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Dans cette petite série consacrée à Thor, l'Hymiskvida relate, outre la quête de la bouilloire à hydromel, la fameuse partie de pêche au Ver du Monde de Hlorrithi et Hymir. La fois où tout aurait pu être différent, mais où Jormungand a survécu.
Arthur Rackham.
Avec un peu de musique, c'est mieux : Wardruna, Heimta Thurs, de l'excellent mais particulier album "Gap var ginnunga".
Hymiskvida
Traduction libre de la version anglaise de H.A. Bellows.
1
Jadis, les vieux Dieux festoyaient ensemble,
Buvaient à profusion et jusqu'à satiété ;
Ils secouaient les rameaux dans le sang afin de lire l'avenir1:
Fortune et abondance ils trouvaient alors dans la Halle d'Ægir.2
Assis, le maître du Rocher Marin souriait benoîtement,
Puissante progéniture de Mistarblindi.
Mais soudain il se figea ; le fils d'Ygg le fixait sévèrement :
« Les Dieux réclament que vous prépariez leur ale ! »3.
L'ordre brutal ainsi proféré par Thor contraria le Géant
Et alors le Vane fomenta sa vengeance2 envers les Ases ;
Ainsi il confia au compagnon de Sif le secret de l'existence d'un chaudron :
« Là-dedans, pour tous, je brasserais à jamais de copieuses lampées de bières !4.
Les plus fameux de tous ne l'ont jamais découvert
Et les dieux nobles eux-mêmes n'ont jamais pu le posséder.»
Ainsi parla Tyr au cœur empli de vérité
Qui donna alors de précieux conseils à Hlorrithi.5.
«Aux confins Est d'Elivagar, au bord des cieux,
Se trouve la demeure de l'antique Hymir
Mon puissant parent est là-bas en possession d'une bouilloire
Un énorme chaudron d'un mile de profondeur.»6
(Thor)«Sais-tu si nous pouvons remporter cette citerne ?»
(Tyr)«Oui, mon ami, si nous usons de ruses»7
Alors ils se hâtèrent au loin, une journée de voyage entière,
Vers la demeure de l'Etin, jusqu'à ce qu'ils arrivent chez Egil
Qui fournit un abri aux boucs aux cornes dorées,
Puis ils poursuivirent jusqu'à la résidence d'Hymir.8.
Le jeune Tyr y retrouva alors sa vieille aïeule aigrie, qu'il haïssait grandement,
Pourvue de neuf cents têtes sombres10 !
Mais une autre femme, blonde comme l'or et au front pâle,
Approcha en offrant de la bière à son fils :9
«Parents des géants, je vous mets en garde tous deux,
Cachez-vous d'Hymir derrière les piliers.
Mon époux, d'humeur sombre,
Se met souvent en colère contre nos hôtes.»10
Le démon maladroit fut long à revenir, le difforme10 Hymir,
Rugueux géant lourdement chargé de gibier.
Les glaçons qui tintaient annonçèrent son arrivée,
L'épaisse barbe du rustre était toute gelée.11
«Bienvenue, Hymir, mon bien-aimé, de belle humeur puisses-tu être !
Ton parent est venu et a franchi ton seuil.
Nous l'attendions après un long voyage
L'ennemi de Hrothr, héros des humains, l'accompagne,
Le Protecteur des hommes, qu'ils nomment Veur.»12
«Ils sont assis ici, derrière les pignons de la salle
Derrière cette colonne, ils se dissimulent tous les deux»
D'un clin d'œil, le géant brisa alors la colonne
Et le pilier massif éclata en morceaux.13
Sous le choc, des huit chaudrons tombant des rebords des poutres,
Un seul, mieux martelé que les autres, demeura intact ;
Alors seulement ils sortirent de leur cache, les deux ennemis
Que cherchait le vieux géant de son regard farouche.14
Avec beaucoup de ressentiment, il vit dans sa halle debout devant lui
Celui qui avait si souvent frappé le clan des géants.
