• Edda de Snorri : Gylfaginning

    L'Edda de Snorri Sturluson, ou Nouvelle Edda, comprend trois parties : La Gylfaginning (entre autres traduit et excellemment annotée par F.X. Dillman dans "l'Edda, récits de mythologie nordique", nrf, l'aube des peuples, Gallimard), le Skaldskaparmal ou Dits sur la Poésie (traduit partiellement dans le même ouvrage), et le Hattatal, ou dénombrement des mètres, dont le commentaire a été rédigé en anglais notamment par Faulkes, mais dont le corps poétique ne peut être traduit sans que l'œuvre ne perde son sens, puisqu'il s'agit d'un traité de versification et de métrique de la poésie scaldique en vieux norrois.

    La Gylfaginning, généralement traduite par la "Mystification de Gylfi", est donc la première partie de l'Edda de Snorri Sturluson.

    Elle met en scène un roi légendaire, Gylfi, premier roi de Scandinavie, qui, en quête de connaissance se rend à Asgard de manière à poser directement ses questions aux dieux. Là, il rencontre les trois avatars du maître des lieux, qui cherchent à la fois à l'instruire et à l'impressionner.

    Sous forme d'un dialogue facile à lire, Snorri expose l'essentiel de la mythologie nordique, en se référant aux principaux textes d'enseignement dont il avait connaissance : la Voluspa, les Grimnismal, Havamal, Vafthrudnismal... L'Edda poétique.

     

    Edda de Snorri : Gylfaginning

     

  • Gylfaginning

    Dans ce texte, après avoir rappelé quelle est la vérité vraie au sujet de l'origine du monde - Snorri était chrétien, et ne tenait sans doute pas à avoir des difficultés avec les autorités religieuses de l'époque en exposant des données sur une autre mythologie -, l'auteur présente la manière dont il envisage la naissance du sentiment religieux, manière qui n'est pas sans trouver des échos chez Voltaire. Puis, de la même façon que dans l'Heimskringla, il fait venir les Ases, des hommes à l'origine, d'Asie Mineure, et en particulier, de la mythique Troie.

     

    Prologue de la Gylfaginning

     

    Au commencement, Dieu créa les cieux et la terre, et toutes choses qui s'y trouvent. Et, à la fin, deux êtres de l'espèce humaine, Adam et Eve, dont proviennent toutes les races. Et leurs descendants se reproduisirent entre eux et se dispersèrent par toute la terre. Mais le temps passa et les races humaines devinrent dissemblables dans leur nature. Certaines furent bonnes et furent fidèles à la loi, mais bien plus se retournèrent vers les convoitises du monde et méprisèrent les commandements de Dieu. Alors Dieu noya le monde dans un débordement des mers, et toutes les créatures vivantes, à part celles réfugiées dans l'arche avec Noé. Après l'inondation de Noé, il resta huit humains vivants. Et les races en descendent. Et tout redevint comme avant : lorsque la terre fut peuplée d'hommes et habitée par des multitudes, toutes ces multitudes humaines commencèrent à priser la cupidité, la richesse et les honneurs du monde, mais négligèrent le nom de Dieu.Et il arriva de la sorte un temps si mauvais qu'elles ne prononcèrent même plus le nom de Dieu. Et qui alors put encore enseigner à ses fils les merveilles de la puissance de Dieu ? Ils perdirent jusqu'au nom de Dieu, et par le vaste monde, on ne put plus trouver homme capable de discerner la trace de son créateur. Mais pour autant, Dieu ne cessa pas de leur dispenser les dons de la terre : la richesse et la joie, pour leur plaisir dans le monde. Il fit s'accroître aussi leur savoir, de manière qu'ils connussent toutes choses terrestres, et le déroulement de ce qu'ils observaient dans le ciel et sur la terre.

    Une des choses sur lesquelles ils s'interrogeaient et méditaient était la suivante : que pouvait bien signifier que la terre et les bêtes et les oiseaux fussent de même nature par certains côtés, et cependant si différents dans leur manière de vivre ? Ils partageaient ceci : comme la terre est fendue en hautes cimes, d'où jaillissent les sources, il n'est pas nécessaire d'y creuser bien profond pour y trouver de l'eau, pas plus qu'au fond des plus profondes vallées. Il en va de même chez les bêtes et les oiseaux : le sang est à la même distance dans la tête et dans les pattes. Une autre qualité de la terre est que chaque année croissent herbes et fleurs, et que dans la même année, toute croissance cesse et fane. De même chez les bêtes et les oiseaux : les poils et les plumes poussent et tombent chaque année. La troisième qualité de la terre est que lorsqu'elle est ouverte et retournée, l'herbe pousse aussitôt sur les parties les plus élevées du sol. Rochers et pierres furent comparés aux dents et aux os des êtres vivants. Ainsi les hommes reconnurent que la terre était vive, et vivait d'une certaine manière, à sa façon, et comprirent qu'elle était merveilleusement ancienne et puissante par nature. Elle nourrit tout ce qui vit et prend pour elle tout ce qui est mort. Ils lui donnèrent donc son nom, et firent remonter le nombre de générations en fonction d'elle. Ils apprirent, en outre, la même chose de leurs aînés, que bien des centaines d'années avaient été comptées alors que cette même terre existait déjà, et le même soleil, et les étoiles des cieux. Mais les trajectoires de ces dernières étaient inégales, certaines ayant des courses longues et d'autres plus brèves.

