• Edda de Snorri : Skaldskaparmal

    L'Edda de Snorri Sturluson comprend trois parties : Le Gylfaginning ou Mystification de Gylfi (entre autres traduite et excellemment annotée par F.X. Dillman dans "l'Edda, récits de mythologie nordique", nrf, l'aube des peuples, Gallimard), les Skaldskaparmal ou Dits sur la Poésie (traduit partiellement dans le même ouvrage), et le Hattatal, ou dénombrement des mètres, dont le commentaire a été rédigé en anglais notamment par Faulkes, mais dont le corps poétique ne peut être traduit sans que l'œuvre ne perde son sens, puisqu'il s'agit d'un traité de versification et de métrique de la poésie scaldique en vieux norrois orné de 101 strophes illustrative, une pour chaque mètre.

    Etant restée sur ma faim quant à la connaissance de la dite poésie lorsque j'ai commencé à parcourir ces textes et un peu vexée finalement de ne rien comprendre - ou si laborieusement - aux emboîtements des kenningar, ces périphrases complexes utilisées pour ne pas nommer quelque chose ou quelqu'un, j'ai repris la version la plus complète que j'ai pu trouver du Skaldskaparmal dans une langue intelligible pour moi (l'anglois) et j'ai entrepris de la traduire. Je vous en livre ma version dans toute son imperfection, mais agrémentée quand c'est possible des illustrations graphiques et/ou musicales correspondantes.

    Le Skaldskaparmal aurait pu être un aride catalogue de périphrases et de synonymes. Il n'en est rien. Rédigé sous forme d'un dialogue, au moins dans sa première partie, il est émaillé de légendes et de citations poétiques illustrant le propos de Snorri, pédagogue s'il en fût.

    Hej da.

     

    Edda de Snorri sturluson

    Snorri Sturluson, par Christian Krohg.

     

  • Skaldskaparmal


    bragi, snorri sturluson

    Bragi, dieu de la Poésie, par Carl Wahlbom

     

    Skaldskaparmal

    Snorri Sturluson

    Traduction de la version anglaise de Arthur Gilchrist Brodeur (1916)

     

    Un homme nommé Ægir ou Hler habitait une île maintenant connue sous le nom d'Ile de Hler (Læsso). Il était versé en l'art de la magie noire. Il entreprit le voyage vers Asgard, mais les Ases avaient eu la prémonition de son expédition. Il y fut reçu avec bonne humeur, et pourtant beaucoup d'illusions visuelles furent créées pour le duper. Vers le soir, lorsqu'il fut temps de boire, les épées disposées par Odin dans la halle étaient si lumineuses qu'il ne fallut aucun autre éclairage, tandis que tous prenaient place sur les bancs. Puis les Ases entrèrent pour le banquet, et s'assirent sur les hauts sièges les douze Ases qui ont été nommés pour être juges : voici leurs noms : Thor, Njôrdr, Freyr, Tyr, Heimdallr, Bragi, Vidarr, Vali, Ullr, Hœnir, Forseti, Loki, et pareillement les Asynes : Frigg, Freyja, Gefjon, Idunn, Gerdr, Sigyn, Fulla, Nanna.

    La vision qu'eut de la scène Ægir fut mémorable : les boiseries étaient couvertes de boucliers dorés, il y avait abondance d'hydromel mousseux. La personne assise à côté d'Ægir était Bragi, et ils partagèrent boisson et conversation : Bragi narra à Ægir les derniers hauts faits qui s'étaient passés chez les Ases.

    Il commença son récit lorsque trois des Ases, Odin, Loki et Hœnir, partis de chez eux et voyageant par les montagnes et les déserts se trouvèrent dépourvus de nourriture. Mais, en parvenant à un vallon, ils avisèrent un troupeau de bœufs, en prirent un et le préparèrent pour la cuisson. Lorsqu'ils pensèrent qu'il devait être cuit, ils éteignirent le feu. Mais il n'était pas cuit. Ils le remirent au feu un bon moment, puis l'en retirèrent une seconde fois. Il n'était toujours pas cuit. Alors ils tinrent conseil entre eux, se demandant ce que cela pouvait bien signifier.