Se rappelant ses devoirs d'hôte, il fit quérir trois gros bœufs de leur stalle
Pour les faire cuire pour le dîner.15
La tête de chacun il fit couper
Pour ainsi embrocher les bêtes entièrement dans l'âtre.
Le mari de Sif, avant d'aller dormir
En mangea deux à lui seul.16
Chaque bouchée du puissant Thor sembla un repas tout entier
Au malheureux compagnon grisonnant de Hrungnir3.
«Un autre soir, lorsque nous nous assiérons pour la veillée,
Nous mangerons ce que nous aurons rapporté dans nos gibecières4»17
Au matin, Veur proposa de prendre plutôt les rames sur la mer,
Si le géant voulait bien lui fournir un appât.
«Va voir dans mon troupeau si tu veux,
Briseur de têtes thurses, pour trouver un appât.18
J'imagine que là, porteur de Mjollnir,
Tu te procureras un appât de mon meilleur taureau.»
Le jeune dieu s'achemina rapidement vers les bois
Où mugissait un taureau noir.19
Le tueur de géant arracha alors du bœuf
La tête, donjon de cette haute forteresse, gardé par des cornes.
«Ton ouvrage me semble bien pire de loin,
Barreur de navires, que lorsque tu étais assis à ma table5».Thor prépare un appât. Collingwood.
20
Plus tard, le seigneur des boucs tendit les rames au géant,
Misérable idiot, pour barrer plus avant le bateau vers le large
Mais il cessa bientôt de ramer,
L'écraseur de chevaux, prétextant la fatigue6.21
L'Etin d'un simple coup tiré vers le haut,
Ferra deux puissantes baleines sur son harpon,
Mais à la poupe, le fils d'Odin,
Veur, préparait avec adresse son matériel de pêche.22
A son hameçon il fixa la tête du bœuf,
Le destructeur du Ver et gardien des hommes :
Ainsi l'amorce fut jetée pour appâter l'ennemi des dieux
Qui sous la mer ceinture le monde.23
Alors très vite monta le serpent venimeux
Jusqu'au bateau où Thor l'intrépide, le harponna ;
Son marteau frappa le chef écailleux
Du macabre frère de l'avide Fenrir24
Le monstre rugit si fort que les rochers résonnèrent,
Les montagnes hirsutes tremblèrent et frissonnèrent,
(pris de peur, Hymir coupa la ligne)
Alors coula à pic la poissonneuse créature dans les eaux.Viktor Rygberg
C.E. Doepler
25
Hymir faisait moins le fier tandis qu'ils rentraient au rivage,
Et ne dit mot en ramant,
Cherchant avec le gouvernail un second vent.26
«La moitié de notre labeur vous avez désormais à faire à votre tour
Et rapidement maintenant ramener le navire avant qu'il ne coule !
Sinon nous ne pourrons rapporter les baleines à temps au port
Par le long du fjord du val boisé.»27
Hlorrithi se leva alors et agrippa rudement la barre,
Battant l'eau si fort qu'il souleva la poupe du coursier des mers,
Les avirons et toutes les écopes.
Et ramena ainsi le sanglier des vagues jusqu'à la Halle du Thurse.28
Mais obstinément envieux de cette force,
Le géant, discourtois avec le fils d'Odin,
Dit qu'on ne prouve pas qu'on est puissant en soulevant une rame
Si l'on est incapable de briser une coupe de cristal.29
Lorsqu'il l'eut dans sa main, Hlorrithi jeta violemment
Le verre brillant contre un pilier de granit.
