• Skaldskaparmal XI : l'or : Sigurd et Fafnir

    Skaldskaparmal

    XL. ''- Que peut-on dire de plus au sujet de l'or ?''.

    "- Hreidmarr prit l'or pour dédommagement de la mort de son fils, mais Fafnir et Reginn réclamèrent pour eux-mêmes une part de l'or du prix du sang de leur frère. Hreidmarr ne voulut leur céder aucun sou du trésor. L'obtenir devint le malsain projet des frères : ils tuèrent leur père pour l'or. Alors Reginn demanda à Fafnir de partager l'or avec lui, moitié-moitié. Fafnir répondit qu'il y avait peu de chances qu'il le partage avec son frère, vu qu'il avait tué son père pour son seul bénéfice personnel ; et il ordonna à Reginn de partir, sans quoi il connaîtrait le même sort que leur père. Fafnir prit le casque de Hreidmarr, et s'en couvrit le chef (ce heaume était nommé le casque de Terreur, car toute créature qui le voyait était effrayée), et l'épée nommée Hrotti. Reginn était armé de l'épée Refill. Puis il s'enfuit, et Fafnir se rendit à la lande Gnita, et s'y installa un repaire, et se transforma en serpent, afin de se lover sur son or.

     

    Edda de Snorri

    Fafnir sur son or. Arthur Rackham.

     

    Alors Reginn alla vers le roi Hjálprekr à Thjód, et devint son forgeron, et il prit pour apprenti Sigurdr, fils de Sigmundr, fils de Volsungr et de Hjordiss, Soeur d'Eylimi. Sigurdr était le plus illustre des Hôtes Royaux, par le sang, par les prouesses et par l'esprit. Reginn lui révéla où Fafnir était tapi sur son or, et l'incita à s'emparer du trésor. Puis Reginn forgea l'épée Gramr, qui était si tranchante, que Sigurdr, la trempant dans l'eau, coupa net du fil de sa lame une bourre de laine qui dérivait sur le courant. Puis Sigurdr cloua d'enclume de Reginn au sol avec l'épée.

     

    Edda de Snorri

    Regin forge Gramr. W. von Hanschild.

     

    skaldskaparmal

     

    Après cela, Sigurdr et Reginn partirent vers la lande Gnita, où Sigurdr creusa un puits sur le chemin emprunté par Fafnir et lui tendit une embuscade au-dessus de chez lui. Lorsque Fafnir glissa sur la sente et passa au-dessus du puits, Sigurdr lui passa l'épée à travers le corps, et s'en fut fait de lui.

     

    Edda de Snorri

    La mort de Fafnir. Arthur Rackham

     

    Alors Reginn se montra, déclarant que Sigurdr avait tué son frère, et lui demanda pour rançon de prendre le cœur de Fafnir et de le passer à la flamme. Et Reginn se désolidarisa de lui, et but le sang de son frère et s'installa pour dormir. Mais tandis que Sigurdr faisait rôtir le cœur de Fafnir, il voulut savoir s'il était enfin cuit, et le toucha du doigt pour voir combien il était dur ; et un peu de jus coula du cœur sur le doigt de Sigurdr, qui fut brûlé et le porta à sa bouche ; et dès que le sang du cœur toucha sa langue, il sut le langage des oiseaux, et il comprit le chant des sitelles assises dans les arbres.

     

    Edda de Snorri

    Sigurd boit le sang de Fafnir. Arthur Rackham.

     

    Une d'entre elle disait :

    Là est assis Sigurdr, / Aspergé de sang, / Il rôtit le cœur de Fafnir / A la flamme :

    Le voleur d'anneau / Me paraîtrait sage / S'il mangeait le brillant / Muscle de la vie.

    Une autre chanta :

    Ici est couché Reginn / Qui réfléchit et tient conseil,/ Il pourrait trahir le jeune / Qui lui a fait confiance.

    Dans sa rage, il complote / De fausses accusations:/ Le forgeron de la baie / Pourrait venger son frère.

    Alors Sigurdr s'approcha de Reginn, et le tua, puis de son cheval qui s'appelait Grani, et chevaucha jusqu'à la tanière de Fafnir. Il prit l'or, l'enfourna dans ses sacoches de selle, sur le dos de Grani, remonta en selle lui même et s'en alla. Et maintenant, il a été dit pourquoi l'or s'appelle repaire ou demeure de Fafnir, ou métal de la lande Gnita, ou fardeau de Grani.