    Ils entendirent alors une voix provenant du chêne au-dessus d'eux, avouant que celui qui était assis là était responsable de l'inefficacité du feu. Ils regardèrent vers le haut, et là était perché un aigle, et ce n'était pas un petit aigle. Alors l'aigle dit : «si vous voulez bien me céder quelque part de ce bœuf, alors il pourra cuire sur le feu.» Ils y consentirent. Alors il se laissa planer depuis sa branche et se posa dans la lueur du feu, puis sans tarder, leva pour lui même les deux cuisses du bœuf, et ses deux épaules. Alors Loki se fâcha, saisit une longue branche, la brandit de toutes ses forces et en frappa l'aigle. L'aigle se baissa violemment sous le coup puis prit son envol, le bâton coincé dans son dos, avec Loki agrippé des deux mains à l'autre extrémité. L'aigle vola à une hauteur telle que les pieds de Loki heurtèrent en bas les rochers et les collines et les arbres, et il pensa que ses bras allaient être arrachés de ses épaules. Il cria, adjurant l'aigle de bien vouloir faire la paix : mais l'aigle lui déclara qu'il ne serait jamais délivré, à moins qu'il ne fasse serment d'inciter Idunn à sortir d'Asgard avec ses pommes. Loki accepta, et, aussitôt libéré, rejoignit ses compagnons. Rien d'autre n'est rapporté de ce que fut le reste de leur périple, sinon qu'ils revinrent chez eux.

     

    edda de snorri

     

    Mais au moment voulu, Loki attira Idunn à l'extérieur d'Asgard, lui faisant miroiter qu'il avait trouvé dans une certaine forêt des pommes qui lui sembleraient tout à fait dignes d'intérêt. Et il la pria de prendre les siennes avec elle afin de les comparer à celles-là. Alors, Thjazi le géant, sous son plumage d'aigle, surgit et ravit Idunn, l'emportant dans sa lointaine demeure de Thrymheimr.

    Mais les dieux furent très ennuyés en l'absence d'Idunn, leurs cheveux blanchirent rapidement et ils devinrent vieux. Alors les Ases tinrent conseil et se demandèrent les uns aux autres qui avait le dernier eu des nouvelles d'Idunn ; et la dernière fois qu'elle avait été vue, c'était sortant d'Asgard avec Loki. Alors Loki fut saisi et amené devant le conseil, et menacé de mort et de torture ; une fois bien effrayé, il déclara qu'il irait chercher Idunn du côté de Jotunheim, si Freyja voulait bien lui prêter son plumage de faucon. Et lorsqu'il eut le plumage de faucon, il s'envola vers le nord en direction de Jotunheim, et finit par arriver à la maison de Thjazi le géant.

    Thjazi était parti en mer, et Idunn était seule à la maison. Loki la transforma en noix, s'en saisit entre ses serres et repartit à vive allure. Lorsque Thjazi rentra à la maison et se rendit compte de l'absence d'Idunn, il revêtit son plumage d'aigle et s'envola à la poursuite de Loki, faisant vrombir ses ailes dans son vol puissant.

    Mais lorsque les Ases virent que le faucon fuyait à tire d'aile avec la noix, et à quelle vitesse volait l'aigle, ils sortirent d'Asgard chargés de fagots de copeaux de bois. Dès que le faucon entra dans la citadelle, il se précipita sous les remparts du château ; alors les Ases boutèrent le feu aux ballots de copeaux depuis le chemin de ronde. Mais l'aigle ne put ralentir, maintenant qu'il avait manqué le faucon. Ses plumes prirent feu, et son vol cessa immédiatement. Les Ases étaient à proximité immédiate, et tuèrent le Géant Thjazi sous la porte d'Asgard, et cette mort est restée célèbre.

