

    Lorsqu'il était assis au milieu de ses amis, son visage était si beau et si digne que les esprits de tous en étaient exaltés, mais à la guerre, il apparaissait terrifiant à ses ennemis. Ceci venait de la capacité de son corps à changer de forme et d'apparence au gré de sa volonté. Une autre raison en était qu'il conversait si habilement et avec une telle fluidité que tous ceux qui l'écoutaient ajoutaient foi à ses paroles. Il disait tout en ces vers, composés dans l'instant, que nous nommons art des scaldes. Lui et ses prêtres étaient nommés forgerons de chansons, car d'eux provenait cet art poétique introduit dans les régions nordiques.
    Odin pouvait aveugler ses ennemis dans la bataille, ou les rendre sourds, ou frappés de terreur, et leurs armes si émoussées qu'elles ne mordaient pas plus qu'une tige de saule. Par ailleurs, ses hommes se ruaient à l'assaut sans armure, comme des loups ou des chiens fous, mordaient leur bouclier, et étaient forts comme des ours ou des taureaux sauvages, et fauchaient les hommes en tempête, mais ni le feu ni le fer n'avait prise sur eux. On les nommait berserkers.

     

    ynglinga saga, berserker

    Berserker d'Odin.

     

    7- des capacités d'Odin.

    Odin pouvait changer de forme : son corps pouvait gésir tel un mort, ou un homme endormi. Mais tout aussi bien, il se transformait en poisson, ou en ver, en oiseau, en fauve, et pouvait en un clin d'œil gagner des contrées lointaines pour son peuple ou ses propres affaires.

     

    ynglinga saga, odin

    Odin transformé en faucon.

     

    De ses seules paroles, il pouvait éteindre le feu, calmer les tempêtes marines, et faire tourner le vent à son gré. Odin possédait un navire nommé Skidbladnir, avec lequel il naviguait sur les vastes mers, et qu'il pouvait plier tel un mouchoir. Il transportait avec lui la tête de Mime, qui lui donnait toutes les nouvelles des autres pays. Quelquefois même, il rappelait les morts de la terre, ou se plaçait à côté des tumulus funéraires. Il était alors nommé Souverain des Fantômes, et Seigneur des Tombeaux. Il avait deux corbeaux, à qui il avait enseigné le langage des hommes. Ils volaient loin et partout à travers le pays, et lui rapportaient les nouvelles.

    En toutes choses, il était éminemment savant. Il enseigna tous ses arts par les runes, et les chants qui sont nommés incantations, et de ce fait, les gens d'Asaland était appelés forgerons d'incantations. Odin comprenait en outre l'art dans lequel se trouve le plus grand des pouvoirs, et le pratiquait lui-même, celui qui est appelé magie. Par ce moyen, il pouvait connaître par avance le destin déjà tracé des hommes, ou ce qui était inachevé dans leur sort. Ou encore donner la mort, la malchance, ou une mauvaise santé aux gens, ou prendre la force ou le savoir d'une personne et le donner à une autre. Mais l'usage de cette sorcellerie était suivi d'une telle faiblesse et d'une telle détresse qu'il n'a pas été jugé convenable pour les hommes de la pratiquer. Ce furent donc les prêtresses qui furent instruites dans cet art.

    Enfin, Odin savait où étaient cachés sous terre tous les troupeaux disparus, et comprenait le langage par lequel la terre, les collines, les pierres et les montagnes s'adressaient à lui. Et il lia ceux qui y vivaient par la puissance de son verbe, s'y rendit et y prit ce qui lui plaisait. Pour ces talents, il devint très célèbre. Ses ennemis le craignaient, ses amis plaçaient en lui leur confiance, et se reposaient sur sa puissance et sur lui. Il enseigna l'essentiel de son art à ses prêtres du sacrifice, et ils s'élevèrent presque à sa hauteur dans tous les savoirs et l'art de la magie. Nombre d'entre eux, cependant, s'occupèrent eux-mêmes beaucoup de ceci. Et de ce fait, la sorcellerie se répandit loin et un peu partout, et perdura longtemps. Le peuple sacrifiait à Odin et aux douze chefs d'Asaland, et les appelait ses dieux, et crut en eux longtemps par la suite.

    Du nom d'Odin vint le nom Audun, et de celui de Thor, celui de Thori, ainsi que Thorarinn. Et il est quelquefois composé avec d'autres noms, comme Steenthor, ou Havthor, ou encore modifié d'autres façons.

     

    ynglinga saga                                                                                                                         ynglinga saga 


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