    D'observations semblables, l'idée se fit jour en eux qu'il devait exister quelque gouverneur des étoiles du ciel : quelqu'un ayant le pouvoir de diriger leur course à sa volonté, et qu'il devait être très fort et plein de puissance. Ils tinrent aussi pour vrai que s'il décidait de la route des corps célestes, il devait aussi gouverner l'éclat du soleil, et l'humidité de l'air, et les fruits de la terre, qui poussent sur elle, et de la même façon les vents aériens et les tempêtes marines. Ils ne savaient pas encore où se trouvait son royaume, mais ils croyaient qu'il régissait toute chose sur la terre et dans le ciel, les grandes étoiles du ciel et les vents de la mer. C'est pourquoi, non seulement afin de pouvoir en parler de manière appropriée, mais également pour les fixer dans leur mémoire, ils donnèrent à toutes choses des noms tirés de leurs propres esprits. Leurs croyances changèrent à bien des égards, selon la manière dont les peuples se divisèrent et dont leurs langues se différencièrent. Mais ils distinguèrent toutes choses avec une sagesse terrestre, car la compréhension de l'esprit ne leur fut pas accessible. Ils percevaient cependant que toutes ces choses étaient façonnées de quelque essence.

     

    II

    Le monde était partagé en trois régions : dans le sud, s'étendant vers l'ouest et longeant la Méditerranée, cette partie se nomme l'Afrique. Ses zones méridionales sont chaudes, de sorte qu'elles sont desséchées par le soleil. La deuxième région, de l'ouest au nord et bordant l'océan, s'appelle Europe ou Enée. Sa partie boréale est si froide que nulle herbe n'y pousse et que personne n'y habite. Enfin, du nord au sud dans la direction de l'est, se trouve l'Asie. Cette région du monde est toute de beauté et de fierté, et les fruits de la terre y croissent, or et joyaux. Là se trouve également le centre de la terre. Et de même que la terre y est plus charmante et meilleure en tout que dans d'autres lieux, les fils des hommes y furent les plus favorisés par des dons bénéfiques : sagesse, force du corps, beauté, et toutes sortes de savoirs.

     

    III

    Près du centre de la terre avaient été érigées les meilleurs des maisons et des séjours qui furent jamais, en un endroit nommé Troie, le même que nous appelons Turquie. Cette demeure avait été bien plus glorieusement construite que les autres, et façonnée avec plus de talent et d'art, de bien des manières, tant dans le luxe et dans la richesse, qui s'y répandaient à profusion. Là se trouvaient douze royaumes et un Haut Roi, et de nombreuses souverainetés dépendaient de chaque royaume. Dans les places fortes résidaient douze princes. Ces princes étaient humainement bien supérieurs à tout autre homme ayant déjà vécu dans le monde. L'un parmi eux se nommait Munon ou Mennon, et épousa la fille du Haut Roi Priam, celle qui s'appelait Troan. Ils eurent un fils nommé Tror, que nous nommons Thor. Il fut élevé en Thrace par un duc de guerre, Lorikus. Mais lorsqu'il eut dix hivers, il prit pour lui les armes de son père. Il était aussi beau à voir, lorsqu'il vint parmi les hommes, que l'ivoire incrusté dans le chêne. Ses cheveux étaient plus dorés que l'or. A douze hivers, il avait acquis sa juste mesure de force : il pouvait soulever de terre dix peaux d'ours en même temps. Il tua alors son père adoptif, le duc Lorikus, et avec lui sa femme Lora, ou Glora, et s'appropria de ses propres mains le royaume de Thrace, que nous nommons Thrudheim. Puis il voyagea en long et en large dans toutes les régions de la terre, victorieux à lui seul de tous les berserkers et géants, et d'un dragon, le plus grands de tous les dragons, et de nombreuses bêtes sauvages. Dans le nord de son royaume, il rencontra la prophétesse nommée Sibil, que nous  nommons Sif, et l'épousa. Il m'est impossible de parler de la lignée de Sif : elle était la plus belle des femmes, et ses cheveux semblables à l'or. Leur fils fut Loridi, qui ressembla à son père. Son fils fut Einridi, son fils Vingethor, son fils Vingener, puis se succédèrent Moda, Magi, Seskef, Bedvig, Athra (que nous nommons Annarr), Itermann, Heremod, Skjaldun (que nous appelons Skjöld), Bjalf (nommé Bjarr), Jat, Gudolfr, Finn, Friallaf (que nous nommons Fridleifr), et son fils celui qui s'appelle Voden, et que nous appelons Odin. Il fut un homme fort réputé pour sa sagesse et tous ses talents. Sa femme fut Frigida, que nous appelons Frigga.

