• Première ligne : la Thrymskvitha  

    Havamal 

    havamal, edda poétique

     

    Les Dits du Très-Haut. C'est une pièce monumentale (165 strophes) et majeure de la tradition païenne nordique, probablement d'origine norvégienne. Sans bien sûr croire que les Havamal ont été dictés, ou mieux, rédigés, par Odin himself, cette compilation de conseils relève plus d'une philosophie de vie et de la ligne de conduite à adopter que l'enseignement de type anecdotique habituel (Vafthrudnismal, Grimnismal, Sigdrifumal), quoiqu'il soit parfois possible de tirer de ce dernier des leçons d'ordre moral. On peut rapprocher les Havamal, dans le principe, des "Dix Commandements" chrétiens, quoiqu'exprimés d'une manière plus illustrative et moins dogmatique, et bien que le Très-Haut, qui reconnaît ses erreurs et imperfections, ne mâche pas toujours ses mots.

    Les Havamal sont classiquement subdivisés en quatre parties, que je vais présenter brièvement sans avoir la prétention de dire comment les lire et les interpréter :

    - Gestaþáttr : le chant des hôtes. Les maîtres-mots en sont : prévoyance, bon sens, discrétion, mesure, et circonspection (notamment avec les femmes), le tout dans une approche pragmatique et matérialiste visant à assurer la survie de l'homme dans de bonnes conditions malgré un milieu difficile où beaucoup dépendait des autres.

    - Loddfáfnismál : les Chants pour Loddfafnir. Cette énumération de conseils, voire de consignes morales pour vivre en société, est probablement la partie qui a été la plus imprégnée de christianisme dans cette compilation de textes. A noter la strophe 137, qui dispense des conseils médicaux... et il est un fait que les brûlures d'estomac se soignent bien par des préparations minérales, et que le feu cautérise les plaies...

    - Runatal : les Chants des Runes, ou comment Odin les a apprises, et ce qu'il faut savoir en faire. Cette partie originale touche à la pratique de la magie runique, et est assortie elle aussi de conseils de prudence quant à son utilisation.

    - Ljóðatal : Lai des Galdr. Il s'agit de la liste des charmes, ou sorts, qu'Odin connaît, qui font appel aux runes, et qui servent à se tirer des mauvais pas guerriers ou autres, ou à obtenir ce qu'on désire. 

    Enfin, je ne prêche pour aucune religion, mouvement sectaire ou autre en présentant ma version de ces textes, et n'ai de leçons à donner à personne (voir strophe 8). Joie à ceux qui les comprennent !

    Ecouter en même temps Havamal, de Falkenbach m'a semblé indiqué.

    Hej da.

    Thordruna.

     


    Les Dits du Très-Haut


    Utilisation de la traduction de Régis Boyer modifiée par la lecture des versions françaises anonymes trouvées sur le net, anglaises de Thorpe, Bellows et Auden, et quelques retours, à l'aide du dictionnaire de Zoega, au texte original1

     

     

    Havamal

     

    Gestaþáttr : Chant des Hôtes

    1. Celui qui se tient sur un seuil inconnu

    Doit être prudent avant de le franchir, 

    Examiner toutes les entrées

    Car qui sait d'avance sur quels bancs

    Les ennemis siègent dans la halle.

     


    2. Salut aux hôtes qui accueillent !

    Un convive est arrivé,      

    Sur quel siège s'assiéra t-il ?

    Bien pressé est celui qui,  

    Auprès de l'âtre inconnu,

    Veut éprouver sa réputation.

     

     3. De feu a besoin

    Celui qui est entré,

     Gelé jusqu'aux genoux ;

    Nourriture et linge propre

    Sont nécessaires à l'homme

    Qui a voyagé par-delà les montagnes.

     

    4. D'eau a besoin pour se laver

    Celui qui vient au repas,

    De linge pour se sécher et de cordiale bienvenue,

    D'affabilité, s'il peut en disposer

    Et de silence quand il parle.

     

    Havamal

    Hospitalité. Frolich.

     

    5. Celui qui voyage au loin a besoin de toute sa raison ;

    Chez soi, tout est plus facile.

    L'ignorant sera tourné en dérision

    Qui parmi les sages s'assied.

     

    6. De son savoir, on ne devrait pas se vanter,

    Mais rester sur la réserve :  

    Le malheur frappe rarement

    Le sage qui se tait dans la demeure de l'hôte,

    La sagesse est la plus constante alliée du bon sens.

     

    7. Le convive sage qui se rend au festin

    Prend place avec une courtoisie silencieuse ;

    Il écoute avec ses oreilles, il regarde avec ses yeux,

    Avec vigilance se comporte tout homme sage.

     

    8. Heureux celui qui s'est acquis seul

    Louanges et bonne réputation.

    Il est moins prudent de tirer sa sagesse

    De celle cachée dans le cœur de l'autre.

     

    9. Heureux celui qui s'est acquis de son vivant

    Louanges et sagesse,

    Car les mauvais conseils proviennent souvent

    Du sein d'autrui.

     

    10. Il n'est sur la route meilleur fardeau

    Que le bon sens,  

    Meilleur que la richesse, en maison inconnue

    C'est le refuge de l'indigent.

     

    11. Il n'est sur la route meilleur fardeau

    Que le bon sens,  

    Mais il n'est pire viatique à emmener loin

    Qu'un trop grand appétit de bière.

     

    12. Moins bonne qu'on ne croit

    Est la bière pour les hommes mortels :  

    Car plus il boit, moins l'homme

    Garde la maîtrise de son esprit.

     

    13. Héron étourdi est nommé l'oiseau

    Qui plane au-dessus des banquets  

    Et prive l'homme de ses esprits ;

    C'est par les plumes de cet oiseau que je fus entravé

    Et retenu dans la demeure de Gunnlod.

     

    Havamal

    Héron étourdi... Frolich

     

    14. J'étais saoul, ivre mort,

    Chez Fjalar le Sage ;

    La meilleure des beuveries est celle qui rend

    Sa lucidité à l'homme qui rentre chez lui.

     

    15. Le fils d'un roi doit être avisé et silencieux,

    Et hardi dans la bataille ;  

    Chacun devrait être heureux et brave

    Jusqu'au jour de sa mort.

     

    16. Le pleutre croit qu'il vivra toujours

    S'il évite les combats            

    Mais la vieillesse ne lui accordera pas la paix

    Que les lances auraient pu lui donner.

     

    17. L'imbécile qui se rend au festin reste bouche bée

    Il marmonne dans sa barbe ou se tait;

    Mais aux premières gorgées,  

    La sottise de son esprit devient évidente.

     

    18. Seul celui qui a voyagé loin

    Et vu beaucoup de choses

    Peut dire avec sagesse quelle richesse d'esprit

    Régit chaque homme.

     

    19. Ne pas refuser l'hydromel, mais boire avec mesure,

    Qu'on parle à bon escient, sinon qu'on se taise;  

    Nul ne peut te reprocher à bon droit de manquer de courtoisie

    Quand tu irais tôt te coucher.

     

    20. Le goinfre, s'il ne se modère pas,

    Mange à s'en rendre malade;

    Souvent par sa panse, le sot provoque le rire

    Quand il vient parmi les sages.

     

    21. Les troupeaux savent bien quand ils doivent rentrer

    Et quittent alors le pâturage ;

    Mais le glouton ne prend jamais la mesure

    De la capacité de son estomac.

     

    22. L'homme mesquin à l'esprit mal tourné

    Ricane de n'importe quoi

    Mais il n'a pas conscience, alors qu'il devrait le savoir,

    Qu'il n'est pas sans défaut.

     

    23. Le sot veille toute la nuit,

    Méditant à tout, à rien ;

    Aussi est-il épuisé quand vient le matin :

    Toute question est restée sans réponse.

     

    24. L'inavisé tient pour ses amis

    Tous ceux qui rient en sa présence ;

    Mais assis parmi des hommes habiles,

    Il ne se rend pas compte qu'ils rient de lui.

     

    25. L'inavisé tient pour ses amis

    Tous ceux qui rient en sa présence ;

    Mais il découvre en venant au Thing

    Que fort peu parlent en sa faveur.

     

    26. L'ignorant pense qu'il sait tout,

    Tant qu'il est assis dans son coin, 

    Mais ne sait jamais quoi répondre  

    Lorsqu'on lui pose des questions.

     

    27. Un ignorant, lorsqu'il est en compagnie d'autres hommes

    Ferait mieux de garder le silence,

    Ainsi nul ne peut savoir qu'il est ignorant

    A moins qu'il ne bavarde trop.

    L'ignare ignore ses lacunes

    Et ne sait jamais qu'il parle trop.

     

    28. Celui qui pose les questions et y répond lui-même

    Se pense savant ;

    Nul ne peut dissimuler son ignorance,

    Car chez les hommes, tout se sait.

     

    29. Le bavard profère des stupidités en suffisance

    Une langue volubile  

    Si elle n'est tenue en laisse

    Se porte le plus souvent préjudice.

     

    30. Nul ne doit prendre autrui pour objet de dérision

    Lorsqu'il arrive au banquet

    Semble souvent sage celui qui ne demande rien

    Et qui peut s'asseoir calmement au sec.

     

    31. L'hôte qui raille un autre convive

    Se trouve habile en prenant la fuite ;      

    Il ne sait sans doute pas avec qui il jase au festin,

    Caquetant au milieu d'ennemis.

     

    32. La plupart des hommes sont mutuellement affables,

    Mais se querellent facilement au festin ;            

    La discorde entre les hommes est inévitable :

    L'hôte se chamaille toujours avec l'hôte.

     

    33. On devrait prendre un repas de bonne heure

    Et ne pas jeûner avant d'aller au banquet ;              

    Sinon, on s'assied et on mange, semblant à moitié mort de faim,

    Et incapable de soutenir une conversation.

     

    34. Sinueux et long paraît le chemin qui mène chez un faux ami,

    Fût même sa demeure sur la grand-route,  

    Mais large et droite est la route qui conduit chez l'ami,

    Habitât-il au loin.

     

     35. Il faut savoir partir, ne pas rester toujours

    Dans le même lieu.

    D'agréable on devient odieux

    Si on s'éternise sur les bancs d'autrui.

     

    36. Mieux vaut avoir son propre foyer, même petit :

    Un homme est maître chez lui,

    Ne posséderait-il que deux chèvres et une cabane au toit de chaume :

    C'est préférable à la mendicité.

     

    37. Mieux vaut avoir son propre foyer, même petit :

    Un homme est maître chez lui,

    Saigne le cœur de celui qui doit mendier

    Chacun de ses repas.

     

    38. En voyage dans les campagnes,

    Il ne faut pas même de la longueur d'un pied

    S'éloigner de ses armes.  

    Car on ne sait jamais, sur les routes lointaines,

    Quand on aura besoin de sa lance.

     

    39. Point n'ai rencontré homme si généreux

    Ou si hospitalier qui refusât de bon cœur un cadeau ;          

    Ou si libéral de son bien

    Qu'il ait trouvé un don en retour méprisable.

     

    40. Si un homme s'est acquis des richesses,

    Qu'il ne souffre pas du besoin ;  

    On épargne souvent pour le détestable ce qu'on destinait à l'agréable ;

    Maintes choses vont pis que prévu.

