dit l’Impitoyable.

Harald Sigurdarsson

Harald III de Norvège

 Résumé

Le dernier viking

Dans cette saga, peut-être plus que dans toute autre de l’Heimskringla, on sent la fascination de Snorri Sturluson pour son sujet. En effet, quel autre roi fut à la fois plus maître et jouet de son destin qu’Harald Sigurdarson Hardraada ? Même après la christianisation, le Destin resta une valeur forte chez les descendants des vikings, et notamment chez les Islandais. De même que le courage, l’intelligence, la ruse, la chance au combat. L’action, toujours. S’il ne s’agit pas de la saga la plus longue (qui est celle de Saint-Olaf), elle est probablement la plus aboutie sur les plans stylistique et de la construction, avec une alternance des temps d’action et des temps d’exposition d’une précision mathématique et une logique dans le récit qui lui donnent une extrême cohésion : ce texte, emblématique du style de la Saga, caractérisé par l’économie des moyens (verbes d’action, peu d’adjectifs…), la litote et le non-dit (qui suggèrent habilement et souvent prêtent à sourire), dresse un portrait remarquablement précis du profil psychologique d’Harald l’Impitoyable. Et si Snorri, qui comme toujours a utilisé les sources disponibles à son époque, s’est laissé aller quelquefois à rapporter des fragments pouvant sembler légendaires, il en a écarté d’autres, conformément à son parti pris d’historien (voir le Prologue de l’Heimskringla), et de son propre aveu sa préférence «d’avoir à rallonger le texte si nécessaire, plutôt que d’avoir à le raccourcir ». Avec un double objectif : rapporter de l’Histoire, et raconter une histoire. Snorri était passé maître en la matière : conter, à sa manière, discipline depuis toujours très prisée des Islandais.

Il nous présente donc son héros comme un viking, c'est-à-dire un homme hardi, courageux, cruel, cupide, un roi de mer, pillard et sans pitié, et aussi comme un roi tout court : orgueilleux, volontaire, intransigeant, calculateur. Probablement Snorri ne le pressentait-il pas, mais on considère généralement aujourd’hui Harald Hardraada comme le "Dernier Viking", ou au moins le dernier viking notable ayant laissé une trace dans l’Histoire. Son influence sur l’avenir géopolitique d'une partie de l’Europe, pour être indirecte, n’en a pas été moins importante : elle a tout bonnement permis l’accès de Guillaume le Conquérant au trône d’Angleterre, lequel Guillaume a patiemment attendu que le Norvégien engage le combat contre les anglais pour traverser la manche et y aborder plus sereinement. L’ère viking est tenue pour achevée en 1066, date de la bataille d’Hastings… et de la mort d’Harald lors de celle de Stamford Bridge, 19 jours auparavant.

Le texte qui suit n’est qu’un résumé de cette saga. Il y manque toute la saveur de la plume de Snorri, rendue par celle de Régis Boyer (dont la traduction m'a permis de faire ce résumé), et toute la partie scaldique du texte : un tiers de la saga est constitué de paragraphes poétiques remarquables, sources et illustrations de la narration.

En rappel du passage d'Harald à la tête de la garde varangienne :

The March of the Varangian Guard (album Stand up and fight), Turisas

1- De la fuite du roi Harald

A l’âge de quinze ans, Harald fils de Sigurd Syr prit part à la bataille de Stikalstadir, au cours de laquelle son demi-frère par sa mère, le roi Olaf Haraldson¹  trouva la mort. Il s’enfuit, blessé, et fut recueilli par Rögnvald Brusason. Une fois guéri, il gagna les contrées de l’est.

2- Du séjour de Harald en Russie

Il passa plusieurs hivers en Russie, chez le roi Jarizleif, fut nommé chef de la garde, puis partit avec ses hommes vers le sud.

3- Harald à Byzance

Il entra au service de l’impératrice Zoé² dans la garde varangienne, et s’attacha l’obéissance de tous les varègues, qui le suivirent dans ses expéditions contre les pirates en Méditerranée, en même temps que les grecs commandés par Gyrgir.

4- Comment s’y prendre pour tirer au sort

Arrivés un jour à terre les premiers, les varègues choisirent le meilleur emplacement, en zone sèche, pour installer leurs tentes. Peu après, Gyrgir survint et leur demanda de décamper, arguant de son rang plus élevé. Harald refusa. Le ton allait monter et la dispute dégénérer en bain de sang lorsque les sages intervinrent et proposèrent un tirage au sort. Harald gagna la préséance sur Gyrgir « à cheval, à la rame, à l’arrivée au port et pour choisir l’emplacement des tentes. »

5- Des expéditions d’Harald en Afrique

Harald protégeait ses hommes autant que possible dans les batailles lorsque les grecs étaient également présents, mais lorsqu’il engageait ses varègues, c’était pour vaincre ou périr. Il fut si souvent victorieux que les guerriers le voulurent pour seul chef. Grecs et varègues se séparèrent. Les troupes d’Harald remportèrent victoire sur victoire, pendant que Gyrgir rentrait à la maison. Harald conquit alors quatre-vingt villes en Serkland (Asie Mineure), puis, après avoir envoyé sa part de butin à Holmgard, chez Jarizleif, il partit en Sicile.