     

    IV

    Odin possédait le don de seconde vue, ainsi que son épouse. Et de leur prescience, il sut que son nom serait exalté dans les régions nordiques du monde, et glorifié au-delà de celui de tout autre roi. Il se prépara donc pour un voyage hors de Turquie, et fut accompagné par une multitude de personnes, des jeunes et des anciens, des hommes et des femmes. Et ils emportaient avec eux quantités de biens de grande valeur. Et où qu'ils se rendissent par les autres pays de la terre, on parla d'eux en termes glorieux, et ils furent tenus plus pour des dieux que pour des hommes. Ils n'interrompirent pas leur voyage avant d'être parvenu en ces terres du nord qu'on appelle aujourd'hui Saxe. Odin y demeura longtemps, et prit tout le royaume sous sa coupe. Il y installa trois de ses fils comme régisseurs et gardiens. L'un était nommé Vegdeg. Il était un roi puissant et régnait sur la Saxe oriental. Il eut Vitgils pour fils, dont les fils furent Vitta, père d'Heingistr, et Sigarr, père de Svebdeg, que nous nommons Svipadgr. Le deuxième fils d'Odin était Beldeg, que nous appelons Baldr. Il fut souverain du pays que nous nommons aujourd'hui Westphalie. Son fils fut Brand, dont le fils fut Frjódigar (que nous appelons Frodi), puis vinrent Freovin, Uvigg, Gevis (nommé Gave). Le troisième fils d'Odin fut Sigi, père de Rerir. Ces ancêtres régnaient sur ce qu'on appelle maintenant la Franquie, et d'eux descend la maison connue aujourd'hui comme celle des Volsungs. De tous vinrent de nombreuses et fameuses familles. 

    Alors Odin reprit sa route vers le nord, et arriva dans le pays alors nommé Reidgothland. Il y prit possession de tout ce qui lui plaisait. Il y installa pour roi son fils Skjöldr, dont le fils fut Fridleifr, et dont descend la maison des Skjöldungs : ce sont les rois de Danemark. Et le pays qui s'appelait alors Reidgothland est maintenant nommé Jutland.

     

    V

    Il poursuivit au nord, dans le pays de Suède. Le roi en était Gylfi. Lorsque ce roi apprit la venue de ces hommes d'Asie, nommés Æsir, il alla à leur rencontre, et offrit à Odin d'avoir en son royaume le même pouvoir que le sien. Et un tel bien-être suivait toujours ses traces que quelles que fussent les terres qu'il habitasse, on y trouvait bonne saison et paix. Et tous crurent que les Æsir étaient à l'origine de ces bienfaits, car les seigneurs du pays se rendaient bien compte qu'ils étaient différents des autres hommes, à la fois par la beauté et par la sagesse.

     Les champs et les bonnes terres en ce pays semblèrent agréables à Odin, et il choisit pour lui-même l'endroit aujourd'hui connu sous le nom de Sigtuna. Il y établit des chefs à la manière qui prévalait dans Troie. Il instaura douze chefs pour être les juges du peuple et pour évaluer les lois du pays.Et il ordonna aussi toutes les lois ainsi qu'elles avaient été auparavant, à Troie, d'après les coutumes des turcs. Après quoi il se rendit dans le nord, jusqu'à ce qu'il soit arrêté par la mer, dont les hommes pensaient qu'elle faisait tout le tour des terres du monde. Là, il fit son fils roi de ces territoires, qu'on nomme aujourd'hui Norvège. Ce roi fut Saeming, auquel les rois de Norvège font remonter leur lignage, de même que les jarls et autres hommes puissants, ainsi qu'il est dit dans le Háleygjatal. Odin avait aussi avec lui l'un de ses fils, Yngvi, qui fut roi de Suède après lui, et la famille qui en est issue est nommée celle des Ynglings. Les Æsir prirent femme dans le pays, ainsi que certains de leurs fils. Et leur descendance fut si nombreuse qu'en Saxe et dans les régions du nord, ils se répandirent si bien que leur langue, la même que celle des peuples d'Asie, devint la langue native de ces terres. C'est pourquoi les hommes pensent qu'ils peuvent percevoir, d'après les noms de leurs ancêtres qui ont été écrits, que ces noms appartenaient à cette langue, et que les Æsir l'avaient amenées dans les pays du nord, en Norvège et en Suède, au Danemark et en Saxe. Mais en Angleterre, on trouve d'anciennes listes de noms de pays et de lieux qui pourraient montrer que ces noms proviennent d'une autre langue que celle-ci.

     

    Prologue de l'Edda de Snorri

    Le lac Mälar à Sigtuna 

     

    Gylfaginning                                                                                                                                                Gylfaginning

     


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  • Gylfaginning

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    Gylfaginning

    Snorri Sturluson

    Traduction de la version anglaise de Arthur Gilchrist Brodeur (1916)

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    The beginning (album Ragnarok). Tyr. 