      

    edda de snorri

    Le retour d'Idunn. Carl Wahlbom

     

    Skaldskaparmal                                                                                                                                                                Skaldskaparmal


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  • Skaldskaparmal

    Wake Skadi, d'Hagalaz Runedance

     _________________

     

    Alors, Skadi, la fille de Thjazi le géant, se saisit du heaume de son père et de toutes ses armes et se rendit à Asgard pour venger son père. Les Ases, cependant, voyant son courage, lui offrirent la réconciliation et un dédommagement : la première compensation serait qu'elle pourrait se choisir elle-même un époux parmi les Ases, à condition de le choisir seulement à la vue de ses pieds, sans regarder le reste de sa personne. Alors son regard fut attiré par les proportions des pieds de l'un d'entre eux, et elle dit : «- Je choisis celui-ci. En Baldr, rien ne peut être détestable.» Mais il s'agissait des pieds de Njord de Noatun.

     

    edda de snorri

     

    Elle avait également demandé en contrepartie que les Ases parviennent à faire quelque chose dont elle les pensait à présent incapables : la faire rire. Alors Loki noua une corde à la barbe d'un bouc et l'autre à ses bijoux de famille, et chacun tira de son côté à son tour, chacun criant fort. Puis Loki se laissa tomber sur les genoux de Skadi, et elle éclata de rire. La réconciliation avec les Ases était scellée. Mais Odin fit un geste supplémentaire à l'égard de Skadi : il arracha les yeux de Thjazi et les jeta dans le firmament, les transformant en deux étoiles.

    Ægir intervint : «- Il me paraît que Thjazi était un homme puissant : de quelle famille était-il ?» Bragi répondit : «- Son père se nommait Olvaldi, et si je vous en dis plus, vous allez vous interroger sur ce que je vous raconterais. Il était très riche en or, mais lorsqu'il périt et que ses fils eurent à se partager son héritage, ils trouvèrent ce moyen pour dire quelle serait la part d'or de chacun: chacun pourrait prendre tout ce que sa bouche pourrait contenir, et chacun le même nombre de bouchées. Le premier d'entre eux était Thjazi, le deuxième Idi, et le troisième Gangr. Et nous utilisons cette métaphore aujourd'hui, pour parler de l'or nous disons : l'histoire de la bouche de ces géants. Mais nous gardons cette expression secrète, ou l'utilisons en poésie, où nous parlons de discours, ou de parole, ou de propos de ces géants.»

    Ægir dit : «-Il semble que ce soit bien caché en ces termes secrets.» Et il ajouta : «-Et d'où vient cet art que vous nommez poésie, quels en sont les débuts ?»

    Bragi répondit : «Ainsi furent ses débuts. Les Ases avaient un différend avec ceux qu'on nomme les Vanes. Ils tinrent une réunion pour la paix, et chacun est allé vers une cuve et a craché dedans à son tour. Avant de se séparer, les dieux ne voulurent pas que ce symbole de paix périsse, et lui donnèrent forme humaine. Cet homme se nommait Kvasir, et était si sage que chacun pouvait lui poser n'importe quelle question sur n'importe quel sujet, et qu'il était capable d'y répondre. Il allait et venait sur terre pour donner des conseils aux hommes ; et lorsqu'il se rendit à l'invitation de certains nains jaloux, Fjalar et Galarr, ils l'attirèrent dans une conversation privée avec eux et l'assassinèrent, laissant couler son sang dans deux cuves et une bouilloire.

     

    Skaldskaparmal II : mariage de Skadi, naissance de la poésie

    La mort de Kvasir. F. Stassen.