Des gravats du pilier, on rapporta à Hymir
La coupe de cristal demeurée intacte.30
Puis sa belle et noble amie7 finit
Par donner un conseil décisif à Hlorrithi :
«Vise la tête d'Hymir ! Elle est plus dure,
Chez ce géant paresseux, que n'importe quelle coupe.»31
Alors, en colère d'avoir échoué, le Maître des boucs,
Se tenant encore à genoux, la projeta de toutes ses forces divines :
La tête d'Hymir ne fut pas blessée,
Mais le choc fit exploser le pied du gobelet scintillant.32
«J'ai perdu un grand trésor magique
Puisque les débris de ma précieuse coupe à vin jonchent mes genoux»
Et il ajouta aussi : «Vous pourrez dans les jours futurs
Brasser ce qui était jusqu'alors ma bière.33
Vous aurez à jamais suffisamment de ce breuvage si au-dehors de notre Halle
Vous parvenez toutefois à sortir ce chaudron ! »
Par deux fois le robuste Tyr essaya de le déplacer:
Mais par deux fois, le chaudron ne bougea pas du tout.34
A son tour le Père de Modi se saisit des bords,
Et avant que l'estrade ne s'effondre sous le poids,
Le mari de Sif souleva le chaudron au-dessus de sa tête !
Mais alors, sur ses talons, les deux poignées cédèrent brutalement !358
A peine étaient-ils sur le chemin du retour
Que le fils d'Odin regarda derrière lui vers Jotunheim :
Alors, venant de leurs caves vers l'est, il vit arriver,
Avec Hymir, la foule des géants aux multiples têtes.36
Ils revinrent sur leurs pas
Le Géant se tenait debout et déversait le chaudron en l'inclinant par les revers ;
Mais Mjollnir, le marteau meurtrier, s'abattit soudain :
Ne resta alors plus qu'un tas de déchets de baleines après le passage de Thor !37
Alors qu'ils revenaient près des pâturages, ils aperçurent
Etendu dans l'herbe, un des deux boucs de Hlorrithi à moitié mort !
Une des pattes de l'animal était déboîtée,
Le malfaisant Loki étant à l'origine de cette blessure...Un bouc blessé. Frolich
38
Et vous avez entendu parler - ou puissent ceux d'entre vous qui sont
Plus instruits dans les légendes nous éclairer davantage -
De la compensation que dut verser l'habitant des landes sauvages pour cette mutilation,
Qui implora Thor de prendre ses deux enfants9.39
Ainsi fit Thor et il parvint à l'Assemblée des Dieux
Transportant le chaudron qu'avait possédé Hymir
Maintenant, les Ases pourraient boire chaque hiver
Leur bière dans la halle d'Ægir.Thor à la pêche. Collingwood.
1 : Après un sacrifice, on trempait des rameaux feuillus dans le sang de l'animal sacrifié et la forme des éclaboussures servait à des bénédictions et divinations. Quelques autres informations sur cette pratique dans cet article.
2 : Il va l'envoyer dans une aventure potentiellement dangereuse.
3 : Hymir, ainsi que signalé par sa femme, n'aime pas recevoir parce qu'il est radin.
4 : C'est à dire, chacun mange ce qu'il a amené.
5 : Thor vient de lui tuer son meilleur taureau.
6 : En fait, il craint d'aller plus avant sur la mer de crainte d'y croiser Jormungand. Or, quand Thor part à la pêche, c'est à la pêche au Ver du Monde.
7 : le texte dit amante. La mère de Tyr aurait-elle succombé au charme de Thor pendant la nuit ?
8: la traduction des strophes 35 et 36 est sujette à discussion.
9 : Thialfi et Roskva, deux jumeaux, qui devinrent les serviteurs de Thor à Bilskirnir, sa demeure de Thrudheim.
10 : la difformité est quelquefois notée comme un des caractères des thurses. A rapprocher de celle des Hécatonchires (100 mains) et des Cyclopes (un seul œil) dans la mythologie grecque, proches parents des Titans (juste géants).
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Je n'ai jamais pu considérer qu'attendre était du temps perdu. Et il est rare que lorsque ça se prolonge, il ne naisse pas finalement un petit quelque chose de ce rien qu'est l'attente.
Ecrit "façon futhark"
runes dans le roc
cicatrices dans ma peau
un même destin
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Pour clore ce mini-cycle consacré à Thor, ma version en français de la Thorsdrapa, texte qui n'appartient pas à l'Edda poétique sensu stricto.