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    I- Le roi Gylfi régnait sur le pays que les hommes nomment à présent Suède. On dit de lui qu'il octroya à une vagabonde, en récompense du divertissement1 qu'elle lui avait procuré, une terre arable en son royaume, à concurrence de la superficie que quatre bœufs pourrait labourer en un jour et une nuit. Mais cette femme était de la race des Ases. Elle s'appelait Gefion. Elle ramena du nord, de Jotunheim, quatre bœufs qui étaient la progéniture d'un géant et d'elle-même, et les attela à sa charrue. Et le soc fendit la terre si largement et si profondément qu'il la détacha, et les bœufs la tirèrent dans la mer, vers l'ouest, et s'arrêtèrent dans un détroit. Alors Gefion prit possession de cette terre, et la nomma Zealand. Et depuis ce temps, en Suède, l'endroit d'où fut arrachée cette terre est empli d'eau, et s'appelle le Lögr, et ses baies correspondent aux caps de Zealand. Ainsi en parla Bragi, l'ancien scalde :

    "Gefion loin de Gylfi emporta une terre

    Ancestrale à adjoindre au royaume des Danes,

    Heureuse Gefion, labourant dans la buée

    S'évaporant de son attelage de bœufs.

    Sur leurs quatre têtes, huit étoiles à leurs fronts,

    Brillaient lumineuses, tant qu'elle les guidait,

    Ôtant de vastes terres au continent profond

    Pour les adjoindre à la douce prairie de l'île."

     

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    Gefion et Gylfi. L. Frolich

     

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     Gefion, Copenhague

     

    II- Le roi Gylfi était un homme savant, talentueux en magie. Il était fort étonné que le peuple des Ases fût si habile que toutes choses allassent selon sa volonté. Il se demandait si cette puissance procédait de sa nature même, ou si les puissances divines2 qu'il vénérait en étaient la cause. Aussi se mit-il en route vers Asgard, cheminant en cachette, et se dissimulant lui-même sous le déguisement d'un vieil homme. Mais les Ases étaient plus rusés en la matière, puisqu'ils possédaient le don de seconde vue. Et ils s'avisèrent de son voyage avant même qu'il ne fût arrivé, et préparèrent pour lui des illusions visuelles.

     

    Gylfaginning I

    Gylfi arrive en vue d'Asgard. F.W. Heine.

     

    Lorsqu'il entra dans la forteresse, il vit une halle si haute qu'il n'en put qu'à peine discerner le sommet : son toit était couvert de boucliers dorés tel un toit de bardeaux. Thiodolf de Hvin parla ainsi de la couverture de boucliers de la Valhöll :

    "Les sagaces guerriers de la mer

    Laissèrent scintiller sur leur dos

    Sous une vive grêle de pierres

    De la halle d'Odin les bardeaux.3"

     

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    Depuis le seuil de la Halle, Gylfi vit un homme jonglant avec des poignards, sept en l'air en même temps. Cet homme lui demanda son nom. Il se présenta comme Gangleri, et dit qu'il était venu par les chemins du serpent4, puis sollicita l'hospitalité pour la nuit et demanda : "- Qui possède cette Halle ?" L'autre répondit que c'était leur roi "- Et je vais te conduire à lui, et tu t'enquerras toi-même de son nom". L'homme fit volte-face devant lui, partit dans la halle, et il le suivit, tandis qu'aussitôt la porte se refermait d'elle-même sur ses gonds. Là, il vit une grande salle emplie de monde, certains jouant, d'autres buvant, et d'autres encore, armés, qui combattaient. Alors il regarda autour de lui, et trouva tant de choses suspectes dans ce qu'il vit qu'il dit :

    "Toutes les issues par où sortir

    Doivent être bien examinées

    On ne sait d'avance sur quels bancs

    Les ennemis se sont installés."5

     

    Il avisa trois hauts-sièges, disposés l'un au-dessus de l'autre, où trois hommes étaient assis, chacun sur un trône. Et il demanda le nom de ces seigneurs. Celui qui l'avait conduit ici lui répondit que le souverain assis sur le siège le plus bas était un roi nommé "Très-Haut", que le suivant s'appelait "Egal du Très-Haut", et celui qui était installé au sommet, "Troisième".

    Alors Très-Haut demanda au nouveau-venu si d'autres raisons que la nourriture et la boisson, à sa disposition comme à celle de tous les autres hôtes de la Halle de Très-Haut, leur valaient sa visite. Il répondit qu'il voulait d'abord savoir s'il y avait là quelqu'un de très savant. Très-Haut lui déclara alors qu'il ne sortirait pas sain et sauf de cet endroit à moins qu'il ne fût lui-même le plus savant.6

    "Et tiens-toi debout devant nous, toi qui questionnes,

    C'est celui qui raconte qui doit être assis."

     

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    Gylfi  debout devant Odin. G.H. Wright

     

    III- Gangleri entama alors ses questions ainsi : "- Qui est le plus éminent, ou le plus ancien, de tous les dieux ? "

    Très-Haut répondit : " - Il est en notre langue nommé Alfather (père de tout), mais dans l'ancien Asgard, il portait douze noms : l'un est Alfather. Le deuxième Herrjan (seigneur), le troisième Hnikar (maître de la lance), le quatrième Hnikud (fureur du combat), le cinquième Fjolnir (savant en toutes choses), le sixième Oski (celui qui exauce les souhaits), le septième Omi (celui qui parle), le huitième Biflindi (celui qui fait fuir les armées ?), le neuvième Svidarr (lance brûlée), le dixième Svidrir (celui qui apaise incendies et tempêtes)7, le onzième Vidrir (maître du temps) et le douzième Ialg (nom en relation avec la possession d'un cheval).