     

    XLI. Ensuite, Sigurdr chevaucha jusqu'à une maison dans la montagne, dans laquelle une femme casquée et enserrée dans une cuirasse gisait, endormie. Il tira son épée et la libéra de sa cuirasse. Alors elle s'éveilla et lui dit se nommer Hidr ; on l'appelle Brunehilde, et elle était une valkyrie. Sigurdr poursuivit sa route et se rendit chez un roi qui avait nom Gjúki et dont l'épouse était Grímhildr; Leurs enfants étaient nommés Gunnarr, Högni, Gudrún, Gudný ; Gotthormr était le beau-fils de Gjúki. Sigurdr séjourna longtemps chez eux, et obtint la main de Gudrun, fille de Gjúki, et Gunnarr et Högni devinrent ses frères de sang, ses frères jurés. Après quoi Sigurdr et les fils de Gjuki se rendirent chez Atli, fils de Budli, pour demander la main de sa fille, Brunhilde, pour le compte de Gunnarr. Brunehilde habitait sur Hinda-Fell, et un cercle de feu brûlait tout autour de sa halle : elle avait fait le vœu solennel de ne prendre pour époux que celui qui oserait traverser le cercle de flammes.

    Alors Sigurdr et les fils de Gjuki (également nommés les Niflungs) chevauchèrent vers la colline, et Gunnarr aurait bien traversé à cheval le cercle de flammes ; mais son cheval, nommé Goti, n'osa pas sauter par-dessus le feu. Alors ils décidèrent d'échanger leurs noms et leurs apparences, car Grani voulait bien traverser les flammes, mais n'admettait pas d'autre cavalier que Sigurdr. Sigurdr et Grani traversèrent les flammes.

     

    Edda de Snorri

    Sigurd et Brunehilde. Arthur Rackham.

     

    Le soir même, il épousait Brunehilde. Mais lorsqu'ils se retrouvèrent au lit, il tira son épée Gramr et la posa entre eux sur des draps. Au matin, lorsqu'il se réveilla et se vêtit lui-même, il donna à Brunehilde en contrepartie du lin frais l'anneau même que Loki avait pris à Andvari, et prit un autre anneau de sa main en souvenir. Alors Sigurdr remonta sur son cheval et rejoignit ses compagnons, et lui et Gunnarr changèrent de forme à nouveau et revinrent chez Gjuki avec Brunehilde. Sigurdr et Gudrun avaient deux enfants, Sigmundr et Svanhildr.

    Il arriva qu'un jour Brunehilde et Gudrun allèrent à la rivière pour se laver les cheveux. Et lorsqu'elles arrivèrent sur la rive, Brunehilde alla loin dans la rivière, disant qu'elle ne voulait pas que touche sa tête l'eau dans laquelle les cheveux de Gudrun avaient trempé, puisqu'elle avait le mari le plus valeureux. Alors Gudrun alla encore plus loin dans la rivière, et dit qu'il était de son droit de se laver les cheveux plus loin dans le courant, puisqu'elle avait pour époux un homme que ni Gunnarr ni aucun autre dans le monde n'égalerait jamais, puisqu'il avait tué Fafnir et Reginn et pu s'emparer de l'héritage des deux. Et Brunehilde répondit : ''Gunnarr s'est avéré le plus valeureux en traversant le feu, tandis que Sigurdr n'osait pas.'' Gudrun se mit à rire, et dit : ''Penses-tu que Gunnarr a osé passer le cercle de feu ? Maintenant je pense que celui qui a rejoint la future mariée dans son lit, le tien, est le même que celui qui m'a donné cet anneau d'or, et je crois que celui qui t'a donné l'anneau que tu portes et qui s'appelle Dette d'Andvari, et qui est allé le prendre sur la lande Gnita, n'est pas Gunnar.'' Alors Brunehilde se tut et rentra chez elle. 

    Edda de Snorri

    Dispute entre Gudrun et Brunehilde. Arthur Rackham.

     

    Après cela, elle poussa Gunnarr et Hogni à tuer Sigurdr, mais comme ils étaient ses frères jurés, ils demandèrent à leur frère Gotthormr de le tuer. Il transperça Sigurdr de son épée alors qu'il dormait, mais quand Sigurdr sentit la blessure, il lança Gramr sur Gotthormr et le coupa en deux. Ainsi tombèrent Sigurdr et Sigmundur, son fils de trois hivers, qu'ils assassinèrent. Alors Brunehilde se suicida avec une épée, et fut brûlée avec Sigurdr ; mais Gunnarr et Hogni s'emparèrent de l'héritage de Fafnir et de la Dette d'Andvari, et gouvernèrent le pays par la suite.