Je n'ai pas la prétention d'affirmer qu'il s'agit de la bonne. En effet, ce texte rédigé à la fin du Xème siècle ou au début du XIème est délicat de traduction et d'interprétation, et les éminents savants qui se sont penchés sur son cas n'en ont pas livré des versions similaires, à commencer par la reprise en prose du plus célèbre d'entre eux, Snorri Sturluson (dans le Skaldskaparmal), peut-être du fait qu'il rapportait un mythe plus ancien que le poème lui-même. Son auteur, Eilífr Goðrúnarson, dont on ne sait presque rien sinon qu'il fut scalde à la cour du Jarl Hakon, devait être un poète de génie maniant à la perfection toutes les subtilités sémantiques et formelles de sa langue et de son art. En effet, il use dans la composition de ses kenningar (périphrases généralement à tiroirs désignant un sujet ou un objet tout en évitant soigneusement de le nommer) de termes souvent à double-sens. D'où des jeux de mots à la fois subtils, concordants du point de vue du sens avec le reste du texte, parfois amusants, toujours pertinents, mais qui rendent la lecture difficile, sachant qu'en outre, dans la versification en vieux norrois, l'ordre des mots avait moins d'importance que le rythme. Ce qui devait paraître plus ou moins évident aux norvégiens de l'époque ne nous est donc pas accessible directement, sauf aux islandophones. D'autant que les nombreuses copies et différentes versions incluses dans les codex ont pu être sujettes à des erreurs et à des interpolations.
Par exemple, en traduction littérale avec les double-sens et les renvois d'un mot à l'autre, les deux premières strophes pourraient donner quelque chose comme ça :
1. Le père de la corde marine (Loki, père du serpent Jormungand) pressa le bûcheron (associé, compagnon : les Ases sont des géants à l'origine...) du filet de la vie des dieux des saillies verticales (ou des lieux d'envol)(donc les géants), le fourbe provocateur du Gautr du tonnerre guerrier (le loyal ami de Gautr (Odin) maître du tonnerre-guerrier (Thor), donc le fourbe provocateur est Loki) déclara que de verts chemins conduisaient au cheval des murs de Geirrod = maison de Geirrod (murs = montagnes, cheval de Geirrod = loup. Les géants sont apparentés au Loup).
2. Thor à l'âme brave n'avait pas besoin que le chemin (la voie, le guide) des vautours (à noter que lopt = air et que Lopt est un nom de Loki : l'air est bien le chemin des vautours, et Loki leur guide) lui dise souvent de faire le voyage. Il était désireux d'opprimer les descendants de l'épine (thorn, sens de thurs, la rune qui signifie aussi géant et qui représente la force mâle et brutale). Le dompteur de la ceinture (celui qui est en plus accoutumé à utiliser la ceinture (de force)) de Gandvik (Baie Magique = Océan Blanc, donc la ceinture de Gandvik est Jormungand. Thor est à la fois le possesseur de la ceinture de force et celui qui est destiné à tuer Jormungand, ceinture de la mer), plus puissant que les écossais des habitations d'Idi (un géant), partit à nouveau de chez Thridi (le Troisième = Odin) vers les parents d'Ymir (le géant primordial).
En conséquence, toute traduction est obligée de prendre parti, et chaque traducteur est placé devant ce dilemme. J'ai donc choisi certaines options. Vous avez le droit (le devoir ?) de ne pas être d'accord.
Une drapa est un éloge, une louange, un hymne. C'est patent dans ce texte.
Un peu de musique pour un autre genre d'hymne à la même déité : Thor, de Therion.
Je me suis permis, pour plus de clarté, de décoder dans le texte ci-dessous le sens des principaux kenningar.
Hymne à Thor
Synthèse personnelle des versions anglaise de Faulkes, française de Dillman dans sa traduction de S. Sturlusson (Skaldskaparmal), du décodage de S. Egilsson, et des reconstructions effectuées à partir des 3 codex (Regius, Trajectinus et Wormianus). Il en existe bien d'autres traductions.
1. Le père du wyrm sous-marin du monde (Loki)
Exhorta le ravageur du destin des géants des falaises (Thor)
A quitter sa demeure.