    Alors Gangleri demanda : "- Où est ce dieu, ou quelle puissance possède-t-il ? Et quels hauts-faits a-t-il accomplis ?"

    Très-Haut donna une réponse : "- Il vit de tout temps, et gouverne son royaume, et décide de toutes choses, grandes et petites." Egal du Très-Haut reprit : " - Il façonna les cieux, et la terre, et l'air, et tout ce qu'ils renferment. " Puis Troisième parla ainsi : " - Mais son acte le plus grand est celui-ci : il a créé l'homme et lui a insufflé l'esprit, qui vit et ne meurt jamais, même quand la chair pourrit et tourne en poussière, ou devient cendres en brûlant. Et tous les hommes, ceux qui sont justes dans leurs actes, vivront avec lui en ce lieu appelé Gimlé. Mais les hommes mauvais iront chez Hel, et descendront de là vers Niflhel, tout en bas dans le neuvième monde."

    Alors Gangleri s'enquit : "- Que fit-il avant que cieux et terre ne fussent créés ? " Et Très-Haut dit : " - Il était alors avec les Géants du Givre".

     

    IV- Gangleri dit : "- Que fut le commencement, ou que se passa-t-il au début, et qu'y avait-il auparavant ? "

    Troisième répondit : "- Ainsi qu'il est dit dans la Voluspa :

    "A l'origine des temps, quand le néant régnait,

    Il n'y avait rien, ni sable, ni mer, ni froides ondes ;

    N'existait point de terre, ni de ciel au-dessus,

    Seule l'immense abîme et d'herbe nulle part ".

     

    Egal du Très-Haut ajouta : " - Ce fut beaucoup de temps avant que la terre ne fut mise en forme que Niflheim fut créé. Et en son centre coule la source nommée Hvergelmir, qui donne naissance aux rivières nommées Svöl, Gunnthrá, Fjörm, Fimbulthul, Slídr et Hríd, Sylgr et Ylgr, Víd, Leiptr; Gjöll est toute proche des portes de Hel. "

    Et Troisième intervint : " - En premier fut cependant le monde le plus méridional, et qui s'appelle Muspell. Il est lumineux et brûlant, cette région n'est que brillance et flammes, et inaccessible aux étrangers et à ceux qui n'ont pas leurs domaines originels là-bas. Celui qui y siège, à la frontière de ce pays afin de le défendre, se nomme Surt. Il brandit une épée enflammée, et, à la fin du monde, il devra partir combattre, et vaincra tous les dieux, et brûlera le monde de son feu. Ainsi qu'il est dit dans la Voluspa :

    Surtur vient du sud avec la mort des branches,

    L'épée luisante de soleil pour les dieux des occis.

    Les falaises s'écroulent, les femmes-trolls s'agitent,

    Les hommes foulent le chemin de Hel

    Et le ciel se lézarde."

     

    V- Gangleri demanda : "- Comment les choses se produisirent-elles, avant que les races n'apparussent et que les tribus humaines ne s'accrussent ?"

    Alors Très-Haut dit : " - Les fleuves nommés Elivagar (flots tumultueux), en arrivant si loin de leur source que l'écume venimeuse les couvrant avait durci, telle la scorie émergeant du magma, de la glace se forma. Et lorsque la glace s'arrêta tout à fait et cessa de couler, tout se congela. Mais le brouillard s'exhalant du poison gela par-dessus, se transformant en givre, et, couche après couche, le givre s'accrut, et parvint jusque dans le Vide Béant, Ginnungagap. "

    Egal du Très-Haut ajouta : " - Du côté septentrional, Ginnungagap s'emplit et s'alourdit de grandes quantités de glace et de givre, dont émanaient brumes et rafales, mais au sud, le Vide Béant s'allégeait sous l'effet des braises et flammèches en provenance de Muspellheim. "

    Et Troisième acheva : "- Tout comme le froid le plus cruel arrivait de Niflheim, tout ce qui provenait de Muspellheim était chaud et lumineux. Mais Ginnungagap était aussi doux que l'air sans vent, et lorsque le souffle de la chaleur rencontra le givre, qui fondit et goutta, la vie jaillit de ces gouttes ruisselantes, par la puissance de la source de chaleur, et prit forme humaine. Et cet homme fut nommé Ymir, mais les géants de froid l'appelaient Aurgelmir. C'est de lui que descendent les races des géants de givre, ainsi qu'il est dit dans la Petite Voluspa :

     "Les sorcières naquirent de la race de Vitholf,

    Tous les voyants sont issus de Vilmeith,

    Et les artisans des charmes sont les enfants de Svarthofthi,

    Et d'Ymir descendent tous les géants."

    Mais à ce sujet, Vafthrudnir le Lote dit aussi :

    "Des gouttes de venin , jaillissant des Elivâgar,

    Se congelèrent jusqu'à ce qu'il en naquit un lote :

    A lui remontent toutes nos familles ;

    C'est pourquoi toute cette race est si farouche. "

    Gangleri demanda ensuite : "- Comment les races crûrent-elles à partir de lui, ou comment se fit-il que plus d'hommes vinrent au monde ? Ou le tenez-vous pour un dieu ? Lequel de vous parlera maintenant ?"

