• Chapitre 18 : de la mort du ver Fafnir.

    volsunga saga

    Regin Smiður (Eric the Red), Tyr

     

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    Alors Sigurd et Reginn chevauchèrent par la lande le long de cette même sente où Fafnir avait coutume de ramper pour aller s'abreuver. Et les hommes racontaient que de trente brasses était la hauteur de cette falaise sur laquelle il se couchait pour boire de l'eau à son pied. Ensuite Sigurd parla :

    "- Comment as-tu pu prétendre, Reginn, que ce dragon n'était pas supérieur aux autres vers ? Il me semble que sa piste est d'une taille remarquable."

    Reginn répondit :

    "- Ménage-toi un trou, et assieds-toi dedans, et lorsque le ver viendra à l'eau, frappe le au cœur, et donne lui ainsi la mort, tu t'acquerras une grande renommée de cette manière."

    Mais Sigurd demanda : "- Que se passera-t-il si je me retrouve taché du sang du ver ?"

    Reginn dit : "- A quoi bon te donner des conseils, si tu as encore peur de tout ? Ton cœur est-il si dépourvu de vaillance, au contraire de tes parents ?"

    Alors Sigurd fonça tout droit sur la lande, mais Reginn le rejoignit, effrayé.

    Sigurd avait commencé à se creuser un puits, et pendant qu'il était attelé à ce travail, un vieillard à longue barbe vint à lui, et lui demanda ce qu'il faisait là, et lui parla.

    Ensuite, le vieil homme lui dit : "- Tu agis en suivant un pauvre conseil : creuse plutôt plusieurs fosses pour laisser le sang couler dedans, mais assieds-toi dans l'une d'entre elles, et ainsi transperce le cœur du ver." Ceci étant dit, il disparut, et Sigurd creusa les puits ainsi qu'il lui avait indiqué.

    Ensuite, le ver rampa vers son point d'eau, et la terre trembla tout autour de lui, et il soufflait du venin partout sur le chemin devant lui tandis qu'il avançait. Mais Sigurd ne trembla pas, ni ne fut paniqué en entendant son rugissement. Puis, tandis que le ver glissait au-dessus du puits, Sigurd lui planta son épée sous l'épaule gauche, et l'y enfonça jusqu'à la garde. Alors Sigurd sauta à l'extérieur de la fosse et retira son épée vers lui, ensanglantant son bras jusqu'à l'épaule.

    Maintenant que le puissant ver1 savait qu'il avait été blessé à mort, il se replia sur lui même, tête à queue, de sorte que tout ce qui se trouvait autour de lui fut brisé. Malgré sa blessure mortelle, il demanda : "- Qui es-tu ? Et qui est ton père ? Et ta famille, puisque tu es si hardi à porter les armes contre moi ?

    Sigurd répondit : "- Ma famille est inconnue de tous. On me nomme "bête noble", je n'ai ni père ni mère, et c'est seul que je suis venu ici."

    Fafnir dit : "- Si on considère que tu n'as ni père ni mère, par quelle merveille es-tu né, alors ? Mais maintenant, bien que tu ne me dises pas ton nom alors que j'emprunte la route de ma mort, tu sais parfaitement que tu me mens."

    Sigurd répondit : "- Je me nomme Sigurd et Sigmund était mon père."

    Fafnir demanda : "- Qui t'a poussé à cet acte, et pourquoi t'es-tu laissé entraîner à cela ? N'as-tu jamais ouï dire à quel point les hommes ont peur de moi, et de mon aspect terrifiant ? Tu as dû avoir un père avide, ô jouvenceau aux yeux brillants !"

    Sigurd répondit : "- Un cœur brave m'a pressé jusqu'ici, et une main forte, et cette épée acérée, que tu connais si bien à présent, m'ont bien aidé dans l'accomplissement de cet acte. "Un jeune homme au cœur lâche devient rarement hardi."