Loptr, maître des mensonges !
Le fourbe manipulateur de l'ami de Gautr, dieu du tonnerre (Thor),
Lui affirma que de verdoyants chemins
Menaient à la demeure de Geirrod creusée dans l'écore.
Le voyage de Thor
2. Thor à l'âme bien-trempée n'avait nul besoin
Que le mentor des vautours (Loki)
Lui serine à nouveau d'entreprendre le voyage.
Il était impatient d'en découdre
Avec les descendants des thurses.
Alors le dompteur (Thor) de la ceinture de Gandvik (Jormungand)
Plus puissant que les Ecossais de la demeure d'Idi (les géants),
Quitta à nouveau la demeure de Troisième (Odin)
En direction de l'engeance d'Ymir (les géants).
3. Son serviteur seigneur de la bataille (Thialfi)
Fut plus prompt à rejoindre celui qui active les armées (Thor)
Dans son expédition
Que le faix parjure des psalmodieuses de galdr. (Loki)
Je récite le flot inspiré coulant des lèvres de Grimnir (la poésie).
Le chasseur des filles vivant
Dans les repaires élevés d'où glatissent les aigles (les géantes vivant dans les falaises)
Etendit la plante de ses pieds
Sur les marais d'Endill (la mer)
4. Tels les antiques Vanes de la guerre, ils marchèrent,
Jusqu'à ce que le premier exterminateur (Thor) des filles
Du Loup pourchassant la déesse Sol (les géantes)
Atteigne le sang de Gang (la mer).
Alors, l'irascible dieu (Thor),
Seul capable de conjurer les méfaits de Loki,
Décida de s'opposer aux épouses (les géantes)
Du peuple du loup monstrueux.
5. Et le dépréciateur de l'honneur de Nanna (Thor)
Déesse des écueils des marées
Traversa à pied les courants en crue et glacés
Qui ceinturent l'océan des lynx (la terre).
Le furieux destructeur des scélérats des éboulis (Thor)
Avança à vive allure sur la large voie où finissent souches et branches (la mer)
Où l'onde formidable charrie le poison du Ver (le froid mortel des mers arctiques).
6. Là, ils arc-boutèrent leurs serpents d'hast (lances) aux algues des abîmes
Contre les courants mugissants dans les profondeurs,
Là où les ossements arrondis et glissants (rochers) ne trouvent nul repos.
Les porteuses d'estocade (lances) heurtèrent les hauts-fonds
pendant que les cataractes dévalant des promontoires rugissaient,
Martelées par une tempête de glace,
Le long de l'enclume de Fedja (la falaise).
7. L'utilisateur des épées affûtées sur la pierre
Laissait déferler sur lui les vagues puissamment gonflées.
L'homme appendu à la ceinture de force (Thialfi)
Ne pouvait rien faire de mieux.
Le bourreau des enfants de Mörn
Menaça d'élever sa force jusqu'au plafond de la halle (ciel)
A moins que ne s'amenuisent les flots jaillissant du cou du Géant (océan).
8. Les guerriers glorieux et sages dans la bataille,
Vikings liés par le serment prêté dans la demeure de Gauti (Odin),
Pataugèrent ferme, tandis que le ressac,
Tranchant comme une lame, les submergeait.
La houle, dressée comme dune de neige
Amoncelée par la tourmente
Se précipita sur celui qui allait aggraver
L'infortune des habitants
Des grottes creusées sous la corniche.
9. Alors Thiálfi, compagnon de l'allié des hommes,
Bondit en l'air de son propre chef
Et s'agrippa à la dragonne du bouclier du seigneur du ciel (Thor).
Un grand exploit de la force !
Les veuves de Mimir le malfaisant (les géantes)
Provoquèrent un violent courant, tranchant comme l'acier.
Le vainqueur de Grid (Thor), plein de rage,
Traversa le cahoteux territoire des marsouins (l'océan).
10. Les irréprochables cœurs des hommes,
Forts dans l'affrontement contre l'adversité,
Ne ratèrent pas un battement
Lors du déferlement des lames
De la hantise de Glammi.