     

    La bouilloire est nommée Odrerir et les cuves Son et Bodn. Ils mélangèrent du miel à son sang, et le mélange donna un hydromel merveilleux par la vertu duquel quiconque en boit devient un scalde ou un savant. Les nains persuadèrent les Ases que Kvasir s'était étouffé dans son propre savoir, puisque personne n'était en mesure d'être à la hauteur de sa connaissance. Ensuite, ces nains invitèrent le géant nommé Gillingr à leur rendre visite, avec sa femme. Puis les nains invitèrent Gillingr à ramer avec eux sur la mer ; mais lorsqu'ils furent loin de la terre, les nains maladroits ramèrent vers les brisants et firent chavirer la barque. Gillingr ne savait pas nager, et il se noya ; mais les nains remirent leur bateau à l'endroit et rentrèrent à la rame. Ils racontèrent cet accident à son épouse, mais elle le prit avec gravité et pleura bruyamment. Alors Fjalar lui demanda si son deuil serait facilité s'ils la conduisaient sur la mer à l'endroit de l'accident ; et elle le voulut. Alors il parla à mi-voix à son frère Galarr et lui demanda de se tenir au-dessus de la porte, afin de lui lâcher une pierre de meule sur la tête lorsqu'elle passerait, parce que ses pleurs commençaient à l'importuner ; et il en fut ainsi.

    Lorsque le géant Suttungr, fils de Gillingr, apprit ce qui s'était passé, il vint les voir, se saisit des nains et les emmena en mer, et les déposa attachés sur un récif qui serait submergé à marée haute. Ils supplièrent Suttungr d'épargner leurs vies, et comme dédommagement pour la mort de son père et prix de la paix, lui offrirent le précieux hydromel. Suttungr ramena l'hydromel chez lui et le cacha en un lieu nommé Hnitbjorg, en laissant la garde à sa fille Gunnlod. A cause de cette histoire, nous appelons la poésie le sang de Kvasir, ou la boisson des nains, ou le contenu ou n'importe quel liquide de Odrerir, ou de Bodn, ou de Son, ou la barque des nains - puisque cet hydromel leur a sauvé la vie -, ou rançon du récif, ou hydromel de Suttungr, ou liqueur de Hnitbjorg.

     

    edda de snorri

    Suttungr menaçant les nains.  Louis Huard

     

    Alors Ægir fit remarquer : «- Ce sont de bien sombres termes pour parler de poésie. Mais comment les Ases ont-il accédé à l'hydromel de Suttungr ?»

    Bragi répondit : «- Un récit le narre : Odin quitta sa maison et parvint à un champ où neuf esclaves fauchaient le foin. Il leur demanda s'ils voulaient qu'il aiguise leurs faux, et ils acquiescèrent. Alors il prit une pierre à aiguiser à sa ceinture et la passa sur les faux. Il leur sembla qu'elles coupaient infiniment mieux, et ils demandèrent si la pierre à aiguiser était à vendre. Mais il lui conféra une valeur telle que personne ne pourrait jamais l'acheter. Alors il jeta la pierre en l'air ; et comme tous voulurent la récupérer, ils se bousculèrent tant et si bien qu'ils se coupèrent mutuellement le cou avec leurs faux.

