• volsunga saga

    Regin Smiður (Eric the Red), Tyr

     

    ______________________

     

    Alors Sigurd et Reginn chevauchèrent par la lande le long de cette même sente où Fafnir avait coutume de ramper pour aller s'abreuver. Et les hommes racontaient que de trente brasses était la hauteur de cette falaise sur laquelle il se couchait pour boire de l'eau à son pied. Ensuite Sigurd parla :

    "- Comment as-tu pu prétendre, Reginn, que ce dragon n'était pas supérieur aux autres vers ? Il me semble que sa piste est d'une taille remarquable."

    Reginn répondit :

    "- Ménage-toi un trou, et assieds-toi dedans, et lorsque le ver viendra à l'eau, frappe le au cœur, et donne lui ainsi la mort, tu t'acquerras une grande renommée de cette manière."

    Mais Sigurd demanda : "- Que se passera-t-il si je me retrouve taché du sang du ver ?"

    Reginn dit : "- A quoi bon te donner des conseils, si tu as encore peur de tout ? Ton cœur est-il si dépourvu de vaillance, au contraire de tes parents ?"

    Alors Sigurd fonça tout droit sur la lande, mais Reginn le rejoignit, effrayé.

    Sigurd avait commencé à se creuser un puits, et pendant qu'il était attelé à ce travail, un vieillard à longue barbe vint à lui, et lui demanda ce qu'il faisait là, et lui parla.

    Ensuite, le vieil homme lui dit : "- Tu agis en suivant un pauvre conseil : creuse plutôt plusieurs fosses pour laisser le sang couler dedans, mais assieds-toi dans l'une d'entre elles, et ainsi transperce le cœur du ver." Ceci étant dit, il disparut, et Sigurd creusa les puits ainsi qu'il lui avait indiqué.

    Ensuite, le ver rampa vers son point d'eau, et la terre trembla tout autour de lui, et il soufflait du venin partout sur le chemin devant lui tandis qu'il avançait. Mais Sigurd ne trembla pas, ni ne fut paniqué en entendant son rugissement. Puis, tandis que le ver glissait au-dessus du puits, Sigurd lui planta son épée sous l'épaule gauche, et l'y enfonça jusqu'à la garde. Alors Sigurd sauta à l'extérieur de la fosse et retira son épée vers lui, ensanglantant son bras jusqu'à l'épaule.

    Maintenant que le puissant ver1 savait qu'il avait été blessé à mort, il se replia sur lui même, tête à queue, de sorte que tout ce qui se trouvait autour de lui fut brisé. Malgré sa blessure mortelle, il demanda : "- Qui es-tu ? Et qui est ton père ? Et ta famille, puisque tu es si hardi à porter les armes contre moi ?

    Sigurd répondit : "- Ma famille est inconnue de tous. On me nomme "bête noble", je n'ai ni père ni mère, et c'est seul que je suis venu ici."

    Fafnir dit : "- Si on considère que tu n'as ni père ni mère, par quelle merveille es-tu né, alors ? Mais maintenant, bien que tu ne me dises pas ton nom alors que j'emprunte la route de ma mort, tu sais parfaitement que tu me mens."

    Sigurd répondit : "- Je me nomme Sigurd et Sigmund était mon père."

    Fafnir demanda : "- Qui t'a poussé à cet acte, et pourquoi t'es-tu laissé entraîner à cela ? N'as-tu jamais ouï dire à quel point les hommes ont peur de moi, et de mon aspect terrifiant ? Tu as dû avoir un père avide, ô jouvenceau aux yeux brillants !"

    Sigurd répondit : "- Un cœur brave m'a pressé jusqu'ici, et une main forte, et cette épée acérée, que tu connais si bien à présent, m'ont bien aidé dans l'accomplissement de cet acte. "Un jeune homme au cœur lâche devient rarement hardi."

    Fafnir dit : "- Bien, je suis certain que tu n'as pas été élevé parmi les tiens, tu dois avoir bien du talent pour occire ceux qui te mettent en colère. Mais il est plus qu'extraordinaire, que toi, un paysan pris à la guerre, puisse avoir le courage de m'affronter, "car peu parmi les serviteurs ont du cœur au combat".

    Sigurd répondit : "- Où es-tu allé chercher entre mes dents que j'étais loin de ma famille ? Bien que j'ai été paysan, je n'ai jamais porté les fers. Par les dieux, m'as-tu trouvé assez libre jusqu'ici ?"

    Fafnir dit : "- Tu prends mes paroles en mauvaise part. Mais écoute-moi, pour que ce même or que j'ai possédé devienne ta malédiction à toi aussi."

    Sigurd rétorqua : "- Tu escomptais garder toute ta richesse jusqu'à la fin des temps ? Chacun finit par mourir une fois pour toutes."

    Fafnir dit : "- Tu tiendras peu compte de mes conseils, mais prends garde de ne pas te noyer si tu voyages imprudemment sur les mers. Il te serait préférable de rester sur la terre jusqu'à ce que le temps se calme."