    Fafnir dit : "- Bien, je suis certain que tu n'as pas été élevé parmi les tiens, tu dois avoir bien du talent pour occire ceux qui te mettent en colère. Mais il est plus qu'extraordinaire, que toi, un paysan pris à la guerre, puisse avoir le courage de m'affronter, "car peu parmi les serviteurs ont du cœur au combat".

    Sigurd répondit : "- Où es-tu allé chercher entre mes dents que j'étais loin de ma famille ? Bien que j'ai été paysan, je n'ai jamais porté les fers. Par les dieux, m'as-tu trouvé assez libre jusqu'ici ?"

    Fafnir dit : "- Tu prends mes paroles en mauvaise part. Mais écoute-moi, pour que ce même or que j'ai possédé devienne ta malédiction à toi aussi."

    Sigurd rétorqua : "- Tu escomptais garder toute ta richesse jusqu'à la fin des temps ? Chacun finit par mourir une fois pour toutes."

    Fafnir dit : "- Tu tiendras peu compte de mes conseils, mais prends garde de ne pas te noyer si tu voyages imprudemment sur les mers. Il te serait préférable de rester sur la terre jusqu'à ce que le temps se calme."

    Alors Sigurd demanda : "- Parle, Fafnir, et dis, si tu es si sage, qui sont les Nornes qui règlent le destin de tous les fils des mères ?"

    Fafnir répondit : "- Elles sont nombreuses et se trouvent un peu partout. Car certaines sont parentes des Ases, d'autres des elfes, et certaines sont les filles de Dvalinn."

    Sigurd dit : "- Comment appelles-tu la plaine sur laquelle Surt et les Ases mélangeront et confondront l'eau de l'épée ?

    "- Non-née s'appelle cette verte prairie", déclara Fafnir. Et il ajouta : "- Mon frère Reginn a œuvré pour ma fin, et il réjouit mon cœur qu'il ait causé aussi la tienne. Car c'est ainsi que seront les choses selon sa volonté."

    Puis il reprit encore : "- J'ai porté le masque de terreur face aux hommes, après quoi j'ai veillé sur l'héritage de mes frères, et de tous côtés, j'ai fait jaillir le poison, de sorte que nul n'ose m'approcher, et je n'avais peur d'aucune arme, et je n'ai jamais eu assez d'hommes face à moi qu'à moi seul je ne les vainque tous. Car tous les hommes étaient bien terrorisés en me voyant."

    Sigurd répondit et dit : "- Peu peuvent obtenir la victoire par l'usage d'un simple masque de terreur, car quiconque se retrouve au milieu des autres finit par se rendre compte qu'aucun d'eux n'est de loin le plus puissant de tous."

    Puis Fafnir dit : "- Je te conseille de remonter sur ton cheval et de chevaucher loin d'ici le plus vite possible, car le temps te manque maintenant, et celui qui reçoit une blessure mortelle doit se venger de même."

    Sigurd répondit : "- Quelles que soient tes volontés, je ne les suivrai en rien. Non, maintenant, je vais chevaucher jusqu'à ton repaire, et prendre pour moi le grand trésor de tes parents."

    "- Vas-y maintenant, alors, dit Fafnir, et tu trouveras assez d'or pour toute la durée de ta vie. Que cet or fasse ton malheur, et le malheur de tous ceux qui le posséderont un jour."

    Alors Sigurd se redressa, et dit : "- Je rentrerai à la maison et perdrai toute cette richesse, si je pensais que grâce à cet abandon jamais je ne mourrais. Mais n'importe quel homme vrai et brave serait désireux de mettre la main sur ces richesses jusqu'à ce dernier jour dans lequel toi, Fafnir, tu patauges dans une douleur mortelle jusqu'à ta mort et où Hel te prend."

    Après cela, Fafnir mourut.

     

     Sigurd et Fafnir. Alan Lee.

     Sigurd et Fafnir. Alan Lee. 1984.

     

    1 : voir le Fafnismal

    Voir aussi le diaporama Sigurd Fafnisbani.

     

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