    Odin sollicita l'hospitalité pour une nuit auprès du frère de Suttungr, nommé Baugi. Baugi se lamentait sur son exploitation, se plaignant que ses neuf esclaves se soient entretués, et déclara qu'il n'avait aucun espoir de retrouver des serviteurs. Odin lui dit s'appeler Bolwerk : il lui offrit de reprendre la besogne des neuf travailleurs de Baugi, et demanda comme salaire une gorgée de l'hydromel de Suttungr. Baugi le prévint qu'il n'avait aucun droit sur l'hydromel, et dit que Suttungr était bien déterminé à le garder pour lui tout seul, mais il promit d'aller le voir avec Bolwerk et d'essayer d'obtenir un peu d'hydromel. Pendant l'été, Bolwerk accomplit le travail de neuf hommes pour Baugi, mais quand l'hiver vint, il lui demanda sa rétribution. Ils se rendirent tous deux chez Suttungr, à qui Baugi parla de son marché avec Bolwerk, sans en obtenir ne serait-ce qu'une goutte d'hydromel. Alors Bolwerk suggéra à Baugi d'user de ruses afin d'accéder à l'hydromel ; Baugi en fut d'accord. Donc, Bolwerk alla quérir une tarière nommée Rati, disant que si Baugi pouvait creuser le roc, elle serait bien coupante. Ainsi firent-il. Quand Baugi dit que la montagne était enfin traversée, Bolwerk souffla dans le trou, mais les gravats volèrent vers lui. Alors il découvrit que Baugi l'avait trompé, et il lui ordonna de continuer à creuser. Baugi se remit à creuser, et lorsque Bolwerk souffla à nouveau, les gravats volèrent vers la caverne au fond du trou. Alors Bolwerk se transforma en serpent et rampa dans le tunnel, mais Baugi lui lança la tarière par derrière et le manqua. Bolwerk progressa vers l'endroit où Gunnlod résidait, et resta trois nuits avec elle. Alors elle lui permit de boire trois gorgées d'hydromel. La première nuit, il vida Odrerir jusqu'à la dernière goutte ; la deuxième nuit, il assécha Bodn ; et la troisième nuit, Son. Et maintenant, il avait tout l'hydromel.

     

    edda de snorri

    Odin et Gunnlod. Johannes Gehrts.

     

    Alors il se transforma en aigle et s'enfuit aussi vite que possible. Mais lorsque Suttungr vit la manière dont fuyait cet aigle, il changea de forme également, devint un aigle à son tour, et le pourchassa. Lorsque les Ases virent qu'Odin s'enfuyait, pressentant ce qui se passait, ils sortirent immédiatement les cuves dans la cour ; et lorsqu'Odin parvint à Asgard, il régurgita l'hydromel dans les cuves. Pourtant, comme il avait été bien près d'être rattrapé par Suttungr, un peu d'hydromel ressortit aussi par l'orifice postérieur. Aucune attention ne fut portée à cet hydromel-là, et quiconque peut en obtenir, et nous l'appelons la part des poêtaillons.

     

    edda de snorri

     

    Mais Odin donna de l'hydromel de Suttungr aux Ases et aux hommes capables de composer de la poésie. Depuis, nous nommons la poésie butin ou trouvaille d'Odin, ou boisson d'Odin, ou son don, et boisson des Ases.

     

    Skaldskaparmal                                                                                                                          Skaldskaparmal 

     


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  • Skaldskaparmal

    Alors Ægir demanda : «- De combien de manières peuvent être assemblés les éléments de la poésie, ou combien sont les éléments essentiels de l'art des scaldes ?»

    Bragi répondit : «- Les éléments composant une poésie sont au nombre de deux.»

    Ægir demanda : «- Quels sont-ils ?»

    Bragi dit : «- La métaphore et le mètre.»

    «- Quels types de métaphores sont utilisés dans l'écriture poétique ?»

    «- Il existe trois types de métaphores scaldiques.»

    «- Lesquels ?»

    «- En premier, nommer chaque chose par son nom ; le deuxième type est nommé substitution (heiti) ; le troisième s'appelle la périphrase (kenning). Ce dernier type est utilisé de la manière suivante. Supposons que je parle d'Odin, ou de Thor, ou de Tyr, ou de n'importe lequel des Ases ou des Elfes ; et pour chacun de ceux dont je parle, je peux ajouter le nom d'une qualité d'un autre Ase, ou je rappelle l'un de ses hauts faits. Il devient alors le propriétaire de ce nom, et non celui dont le nom lui est appliqué : si je parle de Tyr de la Victoire, ou de Tyr le Pendu, ou de Tyr des Chariots, ça devient le nom d'Odin. Nous nommons cela les noms périphrases. Il en va ainsi avec le titre de Tyr des Chariots.»