    Egal du Très-Haut prit la parole : "- Nous ne lui reconnaissons en aucune façon le statut de dieu. Il était mauvais, ainsi que toute son engeance. Nous les appelons Géants de Givre. On raconte que lorsqu'il s'endormit, il fut pris de suée : sous son bras gauche naquirent un homme et une femme, tandis que l'une de ses jambes eut un fils de l'autre jambe. Ce furent eux qui engendrèrent les géants du givre. Le vieux géant du givre, nous le nommons Ymir."

     

    VI- Gangleri dit : " - Où résidait alors Ymir, et de quoi assurait-il sa subsistance ?"

    Très-Haut répondit : "- Voici ce qui arriva juste après que le givre fondit : des gouttes de givre sortit la vache appelée Audhumla. Quatre fleuves de lait coulant de ses pis, Ymir s'en nourrit."

    Gangleri demanda : "- Mais de quoi vivait la vache ?"

     

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    Et Très-Haut donna comme réponse : "- Elle léchait les blocs de glace, qui étaient salés. Et ce faisant, le premier jour, comme une chevelure d'homme se dégagea de la glace, le deuxième jour, ce fut une tête d'homme, et le troisième, l'homme tout entier apparut.

     

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     Audhumla et Buri. B. Koller

     

    Il s'appelait Buri, était bien fait, grand et robuste. Il engendra un fils appelé Bor, qui épousa une femme nommée Bestla, fille de Bolthor le géant. Et ils eurent trois fils. L'aîné fut Odin, le deuxième Vili et le troisième Vé. Et je suis pour ma part convaincu qu'avec ses frères, Odin doit être le souverain qui règne sur les cieux et la terre. Nous tenons qu'il doit être ainsi nommé, car c'est le titre de l'être le plus puissant et le plus honorable que nous connaissions, et vous devriez aussi à bon droit le nommer ainsi."

     

    1  Skemtan : divertissement, incluant l'art et les plaisirs érotiques.

    2  Les Vanes et Ases étaient des hommes à l'origine (voir le début de l'Ynglinga Saga), qui adoraient des Puissances. Voir aussi les premiers commentaires de la Voluspa pour la nuance entre godum (dieu) et regin (puissance).

    3  Extrait des Hrafnsmal, qui relate la bataille de Hafersfjord.

    4  Il prétend donc s'être égaré.

    5  Reprise de l'idée de la première strophe des Havamal

    6  Le savoir ou la mort, reprise du motif de la joute oratoire utilisé dans les Vafthrudnismal.

    7  Voir strophes 152 et 154 des Havamal

     

     Encadrement : Bouloute créations

    Gylfaginning                                                                                                                                                            Gylfaginning


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  • Gylfaginning

    Solringen (Album "Yggdrasil"). Wardruna

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    VII- Gangleri demanda : " - Quelles relations entretenaient-ils, ou qui était le plus fort ? "

    Et Très-Haut répondit : " - Les fils de Bor tuèrent Ymir le Géant.

     

    Gylfaginning, ymir, odin, vili, vé 

    Les fils de Bor tuèrent Ymir le géant...

     

    Et là où il tomba jaillit tant de sang de ses blessures que toute la race des géants de givre s'y noya, à l'exception de celui que les thurses nomment Bergelmir, qui en réchappa avec sa famille. Il trouva refuge sur son navire, et sa femme avec lui, et ils y furent en sécurité. Et d'eux descend la race des géants du givre, ainsi qu'il est narré ici :

    "D'innombrables hivers

    Avant que la terre ne fut créée

    Naquit Bergelmir :

    Mon plus ancien souvenir

    Est que ce lote intelligent

    Est monté dans une barque."1

     

    Gylfaginning, bergelmir

    Bergelmir. Frolich.

     

    VIII- Gangleri dit : " - Que firent alors les fils de Bor, dont tu crois qu'ils sont des dieux ? "

    Très-Haut répondit : " - A ce sujet, il n'y a pas peu à dire. Ils prirent Ymir et le portèrent au centre du Vide Béant, et en firent la terre. Les terres furent composées de sa chair, et les rochers de ses os. Ils créèrent graviers et pierres de ses dents et de ses molaires, et de ceux de ses os qui étaient brisés."
    Et Egal du Très-Haut reprit : "- Du sang, qui coulait et jaillissait librement de ses plaies, ils firent la mer, une fois qu'ils eurent formé et affermi ensemble la terre émergée, et la ceignirent des flots marins en anneau tout autour. Et il apparut à la plupart des hommes qu'il serait presque impossible de les traverser."
    Et Troisième ajouta : " - Ils prirent aussi son crâne, et en firent les cieux, et les disposèrent en quatre coins au-dessus de la terre. Et sous chaque angle, ils placèrent un nain, dont les noms sont Austri, Vestri, Nordri et Sudri. Puis ils prirent les braises ardentes et les étincelles qui volaient librement, projetées depuis Muspellheim, et les placèrent dans le firmament du Vide Béant, à la fois au-dessus et par en-dessous, afin d'éclairer le ciel et la terre. Ils assignèrent une place à chaque corps lumineux, certains dans le ciel, d'autres se mouvant librement sous la voûte céleste. Néanmoins, à ces derniers aussi, ils conférèrent une place, et réglèrent leur course. Ces faits, depuis lesquels sont décomptés les jours et racontée l'histoire des années, sont narrés dans les antiques poèmes, ainsi qu'il est dit dans la Voluspa :

    "Sol ne savait où se trouvait sa demeure,

    Mani ignorait quelle puissance il avait,

    Les étoiles ne connaissaient pas leur place."