     

    41. Les amis devraient s'offrir mutuellement

    Des armes et des vêtements, c'est ce qui se voit le mieux ;  

    Les amitiés qui échangent des cadeaux

    Durent longtemps, si tel est leur destin.

     

    42. L'homme doit se montrer amical pour son ami,

    Et rendre don pour don,  

    Et rire pour rire ;

    Mais duperie pour mensonge.

     

    43. On peut se montrer amical envers son ami,

    Et les amis de son ami ;

    Mais nul ne doit jamais s'allier

    Aux amis de son ennemi. 

     

    44. Si tu as toute confiance en un de tes amis,

    Et veux en obtenir du bien,  

    Tu dois mêler ton âme à la sienne

    Et échanger avec lui des cadeaux,

    Et aller le visiter souvent.

     

    45. Si en un autre ami tu n'as pas confiance,

    Mais veux pourtant en obtenir du bien,

    Tu dois lui dire de belles paroles, sans lui livrer ton âme,

    Et lui rendre fausseté pour mensonge.

     

    46. Si tu n'as pas confiance en un autre ami

    Dont les sentiments te paraissent suspects,

    Ris avec lui, mais cèle le fond de ta pensée

    La rétribution doit ressembler au cadeau.

     

    47. Lorsque j'étais jeune, alors que je cheminais solitaire,

    Je me perdis en chemin.

    Je me sentis riche en rencontrant un compagnon :

    L'homme est la joie de l'homme.

     

    48. L'homme généreux et courageux est l'homme qui vit le mieux ;

    Rarement le chagrin l'accable.          

    Mais le couard craint toutes choses,

    Et l'avare rechigne sur tout.

     

    49. Je donnais un jour sur la plaine

    Mes frusques à deux hommes des bois.            

    Ils se sentirent des héros, une fois vêtus de ces habits.

    Vulnérable est l'homme nu.

     

    50. Dépérit le jeune pin qui se dresse seul sur la colline :

    Ne l'abritent ni aiguilles ni écorce des autres ;          

    Pourquoi l'homme que personne n'aime

    Vivrait-il longtemps ?

     

    51. Plus chaude que le feu brûle entre les faux amis

    L'amitié durant cinq jours ;

    Mais elle s'éteint au sixième,

    Et toute affection disparaît.

     

    52. Nul besoin d'offrir des cadeaux de grand prix :

    Souvent un petit présent attire les louanges ;

    Avec un demi-pain et une coupe à moitié vide,

    Je me suis fait un vrai camarade.

     

    53. A petite mer, petits rivages,

    Etriqué est l'esprit des hommes ;                

    Tous les hommes ne sont pas également sages ;

    Tous ne sont qu'en partie sages.

     

    54. Chaque homme devrait avoir une mesure de sagesse

    Mais sans en savoir trop ;

    La plus agréable des vies est menée par ceux

    Dont le savoir a pu s'étendre.

     

    55. Chaque homme devrait avoir une mesure de sagesse

    Mais sans en savoir trop ;

    Car le cœur du savant est rarement heureux,

    Si la sagesse est suprême.

     

    56. Chaque homme devrait avoir une mesure de sagesse

    Mais sans en savoir trop ; 

    Aucun homme ne devrait connaître son destin par avance,

    Son esprit reste ainsi en paix.

     

    57. Le brandon par le brandon se consume en entier,

    La flamme s'allume à la flamme,

    Et l'homme est connu de l'homme par son discours.

    Et le sot par son silence.

     

    58. Il doit se lever tôt, celui qui veut s'approprier

    Le sang ou les biens d'autrui ;

    Un loup paresseux ne trouve pas de proie,

    Ni l'homme qui dort la victoire.

     

    59. Il doit se lever tôt, celui qui a peu de main d'œuvre

    Pour vaquer à ses affaires ; 

    Beaucoup reste à faire pour celui qui dort le matin ;

    L'énergie compte pour moitié dans l'obtention de la richesse.

     

    60. Un homme avisé devrait savoir combien de bûches sèches

    Et d'écorces de bouleau il lui faut pour son toit,

    Et combien de bois pourra suffire

    Pour la saison ou la moitié d'une année..

     

    61. Que l'homme aille au Thing lavé et restauré,

    Mais qu'il se soucie peu de son vêtement :                  

    On ne doit pas le blâmer pour ses chausses et ses braies,

    Ni pour sa monture,    

    Si médiocre que soit son cheval.

     

    62. Quand l'aigle arrive à l'antique mer,

    Humilié, il laisse pendre sa tête ;          

    Ainsi l'homme qui au milieu de la foule

    Trouve peu d'intercesseurs pour parler pour lui.

     

    63. Celui qui veut être reconnu comme sage

    Doit savoir questionner et répondre.

    Confie ta pensée à une seule personne, à deux, c'est plus risqué,

    A trois, et chacun la connaîtra.

     

    64. Tout homme sagace devrait user avec modération

    De son pouvoir ;                

    Il découvre, en allant parmi les preux,

    Que nul ne peut seul de tous triompher.

     

    65. Circonspect et réservé devrait être chacun,

    Et peu empressé à faire confiance à ses amis ;            

    Des paroles qu'on confie aux autres,

    On reçoit souvent la sanction.

     

    66. J'arrivais bien trop tôt en maint lieu,

    Mais trop tard en d'autres ;              

    Toute la bière était bue, ou pas encore brassée,

    L'importun trouve rarement le bon moment.

     

    67. Ici et là, j'aurais pu être invité,

    Si à l'heure du repas je n'avais pas eu besoin de viande,                 

    Ou si chez l'ami fidèle deux jambons avaient pendu

    Là où j'en avais mangé un.

     

    68. Le feu est le meilleur des dons fait aux hommes,

    Ainsi que le spectacle du soleil ;

    L'homme peut conserver sa santé

    En vivant sans vice.

     

    69. L'homme n'est pas si infortuné, fût-il fort malade :

    L'un est heureux par ses fils, 

    L'autre par sa famille, ou ses biens,

    L'autre enfin par ses bonnes actions.

     

    70. Il est toujours mieux d'être vivant que mort,

    Un vivant peut toujours posséder une vache.           

    J'ai vu le feu embraser le bûcher funéraire de l'homme riche,

    Mais il gisait, mort, devant sa porte.

     

    71. Un boîteux monte à cheval,

    Un manchot garde les troupeaux,

    Un sourd fait assaut d'armes et rend service,

    Mieux vaut être aveugle que brûlé sur le bûcher,

    Un mort n'est utile à personne.

     

    72. Mieux vaut avoir un fils, fut-il né trop tard,

    Après la mort de son père.            

    La pierre commémorative se dresse rarement au bord de la route,

    Si le parent ne l'érige au parent.

     

    73. Deux hommes peuvent se battre,

    Ta langue peut te coûter ta tête ;        

    Sous chaque manteau de fourrure,

    Je cherche un poing fermé.

     

    74. La nuit est bienvenue pour celui qui possède un viatique solide,

    (Etroites sont les places dans un navire)2                                          

    Variables sont les nuits d'automne ;

    Le temps change souvent en cinq jours,    

    Et plus encore en un mois.

     

    75. Point ne sait celui qui ne sait rien

    Que l'or entraîne l'homme à en singer un autre ;

    Un homme est riche, l'autre pauvre,  

    Nul ne devrait leur en tenir rigueur.

     

    76. Meurent les biens, meurent les parents,

    Et toi, tu mourras de même;

    Mais la réputation ne meurt jamais,

    Celle que bonne l'on s'est acquise.

     

    77. Meurent les biens, meurent les parents

    Et toi, tu mourras de même;

    Mais je sais une chose qui jamais ne meurt :

    Le jugement porté sur chaque mort.

     

    78. Je vis chez les fils de Fitjung des réserves bien approvisionnées

    A présent, ils portent le bâton du mendiant ;                  

    Ainsi en va-t-il de la fortune, comme du clin d'œil ;

    C'est la plus volage des amies.

     

    79. Le sot, s'il acquiert fortune ou faveur de femme,

    Voit croître en lui son orgueil, 

    Mais jamais sa sagesse ;

    Son arrogance enfle d'autant.

     

    80. C'est une certitude : si tu t'interroges sur les runes,

    Celles que connaissent les Dieux,                

    Celles que créèrent les Puissances suprêmes

    Et que colora le Maître-Poète,      

    Le mieux est de garder le silence.

     

    81. C'est le soir qu'il faut louer le jour

    L'épouse, quand elle est brûlée

    L'épée, quand on l'a éprouvée,

    La vierge, quand elle est mariée,

    La glace, quand on l'a traversée,

    La bière, quand elle est bue.



    82. C'est dans le vent qu'il faut abattre l'arbre

    Par bonne brise qu'il faut ramer en mer,

    Dans l'obscurité qu'il faut bavarder avec la jeune fille :

    Nombreux sont les yeux du jour.

    Un bateau est fait pour voyager,

    Un targe, pour protéger,

    Une épée, pour frapper,

    Et une demoiselle, pour les baisers.

     

    83. Boire la bière auprès du feu, glisser sur la glace,

    Acheter le coursier lorsqu'il est maigre,                  

    Et l'épée rouillée,

    Engraisser le cheval en sa demeure,    

    Et le chien dans sa niche.

     

    84. Promesse de jeune fille nul ne devrait croire,

    Ni dires de femme            

    Car leur cœur a été façonné sur une roue tourbillonnante,

    Et l'inconstance a été placée en leur sein.

     

    85. En arc fragile, brasier brûlant,

    Loup vorace, corbeau croassant,          

    Porc grognant, arbre sans racines,

    Vague montante, chaudron bouillant, 

     

    86. Flèche volante, marée descendante,

    Glace d'une nuit, serpent lové,  

    Verbiage de femme au lit, épée brisée,

    Jeu d'ours ou Fils de Roi,

     

    87. Veau malade, thrall volontaire,

    Flagornerie de sorcière, ennemi fraîchement tué,

    (Ciel serein, foule riante,

    Aboiement de chien, chagrin de prostituée)

     

    88. Champ trop tôt semé, il ne faut avoir confiance,

    Non plus que trop tôt à son fils ;

    Le temps gouverne les champs et donne de l'esprit au fils ;  

    Chacun d'eux est suspect.

     

    89. Au meurtrier de son frère, si on le croise sur la route,

    A la maison à demi-brûlée, à un cheval trop vif  

    -Une monture est inutile avec une jambe cassée -

    Nul ne doit être assez confiant pour se fier.

     

    90. Ainsi est l'amour d'une femme qui fomente la tromperie,

    C'est chevaucher sur la glace avec un coursier non ferré,  

    Agé de deux ans et mal débourré,

    Ou croiser dans la tempête sur un navire sans gouvernail,              

    Ou pour un boiteux, poursuivre un renne sur les rochers au dégel.

     

    91. J'en parle maintenant ouvertement,

    Car je connais l'un et l'autre,    

    Les sentiments de l'homme envers la femme sont inconstants :

    Plus nous parlons aimablement, plus nos intentions sont fausses.  

    Nous leurrons même les plus sages.

     

    92. Doit parler plaisamment et offrir des richesses

    Qui veut s'attirer l'amour d'une femme,                      

    Et vanter la beauté de la radieuse jeune fille :

    Gagne celui qui est le plus habile à les courtiser.

     

    93. Nul ne devrait jamais blâmer l'amour d'autrui :

    Le sage peut s'émouvoir d'une grande beauté            

    Quand l'ignorant y reste indifférent.

