• La Völsunga Saga

    La version en prose de la Völsunga saga a probablement été rédigée au cours du XIIème siècle à partir de poèmes scaldiques et de bribes de récits que connaissaient les Sagamen. Si certains poèmes dont est tiré ce texte sont parvenus jusqu'à nous, comme les Sigdrifumal, les Sigurdarkvitha, les Reginsmol..., d'autres, s'ils ont un jour existé, ont été perdus. 

    Cette histoire pourrait reposer sur des bases historiques.

    La Völsunga saga narre du début jusqu'à sa fin la saga de la famille de Volsung, y compris la saga de Sigurd (Sigfried). Il s'agit cependant de la version nordique de cette histoire, un peu différente de la version germanique reprise par Wagner dans ses opéras et dont la rédaction (en Autriche) serait remarquablement concomitante à celle du texte scandinave.

    Elle comprend trois parties, le cycle de Sigmund, le cycle de Sigurd, et le cycle d'Atli, et est bâtie sur un scénario implacablement ficelé par les Nornes, mettant en scène outre des héros médiévaux invraisemblables de vertu chevaleresque, des héroïnes évoquant la tragédie grecque (Signy- et Gudrun-Médée et Brunehilde-Phèdre, c'est approximatif, mais c'est ce qu'elles me rappellent) et les Ases. Sont présents également le dilemne cornélien et tous les actes les plus sombres que peut accomplir l'être humain (de la trahison de la parole donnée au meurtre, à l'inceste et à l'infanticide), mais aussi les passions les plus violentes.

    On y retrouve enfin nombre de racines mythiques ayant donné naissance aux contes de fées actuels, comme la Belle au Bois dormant ou Blanche-Neige, à toutes les histoires de dragons (méchants, les dragons... les gentils sont beaucoup plus récents), et des échos d'autres récits légendaires comme le cycle arthurien, avec l'épée plantée, Tristan et Yseult, avec les philtres magiques... 

    Tout un programme !

    J'ai utilisé la traduction en anglais de William Morris et Eirik Magnusson (1888).

    Pour aller plus loin : La Saga de Sigurdr ou la parole donnée, Régis Boyer, Cerf Editeur, collection Patrimoine, 1989.

    Bonne lecture.

    Hej da.

    Thordruna.

     

    La volsunga saga

     

  • volsunga saga  

    Chapitre 1 : de Sigi, fils d'Odin

     

    Ici commence la légende qui narre l'histoire d'un homme nommé Sigi, et appelé fils d'Odin par les hommes ; une autre personne dont il est question dans l'histoire est Skadi, un grand homme, et devenu puissant par ses propres efforts ; pourtant, c'est Sigi qui fut le plus fort et le plus réputé de cette famille, d'après les dires des hommes de cette époque. Skadi avait alors un esclave dont la légende doit parler, qui s'appelait Bredi1, ainsi nommé d'après le travail qu'il avait à faire; en valeur et force, il était l'égal d'hommes tenus pour plus nobles, et certes, supérieur à nombre d'entre eux.

    Il faut à présent dire qu'une fois, Sigi partit à la chasse au cerf, emmenant cet esclave avec lui, et qu'ils traquèrent le cerf du matin au soir. Lorsqu'ils rassemblèrent leurs proies dans la soirée, celles de Bredi étaient de loin plus grosses et plus nombreuses que celles qu'avait tuées Sigi. Ce dernier n'apprécia guère ce constat, et dit qu'il lui semblait très étonnant qu'un esclave le surpassât à la chasse au cerf. Alors il lui tomba dessus et le tua, et enterra par la suite son corps dans une haute congère.

    Puis il rentra chez lui alors que la nuit tombait, et dit que Bredi s'était enfui loin de lui dans la forêt.

    "- Il fut bientôt hors de ma vue, dit-il, et je ne sais rien de plus de lui ".

    Mais Skadi douta fortement des affirmations de Sigi, et jugea qu'il s'agissait d'un mensonge de sa part, et qu'il avait tué Bredi. Il envoya donc des hommes le rechercher pour lui, et à la fin de leur quête, ils le trouvèrent dans une certaine congère. Skadi déclara que les hommes devraient à présent nommer ce genre de congères "Neiges de Bredi". Par la suite, le peuple adopta cette coutume, et donna ce nom à toute congère de grande taille.

    Il fut donc prouvé que Sigi avait tué l'esclave, l'avait assassiné. Il fut alors considéré comme un loup dans ces lieux saints, et ne put plus demeurer dans le pays de son père. Celui-ci, Odin, l'accompagna hors de ses terres, pour un très long chemin, parcouru tout droit et sans aucun repos, jusqu'à ce qu'il l'amène à des navires de guerre. Ainsi, soit Sigi tomberait à la guerre malgré la force que son père lui avait donnée, soit ils se sépareraient à jamais. Mais il fut chanceux dans ses batailles, qu'il remporta toujours, jusqu'à ce qu'il conquît par le combat des terres et enfin la souveraineté. Alors il épousa une femme noble, et devint un grand et puissant roi, qui régna sur la terre des Huns, et fut le plus grand des guerriers. Il eut un fils de sa femme, nommé Rerir et élevé dans la maison de son père et qui devint rapidement un homme grand et bien fait.