     

    I- Mais un avertissement doit être donné aux jeunes scaldes, ceux qui aspirent à atteindre la maîtrise de la poésie et à augmenter leur liste de figures de style avec des métaphores traditionnelles, de même qu'à ceux qui veulent discerner le sens caché des phrases : laissez chacun interpréter cette œuvre pour son instruction et son plaisir. Cependant, il ne faut ni oublier ni discréditer cette tradition en éliminant ces anciennes métaphores qui ont plu aux maîtres scaldes, ni lorsqu'on est chrétien, croire dur comme fer en ces dieux païens ou en la vérité de ces légendes telles qu'on peut les trouver au début de ce livre.

     

    II- Maintenant, écoutez des exemples de la manière dont les maîtres scaldes composent, en utilisant de simples mots ou des périphrases : comme lorsque Arnorr scalde du Jarl dit qu'Odin est nommé Alfather.

    A présent, je vais conter aux hommes

    Les mérites du redoutable Jarl :

    Que les flots écumeux de la chanson d'Alfather

    Allègent enfin mes chagrins.

    Ici, il nomme la poésie : le flot écumeux de la chanson d'Alfather.

     

    Havard le Boîteux chanta ensuite :

    Maintenant voici le vol des aigles / Au-dessus des champs ; les cavaliers

    Des chevaux de la mer se hâtent / Vers les cadeaux et le festin du Dieu Pendu.

     

    Ainsi chanta Viga-Glumr :

    Avec la protection du Dieu Pendu, / Les hommes cessèrent de passer

    Par dessus bord ; bien que ce fut désagréable / Les plus braves prirent ce risque.

     

    Ainsi chanta Refr :

    Souvent, le Très Gracieux vint à moi / Vers la coupe sainte du Dieu des Corbeaux ;

    Le Roi de l'or de l'océan labouré par les troncs / Est séparé du scalde par la mort.

     

    Ainsi chanta Eyvindr Skaldaspiller :

    Et Sigurdr, lui qui a / Rassasié les corbeaux

    Du Dieu des Cargaisons / Avec le sang de l'hôte

    des Haddings assassinés / Par les Seigneurs de la terre, à Oglo.

     

    Ainsi chanta Glumr Geirason :

    Là, Tyr des Triomphes / Inspirait lui-même la terreur

    Aux navires ; Les dieux des brises / Qui favorisent les hommes bons les guidèrent.

     

    Ainsi chanta Eyvindr :

    Gauta-Tyr envoya / Göndull et Skögull

    Pour choisir parmi les rois / Lequel des descendants d'Yngvi

    Devrait venir avec Odin / A la Valhalle.

     

    Ainsi chanta Úlfr Uggason:

    Rapidement chevaucha le Très-Glorieux / Le Dieu Prophète, à la vitesse de l'incendie,

    Vers le haut bûcher funéraire de son enfant ; / Dans mes joues se pressent les chants de louanges.

     

    Ainsi chanta Thjódólfr de Hvin:

    Le mort gisait là, maculé de sable, / Dépouille pour le Borgne

    Habitant du cœur de Frigg ; / De tels faits sont propres à nous réjouir.

     

    Ainsi chanta Hallfredr :

    Le preux Maître des Vaisseaux / Avec des mots habiles et apaisants

    Leurra notre terre, la Patiente, / L'épouse aux mèches d'orge de Troisième.

    Ici on trouve un exemple de cette métaphore poétique de la terre comme épouse d'Odin.

     

    Ici est retranscrit ce que chanta Eyvindr :

    Hermodr et Bragi / Parlèrent à Hropta-Tyr;

    Allez saluer le Prince ; / Pour un roi qui se révèlera,

    Un champion viendra / Dans cette salle.

     

    Ainsi chanta Kormakr :

    Le Donneur de Terres, qui lie / La voile au sommet du mât avec un lien d'or

    Honore celui qui déverse l'hydromel de la poésie du dieu.

    Odin forgea des charmes pour Rind.

     

    Ainsi chanta Steinthorr :

    J'ai beaucoup à glorifier / La Liqueur du Vaillant

    Faite voilà longtemps (quoiqu'en petite quantité), / Le butin des étreintes de Gunnlod.