     

    Edda de Snorri

    Funérailles de Sigurd et Brunehilde. C. Butler.

     

    Le roi Atli, fils de Budli, et frère de Brunehilde, épousa Gudrun, que Sigurdr avait eue pour femme, et en eut des enfants. Le roi Atli invita chez lui Gunnarr et Hogni, et ils se rendirent à son invitation. Avant de partir de chez eux, ils cachèrent l'or, l'héritage de Fafnir, dans le Rhin, et cet or n'a plus jamais été retrouvé. Or le roi Atli avait une armée prête à les recevoir, et ils combattirent Gunnarr et Hogni et les capturèrent. Le roi Atli ordonna que le cœur de Hogni lui soit arraché tout vif, et ce fut sa fin. Il fit jeter Gunnarr dans une fosse à serpents. Mais une harpe avait été secrètement donnée à Gunnarr, et il en joua avec ses orteils, ses mains étant liées. Il joua de la harpe jusqu'à endormir tous les serpents, sauf un qui mordit le cartilage de sa poitrine et y creusa un trou, glissa la tête dans la blessure et arriva au foie, et ce fut sa fin. Gunnar et Hogni étaient appelés les Niflungs ou les Gjukunds, et c'est la raison pour laquelle l'or est appelé trésor, ou héritage, des Niflungs.

     

    Edda de Snorri

    Gunnar dans la fosse aux serpents. Sculpture du XIIème siècle.

     

    Peu de temps après, Gudrun tua ses deux fils, et fit faire des flacons de leurs crânes, plaqués d'or et d'argent. Alors la fête funéraire des Niflungs eut lieu, et à cette fête, Gudrun avait empli pour le roi Atli les flacons d'hydromel mélangé au sang de ses garçons. De plus, elle fit rôtir leurs cœurs et les présenta au roi, afin qu'il les mange. Et lorsqu'il les eut mangés, elle lui dit elle-même ce qu'il venait de faire, en termes cinglants. Il n'avait pas manqué de boissons fortes, à ce banquet, et la majeure partie des invités dormaient à l'endroit où ils étaient assis. Elle s'approcha du roi tandis qu'il dormait, accompagnée du fils d'Hogni, et ils frappèrent le roi, et ce fut sa fin. Puis ils allumèrent un incendie dans la halle, et brûlèrent ceux qui se trouvaient à l'intérieur. Après quoi, elle se rendit au, bord de l'océan et s'y jeta, espérant en finir avec elle-même. Mais elle fut ballottée par les flots du bras de mer et échoua sur les terres du roi Jonakr. Et lorsqu'il la vit, il la prit pour épouse et ils eurent trois fils, nommés Sorli, Hamdir et Erpr ; ils étaient noirs de cheveux, comme Gunnarr et Hogni et tous les Niflungs. C'est ici que Svanhildr, la fille du jeune Sigurdr, avait été élevée, et de toutes les femmes, elle était la plus blonde. Le roi Jörmunrekkr le Puissant entendit parler de sa beauté, et envoya son fils Randver la courtiser et la lui ramener comme épouse. Lorsque Randver se rendit à la cour de Jonakr, Svanhildr lui fut confiée, et il put la ramener au roi Jörmunrekkr. Mais le comte Bikki dit qu'il serait préférable que Randver épouse Svanhild lui-même, puisque tous deux étaient jeunes, plutôt que le roi Jörmunrekkr qui était vieux. Ce conseil plut également aux jeunes gens du peuple. Ensuite, Bikki rapporta ces faits au roi. Immédiatement, le roi Jörmunrekkr ordonna qu'on se saisisse de son fils et qu'on l'amène au gibet. Alors Randver prit son faucon et le pluma, et ordonna qu'il soit envoyé à son père, après quoi il fut pendu. Mais lorsque le roi Jörmunrekkr vit le faucon, il lui revint soudain en mémoire que de même qu'un faucon déplumé est incapable de voler, un royaume gouverné par un vieux roi sans descendance est dépouillé de sa puissance. Surgissant du bois où il était à la chasse, Jörmunrekkr vit Svanhildr occupée à se laver les cheveux : les cavaliers se précipitèrent sur elle et la piétinèrent à mort sous les sabots de leurs chevaux.

