Comment pourrais-je m'acquitter
Pour ce rempart des guerriers1 ?
Thorleif m'a en effet donné
La voix des rochers1 bien ornée.
Je peux y voir trois déités,
Valeureuses divinités,
En posture assez délicate
Et Thiassi, sur la marge plate
De la bordure étincelante
De cette feuille combattante1.
Car le ravisseur de la dame2
S'envola avec grand vacarme,
Pour rencontrer le suzerain
De l'ensemble des souverains
Sous sa forme de très-ancien3.
Voilà longtemps l'aigle atterrit
Où les Ases, en leur abri,
Cuisaient au feu leur venaison.
Le dieu des rocheuses maisons4
Ne put être appelé peureux.
Habile à mystifier les dieux,
Il se montra dans l'arbitrage
Intraitable sur le partage
Des quantités de nourriture.
Avec son heaume pour coiffure,
L'Instructeur des divinités5
Comprit bien sa malignité.
La mouette des vagues de sang,
L'oiseau fourbe et intelligent
Leur parla du haut d'un vieux tronc.
Loki montra son aversion.
Lors le loup des montagnes ordonne
Au père de Meili5 qu'il lui donne
Son content tranché au billot.
L'ami du maître des corbeaux6
Est chargé d'attiser le feu.
L'Odin, le guerrier courageux
Des baleines continentales
Se laisse choir sans aucun mal
Là où les déités s'affairent.
L'aimable seigneur de la terre5
Ordonne au fils de Farbauti
De couper la proie de Skadi
Afin d'entre eux la répartir.
Mais l'ennemi des Aesir,
Impitoyable et cauteleux
S'empare des pièces de bœuf,
Des quatre parts sur la grand-table.
Le père de Morn7, détestable,
Affamé, se met à manger,
Dans un chêne bien protégé,
La viande de la bête à joug
-Et c'était dans les anciens jours -
Jusqu'à ce que le dieu rusé,
Le gardien du butin guerrier,
N'atteigne entre les deux épaules
Le terrible ennemi du sol
A l'aide de sa javeline.
Le fardeau des bras de Sigyn,
Dont les dieux sont les obligés,
Se retrouve alors attaché
A l'ascendant de la déesse
Avec des skis, la chasseresse8.
La lance s'était agrippée
A celui qui, puissant, hantait
Le territoire des géants,
Et les mains du bon compagnon
D'Hœnir à l'embout du bâton.
La mouette des vagues de sang,
Satisfaite de son butin,
S'envole alors vers le lointain
Emportant le dieu des filous,
Au point que le père du loup
Se sent prêt à se déchirer.
Lopt, alourdi et effondré,
Le compagnon de l'Ase Thor,
Est obligé avec effort
De mendier merci et merci
Auprès de l'effrayant mari
De Midiung, et de pire en pire.
Le fils de la race d'Hymir
Ordonne donc au dieu malin
Fou de douleur et de chagrin
De lui amener la déesse
Habile à soigner la vieillesse.
Le voleur de Brisingamen
N'a ensuite guère de peine
A mener l'asynie un jour
Au banc de Brunnack, à la cour
Du Nidud des aplombs rocheux.
Ils ne furent pas malheureux,
Les habitants des rocs brillants,
Qu'Idunn soit parmi les géants,
Arrivée du sud depuis peu.
Mais ils devenaient gris et vieux,
Tous les parents d'Yngvi-Frey,
Et repoussants à l'assemblée.
…......................
Jusqu'à ce qu'ils trouvent le loup
Du sang qui coule sous les coups,
De la Gefn des bières trompeur,
Et n'attachent le ravisseur,
L'arbre de la sournoiserie
Qui Idunn ailleurs conduisit.
"Tu seras entravé, Loki"
Le coléreux parla ainsi
"A moins que par quelque moyen
Tu ne nous la ramènes enfin,
La fameuse, la renommée,
Celle qui sait apporter
L'allégresse aux divinités."
De ceci j'ai ouï parler,
Que celui qui éprouve l'âme
D'Hoenir fit revenir la Dame,
Amie des Ases, par la ruse
Sous son déguisement de buse ;
Et dans un esprit déloyal,
Le père de Morn, boréal,
Joua au jeu de la puissance
En battant des ailes en cadence
Et en dirigeant un typhon
Vers le descendant du faucon.
Les rondins prirent bientôt feu,
Apprêtés par les puissants dieux ;
Et le fils de l'amant de Greip
En fut vivement enflammé.
Son trajet fit une embardée.
Ce récit est bien dessiné
Sur la sole du piédestal1
De Hrungnir le géant brutal.
J'ai reçu de la part de Thorleif,
Orné de ces crimes en relief,
Le rempart de ce bouclier.
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On voit aussi sur son ourlet
Arbre du feu de l'océan9,
Comment la terreur des géants,
Rendit visite à Griotun.
Le fils de Iord, dessous la lune,
Conduisit le jeu de l'acier,
Et le ciel en fut foudroyé.
Et dans le frère de Meili
L'ire avait gonflé et grandi.
Les sanctuaires des faucons
Se retrouvèrent en fusion
Du fait du beau-père de Ull,
Et la terre sous sa férule
Par la grêle fut ébranlée,
Tandis que les boucs s'élançaient
Emportant le pilier du temple
Dans un puissant mouvement ample
Sur son chariot pour assaillir
Le robuste géant Hrungnir.
La triste veuve de Svolni10
S'en fendit presque en deux parties.
Le frère de Balder, là-bas,
Lote Hrungnir n'épargna pas,
L'avide ennemi des humains.
Les monts explosèrent soudain,
Se fragmentèrent les rochers.
Et j'ai entendu rapporter
Que le gardien des os noircis
Des terres des chariots d'Haki11
Gesticula violemment
Quand il vit son rival vaillant.
Le gardien des rocs fit glisser
Précipitamment sous ses pieds
Le large anneau de glace claire.
Les entraves le provoquèrent,
Les Valkyries le désiraient.
Le gentilhomme des rochers
N'eut pas à attendre longtemps
Qu'un coup rapide et violent
Lui fut asséné par l'ami,
Rude, et au combat endurci,
Du marteau ennemi de Beli.
Celui qui abrège la vie
De ses maléfiques armées
Fit choir de l'îlot bouclier
L'ours de la cachette vibrante
Des tempêtes assourdissantes.
Là s'effondra le souverain
Du territoire des ravins,
Avant que le marteau puissant
Et le destructeur éclatant
Des Danois des hautes falaises
Ne fassent reculer Hrungnir,
Lui qui a lancé le défi.
Et le coriace éclat de pierre
Propulsé par le thurs Hrungnir,
Ami du peuple de Vingnir,
Siffla vers le fils de Terre
Et dans son cerveau se ficha,
Dans le crâne du fils d'Odin.
La pierre d'acier se coinça,
Eclaboussée du sang carmin
d'Eindridi et y demeura
Jusqu'à ce que Gefion de la bière12
N'enchante le faix incarnat
Du maléfice de la chair,
Rouillé sur les pentes inclinées
De la rouquine chevelure
Du dieu dispensateur de plaies.
Je vois toutes ces aventures
Sur le rempart du bouclier.
J'ai eu ce targe de Thorleif,
Orné de ces actes en relief.
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