     

    94. Nul ne devrait jamais blâmer la déraison d'autrui,

    Elle est le lot des plus nombreux

    La puissance de l'amour rend sots les plus sages.

     

    95. Seule la tête sait ce qui gît près du cœur,

    L'homme est seul avec ses sentiments,  

    Il n'est pire maladie pour celui qui est raisonnable

    Que de n'être pas bien avec lui-même.

     

    96. J'ai éprouvé cela, assis dans les roseaux,

    Attendant le délice de mon cœur,  

    Corps et âme était pour moi cette sage jeune fille,

    Quoique je ne l'eusse pas eue encore.

     

    97. Je trouvais la fille de Billing sur un lit verdoyant ;

    Lumineuse comme le soleil dans son sommeil :      

    La fortune des princes n'était rien

    Sans la vie auprès de ce corps.

     

    98. ''Reviens ce soir, Odin, si tu veux conquérir cette femme,

    Mais il serait désastreux 

    Que d'autres soient au courant

    De nos projets interdits.''

     

    100. Je m'en retournais, plein d'espoir de joie,

    Peu soucieux de sages conseils,    

    Je croyais fermement que j'obtiendrai d'elle

    Des plaisirs sans limite.

     

    101. Lorsque je revins à la nuit,

    Tous les guerriers étaient éveillés,          

    Munis de torches enflammées,

    Et je compris qu'était barré le chemin de ma joie.

     

    102. Mais lorsque je revins au petit matin,

    Alors que la maisonnée était encore endormie,                      

    Je trouvais attaché son chien

    Au lit de la jeune demoiselle. 

     

    havamal, edda poétique

    Le chien au pied du lit. Frolich.

     

    103. Mainte excellente vierge, si l'on y regarde de près,

    Est traîtresse envers ses soupirants ;            

    C'est ce que j'appris en tentant de séduire l'astucieuse jeune fille.

    L'habile demoiselle me couvrit de ridicule  

     Et d'elle je n'obtins rien.

     

    104. Un homme doit être heureux en sa demeure et généreux envers ses hôtes,

    Se conduire intelligemment, avoir bonne mémoire et être prêt à discuter,

    S'il veut élargir ses connaissances.

    Celui qui ne peut parler de rien est nommé un sot,  

    Car c'est le propre de l'ignorance.

     

    105. Je rencontrai le vieux géant :

    A présent me voici revenu ;  

    Je n'obtins rien par le silence,

    En parlant beaucoup, j'eus ce que je voulais

    Dans la halle de Suttung.

     

    106. La bouche de Rati me fraya un passage

    En rongeant le rocher ;

    Au-dessus et en dessous passaient les chemins des géants,

    Aussi risquai-je ma tête.

     

    107. Günnlod, assise sur le siège d'or,

    Me donna à boire une gorgée du merveilleux hydromel ;            

    Je lui laissai une piètre récompense

    Pour son âme intègre et son amour fervent.

     

    Havamal, odin, gunnlod

    Odin et Gunnlod. C.E. Doepler

     

    108. J'ai grandement profité de la belle bien méritée,

    Le sage se contente de peu,

    Et Odrerir est maintenant revenu

    Aux demeures terrestres des Ases.

     

    109. Je pense que j'aurai difficilement pu sortir

    De la terre des géants si je n'avais été aidé de Günnlod,  

    La bonne demoiselle

    Que j'avais serrée dans mes bras. 

     

    110. Le lendemain, les Thurses du givre vinrent

    Dans sa halle consulter Hor : de Bölwerk ils s'enquirent:  

    Etait-il de retour parmis les dieux,

    Ou Suttung l'avait-il occis ?

     

    111a. Je crois qu'Odin avait prêté son serment

    Sur l'anneau sacré3. Qui pourrait maintenant se fier à sa parole ?

    Il a laissé Suttung trahi, dépossédé de sa boisson,

    Et Günnlod en larmes.

     

    Havamal

     

    Loddfáfnismál : Chants pour Loddfafnir


    111b. Il est temps de parler depuis la chaire du prêcheur -

    Assis près du puits d'Urd, je vis et gardai le silence  

    Je vis et méditais, j'écoutais les propos des hommes.

    (Des runes j'entendis discourir sans besoin de conseils,

    Dans la halle de Hor, j'entendis de tels discours.)

     

    112. Je te conseille, Loddfafnir, et puisses tu écouter mes préceptes

    -Tu en tireras profit si tu les apprends,

    Un grand bénéfice si tu les suis -

    Ne te lève pas la nuit,                                        

    A moins d'être en quête ou contraint à le faire.

     

    113. Je te conseille, Loddfafnir, et puisses tu écouter mes préceptes

    -Tu en tireras profit si tu les apprends,

    Un grand bénéfice si tu les suis -

    Prends garde de ne pas dormir entre les bras d'une magicienne

    Ni de te laisser enserrer par ses membres.

     

    114. Leur pouvoir est tel que tu ne prendras plus garde

    Ni au Thing, ni aux propos du Prince,              

    Que tu répugneras à manger et à te réjouir,

    Que tu t'endormiras plein de tristesse.

     

    115. Je te conseille, Loddfafnir, et puisses tu écouter mes préceptes

    -Tu en tireras profit si tu les apprends,

    Un grand bénéfice si tu les suis -

    Ne séduis jamais la femme d'autrui,

    Ne t'entiche pas d'elle en secret.

     

    116. Je te conseille, Loddfafnir, et puisses tu écouter mes préceptes

    -Tu en tireras profit si tu les apprends,

    Un grand bénéfice si tu les suis -

    Si tu veux voyager par les monts ou les fjords,

    Prévois bien tes provisions de nourriture.

     

    117. Je te conseille, Loddfafnir, et puisses tu écouter mes préceptes

    - Tu en tireras profit si tu les apprends,

    Un grand bénéfice si tu les suis -

    A un scélérat, ne laisse jamais connaître tes ennuis,

    Car d'un scélérat, tu ne recevras jamais récompense de ta sincérité.

     

    118. J'ai vu un homme mortellement blessé

    Par des paroles de mégère :

    Une langue calomniatrice lui coûta la vie,

    Bien que rien ne fût vrai.

     

    119. Je te conseille, Loddfafnir, et puisses tu écouter mes préceptes

    -Tu en tireras profit si tu les apprends,

    Un grand bénéfice si tu les suis -

    Si tu as un ami en qui tu as pleinement confiance,

    Visite le souvent,

    Car croissent les broussailles et les herbes hautes

    Sur les chemins que nul n'emprunte.

     

    120. Je te conseille, Loddfafnir, et puisses tu écouter mes préceptes

    - Tu en tireras profit si tu les apprends,

    Un grand bénéfice si tu les suis -

    Trouve un homme de bien pour t'en faire un ami      

    Et prête attention tant que tu vis à sa salutaire conversation.

     

    121. Je te conseille, Loddfafnir, et puisses tu écouter mes préceptes

    - Tu en tireras profit si tu les apprends,

    Un grand bénéfice si tu les suis -

    Ne sois jamais le premier à rompre

    Les liens qui t'unissent à ton ami ;

    Le souci ronge ton cœur si tu n'as personne à qui ouvrir ton âme.

     

    122. Je te conseille, Loddfafnir, et puisses tu écouter mes préceptes

    -Tu en tireras profit si tu les apprends,

    Un grand bénéfice si tu les suis -

    Ne discute jamais avec un singe malavisé.

     

    123. Car d'un homme malfaisant, tu n'obtiendras jamais

    Récompense pour bienfait,

    Mais un homme de bien

    Te rendra louange pour faveur.

     

    124. L'affection est réciproque

    Quand l'un peut dire à l'autre le fond de sa pensée. 

    Rien n'est pire qu'un cœur malhonnête ;

    Qui approuve toujours n'est pas un ami.

     

    125. Je te conseille, Loddfafnir, et puisses tu écouter mes préceptes

    -Tu en tireras profit si tu les apprends,

    Un grand bénéfice si tu les suis -

    Tu ne dois pas échanger trois mots querelleurs  

    Avec un mauvais homme ;

    Souvent le meilleur cède, quand le pire cherche noise.

     

    126. Je te conseille, Loddfafnir, et puisses tu écouter mes préceptes

    -Tu en tireras profit si tu les apprends,

    Un grand bénéfice si tu les suis -

    Ne sois ni cordonnier ni fabricant de flèches,        

    A moins que ce ne soit pour ton propre usage.

    Si la chaussure est mal faite ou la flèche tordue,          

    On te voudra du mal.

     

    127. Je te conseille, Loddfafnir, et puisses tu écouter mes préceptes

    -Tu en tireras profit si tu les apprends,

    Un grand bénéfice si tu les suis -

    Si tu rencontres le malheur, proclame le comme tel,

    Et ne fais pas la paix avec ton ennemi.

     

    128. Je te conseille, Loddfafnir, et puisses tu écouter mes préceptes

    -Tu en tireras profit si tu les apprends,

    Un grand bénéfice si tu les suis -

    Ne te réjouis jamais du mal,

    Mais laisse le bien te rendre heureux.

     

    129. Je te conseille, Loddfafnir, et puisses tu écouter mes préceptes

    -Tu en tireras profit si tu les apprends,  

    Un grand bénéfice si tu les suis -

    Ne regarde pas en l'air durant la bataille,  

    (Comme des porcs seront les fils des hommes)

    De peur que ton esprit ne soit ensorcelé.

     

    130. Je te conseille, Loddfafnir, et puisses tu écouter mes préceptes

    -Tu en tireras profit si tu les apprends,

    Un grand bénéfice si tu les suis -

    Si tu veux gagner le plaisant entretien d'une femme  

    Et en obtenir allégresse,

    Tu dois faire de belles promesses et bellement les tenir :  

    Nul ne se détourne du bien qui lui est fait.

     

    131. Je te conseille, Loddfafnir, et puisses tu écouter mes préceptes

    -Tu en tireras profit si tu les apprends,

    Un grand bénéfice si tu les suis -

    Il te faut être prudent, mais pas inquiet.

    Méfie-toi surtout de la boisson et de la femme d'autrui,

    Et en troisième que les larrons ne te dupent pas.

     

    132. Je te conseille, Loddfafnir, et puisses tu écouter mes préceptes

    -Tu en tireras profit si tu les apprends,

    Un grand bénéfice si tu les suis -

    Ne prends jamais pour objet de mépris ou de moquerie              

    L'hôte ou le voyageur4havamal, edda poétique.

     

    133. Celui qui est assis dans sa maison ne sait pas toujours bien

    Quelle sorte d'homme arrive,            

    Vice et vertu sont mêlés chez les hommes,

    Nul, même excellent, n'est sans défaut,  

    Ni si malfaisant qu'il ne puisse servir à rien.

     

    134. Je te conseille, Loddfafnir, et puisses tu écouter mes préceptes

    -Tu en tireras profit si tu les apprends,

     Un grand bénéfice si tu les suis -

    Ne raille jamais le conteur chenu,

    Souvent les anciens parlent sagement,

    Les conseils avisés se cachent souvent sous le cuir ratatiné        

    De ceux dont la peau pendille, plissée dans la fourrure,

    Et qui vont parmi les misérables.