    Gangleri dit ensuite : "- Ce sont prouesses dont j'ouïs parler à présent. Il s'agit d'une œuvre considérable merveilleusement habile et intelligemment exécutée. Mais quelle forme donnèrent-ils à la terre ? "

    Et Très-Haut répondit : " - Elle est arrondie en périphérie, et ceinte de la profonde mer. Et sur la rive de cette mer se trouvent les contrées qu'ils allouèrent comme demeure à la race des géants. Mais ils bâtirent à l'intérieur de la terre des fortifications tout autour du monde, pour le protéger de l'hostilité des géants, et utilisèrent à cette fin les cils d'Ymir le géant. Ils nommèrent cet endroit Midgard. Ils se saisirent également de son cerveau, et, le jetant en l'air, en constituèrent les nuages, ainsi qu'il est dit ici 2:

    "De la chair d'Ymir fut façonnée la terre, 

    Et la mer de son sang,

    Les montagnes, de ses os, les arbres, de ses cheveux, 

    Et de son crâne, le ciel.

    Mais de ses cils, les clémentes puissances firent

    Midgard pour les fils des hommes ;

    Et de sa cervelle furent façonnés

    Tous les nuages menaçants. "

     

    Gylfaginning, ymir, snorri sturluson

     

    IX- Gangleri demanda : "- Ils ont accompli là sans nul doute, je pense, une grande œuvre, en créant la terre et le ciel, en mettant en place le soleil et les constellations, et en séparant la nuit du jour. Mais d'où viennent les hommes qui peuplent maintenant le monde ?"
    Et Très-Haut répondit : "- Alors que les fils de Bor marchaient le long du rivage, ils trouvèrent deux troncs d'arbres, et leur donnèrent forme humaine. Le premier leur conféra vie et esprit, le deuxième intelligence et émotion, et le troisième, apparence, parole, ouïe et vue. Ils leur donnèrent des vêtements et des noms : l'homme fut appelé Askr et la femme Embla, et d'eux naquit la race des hommes, qui reçut Mitgard pour demeure. Puis ils bâtirent pour eux-mêmes au milieu du monde une forteresse nommée Asgard, que les hommes appellent Troie. Là résident les dieux et leurs descendants. Et bien des événements mémorables ont eu lieu depuis, tant sur la terre que dans les cieux. Se trouve à Asgard un lieu nommé Hlidskjálf, et lorsqu'Alfather s'asseyait sur le haut-siège qui y est placé, il pouvait voir le monde entier, et les actions de chaque être humain, et comprenait tout ce qui s'offrait à son regard. Son épouse était Frigg, fille de Fjörgvinn, et est de leur sang la race de ceux que nous nommons Ases, qui peuple l'ancien Asgard et les royaumes en dépendant. Et cette race est divine. Pour cette raison doit Odin être appelé Alfather : parce qu'il est le père à la fois de tous les dieux et des tous les hommes, et de tout ce qu'il a accompli par sa puissance. La Terre fut sa fille et sa femme. D'elle, il eut son premier fils, Asa-Thor, à qui échurent force et vigueur, grâce auxquelles il triompha de tous les êtres vivants."

     

    X- " Norfi ou Narfi3était le nom d'un géant qui vivait dans Jotunheim. Il avait une fille, nommée Nuit. Elle était noire et sombre comme ceux de sa race. Elle fut accordée à un homme nommé Naglfari4, et ils eurent un fils, appelé Audr5. Après quoi, elle fut mariée à celui qui s'appelait Annarr. Jörd était sa fille. Enfin, elle eut Aube pour époux, et il était de la race des Ases. Leur fils se nomma Jour : il était lumineux et clair comme son père. Alors Alfather réunit Nuit et Jour, et leur offrit à chacun un cheval et un char, et les envoya dans les cieux, afin qu'ils voyagent autour de la terre, se relayant toutes les demi-journées. Nuit chevauchait devant avec le cheval nommé Crinière de givre, et chaque matin, il humecte la terre avec l'écume de ses crins. Le cheval de Jour est appelé Crinière Brillante, et il illumine air et terre de ses crins. »

     

    Gylfaginning, nott

    Nott (Nuit). A.S. Hoffman / G. Caselli.

