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Heimskringla : Saga d'Olaf Tryggvason IV
20- La mort de Skopte
Un été alors que le jarl Hakon était en expédition, un vaisseau l'accompagnait dont Thorleif Spake (le Savant) était le capitaine. Sur ce navire se trouvait également Eirik, le fils du jarl Hakon, alors âgé de dix ou onze ans. Les soirs, lorsqu'ils arrivaient dans un port, Eirik ne permettait à aucun autre navire que le sien de se placer à proximité immédiate de celui du jarl. Mais lorsqu'ils arrivèrent dans le sud, vers More, ils rencontrèrent Skopte, le beau-frère du jarl, avec un bateau bien équipé. Et tandis qu'ils ramaient vers la flotte, Skopte demanda que Thorleif sorte du port pour faire de la place à son navire, et s'installe dans la rade. Eirik se mêla de l'affaire immédiatement, et ordonna à Skopte de se rendre lui-même dans la rade. Lorsque le jarl Hakon entendit que son fils se jugeait par trop supérieur pour céder la place à Skopte, il lui cria de libérer immédiatement son amarre, le menaçant de châtiment s'il n'obtempérait pas. Lorsque Thorleif l'entendit, il demanda à ses hommes de ramener leurs câbles, et ils obéirent. Et Skopte plaça son navire juste à côté de celui du jarl ainsi qu'il en avait l'habitude.
Lorsqu'ils se retrouvèrent ensemble, Skopte communiqua au jarl toutes les nouvelles qu'il connaissait. Et il fut par la suite surnommé Tidindaskopte (l'Homme aux nouvelles). L'hiver suivant (973), Eirik se trouvait avec son père adoptif, Thorleif, et tôt au printemps, il recruta un équipage, et Thorleif lui donna un vaisseau de quinze bancs de nage, avec tout son matériel, des tentes, et des vivres. Et Eirik sortit du fjord, et se dirigea vers More. Tidindaskopte était en même temps en train de se rendre d'une de ses fermes à une autre avec un navire de quinze rangs de rameurs, et Eirik vint à sa rencontre pour l'engager en combat. Skopte fut tué, mais Eirik ne dut la vie qu'à ceux de ses hommes qui étaient encore sur leurs jambes.
Ainsi en parla Eyjolf Dadaskald dans le lai de Banda :
"Dans la soirée l'enfant fit voile
Pour affronter le guerrier brave
Pour affronter le vaillant Skopte,
Dont le navire courait la mer,
Même force des deux côtés.
Mais dans le flot tourbillonnant
Le louveteau Eirik tua
Skopte, et tout son équipage,
Et se montra fort courageux,
Bien cher au cœur du jarl Hakon.
Debout, enfant au cœur d'acier,
Pas de temps pour te reposer !
Tes ailes d'océan s'étendent,
Hâte-toi sur les flots d'écume !
Hâte-toi sur ta propre voie !
Car ici tu ne peux rester."
Eirik navigua le long de la côte et gagna le Danemark, où il se rendit auprès du roi Harald Gormson et y resta tout l'hiver (974). Au printemps, le roi le renvoya vers le nord en Norvège et lui donna une charge de jarl et le gouvernement de Vingulmark et Raumarike, aux mêmes conditions que pour les rois versant peu de taxes qui avaient précédemment tenu ces domaines.
Ainsi chanta Eyiolf Dadaskald :
"Au sud à travers les embruns
Son dragon s'envola au loin
Vers la halle du fils de Gorm
Où le bol2 tourna bravement.
Et le roi des Danois plaça
Ce jeune homme de noble race
Là où, targe et épée en main,
Il pourrait défendre ses terres."
Par la suite, Eirik devint un grand chef.
21- Le voyage d'Olaf Tryggvason depuis la Russie.
Pendant tout ce temps, Olaf Tryggvason était en Gardarike (Russie), et tenu en haute estime par le roi Valdemar, ainsi que très aimé de la reine. Le roi Valdemar le nomma chef des hommes d'armes qu'il envoyait aux frontières pour la défense du pays.
C'est ce que dit Hallarsteid :
"Celui qui hait les bandes de pillards,
Le chef qui aime les terres du Nord,
N'avait que douze années lorsqu'il mit à la mer
Ses navires de guerre depuis la Russie.
Le chariot labourant l'océan fut alors
Chargé d'engins de guerre par ses combattants,
D'épées, de lances et de heaumes. Et au loin
Sur les mers, ses bons navires naviguèrent."
Olaf livra plusieurs batailles, et fut chanceux en tant que chef de guerre. Il entretint à ses propres frais un grand nombre d'hommes d'armes avec l'argent que lui versait le roi. Olaf était très généreux avec ses hommes, et devint donc très populaire. Mais il arriva ce qui arrive souvent lorsqu'un étranger acquiert beaucoup de puissance et de renommée dans un pays, qu'il fut envié par nombre d'hommes parce qu'il était si favorisé par le roi, et pas moins par la reine. Ils laissèrent entendre au roi qu'il devrait prendre soin de ne pas rendre Olaf trop puissant, "car un tel homme pourrait s'avérer dangereux pour vous, s'il se permettait d'œuvrer dans le but de vous causer des dommages, à vous ou à votre royaume. Car il est extrêmement habile en tous les exercices et hauts-faits, et très populaire. Et nous ne savons pas, bien sûr, ce dont il peut avoir aussi souvent à s'entretenir avec la reine."
Il était en effet coutume, parmi les grands monarques, que la reine devait bénéficier de la moitié des serviteurs de la cour, qu'elle entretenait à ses propres frais sur les revenus et les taxes qui lui étaient procurés pour cet usage. Ainsi, à la cour du roi Valdemar, la reine disposait d'une domesticité équivalente à celle du roi, et ils rivalisaient pour avoir les meilleurs hommes, chacun voulant avoir le meilleur à son service.