     

    135. Je te conseille, Loddfafnir, et puisses tu écouter mes préceptes

    -Tu en tireras profit si tu les apprends,

    Un grand bénéfice si tu les suis -

    Ne raille pas ton hôte, ni ne lui ferme ta porte,  

    Traite les indigents avec bienveillance

    Et ils diront du bien de toi.

     

    136. Lourde est la bâcle qu'il faut lever

    Pour accueillir tout le monde ;

    Donne un anneau à cet homme, ou sera malfaisant

    Le sort qu'il te jettera.

     

    137. Je te conseille, Loddfafnir, et puisses tu écouter mes préceptes

    -Tu en tireras profit si tu les apprends,

    Un grand bénéfice si tu les suis -

    Si tu bois de la bière, cherche la force de la terre  

    (car la terre guérit l'ivresse, le feu les infections,

    Le chêne la constipation, l'épi de blé l'envoûtement,    

    Le sureau la querelle matrimoniale),

    Contre la colère, invoque la lune,

    Contre les morsures d'insectes, l'alun,

    Les herbes soignent la gale,

    Les runes sont efficaces contre le malheur,

    Et l'argile contre les vomissements.

     

    Havamal

     

    Rúnatal : Le Chant des Runes

     

    138. Je sais que je pendis à un arbre battu par les vents

    Durant neuf nuits entières,

    Blessé par une lance et offert à Odin,

    Moi-même donné à moi-même ;

    Sur cet arbre dont personne n'a jamais su

    D'où viennent ses racines.

     

    139. Nul ne me régala de pain ou d'une corne à boire,

    Et je regardai vers le bas,

    Et je pris les runes, hurlant, je les appris.

    Puis de là retombai.

     

    140. J'appris du fameux fils de Bölthorn,

    Père de Bestla, neuf chants puissants,

    Et je bus le précieux hydromel

    Puisé à Ödrerir.

     

    141. Alors je me mis à germer, et à savoir beaucoup,

    A croître et à prospérer,

    Chaque mot me menait à un autre mot,

    Chaque acte à un autre acte

     

    142. Tu trouveras les runes, les signes du destin,

    Signes très importants, signes pleins de pouvoir,       

    Que colora le Maître-Poète, que créèrent les puissances suprêmes,

    Que grava le Prince des Puissants.

     

    143. Odin pour les Ases, Dainn pour les Alfes,

    Dvalinn pour les Nains, Asvid pour les géants,           

    J'en gravais moi-même quelques-unes.

     

    Havamal

    Etude des runes. Jenny Nystrom

     

    144. Sais-tu comment il faut les graver ?

    Sais-tu comment il faut les interpréter ?

    Sais-tu comment il faut les teinter ?

    Sais-tu comment il faut les éprouver ?

    Sais-tu comment il faut les prier ?

    Sais-tu comment il faut leur sacrifier ?

    Sais-tu comment il faut les offrir ?

    Sais-tu comment il faut les immoler?

     

    145. Mieux vaut ne pas demander que trop sacrifier.

    Un don attend toujours un don en retour.

    Mieux vaut ne pas offrir que trop immoler.

    Voilà ce que Thund grava avant la naissance de l'humanité;

    Lorsqu'il atteignit son apogée, à son retour.

     

    havamal, edda poétique

    Le pendu. Jeu de Tarot de Luis Royo.

     

    Havamal

     

     

    Ljóðatal : Lai des Galdr

     

    146. Je sais ce chant que ne connaissent

    Ni épouses de roi, ni fils des hommes.

    L'un s'appelle aide, et il t'aidera

    Dans les conflits et les chagrins et la maladie.

     

    147. J'en connais un deuxième

    Dont ont besoin les fils des hommes                    

    Qui veulent être guérisseurs

     

    148. J'en connais un troisième, si grande est la nécessité

    De terrasser mes ennemis,

    Avec lequel j'émousse le fil des épées de mes adversaires.

    Ne mordent plus leurs armes ni leurs pièges.

     

    149. J'en connais un quatrième : si on me lie les membres,

    J'incante de façon à marcher librement,      

    Les fers tombent de mes pieds

    Et les liens de mes bras se rompent.

     

    150. J'en connais un cinquième : si je vois d'assez loin

    Un trait volant à l'encontre de mon armée,            

    Il ne peut filer si vite que je ne l'arrête,

    Si mon œil parvient à le voir.

     

    151. J'en connais un sixième : si on cherche à me blesser

    D'une rune gravée sur une racine d'arbre vert,  

    Ce héros lui-même, qui assouvit sa haine sur moi,

    Sera consumé par le mal plutôt que moi.

     

    152. J'en connais un septième : si je vois la haute flamme

    Au-dessus de mes compagnons de banc,    

    Elle n'est jamais si furieuse que je ne puisse l'étouffer.

    Tel est le charme que je connais.

     

    153. J'en connais un huitième, salutaire pour tous :

    Lorsque s'enfle la haine entre les fils des hommes    

    Je peux promptement l'apaiser.

     

    154. J'en connais un neuvième :

    Si grande est la nécessité

    De sauver mon navire des flots,                  

    Je calme le vent au-dessus des vagues

    Et endors la mer.

     

    155. J'en connais un dixième : si je vois des sorcières chevaucher dans les airs,

    Je peux travailler à les égarer

    De façon à ce qu'elles négligent

    Leur propre forme, leur propre esprit.

     

    156. J'en connais un onzième : si je dois mener à la bataille

    Mes amis de longue date, j'incante derrière leurs boucliers

    Et pleins de force, ils s'élancent,

    Sains et saufs à l'assaut, sains et saufs en reviennent,

    Et sains et saufs regagnent leurs demeures. 

     

    157. J'en connais un douzième : si je vois osciller à un arbre

    Un cadavre de pendu, je sais graver          

    Et peindre les runes de telle sorte

    Que cet homme revienne à lui et converse avec moi.

     

    158. J'en connais un treizième :

    Si je verse de l'eau sur un jeune homme

    Il ne tombera pas, fut-il au cœur de la bataille,  

    Et ne s'effondrera pas sous les épées.

     

    159. J'en connais un quatorzième : s'il faut qu'en société avec les hommes,

    J'énumère les Dieux, les Ases et les Alfes,

    Je les connais tous, ce que peu de sages savent.

     

    160. J'en connais un quinzième que le nain Thjodrodir

    Hurla devant les portes de Delling :                  

    Il donna force aux Ases,

    Gloire aux Alfes, et pensée à Hroptatyr.

     

    161. J'en connais un seizième : si de la jeune fille sage

    Je veux obtenir amour et allégresse,                    

    Je tourne la tête de la vierge aux bras blancs

    Et bouleverse son esprit. 

     

    162. J'en connais un dix-septième qui fait que les jeunes filles

    S'éloignent rarement de moi.

     

    163. Longtemps tu auras cherché ces charmes, Loddfafnir,

    Il te serait bon de les comprendre,              

    Et profitable de les apprendre.

     

    164. J'en connais un dix-huitième que n'ai jamais enseigné

    A vierge ni épouse d'homme,                        

    (Il est préférable qu'un seul le connaisse, c'est la fin des charmes)

    Sinon à celle qui me serre dans ses bras ou qui est aussi ma sœur.

     

    havamal, edda poétique 

    Les Galdr et la magie en général étaient l'apanage des femmes, les volva. Carl Larsson

     

    165. A présent les Dits du Très-Haut ont été chantés dans la halle du Très-Haut,  

    Très utiles aux fils des hommes, inutiles aux fils des géants ;                                        

    Salut à celui qui les chanta !

    Salut à celui qui les connaît !

    Qu'en jouisse celui qui les apprit !

    Salut à ceux qui les écoutèrent !

     

    Havamal

     

    1 Il existe de nombreuses versions de ce texte, dans différentes langues. L'objet de cette traduction est donc de se rapprocher au plus près du sens du texte original, sinon de la lettre, et non de tenter de servir une finalité cultuelle ou philosophique quelconque.
    2 Entre parenthèses : passages du Codex Regius supposés postérieurs aux versions de "Saemund" et Snorri.
    3 Odin avait juré à Suttung sur l'anneau sacré qu'il n'y avait personne tel que Bolwerk parmi les Dieux. Il ne pouvait donc plus gravement se parjurer puisque Bolwerk, c'était lui, et en est conscient.
    4 Voir les Grimnismal. Odin prêche-t-il pour sa propre personne ?
     

      Première ligne : la Thrymskvitha                                                                                                                      Première ligne : la Thrymskvitha


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  • Skaldskaparmal

    Fields of Gold, Turisas

     _________________________

     

    XXXII. «- Quelles périphrases employer pour l'or ?»

    «- En le nommant Feu d'Ægir, aiguilles de Glasir, chevelure de Sif, résille de Fulla, larmes de Freya, parole et voix et mots des géants, gouttes de Draupnir, ou pluie ou averse de Draupnir, ou des yeux de Freyia, rançon d'Otter, paiement des Ases, semence des plaines de Fyris, toit du cairn de Hölgi, feu de toutes les eaux et de la main, pierre et récif et reflet de la main.

     

    skaldskaparmal

    Larmes de Freya à la recherche d'Odr.

     

    XXXIII. ''- Pourquoi l'or est-il nommé feu d'Ægir ?''

    "- Ce récit est de même teneur que celui que nous avons narré ci-avant : Aegir vint à Asgard pour une fête, et alors qu'il était prêt à retourner chez lui, il invita Odin et tous les Ases à lui rendre visite trois mois plus tard. En premier vinrent Odin et Njördr, Freyr, Týr, Bragi, Vídarr, Loki; de même les Ásynja : Frigg, Freyja, Gefjun, Skadi, Idunn, Sif. Thor n'était pas présent, parti en orient pour tuer les trolls. Lorsque les dieux se furent assis à leurs places, Ægir fit amener de l'or pour couvrir le sol de sa halle, et l'or répandait de la lumière et illuminait la halle comme du feu, et il fut utilisé comme éclairage à ce banquet, de même que les épées sont utilisées en place du feu dans la Valhalle. Alors Loki insulta tous les dieux1 avec des mots injurieux, et tua un des serviteurs d'Ægir, celui nommé Cinq-Doigts. Un autre de ses esclaves était appelé Cinq-briquets. Ran est le nom de l'épouse d'Ægir, et leurs filles sont neuf, ainsi que nous l'avons noté plus haut. A cette fête, chacun se servait lui-même de toutes choses, que ce soit la nourriture ou la bière, et de tout ce qui était nécessaire au banquet. Puis les Ases se sont rendu compte que Ran portait ce filet dans lequel elle avait coutume de prendre les hommes qui se rendent sur la mer. Ainsi, cette histoire montre comment il advint que l'or est nommé feu ou lumière ou éclat d'Ægir, ou de Ran, ou des filles d'Ægir ; et à présent, un usage semblable est fait des métaphores qui qualifient l'or de Feu de la Mer et de tous les noms de la mer, de même que Ægir et Ran ont des noms associés à la mer. De plus, l'or est nommé Feu des eaux, ou des rivières, ou de tout nom de rivière. Ces noms ont eu du succès, tout comme d'autres figures utilisées : les plus jeunes scaldes ont composé d'après l'exemple donné par les anciens, même si ces périphrases étaient utilisées dans leurs poèmes, et furent modifiées par la suite en expressions qui semblaient aux jeunes poètes similaires à celles utilisées antérieurement : ainsi, le lac était semblable à la mer, et la rivière au lac, et le ruisseau à la rivière. Ainsi, ces expressions sont nommées nouvelles figures, lorsqu'elles sont élargies et plus longues que ce qui avait été écrit précédemment. Et tout ceci est bel et bon, licite tant que cela concorde avec la vraisemblance et la nature.