La bravoure de Thor est plus formidable
Que la menace de l'océan :
Son cœur ne frémit jamais de peur,
Non plus que ne trembla celui de Thialfi.
11. Les occupants des falaises, alliés de Hati
Ennemi de Svalin bouclier du soleil,
Produisirent un tintamarre de combat
A l'encontre de ceux qui ajustèrent Gleipnir (les Ases),
Avant que les chevaucheurs des abysses,
destructeurs du peuple du bord du monde
N'entrent dans le jeu de Hedinn (la guerre éternelle), la bataille
Contre le rejeton des caves bretonnes (Geirrodr).
12. La nation des lointains écueils cinglés par les vagues gelées (les géants)
Détala et se rua dans son antre,
Poursuivie par le broyeur du peuple des caps (Thor).
Les Danois des récifs de l'estran,
Dans leur lointain asile,
Reconnurent leur défaite
Quand les enfants de Jolnir à l'épée enflammée
Leur firent résolument face.
13. Lorsque les guerriers à l'âme bien trempée
Investirent la maison du thurse,
Un grand vacarme se fit parmi les habitants
dans la grotte aux parois rondes.
Toujours réticent à faire la paix,
Le destructeur des rennes de ces montagnes reculées (les géants)
A été placé en situation difficile,
Assis sur le sombre et sinistre chapeau des géantes (la chaise sous laquelle elles étaient accroupies.)
Thor assis sur le "chapeau des géantes"
14. En le soulevant, elles essayèrent d'écraser la haute flamme
Surmontant son front lumineux (ses cheveux roux)
Contre le plafond rocheux de la caverne.
Mais furent broyées contre les éboulis du sol.
Le conducteur du char qui survole l'orage
Brisa l'échine encore secouée de ricanements
Des deux vierges des cavernes.
15. Après quoi le fils de Iord garda le silence
Et les habitants du repaire surplombant les fjords
Poursuivirent leur beuverie de bière.
L'effrayant possesseur de la moëlle d'orme (arc),
Progéniture de Surdr (Geirrod),
Projeta avec des pinces
Une pièce chauffée au feu de la forge
Vers la bouche du réconfort d'Odin (Thor).
16. L'oppresseur des géantes chevauchant dans le soir,
Ouvrant largement la bouche de ses mains
Attrapa la lourde masse pourpre
Pendant aux pinces comme des algues rouges.
17. Ainsi, celui qui précipite les batailles,
Le vieil ami de Throng (Freya),
A qui Thrud manque si cruellement,
Engloutit-il goulûment au vol
La grillade de métal projetée jusqu'à lui
A peine eut-elle jailli
Du creux de la main hostile de Geirrod,
L'amoureux passionné de Hrimnir.
18. La halle de Thrasir trembla
Lorsque l'énorme tête d'Heidrek (Geirrod)
Porta contre l'antique jambage du pilier de la salle.
Le splendide père adoptif d'Ullr
Lui avait renvoyé avec puissance le tisonnier acéré
Qui transperça par le milieu de la ceinture
Le maître des rivages terrifiant les pêcheurs.
19. Furieusement, Thor abattit les autres enfants de Glaum,
Aidé de son marteau sanglant.
Le tueur des habitués de la halle de Syn
Avait remporté la victoire.
L'aide ne manqua pas à l'archer,
Au dieu du char,
Qui provoqua ce désastre
Sur le banc des convives lotes.
20. Digne du culte qui lui est rendu,
Le pourvoyeur de Hel en géants,
Aidé de l'elfe (Thialfi) et avec son maniable concasseur
Ecrasa ces géants
Dans leur refuge souterrain fermé à la lumière du monde des elfes.
Les habitants de l'aire des faucons du bout du monde
Furent incapables de blesser
Le vainqueur des géants et son courageux soutien.
.
* Ecossais, Danois et Bretons n'ont rien à voir là-dedans : il s'agit de heiti (synonymes) pour "étrangers".
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