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Chapitre 20 : de la rencontre de Sigurd avec Brunehilde...
"Salut, splendeur du jour", (Opéra : Sigurd), Ernest Reyer. Marjorie Lawrence.
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...sur la montagne.
Sigurd chevaucha longuement sur les chemins, jusqu'à ce qu'il parvienne enfin à Hinderfell, et oriente sa route vers le sud en direction de la terre des Francs. Il vit alors devant lui sur la colline une lumière intense, comme le flamboiement d'un feu dont les flammes rejoignaient les cieux. Lorsqu'il s'en approcha, il vit un bouclier pendu au château devant lui, et une bannière à son sommet. Sigurd entra dans le château, et vit quelqu'un allongé, qui dormait, tout en armes. Alors il lui ôta son heaume, et s'aperçut qu'il ne s'agissait pas d'un homme, mais d'une femme. Et elle était tellement serrée dans sa cuirasse qu'on eut dit qu'elle avait adhéré à sa chair. Alors il l'enleva depuis le gorgeret, ôta les manches, et à chaque fois, son épée déchirait l'amure comme un vêtement. Alors Sigurd lui dit qu'elle était restée là, endormie, fort longtemps.
Mais elle demanda : "- Quel objet de grand pouvoir est parvenu à couper mon armure et à me tirer de mon sommeil ?"
Ainsi que chante le poème1 :
"Qu'est-ce qui a mordu ma cuirasse,
Qui a brisé mon sommeil,
Qui a détourné de moi
Les entraves qui me tourmentaient ?
- Ah, c'est ainsi, ici est venu Sigurd fils de Sigmund, portant le heaume de Fafnir sur la tête et le fléau de Fafnir à la main ?"
Alors Sigurd répondit :
"- Le fils de Sigmund avec l'épée de Sigurd
A pu mettre à bas le rempart des corbeaux.
Il est du sang des Volsung, celui qui a accompli cet acte. Mais j'ai entendu dire que tu es la fille d'un roi puissant, et on dit de toi que tu es aimable et pleine de savoir, et j'apprécierais de le partager."
Alors Brunehilde chanta :
"Longtemps j'ai dormi
Et longtemps sommeillé,
Nombreuses et longues sont les peines des hommes.
Par la puissance d'Odin,
J'ai dû rester longtemps impuissante
A secouer le joug de ce sort de sommeil.
Salut au retour du jour,
Salut, fils de la lumière du jour,
Salut à toi, nuit noire, et à ta fille,
Regardez-nous avec bienveillance
Nous qui sommes assis ici, solitaires,
Et donnez-nous la victoire à laquelle nous aspirons.
Salut Ases,
Et douces Asynies,
Salut à la noble et généreuse terre
Puissions-nous obtenir de toi
Dignes paroles et cœurs sages,
Et mains guérisseuses tant que nous vivrons."
Puis Brunehilde parla encore et dit :
"- Deux rois combattaient, le grand Gunnar au Heaume, vieil homme et plus grand des guerriers, à qui Odin avait promis la victoire. Mais son ennemi était Agnar, frère d'Audi, et j'abattis Gunnar au Heaume pendant la bataille. Alors Odin, pour se venger de mon acte, me piqua de l'épine du sommeil, et dit que je n'aurai plus jamais la victoire, mais que je serai donnée en mariage. Alors je fis à mon tour un vœu, celui de ne jamais épouser un homme connaissant le sens du mot peur."
Sigurd dit alors :
"- Enseigne-moi les connaissances de pouvoir traditionnelles !"
Elle répondit : "- Il est probable que tu n'acquières pas autant de compétences que moi en celles-ci. Cependant, je vais t'enseigner, et avec gratitude, s'il est en mon pouvoir de te faire plaisir de quelque manière, les runes aussi bien que d'autres sujets qui sont les racines des choses. Mais d'abord, buvons ensemble, et que les dieux nous accordent à tous deux une bonne journée, que tu puisses obtenir de mon savoir une aide utile et la renommée, et que tu veuilles après cela que nous parlions ensemble tous deux."
Alors Brunehilde emplit un gobelet et le porta à Sigurd, et lui donna la boisson d'amour, et lui dit :
"Je t'apporte de la bière2,
Maître du champ de bataille,
Trempée de puissance
Et pleine de gloire,
De vers enchantés
Et de runes de guérison,
De belles paroles
Et de charmes agréables.