    Ainsi que chanta Bragi le scalde :

    Du feu du ruisseau des poissons marins / Il me fit don, avec miséricorde,        

    En récompense de la boisson du géant des montagnes."

     

    XXXIV. ''- Pourquoi l'or est-il nommé Aiguilles, ou Feuilles de Glasir ?''

    "- A Asgard, devant les portes de la Valhalle, pousse un arbre nommé Glasir, et son feuillage est d'or rouge, ainsi qu'il est chanté ci-dessous : 

     Glasir se tient, / Au feuillage d'or,            

    Devant les Halles du grand dieu, / Haut et large, cet arbre est le plus beau connu  

    Dans les mondes des hommes et des dieux."

     

    skaldskaparmal

     

    XXXV. ''- Pourquoi l'or est-il connu sous le nom de chevelure de Sif ?''

    "- Loki fils de Laufey, par malin plaisir, coupa toute la chevelure de Sif. Mais lorsque Thor le sut, il se saisit de Loki et le menaça de lui broyer tous les os à moins qu'il ne fasse fabriquer par les elfes noirs une nouvelle chevelure pour Sif, d'or, et qui pousserait comme de vrais cheveux. A la suite de quoi Loki se rendit chez ces nains qui sont les Fils d'Ivaldi ; et ils fabriquèrent cette chevelure, ainsi que Skidbladnir, et la lance qui est maintenant en possession d'Odin et fut nommée Gungnir.

     

    skaldskaparmal

    Loki prend livraison de la chevelure de Sif.

     

    Alors Loki paria sa tête avec le nain Brokke que le frère de Brokke, Sindri, ne pourrait jamais fabriquer trois autres objets précieux égalant ceux-ci en vertus. Ils vinrent donc à la forge et Sindri laissa une peau de porc dans le foyer, ordonnant à son frère de souffler dessus tant qu'il n'aurait pas retiré du feu ce qu'il y avait mis. Mais lorsqu'il sortit de l'atelier, pendant que l'autre nain attisait le feu, une mouche apparut subitement et le piqua à la main : pourtant il continua à activer le soufflet jusqu'à ce que l'autre retire son ouvrage du foyer : et c'était un sanglier aux crins et aux soies d'or. Ensuite, il remit de l'or dans le foyer, et commanda à Brokke de ne pas cesser de l'attiser jusqu'à ce qu'il revienne. Il repartit, mais la mouche revint, et se posant sur le cou de Brokke, le piqua deux fois plus fort qu'avant ; pourtant, il continua à souffler jusqu'à ce que le forgeron reprenne dans le feu l'anneau d'or qui se nomme Draupnir. Ensuite, Sindri laissa du fer dans le foyer et intima à son frère l'ordre de continuer à souffler, disant que tout serait gâché s'il cessait. Tout de suite, la mouche se posa entre les yeux de Brokke, et se promena sur ses paupières, et le piqua à nouveau deux fois plus fort que précédemment, et lorsque le sang coula dans ses yeux à tel point qu'il ne voyait plus rien, il essaya de l'attraper de sa main aussi rapidement qu'il put, tandis que le soufflet s'aplatissait, et il chassa la mouche loin de lui. Puis le fèvre revint et lui dit qu'il n'avait pas été loin de gâcher tout ce qu'il y avait dans le foyer. Alors il retira de la forge un marteau, déposa tous ses précieux ouvrages entre les mains de Brokke son frère, et lui ordonna de le suivre à Asgard pour qu'il gagne son pari. Lorsque Loki et lui ramenèrent les précieux objets, les Ases s'assirent sur les sièges du jugement, et prévaudrait le verdict que rendraient Odin, Thor et Freyr. Alors Loki donna la lance Gungnir à Odin, et à Thor la chevelure demandée pour Sif, et Skidblanir à Freyr, et énonça les capacités merveilleuses de ces objets : la lance ne pourrait jamais être arrêtée dans son élan, les cheveux pousseraient dès qu'ils seraient posés sur la chair de la tête de Sif, et Skibladnir aurait une brise favorable dès que la voile en serait levée, quelle que soit la direction dans laquelle on voudrait aller, mais pourrait se plier comme un mouchoir et être rangé dans une pochette si Freyr le désirait. Alors Sindri présenta à son tour ses objets : il donna l'anneau à Odin, lui expliquant que huit anneaux de même poids en dégoutterait chaque neuvième nuit ; à Freyr, il offrit le sanglier, lui indiquant qu'il savait courir à travers les airs et sur la terre plus vite que n'importe quel cheval, qu'il ne deviendrait jamais terne ni sombre, même la nuit ni dans les régions les plus désolées où la lumière manque, grâce à l'éclat de sa crinière et de ses soies. Enfin, il confia le marteau à Thor, et lui dit qu'il pourrait taper aussi fort qu'il le voulait sur ce qu'il voulait, que le marteau ne faillirait pas ; et que quoi que ce soit sur lequel il le lancerait, il ne raterait jamais sa cible, et n'irait jamais assez loin qu'il ne revienne bientôt dans sa main ; que s'il le voulait, il pourrait le garder dans son vêtement, puisqu'il était petit ; et qu'en effet, son seul défaut était d'avoir le manche un peu trop court.

    Leur décision fut que le marteau était le plus précieux de ces objets merveilleux, et qu'il serait d'un grand secours dans la défense contre les géants du givre ; et les Ases ajoutèrent que le nain méritait son prix. Alors Loki offrit de racheter sa tête, mais le nain répondit qu'il ne le pourrait en aucune façon. «Attrape-moi, alors», dit Loki ; mais à peine Brokke avait-il levé la main sur lui qu'il était déjà loin. Loki portait les chaussures permettant de marcher dans les airs et sur l'eau. Alors le nain pria Thor de l'attraper pour lui, et Thor lui rendit ce service. Alors le nain entreprit de lui couper la tête, mais Loki lui affirma qu'il avait droit à la tête, mais pas celui de toucher au cou. Le nain prit une lanière et un couteau, et voulut faire un trou dans les lèvres de Loki, afin de lui coudre la bouche, mais le couteau ne put couper. Brokke se dit qu'il serait préférable qu'il dispose du poinçon de son frère ; et au moment où il en parlait, le poinçon apparut et transperça les lèvres. Il cousit les lèvres ensemble, et Loki arracha la lanière sur les bords. Cette lanière, avec laquelle la bouche de Loki a été cousue, est appelée Vartari.

     

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    Brokke et Sindri forgent : en vrac sur le sol : la chevelure de Sif, Skidbladnir, Gullinbursti, 
    Gungir et Draupnir. Encore sur l'enclume, Mjöllnir.

     

    XXXVI. On peut entendre nommer métaphoriquement l'or filet à cheveux de Fulla, dans ces vers forgés par Eyvindr Skaldaspiller :

    Le filet brillant de Fulla, / Le lever de soleil sur son front,                                        

     Brilla sur la colline des boucliers / Qu'élèvent pour les skaldes tous les jours de la vie d'Hakon.

     

    XXXVII. L'or est nommé larmes de Freyja, ainsi qu'il a été dit précédemment.

    Ainsi chanta Skúli Thorsteinsson:                                                                

    Nombreux furent les braves armés d'épées / Qui reçurent les larmes de Freyja,  

    Et plus encore le matin où l'ennemi / Nous avons occis ; nous y étions.

    Et comme chanta Einarr Skúlason :                                                                                

    Lorsque, montées entre les sculptures, / Gisaient les larmes de Mardöll,                

    Nous portions les boucliers fendus par les haches, / Gonflés par l'or de la tanière du serpent.

    Et ici, Einarr a de nouveau nommé Freyja Mère de Hnoss, ou Epouse de Odr, ainsi qu'il est écrit plus bas.                                                                                                  

    Le bouclier, solide toit de glace de la tempête, / Est empli de larmes d'or,          

    La pluie des yeux de l'épouse d'Odr ; / Le roi profite de ce temps.

    Et ensuite :                                                                                                        

    Enfant d'Horn, je possède la parure glorieuse, / Une blessure d'or - un joyau    

    Des plus magnifiques - au cerclage du bouclier, / Vive est la flamme dorée de la mer ;                                                                                                              

    Sur la gemme, la Nièce de Freyr porte l'accumulation des larmes / Du visage de sa mère ; Celui qui nourrit les corbeaux                                                            

    M'a offert en m'accueillant l'or des semences de Frodi.

    Il est aussi noté ici qu'on peut nommer Freyja Soeur de Freyr

    Et encore :

    Il m'a donné une très belle protection / Pour mes chansons, à moi, le voisin      

    Des balances de la mer : je loue volontiers / Les joyaux dorés de la fille de Niord.

    Ici, elle est nommée Fille de Niord.

    Et ensuite :

    Le redoutable et majestueux provocateur / D'Odin, celui qui génère                    

    De sévères combats / M'a donné la fille du courage résolu                                  

    De l'épouse des Vanes, ma hache brillante ; / Le valeureux Maître des épées

    Conduisit la fille de Gefn au lit du Scalde, / Avec l'or ouvragé des flammes de la mer.

    Elle est ici nommée Gefn et épouse des Vanes. Il est correct d'ajouter 'larmes' à tous les noms de Freyia, et de parler de l'or en ces termes ; et de différentes manières ces périphrases ont été diversifiées, de sorte que l'or est appelé la grêle ou la pluie ou tempête de neige, ou des gouttes ou des averses, ou des chutes d'eau, des yeux de Freyja, ou de ses joues ou de ses sourcils, ou de ses paupières

     

    XXXVIII. On peut également entendre que l'or est nommé voix ou paroles des géants, ainsi que nous l'avons dit précédemment.

    Ainsi chanta Bragi le Scalde :

    Puis j'eus un troisième ami, / Tout à fait louable : le plus pauvre                        

    En paroles d'Ali des monticules difformes, / Mais le meilleur de tous pour moi.

    Il appelle un rocher un monticule difforme, et un géant Ali des rochers, et l'or, la parole du géant."

