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Le Futhark : données de base
Dédicace spéciale de cet article à Christophe, "Runemaster".
Viking's word, Leaves Eyes
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Le fuþark
Définition
Le futhark est un alphabet qui comprend à l'origine 24 signes correspondant à des sons, et qui a probablement été formalisé entre le Ier siècle avant JC et le IIème siècle après JC en Germanie du Sud, puis a diffusé vers la Scandinavie à la faveur des migrations de population et des échanges commerciaux.
Il tire son nom, tout comme le nôtre tire le sien des deux premières lettres de l'alphabet grec, des 6 premières lettres de quelques pierres runiques sur lesquelles il était gravé : en effet, parmi les milliers de pierres runiques et d'objets runiques découverts à ce jour, certains comportent une même séquence de signes qui ne peuvent être répartis en mots et en phrases, et correspondent simplement à des runes classées dans un ordre précis, toujours le même.
Pierre de Kylver, Stanga, Gotland, trouvée en 1903, datée d'environ 400.
Transcription :
Cet ordre, donc, sur lequel il faudra s'étendre un peu plus tard, la répartition en trois groupes de huit n'étant pas indifférente, est généralement le suivant pour l'ancien (elder) futhark (avec quelquefois une inversion de la dernière paire):
Morphologie
Le futhark autorise, comme tous les caractères utilisés pour écrire les langues indo-européennes, une écriture de type syllabique.
Certains de ces signes ont une parenté graphique évidente (pour une même phonation, bien sûr) avec ceux de l'alphabet latin, dont nombre viennent du grec et du rhétique (étrusque) :
F, R, I, M, T, B, H.
Pour d'autres, on peut reconnaître aisément une forme grecque :
L'origine des autres runes est encore discutée : soit des inventions germaniques, soit des emprunts très modifiés à des alphabets comme l'alphabet étrusque, ce qui reste l'hypothèse la plus probable.
Le caractère très anguleux de cet alphabet est évidemment lié à des raisons pratiques de gravage sur métal ou sur pierre : les droites sont plus faciles à graver au burin et au marteau que les courbes sur les surfaces dures. De plus, cet alphabet est remarquablement facile à resserrer ou à espacer à volonté.
A partir de ces formes initiales, certaines runes se sont modifiées avec le temps, et d'autres sont restées stables. Cet ancien futhark comprenant 24 signes a évolué au fil du temps en nouveau (younger) futhark (formalisé entre 700 et 800), simplifié en seize signes (dans l'ordre f, u, th, a, r, k, h, n, i, ar, s, t, b, m, l, è) :
Cette évolution graphique sera plus détaillée ultérieurement rune par rune dans l'exposé des trois groupes de runes, les aettir. Il est également à tenir compte du fait que leur graphisme a été l'objet de modifications et de préférences régionales, en même temps qu'il évoluait dans le temps.
En plus de cette évolution graphique en relation avec l'évolution phonétique, a émergé pour des raisons pratiques d'écriture une forme de rune dite "futhark raccourci suédo-norvégien", que l'on trouve couramment sur les pierres runiques tardives :
En outre s'est développée une combinatoire des runes, alors dites secrètes :
- en accumulation, par exemple : : gebo ansuz et tyr ansuz laguz wunjo
- en encodage numérique, par exemple, avec à gauche le numéro d'aett et à droite le numéro d'ordre de la rune dans l'aett : : première rune du troisième aett (tyr) et cinquième du deuxième aett (sowelo). Ces runes sont très graphiques et ressemblent ainsi un peu à l'ogham, alphabet celte. Elles peuvent également être placées en croix.
- en décalage d'une rune...
On trouve ces formes très élaborées et répondant à un souci esthétique et symbolique sur certains objets runiques comme la Pierre de Rök.
Nom des runes et phonologie
Je développerai un peu ces données pour l'Ancien Futhark.
Comme tout alphabet, le futhark répond à une exigence de type "communication" : il est constitué de signes correspondant à des sons de l'ancienne langue germanique, dont une des branches a donné naissance au vieux norrois.
Et comme pour tout alphabet, chacune de ces lettres porte un nom, un peu différent en norrois et en gothique. Chacun des noms de ces lettres désigne en outre un concept ou un être ou un objet, avec par conséquent une valeur de type idéographique, ce qui est assez original par rapport aux alphabets latin ou grec. Chacune des runes est donc porteuse d'une connotation symbolique et de ce qui en découle assez naturellement, une valeur magique, attestée par les textes (voir par exemple le Sigdrifumal, le Busluboen, le Grogaldr ou certains chapitres de la Volsunga saga). On retrouve le même genre de symbolique magique dans l'alphabet hébreu (Kabale).