     

    Ainsi chanta Úlfr Uggason:

    Je pense que les Valkyries suivent / De même que les corbeaux, Odin le victorieux

    Vers le sang du glorieux Balder. / La halle fut animée de récits anciens.

     

    Ainsi chanta Egill Skallagrímsson:

    Aucune victime : / Au frère de Vili.

    J'offre au Très-Haut / Ma joie de lui appartenir;

    L'Ami de Mimir / M'a déjà conféré

    Cette abolition du mal / Dont je profite.

    Il m'a donné l'art / Des imperfections irréprochables,

    Lui, l'Ennemi du Loup, / Familier des batailles.

    Il est ici appelé Très haut, Ami de Mimir et Ennemi du loup.

     

    Ainsi chanta Refr :

    Rapide, le Dieu des Morts, qui brandit / Les faucons des vagues aux flots neigeux,

    Les navires qui parcourent les routes des mers, / Nous lui devons la boisson des nains.

     

    Ainsi chanta Einarr Ecaille-Sonore1

     C'est mon tour de verser sans contrainte la liqueur / De la barrique d'hydromel du Dieu des Invités

    Devant le rapide Hâteur de Vaisseaux ; / Ce faisant, je ne mérite aucun dédain.

     

    Ainsi chanta Úlfr Uggarson:

    Le majestueux Heimdall éperonne sa monture / Vers le bûcher funéraire que les dieux ont érigé

    Pour le défunt fils d'Odin, / Le très-sage Maître des Corbeaux.

     

    Ainsi est-il dit dans l'Eiriksmal :

    Quel rêve est-ce donc ? dit Odin / Je pensais m'éveiller avant le point du jour

    Pour préparer Valhall / A recevoir les armées de défunts ;

    J'ai réveillé les serviteurs / Leur ai dit de remettre vivement

    Les bancs en place et de les pailler, / De laver diligemment les flacons de bière;

    Les Valkyries verseront du vin / Puisqu'un prince doit venir.

     

    Ainsi chanta Kormákr :

    Je prie le Souverain Vénéré / Du peuple d'Yngvi d'étendre

    Sa main armée de l'arc au-dessus de moi. / Hroptr porte Gungnir avec lui.

     

    Ainsi chanta Thórálfr :

    Le Puissant Maître de Hlidskjálf / Enonça sa pensée envers eux

    Là où les hôtes de l'intrépide / Harekr ont été abattus.

     

    Ainsi chanta Eyvindr:

    Pour extraire l'hydromel / De la vallée engloutie de Suttr

    Le Puissant par les Sorts / Revêtit l'habit de l'oiseau rapide.

     

    Ainsi chanta Bragi:

    On a pu regarder, à la surface de mon bouclier2 / Comment le fils du Père des Peuples

    A ardemment désiré éprouver sa force au plus tôt / Contre le Serpent ruisselant qui enserre la terre.


    Ainsi chanta Eínarr :

    Depuis que moins de princes se réclament / De la descendance de Bestla,

    Ma tâche est de chanter / Tes louanges dans mes chants de guerre.

     

    Ainsi chanta Thorvaldr Plusieurs-Scaldes :

    Maintenant j'ai mieux embrassé / Par la taille

    Le fils de Borr / L'héritier de Buri.

     

    1 Tinkling-Scale
    2 Les boucliers sont constamment considérés comme des objets permettant de lire les légendes et les histoires. Ils sont les miroirs du passé.

     

    Odin et ses attributs

    Odin, Johannes Gehrts

    Il est ici représenté avec nombre de ses attributs : les corbeaux Hugin et Munin, les loups Geri et Freki, la lance Gungnir et le siège Hlidskjálf. Et il est borgne. La seule petite chose peut-être pas franchement indispensable, ce sont les ailes au casque...

     

    Skaldskaparmal                                                                                                             Skaldskaparmal 


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