     

    XXXIX. "- Pour quelles raisons l'or est-il nommé La Rançon d'Otter ?''

    "- Il est raconté que lorsque certains des Ases, Odin, Loki et Hoenir, partirent explorer la terre, ils arrivèrent à une rivière et la suivirent jusqu'à une chute d'eau. A côté de la cascade se trouvait une loutre, qui avait attrapé un saumon dans la chute et le mangeait les yeux fermés. Alors Loki prit une pierre et la lança dans la loutre, et l'atteignit à la tête. Et Loki fanfaronna de sa prise, ayant attrapé une loutre et un saumon avec un seul tir. Alors ils prirent le saumon et la loutre et les portèrent avec eux jusqu'à ce qu'ils arrivent à une ferme, où ils entrèrent. L'homme qui vivait là se nommait Hreidmarr : il était un homme d'un grand savoir, et très versé en magie noire. Les Ases lui demandèrent l'hospitalité pour la nuit, disant qu'ils avaient suffisamment de nourriture avec eux, et ils lui montrèrent leur prise. Mais lorsque Hreidmarr vit la loutre, il appela immédiatement ses fils, Reginn et Fafnir, et leur dit que leur frère la loutre avait été tué, et qui en était coupable. Père et fils se précipitèrent sur les Ases, s'en saisirent, les attachèrent et leur dirent que la loutre était le fils de Hreidmarr. Les Ases proposèrent une rançon pour leur vie, autant de richesses que Hreidmarr lui-même voudrait en demander. Et un accord a été conclu entre eux, scellé par des serments. La loutre fut écorchée, et Hreidmarr, prenant la peau de la loutre, leur demanda de la gorger avec de l'or rouge, puis de la couvrir d'or rouge, et que cela remplirait les conditions de leur accord. Alors Odin envoya Loki dans le monde des elfes noirs, pour aller voir le nain nommé Andvari, qui était comme un poisson dans l'eau. Loki l'attrapa à mains nues et demanda comme prix de sa vie tout l'or qu'il célait dans ces rochers ; et lorsqu'ils revinrent dans les cavernes, le nain lui apporta tout l'or qu'il avait, et il en possédait une grande quantité. Mais le nain camoufla dans sa main un seul petit anneau d'or ; Loki le vit et lui ordonna de rendre l'anneau. Le nain le supplia de ne pas lui prendre l'anneau, disant qu'il pourrait renouveler sa richesse s'il le conservait. Loki répondit qu'il ne lui laisserait pas même un sou, et prit l'anneau et partit ; le nain lui cria que cet anneau serait la ruine de son possesseur, quel qu'il soit. Loki répondit que cela semblait assez bien pour lui, et que cette condition serait très supportable, et qu'il la porterait lui-même à la connaissance de ceux qui devraient recevoir la bague et la malédiction. Il poursuivit son chemin et revint à la demeure de Hreidmarr, et montra l'or à Odin. Mais lorsqu'Odin vit l'anneau, il lui sembla attrayant, et il le prit dans le trésor, puis paya son dû à Hreidmarr. Alors Hreidmarr emplit la peau de loutre autant qu'il put jusqu'à ce qu'elle soit pleine. Alors Odin vint couvrir la peau d'or, et il demanda à Hreidmar de vérifier que la peau était bien cachée sous l'or. Mais Hreidmarr regarda attentivement, et vit qu'un poil de la peau dépassait, et ordonna qu'il soit couvert, sans quoi leur contrat serait caduc. Alors Odin couvrit le poil avec l'anneau, disant qu'ils étaient maintenant délivrés de leur dette pour la mort de la loutre. Mais lorsqu'Odin eut repris sa lance et Loki remis ses chaussures, alors qu'ils n'avaient plus aucune raison d'être inquiétés, Loki déclara que la malédiction proférée par Andvari devrait s'accomplir : que cet anneau et cet or entraineraient la destruction de celui qui le recevrait, ce qui s'avéra par la suite.

    A présent, il a été dit pourquoi l'or s'appelle la rançon de la Loutre, ou le tribut des Ases, ou le métal de la discorde."

     

    1 voir la Lokasenna

     

    Edda de Snorri

    La Malédiction d'Andvari. D'après F. van Stassen.

     

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    XL. ''- Que peut-on dire de plus au sujet de l'or ?''.

    "- Hreidmarr prit l'or pour dédommagement de la mort de son fils, mais Fafnir et Reginn réclamèrent pour eux-mêmes une part de l'or du prix du sang de leur frère. Hreidmarr ne voulut leur céder aucun sou du trésor. L'obtenir devint le malsain projet des frères : ils tuèrent leur père pour l'or. Alors Reginn demanda à Fafnir de partager l'or avec lui, moitié-moitié. Fafnir répondit qu'il y avait peu de chances qu'il le partage avec son frère, vu qu'il avait tué son père pour son seul bénéfice personnel ; et il ordonna à Reginn de partir, sans quoi il connaîtrait le même sort que leur père. Fafnir prit le casque de Hreidmarr, et s'en couvrit le chef (ce heaume était nommé le casque de Terreur, car toute créature qui le voyait était effrayée), et l'épée nommée Hrotti. Reginn était armé de l'épée Refill. Puis il s'enfuit, et Fafnir se rendit à la lande Gnita, et s'y installa un repaire, et se transforma en serpent, afin de se lover sur son or.

     

    Edda de Snorri

    Fafnir sur son or. Arthur Rackham.

     

    Alors Reginn alla vers le roi Hjálprekr à Thjód, et devint son forgeron, et il prit pour apprenti Sigurdr, fils de Sigmundr, fils de Volsungr et de Hjordiss, Soeur d'Eylimi. Sigurdr était le plus illustre des Hôtes Royaux, par le sang, par les prouesses et par l'esprit. Reginn lui révéla où Fafnir était tapi sur son or, et l'incita à s'emparer du trésor. Puis Reginn forgea l'épée Gramr, qui était si tranchante, que Sigurdr, la trempant dans l'eau, coupa net du fil de sa lame une bourre de laine qui dérivait sur le courant. Puis Sigurdr cloua d'enclume de Reginn au sol avec l'épée.

     

    Edda de Snorri

    Regin forge Gramr. W. von Hanschild.

     

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    Après cela, Sigurdr et Reginn partirent vers la lande Gnita, où Sigurdr creusa un puits sur le chemin emprunté par Fafnir et lui tendit une embuscade au-dessus de chez lui. Lorsque Fafnir glissa sur la sente et passa au-dessus du puits, Sigurdr lui passa l'épée à travers le corps, et s'en fut fait de lui.

     

    Edda de Snorri

    La mort de Fafnir. Arthur Rackham

     

    Alors Reginn se montra, déclarant que Sigurdr avait tué son frère, et lui demanda pour rançon de prendre le cœur de Fafnir et de le passer à la flamme. Et Reginn se désolidarisa de lui, et but le sang de son frère et s'installa pour dormir. Mais tandis que Sigurdr faisait rôtir le cœur de Fafnir, il voulut savoir s'il était enfin cuit, et le toucha du doigt pour voir combien il était dur ; et un peu de jus coula du cœur sur le doigt de Sigurdr, qui fut brûlé et le porta à sa bouche ; et dès que le sang du cœur toucha sa langue, il sut le langage des oiseaux, et il comprit le chant des sitelles assises dans les arbres.

     

    Edda de Snorri

    Sigurd boit le sang de Fafnir. Arthur Rackham.

     

    Une d'entre elle disait :

    Là est assis Sigurdr, / Aspergé de sang, / Il rôtit le cœur de Fafnir / A la flamme :

    Le voleur d'anneau / Me paraîtrait sage / S'il mangeait le brillant / Muscle de la vie.

    Une autre chanta :

    Ici est couché Reginn / Qui réfléchit et tient conseil,/ Il pourrait trahir le jeune / Qui lui a fait confiance.

    Dans sa rage, il complote / De fausses accusations:/ Le forgeron de la baie / Pourrait venger son frère.

    Alors Sigurdr s'approcha de Reginn, et le tua, puis de son cheval qui s'appelait Grani, et chevaucha jusqu'à la tanière de Fafnir. Il prit l'or, l'enfourna dans ses sacoches de selle, sur le dos de Grani, remonta en selle lui même et s'en alla. Et maintenant, il a été dit pourquoi l'or s'appelle repaire ou demeure de Fafnir, ou métal de la lande Gnita, ou fardeau de Grani.

     

    XLI. Ensuite, Sigurdr chevaucha jusqu'à une maison dans la montagne, dans laquelle une femme casquée et enserrée dans une cuirasse gisait, endormie. Il tira son épée et la libéra de sa cuirasse. Alors elle s'éveilla et lui dit se nommer Hidr ; on l'appelle Brunehilde, et elle était une valkyrie. Sigurdr poursuivit sa route et se rendit chez un roi qui avait nom Gjúki et dont l'épouse était Grímhildr; Leurs enfants étaient nommés Gunnarr, Högni, Gudrún, Gudný ; Gotthormr était le beau-fils de Gjúki. Sigurdr séjourna longtemps chez eux, et obtint la main de Gudrun, fille de Gjúki, et Gunnarr et Högni devinrent ses frères de sang, ses frères jurés. Après quoi Sigurdr et les fils de Gjuki se rendirent chez Atli, fils de Budli, pour demander la main de sa fille, Brunhilde, pour le compte de Gunnarr. Brunehilde habitait sur Hinda-Fell, et un cercle de feu brûlait tout autour de sa halle : elle avait fait le vœu solennel de ne prendre pour époux que celui qui oserait traverser le cercle de flammes.

    Alors Sigurdr et les fils de Gjuki (également nommés les Niflungs) chevauchèrent vers la colline, et Gunnarr aurait bien traversé à cheval le cercle de flammes ; mais son cheval, nommé Goti, n'osa pas sauter par-dessus le feu. Alors ils décidèrent d'échanger leurs noms et leurs apparences, car Grani voulait bien traverser les flammes, mais n'admettait pas d'autre cavalier que Sigurdr. Sigurdr et Grani traversèrent les flammes.

     

    Edda de Snorri

    Sigurd et Brunehilde. Arthur Rackham.

     

    Le soir même, il épousait Brunehilde. Mais lorsqu'ils se retrouvèrent au lit, il tira son épée Gramr et la posa entre eux sur des draps. Au matin, lorsqu'il se réveilla et se vêtit lui-même, il donna à Brunehilde en contrepartie du lin frais l'anneau même que Loki avait pris à Andvari, et prit un autre anneau de sa main en souvenir. Alors Sigurdr remonta sur son cheval et rejoignit ses compagnons, et lui et Gunnarr changèrent de forme à nouveau et revinrent chez Gjuki avec Brunehilde. Sigurdr et Gudrun avaient deux enfants, Sigmundr et Svanhildr.

    Il arriva qu'un jour Brunehilde et Gudrun allèrent à la rivière pour se laver les cheveux. Et lorsqu'elles arrivèrent sur la rive, Brunehilde alla loin dans la rivière, disant qu'elle ne voulait pas que touche sa tête l'eau dans laquelle les cheveux de Gudrun avaient trempé, puisqu'elle avait le mari le plus valeureux. Alors Gudrun alla encore plus loin dans la rivière, et dit qu'il était de son droit de se laver les cheveux plus loin dans le courant, puisqu'elle avait pour époux un homme que ni Gunnarr ni aucun autre dans le monde n'égalerait jamais, puisqu'il avait tué Fafnir et Reginn et pu s'emparer de l'héritage des deux. Et Brunehilde répondit : ''Gunnarr s'est avéré le plus valeureux en traversant le feu, tandis que Sigurdr n'osait pas.'' Gudrun se mit à rire, et dit : ''Penses-tu que Gunnarr a osé passer le cercle de feu ? Maintenant je pense que celui qui a rejoint la future mariée dans son lit, le tien, est le même que celui qui m'a donné cet anneau d'or, et je crois que celui qui t'a donné l'anneau que tu portes et qui s'appelle Dette d'Andvari, et qui est allé le prendre sur la lande Gnita, n'est pas Gunnar.'' Alors Brunehilde se tut et rentra chez elle. 

    Edda de Snorri

    Dispute entre Gudrun et Brunehilde. Arthur Rackham.