     

    XI- Gangleri questionna ensuite : " - Comment Odin commande-t-il la course du soleil ou de la lune ? "

    Très-Haut répondit : "- Un homme nommé Mundilfari6 avait deux enfants. Ils étaient si beaux et charmants qu'il nomma son fils Lune et sa fille Sol, et maria cette dernière à un dénommé Glenr7. Mais les dieux s'exaspérèrent de cette insolence, s'emparèrent du frère et de la sœur et les placèrent dans les cieux. Il assignèrent à Sol la conduite des deux chevaux qui tiraient le chariot du soleil, que les dieux avaient façonné, afin d'illuminer le ciel et la terre, à partir d'une braise issue de Muspellheim. Ces chevaux se nommaient Arvak et Asvild8, et les dieux disposèrent sous leurs épaules deux soufflets pour les rafraîchir, qui sont désignés dans certains poèmes anciens comme "le froid de fer". Lune guide le trajet de la lune, et préside à ses croissance et décroissance. Il enleva de la terre deux enfants, Bil et Hjuki9, alors qu'ils revenaient du puits Byrgir, portant sur leurs épaules la cuve Soeg à l'aide de la perche Simul. Leur père s'appelle Vidfinnr. Ces enfants suivent la lune, ainsi qu'on peut le voir depuis la terre."

     

    Gylfaginning, bil, hjuki

    Bil et Hjuki. M. Klugh.

     

    XII- Gangleri demanda alors : "- Le soleil se meut rapidement, comme si elle avait peur. Elle ne hâterait pas plus sa course si elle craignait sa propre destruction."
    Alors Très-Haut lui fit pour réponse : "- Il n'est pas étonnant qu'elle progresse aussi vivement. Près d'elle arrive celui qui la poursuit, et elle ne peut se sauver qu'en courant de l'avant."
    Gangleri s'enquit : "- Mais quelle est la cause de son inquiétude ?"

     

    Gylfaginning, Sol, Collingwood

    Le chariot de Sol. W.G. Collingwood.


    Très-Haut répondit, : " - Ce sont deux loups. Celui qui la poursuit se nomme Skoll. Elle le craint, et il doit finir par l'attraper. Mais celui qui bondit devant lui s'appelle Hati fils de Hrodvitnir. Son destin est de s'emparer de Lune. Et il en sera ainsi. "

     

    Gylfaginning II

    Dag, Sol et Skoll / Nott, Mani et Hati. Karl Ehrenberg.

     

    Gangleri demanda : " - De quelle race sont ces loups ? "

    Très-Haut répondit : " - A l'est de Mitgard, dans une forêt nommée les Bois de Fer, vit une sorcière. C'est là que vivent les femmes-trolls, connues comme les femmes des Bois de Fer. Cette vieille sorcière mit bien des géants au monde, ses fils, et tous sous forme de loups. Ces deux loups sont issus de cette race. Et la rumeur court que de cette race viendra celui qui sera le plus puissant de tous, Managarm (chien de la lune), qui se rassasiera de la chair de tous les hommes à l'agonie, et qui avalera la lune, et éclaboussera de sang le ciel et l'air tout entiers. En conséquence, le soleil perdra son éclat, et les vents, ce jour-là, se déchaîneront et rugiront furieusement dans toutes les directions. Ainsi est-il dit dans la Voluspa :

    "La vieille siège à l'orient,

    Dans la Forêt de Fer,

    Et elle y met au monde

    L'engeance de Fenrir ;

    Parmi eux, viendra celui

    Qui détruira l'astre

    Sous la forme d'un monstre.

    Il se goinfre des chairs

    Des hommes voués à la mort,

    Empourpre de sang pourpre

    La demeure des dieux ;

    Noir deviendra l'éclat du soleil

    Tout au long des étés suivants,

    Epouvantables les tempêtes.

    En savez-vous davantage ? Vraiment ?"

     

    XIII- Gangleri dit : "- Quel est le chemin qui mène de la terre au ciel ?"

    Le Très-Haut répondit en s'esclaffant : "- Allons, voilà une question fort peu informée ! Personne ne t'a dit que les dieux avaient créé un pont entre la terre et le ciel, et qu'il s'appelle Bifrost ? Tu as dû le voir, et il se peut que tu le nommes arc-en-ciel. Il est de trois couleurs, et très solide. Il a été réalisé avec plus de talent et de magie que tout autre ouvrage. Mais, tout résistant qu'il est, il s'effondrera lorsque les fils de Muspell chargeront à cheval et l'emprunteront. Leurs chevaux devront alors passer les fleuves à la nage, et ils continueront ainsi leur route.

    Gangleri demanda : "Il me semble alors que les dieux ne firent pas ce pont de bonne façon, puisqu'il peut se casser, et qu'ils étaient capables de le faire selon leur bon vouloir."

    Très-Haut répliqua : "- Les dieux ne méritent aucun reproche pour la confection de cette œuvre : Bifrost est un pont de bonne qualité, mais rien en ce monde ne pourra s'avérer sûr lorsque les fils de Muspell partiront pour la guerre."  

     

    1 Dans les Vafthrudnismal

    2 Dans les Grimnismal

    3 Oppressant

    4 Egalement nom du Bateau des Morts lors des Ragnarok

    5 Destin

    6 Conducteur du temps

    7 Brillant

    8 Le matinal et le Rapide

    9 La fille Bil (atonie de la volonté) et le garçon Hjuki (meilleure santé) semblent représenter les phases néfaste (décroissance) et faste (croissance) du cycle lunaire. Le puits et le seau, comme attributs aquatiques, évoquent la relation entre la lune et l'eau.   

     Gylfaginning                                                                                                                                             Gylfaginning


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