6- Du bon usage des petits oiseaux

Pour s’emparer d’une ville en Sicile, Harald fit capturer les petits oiseaux qui y nichaient, mais en sortaient le matin pour aller chercher leur pitance en forêt, les équipa de copeaux de sapin enduits de cire et de soufre, y mit le feu et les libéra. La ville fut ainsi incendiée par les oiseaux revenant à leur nid, et les habitants demandèrent et obtinrent grâce en la livrant.

7- Autre stratagème de Harald

Une autre ville, plus peuplée et mieux fortifiée, résista. Harald fit creuser un tunnel en secret. La ville fut ainsi prise, lorsque les Varègues entrés par le souterrain en ouvrirent les portes.

8- De la troisième ville imprenable

Le siège s’éternisant, les habitants de la ville finirent par perdre toute prudence, et narguèrent les varègues en ouvrant les portes. Harald ordonna à ses hommes de faire quotidiennement de l’exercice devant eux, désarmés, mais hors de portée des armes de jet.

9- De la cicatrice de Halldor

Quelques islandais accompagnaient Harald : Halldor, fils de Snorri le Godi³et Ulf, fils d’Ospak. Ils prirent part aux exercices. Au bout de deux jours, les citadins devinrent plus imprudents encore, ouvrant les portes et montant aux remparts. Alors un jour, les varègues prirent leurs armes sous leurs vêtements d’exercice, et attaquèrent la ville, sans armure. Halldor, promu porte-étendard, fit remarquer à Harald que ce dernier ne faisait que le suivre. Le combat fut très violent, Harald remporta la victoire, et Halldor une cicatrice lui barrant le visage, qu’il conserva sa vie durant.

10- De la fausse mort de Harald

Une quatrième ville, plus grande et plus forte, résista. Après quelque temps de siège, Harald tomba malade et s’alita. Les espions de la ville rapportèrent la nouvelle qu’il était malade. Son armée semblait décliner. Lorsqu’il fut mourant, il demanda à être inhumé dans la ville. Lorsque le cortège funéraire pénétra en ville, toute l’armée varègue se rua à l’assaut et la ville fut prise.

11- Du retour de Harald à Byzance

Après quelques hivers et dix-huit batailles, Harald revint à Byzance où il prépara une expédition à Jérusalem.

12- Harald en Palestine

Partout sur son chemin les villes se rendirent à lui. Il se baigna dans le Jourdain, fit un don d’argent conséquent pour la tombe du Seigneur et pacifia le pays de ses brigands avant de rentrer à Miklagard.

13- Des ennuis amoureux d’Harald

En rentrant, il donna sa démission à Constantin Monomaque, nouvel époux de Zoé, mais l’Impératrice refusa, l’accusant de détournement de butin et de s’être épris d’une de ses nièces, Maria. Constantin ordonna la mise au cachot d’Harald.

14- Miracle et mutilation

Tandis qu’il était conduit au cachot, Saint-Olaf lui apparut, et une dame de qualité, envoyée par le saint, l’aida à s’échapper la nuit suivante. Harald rejoignit ses varègues, et avec leur aide, se vengea de Constantin en l’énucléant des deux yeux.

15- Comment passer les chaînes du Bosphore

Ensuite, ils allèrent chez Maria, l’enlevèrent, et descendirent au port, barré par des chaînes. Pour les passer, après avoir pris un peu de vitesse, les hommes se précipitèrent tous vers la poupe, ce qui eut pour effet de faire s’élever la proue au-dessus de la chaîne, puis, à l’ordre d’Harald, vers la proue, pour faire glisser le bateau dessus. Quelques navires et leurs équipages furent perdus, mais Harald passa, et une fois en Mer noire, fit renvoyer Maria à Byzance, intacte, pour narguer Zoé.
De là, il rallia le nord par l’Hellespont.

16- Des fabuleux trésors de Harald

Il récupéra ses butins chez Jarizleif, encore amplifiés par les trois pillages du palais impérial byzantin auquel il participa⁴.

1 :  Saint-Olaf par la suite

2 : Epouse alors de Michel IV

3 : Ascendant direct de Snorri Sturluson

4 : La tradition voulait que la garde varègue ait le droit de piller le palais impérial lors de la mort de l’empereur. Trois empereurs moururent lors du séjour d’Harald à Byzance. Une survivance de ce type de tradition a perduré à Rome quelques siècles encore, avec le pillage des palais des cardinaux par le peuple à la mort des Papes, pillage sévèrement réprimé dans le sang.

Illustrations : Wilhelm Wetlesen, Gerhard Munthe (frise de titre)
Encadrement : Bouloute créations