     

    Après cela, elle poussa Gunnarr et Hogni à tuer Sigurdr, mais comme ils étaient ses frères jurés, ils demandèrent à leur frère Gotthormr de le tuer. Il transperça Sigurdr de son épée alors qu'il dormait, mais quand Sigurdr sentit la blessure, il lança Gramr sur Gotthormr et le coupa en deux. Ainsi tombèrent Sigurdr et Sigmundur, son fils de trois hivers, qu'ils assassinèrent. Alors Brunehilde se suicida avec une épée, et fut brûlée avec Sigurdr ; mais Gunnarr et Hogni s'emparèrent de l'héritage de Fafnir et de la Dette d'Andvari, et gouvernèrent le pays par la suite.

     

    Edda de Snorri

    Funérailles de Sigurd et Brunehilde. C. Butler.

     

    Le roi Atli, fils de Budli, et frère de Brunehilde, épousa Gudrun, que Sigurdr avait eue pour femme, et en eut des enfants. Le roi Atli invita chez lui Gunnarr et Hogni, et ils se rendirent à son invitation. Avant de partir de chez eux, ils cachèrent l'or, l'héritage de Fafnir, dans le Rhin, et cet or n'a plus jamais été retrouvé. Or le roi Atli avait une armée prête à les recevoir, et ils combattirent Gunnarr et Hogni et les capturèrent. Le roi Atli ordonna que le cœur de Hogni lui soit arraché tout vif, et ce fut sa fin. Il fit jeter Gunnarr dans une fosse à serpents. Mais une harpe avait été secrètement donnée à Gunnarr, et il en joua avec ses orteils, ses mains étant liées. Il joua de la harpe jusqu'à endormir tous les serpents, sauf un qui mordit le cartilage de sa poitrine et y creusa un trou, glissa la tête dans la blessure et arriva au foie, et ce fut sa fin. Gunnar et Hogni étaient appelés les Niflungs ou les Gjukunds, et c'est la raison pour laquelle l'or est appelé trésor, ou héritage, des Niflungs.

     

    Edda de Snorri

    Gunnar dans la fosse aux serpents. Sculpture du XIIème siècle.

     

    Peu de temps après, Gudrun tua ses deux fils, et fit faire des flacons de leurs crânes, plaqués d'or et d'argent. Alors la fête funéraire des Niflungs eut lieu, et à cette fête, Gudrun avait empli pour le roi Atli les flacons d'hydromel mélangé au sang de ses garçons. De plus, elle fit rôtir leurs cœurs et les présenta au roi, afin qu'il les mange. Et lorsqu'il les eut mangés, elle lui dit elle-même ce qu'il venait de faire, en termes cinglants. Il n'avait pas manqué de boissons fortes, à ce banquet, et la majeure partie des invités dormaient à l'endroit où ils étaient assis. Elle s'approcha du roi tandis qu'il dormait, accompagnée du fils d'Hogni, et ils frappèrent le roi, et ce fut sa fin. Puis ils allumèrent un incendie dans la halle, et brûlèrent ceux qui se trouvaient à l'intérieur. Après quoi, elle se rendit au, bord de l'océan et s'y jeta, espérant en finir avec elle-même. Mais elle fut ballottée par les flots du bras de mer et échoua sur les terres du roi Jonakr. Et lorsqu'il la vit, il la prit pour épouse et ils eurent trois fils, nommés Sorli, Hamdir et Erpr ; ils étaient noirs de cheveux, comme Gunnarr et Hogni et tous les Niflungs. C'est ici que Svanhildr, la fille du jeune Sigurdr, avait été élevée, et de toutes les femmes, elle était la plus blonde. Le roi Jörmunrekkr le Puissant entendit parler de sa beauté, et envoya son fils Randver la courtiser et la lui ramener comme épouse. Lorsque Randver se rendit à la cour de Jonakr, Svanhildr lui fut confiée, et il put la ramener au roi Jörmunrekkr. Mais le comte Bikki dit qu'il serait préférable que Randver épouse Svanhild lui-même, puisque tous deux étaient jeunes, plutôt que le roi Jörmunrekkr qui était vieux. Ce conseil plut également aux jeunes gens du peuple. Ensuite, Bikki rapporta ces faits au roi. Immédiatement, le roi Jörmunrekkr ordonna qu'on se saisisse de son fils et qu'on l'amène au gibet. Alors Randver prit son faucon et le pluma, et ordonna qu'il soit envoyé à son père, après quoi il fut pendu. Mais lorsque le roi Jörmunrekkr vit le faucon, il lui revint soudain en mémoire que de même qu'un faucon déplumé est incapable de voler, un royaume gouverné par un vieux roi sans descendance est dépouillé de sa puissance. Surgissant du bois où il était à la chasse, Jörmunrekkr vit Svanhildr occupée à se laver les cheveux : les cavaliers se précipitèrent sur elle et la piétinèrent à mort sous les sabots de leurs chevaux.

    Lorsque Gudrun eut connaissance de cela, elle pressa ses fils d'accomplir sa vengeance pour la mort de Svanhildr. Tandis qu'ils se préparaient pour leur voyage, elle leur donna des cuirasses et des casques si durs qu'aucun fer ne pourrait mordre dedans. Et elle leur donna des instructions : lorsqu'ils seraient auprès du roi Jörmunrekkr, ils devraient le surprendre de nuit, pendant son sommeil : Sörli et Hamdir devraient lui couper les bras et les jambes, et Erpr la tête. Mais chemin faisant, ils demandèrent à Erpr quelle aide exactement ils pouvaient attendre de lui, s'ils rencontraient le roi Jörmunrekkr. Il répondit qu'il leur rendrait la même aide que celle que la main rend au pied. Ils rétorquèrent que le concours que le pied recevait de la main était nul. Ils étaient tellement en colère contre leur mère qui les avait renvoyés avec des paroles blessantes, et ils désiraient avec tant d'empressement faire ce qui semblait le pire pour elle, qu'ils tuèrent Erpur, parce qu'elle l'aimait plus que tout. Un peu plus tard, tandis que Sörli marchait, son pied glissa, et il se rattrapa de la main ; alors il dit : ''Sans doute, la main peut aider le pied ; il serait préférable qu'Erpr soit encore vivant''. Puis ils parvinrent de nuit auprès du roi Jörmunrekkr, tandis qu'il dormait, et lui coupèrent les mains et les pieds, mais il se réveilla et appela ses gardes, et leur ordonna de le défendre. Alors Hamdir parla, et dit : ''il n'aurait plus de tête, maintenant, si Erpr était encore vivant''. Mais les hommes de main entraient et les assaillaient, mais personne ne pouvait en venir à bout avec des armes en métal, et Jörmunrekkr leur cria de les attaquer avec des pierres, ce qui fut fait. Alors Sörli et Hamdir tombèrent, et dès lors, toute la lignée de Gjuki s'éteignit.

    Une fille nommée Aslaug fit survivre le sang du jeune Sigurdr, elle fut élevée avec Heimir en Hlymladir, et de grandes maisons furent issues d'elle. On dit que Sigmundr, Fils de Volsungr, était si robuste qu'il pouvait boire du poison et ne pas en être affecté ; et que son fils Sinfiotli et Sigurdr lui-même avaient la peau si dure qu'aucun poison s'y déposant ne pouvait les atteindre :

    Bragi le Scalde a ainsi chanté :

    Lorsque pendait entortillé le serpent / Frémissant de la boisson des Volsung

    Sur les lames des ennemis / Issus du sang des géants des collines.

     

    De nombreux scaldes ont écrit des vers et divers contes courts sur cette saga. Bragi l'Ancien narra la chute de Sörli et Hamdir dans une chanson d'éloge qu'il composa sur Ragnarr Lodbrok :

    Une nuit Jörmunrekkr s'éveilla / Comme dans un rêve, au milieu des princes,

    Taché du sang dégouttant des épées tournoyantes : / Une rixe éclata dans les appartements

    Du royal père de Randver / Lorsque les frères aile de corbeau

    D'Erpr assouvirent leur vengeance / Pour tous leurs deuils amers.

    La rosée sanglante des cadavres, / Coulant sur la couche du roi,

    Se répandit sur le plancher, où tranchés, / On pouvait voir ses pieds et ses mains

    Gouttant de sang : dans la fontaine à emplir les coupes de bière / Il est tombé tête la première, y mêlant son sang :

    Sur le bouclier, feuille des bosquets / De la terre de Leifi, tout ceci est peint.

    Là se tenaient les hommes aux boucliers / Sans se servir de l'acier,

    Autour du lit du roi : et les frères / Hamdir et Sorli, rapidement,

    Furent jetés à terre / Par ordre du Prince,

    Vers l'épouse d'Odin, / Battus par les pierres.

    Celui qui active les épées tourbillonnantes / Avait décidé que la race de Gjuki devait être maudite,

    Eux qui étaient avides de ravir / Sa vie à l'amoureux de Svanhildr ;

    Et de même payèrent les descendants de Jonakr / Aux armes si tranchantes,

    Aux cuirasses bleues qui faillirent / Sous les coups et les bosses.

    J'ai vu la mort des héros / Sur le brillant cerclage du bouclier :

    Ragnarr me donna la Lune de Bois / Où sont dessinées de nombreuses légendes."

     

    Voir aussi la Volsunga saga, les Sigdrifumal, les Fafnismal, les Hamthesmal.

     

     Skaldskaparmal                                                                                                                   Skaldskaparmal 


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  • Sigdrifumal

     Valkyrjan (Land), de Tyr.

    _________________________

     

    En parallèle avec la version en prose du Ring donnée par le Skaldskaparmal, et celle de la Volsunga saga, voici le texte de la première rencontre entre Sigurd et Brunehilde. Ce poème renferme un des très rares exemples de prière adressée expressément aux Ases, ainsi qu'une liste très précise des endroits où il faut graver les runes pour que les enchantements soient efficaces. Il s'agit donc d'un texte essentiel pour la compréhension de la manière dont les anciens scandinaves concevaient la magie. Il renferme de plus une série de conseils qui ne sont pas sans évoquer les Havamal... 

    Sigdrifumal

    Les Dits de Sigrdrífa

    Texte à partir des versions française de Régis Boyer et anglaise de Henry Adam Bellows

     

    Sigurd chevaucha sur le Hinarfjall et se dirigea au sud vers le pays des Francs. Sur la montagne, il vit une grande lumière, comme si un feu brûlait, et l'éclat en montait jusqu'au ciel. Et lorsqu'il y parvint, il s'y trouvait un rempart de bouclier dont dépassait un étendard. Sigurd entra dans la tour de boucliers et vit qu'un être humain gisait là, qui dormait avec toutes ses armes de guerre. Il lui enleva d'abord son heaume; alors il vit que c'était une femme. La cuirasse était si serrée qu'on eût dit qu'elle appartenait à la chair. Alors il fendit l'armure avec Gramr, de l'encolure jusqu'en bas ainsi que les deux manches.

     

    Sigurd libère Sigdrifa.

    Sigurd libère Sigdrifa.

     

    Il lui enleva ensuite sa cuirasse, elle s'éveilla, s'assit, aperçut Sigurdr et dit :

     

    1. "Qu'est-ce qui a mordu la cuirasse ?

    Comment fut brisé mon sommeil ?

    Qui m'a libérée de ces livides entraves ?"

     

    Il répondit :

    2. "Le fils de Sigmundr avec l'épée de Sigurd.

    Il n'y a pas ici

    De chair pour le corbeau."