     

    1  Etymologie proche de celle de brad : cadavre d'animal, proie. Bredi était-il tueur, chasseur... ?

     

    portrait de volsung

     

                                                                                                                                                               volsunga saga


    votre commentaire
  • volsunga saga 

    Maintenant, Sigi vieillissait, et certains le jalousaient beaucoup et finirent par se retourner contre lui, même ceux en lesquels il avait le plus confiance, même les frères de sa femme. Ils regroupèrent de nombreux hommes avec eux, et l'attaquèrent lorsque par grande imprudence, il se retrouva avec peu de compagnons pour le défendre. Sigi tomba, et tous ses gens avec lui. Mais Rerir, son fils, ne connaissait pas les mêmes difficultés, et rassembla autour de lui ses amis et les grands hommes du pays en une force si puissante qu'il reconquit pour lui-même toutes les terres et le royaume de Sigi, son père. Lorsqu'il sentit qu'il avait bien assuré sa souveraineté, il se remémora le grief qu'il avait contre les frères de sa mère, qui avaient assassiné son père. Alors le roi leva une grande armée, et attaqua ses parents, estimant que s'il faisait peu de cas de cette parenté, eux avaient sans aucun doute les premiers forgé ce genre de trahison contre elle.

    Il accomplit ainsi sa propre volonté, n'abandonnant pas le combat tant qu'il n'eut pas tué tous les meurtriers de son père, si terribles que semblèrent ses actes aux sages. Alors, il acquit des terres, de l'autorité et des biens, et devint plus puissant que son père avant lui.

    Rerir gagna de grandes richesses en faisant la guerre, et put épouser une femme qu'il jugeait digne de lui. Ils vécurent longtemps ensemble, mais n'eurent aucun enfant pour hériter d'eux. Et ils en étaient tous deux chagrin, et ils priaient les dieux de tout leur cœur et de toute leur âme de leur accorder un enfant. Il se raconte qu'Odin entendit leur prière, ainsi que Freyja qu'ils prièrent avec non moins de ferveur. Alors elle, qui ne fait jamais défaut pour les conseils, demanda à une jeune fille, la fille de Hrimnir le géant, de lui amener son coffret, y prit une pomme et la déposa dans sa main et lui ordonna de la porter au roi. Elle emporta la pomme, se revêtit du plumage d'un corbeau, et vola jusqu'à trouver le roi assis sur une colline. Alors elle laissa tomber la pomme dans le giron du roi. Il prit la pomme et se dit qu'il savait comment elle serait judicieusement utilisée, de sorte qu'en rentrant chez lui en revenant de la colline, il alla voir la reine et on parle encore de la pomme qu'elle mangea à ce moment-là.

    Ensuite, comme le raconte la légende, la reine sut bientôt qu'elle était enceinte, mais il s'écoula beaucoup de temps avant qu'elle ne puisse donner naissance à l'enfant. Il advint que le roi dut aller faire la guerre, ainsi qu'il est coutume pour les rois qui veulent conserver la paix à leur pays, et au cours de cette expédition, Rerir tomba malade et rencontra son destin, et son esprit rejoignit la demeure d'Odin, ce qui était désiré par tant d'hommes à cette époque.

    Mais il n'en alla pas différemment que par le passé pour ce qui était des troubles de santé de la reine, pas encore allégée de son enfant. Et six hivers passèrent pendant lesquels la souffrance pesa encore sur elle. De sorte qu'à la fin, sentant qu'elle n'allait plus survivre très longtemps, elle ordonna que l'enfant soit séparé d'elle avec un couteau, et il en fut fait ainsi qu'elle le commanda. C'était un garçon, déjà grand lors de sa naissance, et il se raconte qu'il embrassa sa mère lorsqu'elle mourut. Un nom lui fut donné, et il s'appela Volsung. Il fut souverain du pays des Huns dans la halle de son père. Dès ses premières années, il était grand et fort, et plein d'audace dans toutes les actions et prouesses viriles, et il devint le plus grand des guerriers, de sorte qu'il n'advint que du bien de toutes les batailles de ses expéditions guerrières.

    Lorsqu'il arriva pleinement à l'âge d'homme, Hrimnir le géant lui envoya sa fille Ljod, celle dont l'histoire raconte qu'elle apporta la pomme à Rerir, le père de Volsung. Alors Volsung se maria. Son épouse et lui vécurent longtemps ensemble, avec bonne fortune et grand amour. Ils eurent dix fils et une fille, et leur aîné fut le fameux Sigmund, et leur fille Signy, et tous deux étaient jumeaux. Le premier des fils du roi Volsung était le plus savant et le plus beau des enfants, et dans les légendes d'autrefois, il est raconté comment les Volsungs, glorieux entre tous, ont été augustes et nobles, bien supérieurs à la plupart des hommes, tant par leur intelligence, leurs prouesses et tous leurs actes nobles et décisifs.