Il se trouva que le roi prêta une oreille à de tels discours, et devint quelque peu taciturne et coupant avec Olaf. Lorsqu'Olaf s'en rendit compte, il en parla à la reine. Et lui dit aussi qu'il avait un grand désir de voyager vers les terres du Nord, où sa famille avait autrefois puissance et royaume, et où il était des plus probable qu'il puisse s'élever lui-même. La reine lui souhaita un voyage profitable, et dit qu'il serait considéré comme un vaillant homme où qu'il aille. Olaf se prépara, monta à bord, et appareilla vers la Baltique. Comme il venait de l'est, il croisa l'île de Borgundarholm (Bornholm), où il débarqua et qu'il pilla. Les gens du pays accoururent sur la grève pour lui livrer bataille. Mais Olaf vainquit, et s'assura un riche butin.
22- Le mariage d'Olaf Tryggvason.
Tandis qu'Olaf se trouvait à Borgundarholm survinrent du mauvais temps, une tempête et une grosse mer, de sorte que ses vaisseaux ne pouvaient rester là. Alors il fit voile vers le sud sous le Vindland, où il trouva un bon port. Ses hommes et lui se conduisirent tout à fait pacifiquement, et y restèrent quelque temps. Au Vindland régnait un roi nommé Burizleif, qui avait trois filles : Geira, Gunhild et Astrid. La fille du roi nommée Geira avait le pouvoir et gouvernait la région où Olaf et ses hommes avaient débarqué. Dixen était le nom de l'homme qui conseillait généralement la reine Geira. Lorsqu'ils surent que des personnes inconnues, et qui étaient d'apparence distinguée, étaient arrivées dans le pays et se conduisaient pacifiquement, Dixen se rendit à eux avec un message de la reine Geira, invitant les étrangers à passer l'hiver chez elle. Car l'été était presque terminé, et le temps était mauvais et orageux. Lorsque Dixen arriva auprès d'eux, il vit bienôt que leur chef était un homme noble, à la fois par sa famille et par son apparence personnelle, et il fit part à Olaf du message de la reine de la manière la plus aimable. Olaf accepta volontiers l'invitation, et se rendit chez la reine Geira à la moisson (982). Ils s'apprécièrent énormément, et Olaf courtisa la reine Geira. Et il fut ainsi décidé qu'il l'épouserait ce même hiver, et serait souverain, avec elle, sur ses domaines, ainsi que c'était la règle.
Halfred Vandredaskald parla de ces sujets dans le lai qu'il composa sur le roi Olaf :
"Pourquoi devraient être cachés
Les actes que le héros fit
A Bornholm et en orient ?
Le courageux Olaf teinta
En rouge son arme mortelle :
Pourquoi ne serait-ce pas dit ?"
23- Le jarl Hakon ne paie pas les redevances
Le jarl Hakon gouvernait la Norvège et ne versait pas les impôts, car le roi des Danois lui laissait tous les revenus qui appartenaient au roi de Norvège, pour les dépenses nécessitées par la défense du pays contre les fils de Gunhild.
24- Harald s'oppose au christianisme.
L'Empereur Otta (Otto) qui régnait à cette époque au pays des Saxons envoya un message au roi Harald, roi des Danois, dans lequel il lui disait qu'il devait adopter la vraie foi et se faire baptiser, ainsi que le peuple qu'il gouvernait, " sinon, dit l'empereur, nous marcherons contre lui avec une armée ". Le roi des Danois ordonna que les défenses du pays soient renforcées, que le Danarvike1 (le mur danois) soit bien fortifié, et que ses navires de guerre soient apprêtés.
Les fortifications du Danavirke. Louis Moe.
Il envoya également un message au jarl Hakon en Norvège lui demandant de le rejoindre au tout début du printemps, avec autant d'hommes que possible. Au printemps (975), le jarl Hakon leva une très nombreuse armée dans tout le pays, et navigua avec elle pour rallier le roi danois. Le roi le reçut de la manière la plus honorable. Nombre d'autres chefs rejoignirent le roi du Danemark avec leurs troupes, de telle sorte qu'il avait réuni une très grande armée.
25- L'expédition guerrière d'Olaf Tryggvason.
Olaf Tryggvason était resté tout l'hiver au Vindland (980), ainsi que raconté précédemment, et avait visité ce même hiver les Baronnies qui étaient auparavant les fiefs de la reine Geira, Baronnies qui s'étaient exemptées elles-mêmes de leur devoir de taxe et d'obéissance. Là, Olaf fit la guerre, tua beaucoup de monde, en brûla d'autres, s'empara de nombreuses propriétés, et les plaça tous sous sa souveraineté, puis rentra dans son château. Tôt au printemps, Olaf apprêta ses navires et partit en mer. Il navigua vers la Scanie et y débarqua. Les gens du pays s'assemblèrent et lui livrèrent bataille, mais Olaf vainquit et ramassa un beau butin. Puis il vogua vers l'est en direction de l'île de Gotland, où il captura un vaisseau marchand appartenant à des habitants du Jamtaland. Ils se défendirent avec bravoure, mais à la fin, Olaf vida le pont de ses occupants, tuant la plupart des hommes, et s'empara de tous les biens.
Ainsi en parla Halfred Vandredaskald :
"Le souverain, si féroce dans la bataille,
Fit tout d'abord céder le peuple du Vindland :
Et ce fut ensuite aux gotlanders de trembler.
Les rives de Scanie furent aussi fouettées
Par la pluie battante des flèches acérées
Dont les douchèrent le héros et ses guerriers.
Enfin les habitants du Jamtaland s'enfuirent
Effrayés par son si célèbre cri de guerre."
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