     

    Sigurd s'assit à ses côtés et lui demanda son nom. Elle prit alors une corne emplie d'hydromel et lui donna à boire pour raviver ses souvenirs.

     

    Sigdrifa salue le jour. Arthur Rackham.

    Sigdrifa salue le jour. Arthur Rackham.

     

    3. "Salut, jour !

    Salut, fils du jour !

    Salut, nuit et à présent sœur de la nuit !

    D'un œil bienveillant

    Regardez-nous ici,

    Nous qui aspirons à la victoire !



    4. Salut, Ases !

    Salut, Asynes !

    Salut à toi, généreuse terre !

    Donnez-nous éloquence et sagesse,

    A tous deux, pleins de gloire,

    Et mains guérisseuses, tant que nous vivrons !

     

    5. Longtemps je sommeillais,

    Longtemps je restais endormie,

    Longs sont les malheurs des mortels;

    Odin décida que je ne pourrais point

    Rompre le charme du sommeil."

     

    Elle dit se nommer Sigrdrífa et être valkyrie. Elle raconta que deux rois s'étaient battus; l'un s'appelait Gunnar au Heaume, il était vieux et très grand guerrier. Odin lui avait promis la victoire.

    5a. Mais l'autre s'appelait Agnarr, frère de Hauda,

    Que nul ne voulait aider et protéger.

     

    Sigrdrífa abattit Gunnar au Heaume dans la bataille. Mais par vengeance, Odin la piqua de l'épine du sommeil, déclara que jamais plus elle ne remporterait la victoire dans les batailles et qu'elle se marierait. "- Mais je lui ai dit qu'à l'encontre, j'avais fait serment de ne jamais épouser homme qui connaîtrait la peur".

     

    Sigdrifumal, odin, brynhild

    Odin la piqua de l'épine du sommeil. Ferdinand Leeke.

     

    Sigurd parla à son tour et la pria de lui enseigner la sagesse, puisqu'elle connaissait les nouvelles de tous les mondes. Sigrdrífa chanta :

     

    5b. "Je t'apporte de la bière,  

    Arbre de la bataille,  

    Mêlée de force et de puissant renom,  

    Elle est pleine de charmes et de symboles de guérison,    

    D'incantations bénéfiques et de runes de joie1.

     

    6. Il te faut apprendre les runes de victoire

    Si tu veux remporter la victoire,  

     Et les graver sur ton épée, certaine sur le fil,  

    Certaine sur la lame, et invoquer deux fois Tyr.

     

    7. Il te faut connaître les runes de la magie

    Si tu ne veux pas qu'avec des mensonges  

     La femme d'un autre te trahisse2 

    Et te sentir assuré ; sur une corne il les faut graver,  

    Et sur le dos de tes mains, et marquer Naudiz sur ton ongle. 

    Tu dois bénir la boisson, évitant ainsi qu'elle te nuise,    

    Et jeter de l'ail dans la coupe ; (alors je sais que pour toi  

    Jamais l'hydromel ne sera empoisonné).

     

    8. Il te faut connaître les runes de délivrance

    Si tu veux aider la parturiente                

    Et donner l'enfant à la mère ; sur tes3 paumes il les faut graver,        

    Serrer ses mains, et demander l'assistance des Dises.

     

    10. Il te faut graver les runes du ressac si tu veux sauver en mer

    Le coursier à voiles; sur l'étrave, faut les graver    

    Et sur la lame du gouvernail, par le feu les marquer sur la rame

    Il n'est brisant si abrupt ni vagues si noires

    Que tu ne sortes sain et sauf de la mer.



    11. Il te faut connaître les runes des branches,

    Si tu veux être mire      

    Et savoir discerner les blessures ;  

    Sur l'écorce il faut les graver    

    Et sur le feuillage d'un arbre dont les branches tendent vers l'est.

     

    12. Il te faut connaître les runes de la parole

    Si tu veux que personne  

    Ne te rende dol pour haine ; les retourner, les brouiller,  

    Les placer les unes à côté des autres au thing  

    Où justice sera rendue pour le bien du peuple.

     

    13. Il te faut connaître les runes de l'esprit

    Pour que chacun pense que tu es le plus sage.

    Hropt les interpréta, les grava, et les conçut,

    De cette humeur qui avait filtré

    Du crâne de Hleiddraupnir4 et de la corne de Hoddrofnir.



    14. Sur la falaise il se tenait avec l'épée de Brimir,

    Portant son heaume sur la tête ; alors la savante tête de Mimir

    Parla pour la première fois, et énonça les runes véritables.

     

    15. Il demanda qu'elles soient gravées sur l'écu

    Qui se tient devant le dieu brillant,

    Sur l'oreille d'Árvakr, sur le sabot d'Alsvinnr,

    Sur la roue du char du vainqueur de Hrungnir,

    Sur les dents de Sleipnir et sur les chaînes du traîneau,



    16. Sur la patte de l'ours et sur la langue de Bragi,

    Sur la griffe du loup et sur le bec de l'aigle,

    Sur les ailes sanglantes et sur la tête des ponts,

    Sur la paume de la délivrée et sur les voies du réconfort,



    17. Sur le verre et sur l'or, dans les halles des hommes,

    Dans le vin, le moût de bière et les sièges de repos,

    Sur la pointe de Gungnir et sur le poitrail de Grani,

    Sur l'ongle de la Norne et sur le bec du hibou.



    18. Toutes furent grattées de celles qui étaient gravées depuis longtemps

    A l'hydromel sacré mêlées et largement diffusées,

    Elles se trouvent chez les Ases, elles se trouvent chez les Alfes,

    Certaines parmi les sages Vanes, certaines chez les hommes mortels.

     

    19. Ce sont les runes gravées sur le bouleau, ce sont les runes de délivrance

    Et toutes les runes de magie, et les suprêmes runes de puissance,

    Pour qui les connaît bien et sait sans erreur les lire

    Elles sont talismans ; elles le protégeront

    Jusqu'à ce que les Puissances s'entre-déchirent.



    20. A présent, tu vas choisir, puisque l'occasion t'en est offerte,

    Érable des armes acérées !

    Parler ou te taire, le choix t'appartient :

    Tous malheurs sont d'avance fixés".



    Sigurdr dit :

    21. "Je ne m'enfuirais pas, ma fin serait-elle proche,

    Point ne suis né pour être couard ;

    Je veux mériter tous tes conseils affectueux,

    Aussi longtemps que je vivrai.''


    Alors elle dit :

    22. "Je te conseille en premier lieu

    D'être envers tes parents

    Sans opprobre ; ne tire point vengeance

    Des offenses qu'ils commettraient ;

    Tu en tireras avantage après ta mort.

     

    23. Je te conseille en second lieu

    De ne point prêter serment

    Que tu ne connaisses comme véridique ;

    Amer est le destin des briseurs de parole,

    Misérable est le loup de ses propres mots.

     

    24. Je te conseille en troisième lieu, lorsque tu es au Thing,

    De ne point quereller avec des sots ;

    Car l'insensé souvent se laisse aller à dire

    Paroles pires qu'il ne pensait.

     

    25. Tout est difficile si tu te tais ;

    Alors, tu passes pour un couard et en seras à bon droit accusé ;    

    Celui qui salis ta réputation, à moins que tu n'aies déjà grand renom,  

    Envoie-le dès le lendemain à la mort,      

    Et fais ainsi payer le mensonge public.

     

    26. Je te conseille en quatrième lieu,

    Si tu croises la sorcière perverse sur ta route,  

    De passer ton chemin plutôt que d'être son hôte,    

    Quand bien même il ferait nuit. 

     

    27. D'yeux prévoyants ont besoin les fils des hommes

    Qui combattent au cœur des batailles ;    

    Souvent des sorcières attendent au bord du chemin,

    Qui émoussent épées et courage.

     

    28. Je te conseille en cinquième lieu, même si tu vois

    De belles filles sur les bancs,

    De ne pas te laisser ravir le sommeil par les Sif de l'argent,

    Et de te méfier du baiser des femmes.

     

    29.Je te conseille en sixième lieu,

    Au cas où parmi les hommes      

    Circuleraient de querelleurs propos de bière,

    De ne point disputer avec des guerriers ivres ;

    Le vin prive plus d'un de sens.

     

    30. Chansons à boire et bière ont à maint homme valu

    Amer chagrin, à certains, mort,

    A d'autres, chagrins ;

    Nombreux sont les malheurs des hommes.

     

    31. Je te conseille en septième lieu,

    Si tu cherches à te battre      

    Avec un ennemi plein de puissance ;    

    Mieux vaut combattre que de brûler dans sa maison

    L'homme riche.

     

    32. Je te conseille en huitième lieu d'éviter la vilénie

    Et de prendre garde au mensonge; 

    N'incite à la luxure ni vierge,

    Ni épouse d'autrui.

     

    33. Je te conseille en neuvième lieu

    De rendre les derniers devoirs aux défunts,

    Où que tu les trouves sur terre,

    Qu'ils soient morts de maladie, ou trépassés en mer,

    Ou aient péri par les armes.

     

    34. Il faut donner un bain aux morts,

    Leur laver les mains et la tête,

    Les peigner, les essuyer, avant de les mettre au cercueil,

    Et prier pour qu'ils dorment en paix.

     

    35. Je te conseille en dixième lieu

    De ne jamais faire confiance              

    Aux mots de celui de la race des loups

    (Que tu sois meurtrier de son frère      

    Ou que tu aies abattu son père):

    Le loup se retrouve en son fils                

    Quand même il aurait accepté l'or en tribut.

     

    36. Conflits, et haines, et douleurs aussi, je pense,

    S'endorment rarement en entier ;

    Le guerrier a besoin à la fois d'esprit et d'armes

    Pour être le plus hardi des hommes.

     

    37. Je te conseille en onzième lieu

    De te garder de la colère      

    Et des faux-semblants avec tes amis ;  

    La vie des Princes n'est pas longue,    

    Qui affrontent des ennemis puissants.''

     

    Sigurdr dit :

    "Il n'est pas d'être humain plus sage que toi et je fais serment de t'épouser, car tu me plais":


    Elle répondit :

    "C'est toi que je voudrais épouser, aurais-je à choisir parmi tous les hommes".

    Et ils se lièrent par des serments.

     

    1 Voir la classification des runes d'après Y. Kodratoff.  alu (A : ansuz, le verbe, L, lagu: la puissance de l'eau et U, uruz : la puissance de la terre) est un groupe de runes fréquemment associées pour obtenir une protection magique, et fréquemment gravé aussi sur les bractéates, amulettes magiques de protection. C'est également un jeu de mot de magie runique, alu signifiant "bière". On pourrait le traduire aussi : "je t'apporte la parole de pouvoir, la force de l'eau et la protection de la terre", ce qui est d'ailleurs développé après dans la même strophe.

    2 Ou ''si tu veux trahir la femme d'un autre en la dupant''. Le texte original a les deux sens. Il ne s'agirait pas d'adultère, mais d'enseignement magique (dispensé par une femme plus âgée, donc celle d'un autre pour un jeune étudiant). Les runes de magie peuvent donc être utilisées pour se protéger des charmes que pourrait lancer la magicienne, ou pour lui voler son savoir.

    3 Ou sur celles de l'accouchée ?

    4 Mimir

     

    Brunehilde. Arthur Rackham

    Brunehilde. Arthur Rackham

     

      Sigdrifumal                                                                                                                               Sigdrifumal


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