     

    Signy et Sigmund, Arthur Rackham

    Signy et Sigmund, Arthur Rackham

     

    L'histoire raconte aussi que le roi Volsung fit bâtir si habilement une magnifique halle qu'un grand chêne poussait à l'intérieur, ses branches s'épanouissant au-dessus du toit tandis qu'en-dessous se trouvait son tronc, au sein de la demeure. Les hommes nommèrent ce tronc Branstock.

     

    Odin plante Gramr dans Branstock

     

    volsunga saga                                                                                                                            volsunga saga 


    votre commentaire
  • volsunga saga

    Emerald sword, Rhapsody of fire. 

    ______________________________

    ... de Branstock.

    Il y avait un roi nommé Siggeir, qui gouvernait le pays des Goths, un roi puissant souverain d'un peuple nombreux. Il rendit visite à Volsung et lui demanda la main de sa fille Signy. Et cette demande agréa au roi, ainsi qu'à ses fils, mais la jeune fille éprouvait de la répugnance pour ce projet. Elle demanda pourtant à son père de se prononcer en cette affaire comme en toutes les autres qu'il réglait pour elle, alors le roi prit la décision de la donner en mariage. Elle fut donc promise à Siggeir, et pour l'accomplissement de la fête nuptiale, il fut décidé que Siggeir viendrait en la demeure du roi Volsung. Le roi prépara la cérémonie au mieux de ses moyens, et lorsque tout fut prêt, les hôtes du roi et le roi Siggeir vinrent au jour dit, ainsi que beaucoup d'hommes de haute noblesse dans la suite de Siggeir.

    L'histoire raconte que de grands feux avaient été allumés tout le long de la halle, et que le sus-dit grand arbre était au plus près du plus vaste des foyers, ainsi que beaucoup l'ont rapporté. Dans la soirée, alors que de nombreux hôtes étaient assis auprès du feu, un homme, inconnu de tous les présents, entra dans la halle. Il fut ainsi décrit : un manteau taché l'enveloppait, et il allait pieds nus, vêtu de braies de lin serrées autour de lui jusqu'aux os. Il portait une épée à la main tandis qu'il se dirigeait vers Branstock, et un chapeau sur la tête. Immense, il semblait très âgé, et était borgne. Alors il dégaina l'épée, et la planta dans le tronc d'arbre jusqu'aux quillons ; et tous se sentirent hésitants pour saluer cet homme. Puis il prit la parole et dit :

    "- Celui qui retirera cette épée de ce tronc la recevra en cadeau de ma part, et trouvera en vérité que jamais il ne portât dans sa main une meilleure épée."

    Alors le vieil homme ressortit de la halle, et nul ne sut qui il était ni d'où il venait.

     

    Odin, gramr et branstock

     Branstock, Johannes Gehrts

     

    Tous les hommes se levèrent d'un bond et aucun ne voulait être le dernier à empoigner l'épée, parce qu'ils croyaient que le premier à y toucher l'obtiendrait. Et les plus nobles passèrent en premier, puis les autres, un par un. Mais aucun ne se révéla capable de la retirer, et elle ne se descella pas le moins du monde, quelle que soit leur manière de tirer dessus. Puis vint Sigmund, fils du roi Volsung, et il plaça ses mains sur la garde et la retira du tronc comme si elle s'était libérée d'elle-même pour lui. Cette arme sembla si exceptionnelle à tous que chacun admit n'en avoir jamais vu de pareille auparavant, et Siggeir voulut la racheter à Sigmund pour trois fois la valeur de son poids en or, mais ce dernier répondit:

    "- S'il avait été ton lot de la porter, tu aurais pu la prendre avant moi là où elle était, mais maintenant, puisqu'elle est tombée entre mes mains avant que qui que ce soit d'autre ne puisse la prendre, tu ne pourras jamais l'obtenir, même en offrant pour cela tout l'or que tu possèdes."

    Le roi Siggeir se mit en colère à ces mots, et considéra que Sigmund lui avait répondu par le mépris, mais comme c'était un homme circonspect et hypocrite, il fit comme s'il n'y accordait aucune importance, bien que dès le soir-même, il réfléchit à la manière dont il pourrait le récompenser pour cet affront, ainsi qu'on l'a bien vu par la suite.

     

    Branstock et Balmung

    Branstock et Balmung

      

    gramr, sigmund

    Sigmund retire l'épée de Branstock. K. Dahl 

     

    Sigmund retire l'épée de Branstock, Hoffman

     Hoffman

     

    Sigmund et l'épée, Rackham

    Sigmundr et l'épée. Arthur Rackham.

     

    volsunga saga                                                                                                                                volsunga saga


    votre commentaire


    Suivre le flux RSS des articles de cette rubrique
    Suivre le flux RSS des commentaires de cette rubrique