    Lorsque Gudrun eut connaissance de cela, elle pressa ses fils d'accomplir sa vengeance pour la mort de Svanhildr. Tandis qu'ils se préparaient pour leur voyage, elle leur donna des cuirasses et des casques si durs qu'aucun fer ne pourrait mordre dedans. Et elle leur donna des instructions : lorsqu'ils seraient auprès du roi Jörmunrekkr, ils devraient le surprendre de nuit, pendant son sommeil : Sörli et Hamdir devraient lui couper les bras et les jambes, et Erpr la tête. Mais chemin faisant, ils demandèrent à Erpr quelle aide exactement ils pouvaient attendre de lui, s'ils rencontraient le roi Jörmunrekkr. Il répondit qu'il leur rendrait la même aide que celle que la main rend au pied. Ils rétorquèrent que le concours que le pied recevait de la main était nul. Ils étaient tellement en colère contre leur mère qui les avait renvoyés avec des paroles blessantes, et ils désiraient avec tant d'empressement faire ce qui semblait le pire pour elle, qu'ils tuèrent Erpur, parce qu'elle l'aimait plus que tout. Un peu plus tard, tandis que Sörli marchait, son pied glissa, et il se rattrapa de la main ; alors il dit : ''Sans doute, la main peut aider le pied ; il serait préférable qu'Erpr soit encore vivant''. Puis ils parvinrent de nuit auprès du roi Jörmunrekkr, tandis qu'il dormait, et lui coupèrent les mains et les pieds, mais il se réveilla et appela ses gardes, et leur ordonna de le défendre. Alors Hamdir parla, et dit : ''il n'aurait plus de tête, maintenant, si Erpr était encore vivant''. Mais les hommes de main entraient et les assaillaient, mais personne ne pouvait en venir à bout avec des armes en métal, et Jörmunrekkr leur cria de les attaquer avec des pierres, ce qui fut fait. Alors Sörli et Hamdir tombèrent, et dès lors, toute la lignée de Gjuki s'éteignit.

    Une fille nommée Aslaug fit survivre le sang du jeune Sigurdr, elle fut élevée avec Heimir en Hlymladir, et de grandes maisons furent issues d'elle. On dit que Sigmundr, Fils de Volsungr, était si robuste qu'il pouvait boire du poison et ne pas en être affecté ; et que son fils Sinfiotli et Sigurdr lui-même avaient la peau si dure qu'aucun poison s'y déposant ne pouvait les atteindre :

    Bragi le Scalde a ainsi chanté :

    Lorsque pendait entortillé le serpent / Frémissant de la boisson des Volsung

    Sur les lames des ennemis / Issus du sang des géants des collines.

     

    De nombreux scaldes ont écrit des vers et divers contes courts sur cette saga. Bragi l'Ancien narra la chute de Sörli et Hamdir dans une chanson d'éloge qu'il composa sur Ragnarr Lodbrok :

    Une nuit Jörmunrekkr s'éveilla / Comme dans un rêve, au milieu des princes,

    Taché du sang dégouttant des épées tournoyantes : / Une rixe éclata dans les appartements

    Du royal père de Randver / Lorsque les frères aile de corbeau

    D'Erpr assouvirent leur vengeance / Pour tous leurs deuils amers.

    La rosée sanglante des cadavres, / Coulant sur la couche du roi,

    Se répandit sur le plancher, où tranchés, / On pouvait voir ses pieds et ses mains

    Gouttant de sang : dans la fontaine à emplir les coupes de bière / Il est tombé tête la première, y mêlant son sang :

    Sur le bouclier, feuille des bosquets / De la terre de Leifi, tout ceci est peint.

    Là se tenaient les hommes aux boucliers / Sans se servir de l'acier,

    Autour du lit du roi : et les frères / Hamdir et Sorli, rapidement,

    Furent jetés à terre / Par ordre du Prince,

    Vers l'épouse d'Odin, / Battus par les pierres.

    Celui qui active les épées tourbillonnantes / Avait décidé que la race de Gjuki devait être maudite,

    Eux qui étaient avides de ravir / Sa vie à l'amoureux de Svanhildr ;

    Et de même payèrent les descendants de Jonakr / Aux armes si tranchantes,

    Aux cuirasses bleues qui faillirent / Sous les coups et les bosses.

    J'ai vu la mort des héros / Sur le brillant cerclage du bouclier :

    Ragnarr me donna la Lune de Bois / Où sont dessinées de nombreuses légendes."

     

    Voir aussi la Volsunga saga, les Sigdrifumal, les Fafnismal, les Hamthesmal.

     

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