    Alors Sigurd demanda : "- Parle, Fafnir, et dis, si tu es si sage, qui sont les Nornes qui règlent le destin de tous les fils des mères ?"

    Fafnir répondit : "- Elles sont nombreuses et se trouvent un peu partout. Car certaines sont parentes des Ases, d'autres des elfes, et certaines sont les filles de Dvalinn."

    Sigurd dit : "- Comment appelles-tu la plaine sur laquelle Surt et les Ases mélangeront et confondront l'eau de l'épée ?

    "- Non-née s'appelle cette verte prairie", déclara Fafnir. Et il ajouta : "- Mon frère Reginn a œuvré pour ma fin, et il réjouit mon cœur qu'il ait causé aussi la tienne. Car c'est ainsi que seront les choses selon sa volonté."

    Puis il reprit encore : "- J'ai porté le masque de terreur face aux hommes, après quoi j'ai veillé sur l'héritage de mes frères, et de tous côtés, j'ai fait jaillir le poison, de sorte que nul n'ose m'approcher, et je n'avais peur d'aucune arme, et je n'ai jamais eu assez d'hommes face à moi qu'à moi seul je ne les vainque tous. Car tous les hommes étaient bien terrorisés en me voyant."

    Sigurd répondit et dit : "- Peu peuvent obtenir la victoire par l'usage d'un simple masque de terreur, car quiconque se retrouve au milieu des autres finit par se rendre compte qu'aucun d'eux n'est de loin le plus puissant de tous."

    Puis Fafnir dit : "- Je te conseille de remonter sur ton cheval et de chevaucher loin d'ici le plus vite possible, car le temps te manque maintenant, et celui qui reçoit une blessure mortelle doit se venger de même."

    Sigurd répondit : "- Quelles que soient tes volontés, je ne les suivrai en rien. Non, maintenant, je vais chevaucher jusqu'à ton repaire, et prendre pour moi le grand trésor de tes parents."

    "- Vas-y maintenant, alors, dit Fafnir, et tu trouveras assez d'or pour toute la durée de ta vie. Que cet or fasse ton malheur, et le malheur de tous ceux qui le posséderont un jour."

    Alors Sigurd se redressa, et dit : "- Je rentrerai à la maison et perdrai toute cette richesse, si je pensais que grâce à cet abandon jamais je ne mourrais. Mais n'importe quel homme vrai et brave serait désireux de mettre la main sur ces richesses jusqu'à ce dernier jour dans lequel toi, Fafnir, tu patauges dans une douleur mortelle jusqu'à ta mort et où Hel te prend."

    Après cela, Fafnir mourut.

     

     Sigurd et Fafnir. Alan Lee.

     Sigurd et Fafnir. Alan Lee. 1984.

     

    1 : voir le Fafnismal

    Voir aussi le diaporama Sigurd Fafnisbani.

     

     volsunga saga                                                                                                                             volsunga saga


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  • Sagas islandaises. Régis Boyer.

      

    Table ronde sur le héros :  partie I

    Table ronde sur le héros : partie II

    Table ronde sur le héros : partie III

     

     

    viking                                                                                                                                             viking


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  •  songerune

    Futhark, Runes et Magie

     

    sens et son du verbe
    charme et chant de la parole
    l'homme joue à Dieu 

     

    songerune                                                                                                                                                                                     songerune


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  • volsunga saga

    Chant du rossignol philomèle.

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    Ensuite, Reginn vint à Sigurd, et lui dit :

    "- Réjouis-toi, seigneur et maître, tu as remporté une noble victoire en tuant Fafnir, d'autant que nul avant toi n'a osé se mettre sur son chemin. A présent, cet acte fameux sera renommé tant que le monde durera."

    Puis Reginn resta immobile longuement, considérant la terre, et parla ensuite, l'humeur sombre :

    "- Tu as tué mon propre frère, et je peux difficilement être considéré comme innocent de cet acte."

    Alors Sigurd prit son épée Gramr, l'essuya sur la terre, et répondit à Reginn :

    "- Tu es parti au loin lorsque j'ai accompli cet acte et que j'ai utilisé cette arme avec ma main et ma force. J'ai eu à affronter toute la puissance physique d'un dragon, pendant que tu te terrais sous les buissons de bruyère, ne sachant pas si c'était la terre ou le ciel."

    Reginn dit :

    "- Ce ver serait resté encore longtemps couché dans son antre, si la lame acérée que j'ai forgée de mes mains n'avait été aussi bonne que tu en avais besoin. Nul n'aurait pu l'emporter contre lui sinon, ni toi ni aucun autre.

    Sigurd répondit :

    "- Quand un homme affronte son ennemi en combat, il vaut mieux un cœur brave qu'une épée aiguisée."

    Réginn répondit alors, lourdement : 

    "- Tu as tué mon frère, et je peux difficilement être considéré comme étranger à cet acte."

    Sigurd coupa alors le cœur du ver avec l'épée nommée Ridil. Mais Reginn but du sang de Fafnir, et dit :

    "- Accorde-moi ta bénédiction, et de faire une très petite chose pour toi. Porte ce cœur au feu et fais le rôtir, et donne le moi ensuite à manger."