Tu dois connaître les runes de la victoire
Si tu veux être glorieux !
Grave-les sur la poignée de l'épée trempée,
Certaines sur le plat,
D'autres sur le tranchant,
Et nomme deux fois Tyr.
Tu dois graver les runes des vagues
Si tu désires protéger
Ton coursier des mers.
Tu les graveras sur la poutre d’avant
Sur le gouvernail
Et tu les brûleras sur les rames.
Si grosses que soient les collines de la mer
Aucun rouleau bleu ne le brisera,
Et tu reviendras sauf de l'océan.
Tu dois connaître les runes de parole
Si tu ne veux pas être remboursé
En paroles de haine pour le mal que tu as fait.
Enroule-les autour de toi
Tisse-les autour de toi
Lie-les ensemble tout autour de toi,
Au Thing,
Auquel prend part
Le peuple tout entier.
Tu dois connaître la sagesse des runes de la bièreSi tu veux que la femme d'un autre
Ne déçoive pas ton cœur qui lui fait confiance :
Elles seront gravées sur la corne à boire,
Sur le dos de chaque main,
Et inscris nauđ sur ton ongle.
Il faut signer par Thor ta coupe de bière
Et pour se protéger du mal.
Jeter un oignon dans la boisson ;
Alors, je sais avec certitude
Que jamais le mal
Ne se mêlera à l'hydromel.
Tu devras réunir les runes d’assistance
Si tu veux apprendre à aider
A séparer le fils de sa mère.
Inscris-les dans la paume de sa main,
Tiens ses mains dans les tiennes.
Et demande aux Dises de t'accorder leur aide.
Tu dois connaître les runes de branches
Si tu veux être un guérisseur
Et savoir comment soigner les blessures.
On les grave dans l’écorce
Et sur les aiguilles d’un arbre
Dont les branches sont dirigées vers l’Est.
Tu apprendras les runes d’esprit
Si tu désires être de tous les hommes
Le plus sage avec la plus belle âme.
Elles ont été comprises,
Elles sont été gravées tout d'abord,
Elles sont été prises à cœur par Hropt.
Elles furent gravées sur l'écu
Qui se tient devant le dieu brillant,
Sur l'oreille de Levé-Tôt, sur le sabot de Très-Sage,
Sur la roue du char du vainqueur de Hrungnir,
Sur les dents de Sleipnir
Et sur les traces du traîneau,
Sur la rude patte de l'ours
Et sur la langue de Bragi,
Sur la griffe du loup
Et sur le bec de l'aigle,
Sur les ailes sanglantes
Et sur la tête des ponts,
Sur la paume de la délivrance
Et sur les voies de la compassion,
Sur le verre et sur l'or,
Et sur le bel argent,
Dans le vin, le moût de bière
Et les sièges des femmes sorcières,
Sur la pointe de Gungnir
Et sur le poitrail de Grani,
Sur l'ongle de la Norne
Et sur le bec du hibou.
Toutes celles ainsi gravées
Furent grattées et rasées,
Et mélangées à l'hydromel sacré,
Et envoyées par tous les chemins ;
Certaines auprès des elfes,
Certaines auprès des Ases
Ou chez les sages Vanes
D'autres encore sont détenues par les fils des hommes.
Ce sont les runes du bouleau
Et les runes de délivrance
Et toutes les runes de bière
Et les runes de suprême puissance ;
Elles ont de la valeur pour celui
Qui, pur, n'en est pas déconcerté ;
Il est bénéfique de les posséder :
Tu réussiras grâce à elles,
Lorsque tu en auras la connaissance,
Jusqu'à ce que les dieux mettent un terme à ta vie.
A présent tu dois choisir,
Puisque ce choix t'est imposé,
Racine et souche de l'acier acéré,
Choisis la chanson ou le silence.
Soupèse chacun en ton cœur,
Tous les malheurs sont d'avance décidés."
Alors Sigurd répondit :
"Je ne m'enfuirai jamais,
Même à l'approche de ma fin,
Je ne suis pas né pour frémir,
Je veux garder dans mon cœur
Tes aimables paroles
Aussi longtemps que je vivrai."
1 A comparer avec le Sigdrifumal
2 Voir le Sigdrifumal.
Tags : sigurd, brunehilde, volsunga saga
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