Les formes du protogermanique sont reconstituées : il n'existe aucune preuve archéologique de leur existence, mais elles ont été reconstruites à partir du nom des runes dans les différentes langues en remontant les mécanismes d'évolution phonologique maintenant bien décortiqués en linguistique.
A noter qu'Algiz et Ingwaz ne se trouvent jamais en début de mot.
Certaines de ces lettres étaient redondantes, car les langues évoluent généralement dans le sens d'une simplification dans l'articulation des sons : g -> k, w et o -> ou, j et ï -> i, p -> b, d -> t, et un son è de trop (iwhaz ?). Huit d'entre elles ont ainsi pu disparaître dans le nouveau furthark sans nuire à la transcription des sons.
Très fréquemment, les formes anciennes, intermédiaires et modernes coexistent, ce qui en fonction de la localisation géographique, puisqu'existent également des variantes et préférences géographiques, constitue aujourd'hui une aide à la datation des objets supports (et réciproquement lorsque les objets ont pu être datés par d'autres techniques).
Utilisations du futhark
Le futhark possède une double fonctionnalité :
- phonologique : chaque signe représente donc un son de la langue germanique ancienne, puis du vieux norrois, et chaque son de ces langues est couvert par une lettre. Il servait donc, comme tout alphabet, à fixer des paroles et des sons de manière pérenne, avant l'invention des techniques d'enregistrement analogique puis numérique. C'est le propre et la finalité initiale de l'écriture.
Il était donc utilisé pour rédiger des textes, d'abord sur la pierre, le métal, le bois, éventuellement le cuir et l'os, puis le parchemin et très tard, le papier.
Bractéate de Vadstena. Vème siècle.
Pierre runique de Stentoften. VIIème siècle.
Franks Casket ou cassette runique d'Auzon (gravée dans de l'os de baleine). VIIème siècle.
Codex runicus. XIVème siècle.
- magique : du fait de la valeur symbolique affectée à chaque rune, le futhark était porteur d'une puissance de focalisation de la magie, pour obtenir une protection ou jeter une malédiction, donc pour influer sur l'avenir. Cependant, contrairement à une tradition bien établie et d'autant plus répandue du fait du regain actuel des disciplines ésotériques, il n'existe pas de preuves archéologiques formelles que le futhark ait été utilisé à des fins divinatoires par tirage de runes. Il s'agirait de l'interprétation d'observateurs étrangers romains et chrétiens qui auraient extrapolé ce qu'ils voyaient à partir de leurs connaissances des traditions latines comme la consultation des augures, ainsi que le fit Tacite (55-120):
"Il n'est pas de pays où les auspices et la divination soient plus en crédit. Leur manière de consulter le sort est très simple: ils coupent une baguette à un arbre fruitier, et la divisent en plusieurs morceaux qu'ils marquent de différents signes, et qu'ensuite ils jettent pêle-mêle sur une étoffe blanche. Le prêtre de la cité, si c'est l'État qui consulte, le père de famille lui-même, si ce sont des particuliers, invoque les dieux, et, regardant le ciel, il lève trois fois chaque morceau, et fait son pronostic d'après le signe dont il est empreint."
Divination. C.E. Doepler
Mais on n'a pas de preuves que les runes étaient déjà en usage à l'époque où Tacite écrivait, ni que les signes dont il parle en aient été... Ni de l'inverse, d'ailleurs.
Les Norses sont cependant connus pour avoir utilisé d'autres techniques divinatoires : interprétation des rêves, événements naturels, pouvoirs personnels.
Pour en savoir plus : futhark ancien,
et l'ouvrage d'Yves Kodratoff : "les Runes - Des Faits, des Légendes et leur Magie", Guy Trédaniel Editeur, 1995, qui se base sur les textes parvenus jusqu'à nous.
Tags : futhark, elder futhark, runes
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Commentaires
Erreur corrigée. En vous remerciant bien, cordialement.
Thordruna.Edit : votre lien amène à un domaine où je n'ai trouvé que de la pub...
Bonjour
Toujour très bon, votre blog!
J'ai corrigé l'adresse de mon blog: http://laclefdesrunes.centerblog.net
Vous y trouverez des news sur le Coffret d'Auzon, le Coffret de Mortain, les Cornes de Gallehus et le Caillou runique d'Arguel...
& en voici un autre: http://ma_normandie.eklablog.com/
Bien à vous
O-H de W.
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Bonsoir
Il n'y a pas de Cassette Franque, c'est une erreur de traduction, car c'est Mr Augustus Wollaston Franks, qui ramena le Coffret d'Auzon de France en 1867, auquel les anglais donnèrent le nom. Allez voir l'histoire de ce coffret sur mon blog: http://laclefdesrunes.centerblog.com
Bien à vous
O-H de W.