    Alors Sigurd suivit cette consigne, et le mit à la broche. Ensuite, le sang bouillant goutta sur son doigt lorsqu'il en vérifia la cuisson. Il porta vivement son doigt à sa bouche, et lorsque le sang du cœur du ver toucha sa langue, il comprit instantanément le langage de tous les oiseaux, et entendit la conversation des pics caquetant dans les branches au-dessus de lui.

     

    Sigurd fafnisbani

    Sigurd le doigt dans la bouche.

     

    "- Tu es assis, toi Sigurd, rôtisseur du cœur de Fafnir pour un autre, alors que tu devrais le manger toi-même, et devenir ainsi le plus savant des hommes."

    Un autre parla : "- Là est couché Reginn, décidé à trahir l'homme qui lui fait confiance."

    Et ajouta un troisième : "- Tranche-lui donc la tête et reste le seul maître de cet or."

    Et le quatrième parla aussi et dit : "- Ah, le plus sage des hommes il serait, s'il suivait ce bon conseil, et se rendait au repaire de Fafnir, prenait pour lui le formidable trésor qui s'y trouve, puis chevauchait par delà Hinderfell, où dort Brunehilde. Pour cela, il obtiendrait un grand savoir. Ah, il serait tellement sage, s'il agissait selon nos avis, et pensait à son propre bonheur. "Car là où sont les oreilles du loup, les dents ne sont pas loin."

    Ainsi cria le cinquième "- Oui, oui, je le devine pas si sage que ça, s'il épargne celui dont il a déjà tué le frère."

    A la fin parla le sixième : "- Habileté et décision pour le tuer, et être maître du trésor !"

    Alors Sigurd parla :

    "- Le temps n'est pas arrivé où Reginn pourra décider de mon destin. Non, il vaut mieux que ces deux frères empruntent une même route. "

     

    Sigurd écoute les oiseaux. 

    Sigurd écoute les oiseaux.

      

    Alors il leva son épée Gramr et décapita Reginn.

    Puis Sigurd entendit le chant des piverts, ainsi que le narre le poème.

    Car le premier chanta :

    "Attache-toi, Sigurd, les brillants anneaux rouges !

    Il n'est pas digne de craindre quoi que ce soit.

    Je connais une belle, noble entre les nobles,

    Et ceinte d'or, et digne de ton attention."

     

    Et le second :

    "Verts sont les chemins vers la halle de Gjuki

    Que la destinée montre à celui qui s'y rend.

    Là-bas le riche roi a élevé sa fille.

    Tu obtiendras sa main, Sigurd, avec de l'or."

     

    Et le troisième :

    "Une halle se dresse en haut de Hinderfell

    Et tout autour d'elle dansent les flammes rouges.

    Des sages ont autrefois bâti cette merveille

    Avec la glorieuse lueur de l'or des flots."

     

    Alors la quatrième chanta :

    "Une vierge guerrière dort là-haut doucement

    Et avec elle joue le fléau des tilleuls.

    Odin la fait dormir du sommeil de l'épine,

    Car ne lui a pas plu son choix pendant la guerre.

     Va, fils, et libère celle qui sous le heaume,

    Celle que Vinskornir ramena du combat,

    Ne peut se détourner du tourment du sommeil,

    Cher descendant des rois, et en dépit des Nornes."

     

    Alors Sigurd mangea une grande partie du cœur de Fafnir, et conserva le reste. Puis il sauta en selle et chevaucha le long de la piste de Fafnir, directement jusqu'à sa demeure. Il la trouva ouverte, et remarqua que toutes les portes et tous leurs montants en étaient forgés en fer. Oui, et toutes les poutres de la maison, qui était creusée profondément sous terre. Là, Sigurd trouva de l'or en quantité incalculable, et l'épée Rotti. Il prit le heaume de terreur, et la cuirasse d'or, et de nombreux objets de bonne facture et de grande valeur. Il trouva tant d'or sur place qu'il aurait fallu deux chevaux, ou peut-être trois, pour tout emporter. Mais il rassembla tout l'or dans deux grands sacs, et les posa sur le dos du cheval Grani, et prit les rênes, mais l'animal refusa de bouger. Il ne voulut pas le frapper. Alors Sigurd comprit la pensée du cheval, et sauta sur son dos, et piqua des deux, et le cheval bondit comme s'il était à vide.

     

    Voir aussi le Fafnismol et le diaporama Sigurd Fafnisbani.

     

    sigurd fafnisbani, volsunga saga 

    Pierre de Ramsundsberget

    pierre de Ramsundsberget

    Gravures figurant sur la pierre de Ramsundsberget

    On y distingue les outils de la forge ayant servi à forger Gram (centre de la partie gauche), la mort de Fafnir (en bas à droite), Sigurd avec le doigt dans la bouche (centre gauche),les oiseaux sur l'arbre (en centre droit), la décapitation de Reginn (à gauche) et Otr (juste au-dessus), et Grani attaché à l'arbre et chargé d'or (plein centre).

     

     volsunga saga                                                                                                                           volsunga saga


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