• Heimskringla : Ynglinga saga I : le monde, les peuples, le royaume

    ynglinga saga

     

    L'Ynglinga saga est particulièrement exemplaire de l'habileté de Snorri, chrétien, mais désireux de présenter tout de même l'ancienne religion sous un jour pas trop défavorable. On sent dans le texte une certaine sympathie pour ces traditions, sous couvert de neutralité. Sa relation des récits et anciennes légendes est en effet une synthèse de la mythologie classique, mais accommodée à la manière d'un historien évhémériste, arguments géographiques à l'appui. Et rejoint d'une certaine façon le déroulement généralement proposé aujourd'hui de la progression vers l'ouest et le nord des peuples des bords de la Mer Noire, puis de là dans le reste de l'Europe.

     

    Legend land,  par Leaves eyes

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    ynglinga saga

    ou l'histoire de la famille des Yngling 

    d'Odin à Rognvald, Seigneur de la Montagne.

     

    1- De la géographie des pays.

    L'orbe du Monde, où vit la race des hommes, est déchirée de nombreuses baies, de telle sorte que de vastes mers se répandent dans les terres depuis l'océan extérieur. Il est ainsi connu qu'une grande mer s'y engouffre de Narvesund1 jusqu'au pays de Jérusalem. Depuis cette mer, un long bras de mer s'étend vers le nord-est, nommé la Mer Noire, et délimite les trois régions du monde. La partie orientale se nomme Asie, et la partie occidentale est appelée par certains Europe, et par d'autres Enéa. Au nord de la Mer Noire s'étend Svithiod le Vaste, ou le Froid. Le vaste Svithiod est considéré par certains comme aussi grand que le Grand Serkland2, d'autres le comparent au Grand Pays Bleu3. La partie nord du Svithiod reste inhabitée à cause du froid et du gel, tout comme les régions du sud du Pays Bleu, brûlées par le soleil.

    Se trouvent au Svithiod de nombreuses races humaines, parlant nombre de langages différents. On y trouve des géants, on y trouve des nains, et aussi des hommes bleus, ainsi que toutes sortes de créatures étrangères. Y vivent des bêtes sauvages énormes, et des dragons terrifiants. Sur le versant sud des montagnes qui bordent toutes ces terres inhabitées coule à travers le Svithiod une rivière convenablement appelée Tanaïs, mais autrefois nommée Tanaquisl ou Vanaquisl, et qui se jette dans la Mer Noire. Le pays du peuple des bords du Vanaquisl a été dénommé Vanaland, ou Vanaheim. Et la rivière sépare les trois parties du monde, dont l'orientale est l'Asie, et l'occidentale l'Europe.

     

    ynglinga saga

    Carte du Vinland. Détail.

     

    2- Des peuples d'Asie

    Le pays à l'est du Tanaquisl en Asie est nommé Asaland, ou Asaheim, et la capitale de ce pays s'appelait Asgaard. Le chef de cette cité était nommé Odin, et c'était un haut lieu de sacrifice. La coutume locale était que les douze prêtres du temple conduisent les sacrifices, et aussi jugent les gens. Ils étaient nommés Diar ou Drotner, et le peuple tout entier les servait et leur obéissait. Odin était un grand guerrier qui avait voyagé longuement et fort loin, conquis de nombreux royaumes, et il avait tant de réussite que dans chaque bataille, la victoire était de son côté. Son peuple croyait que la victoire était son lot pour chaque bataille. Il avait l'habitude, lorsqu'il envoyait ses hommes au combat, ou pour n'importe quelle expédition, de poser sa main sur leur tête et d'appeler sur eux sa bénédiction. Alors ils étaient certains que leur entreprise réussirait. Ses hommes avaient également coutume, lorsqu'ils se trouvaient en danger sur terre ou sur les mers, d'invoquer son nom. Et ils pensaient qu'ils en obtenaient toujours réconfort et soutien, convaincus qu'ils étaient qu'une aide était proche partout où il se tenait.

    Souvent, il partait si loin qu'il restait plusieurs saisons en voyage.

     

    3- Des frères d'Odin.

    Odin avait deux frères, l'un nommé Vé, l'autre Vilje, et ils gouvernaient le royaume en son absence. Il arriva, une fois qu'Odin était parti très loin, et était resté si longtemps absent que le peuple d'Asie doutait qu'il revienne un jour, que ses frères prirent la décision de partager ses terres. Et tous deux prirent son épouse Frigg pour femme4. Odin revint peu de temps après, et récupéra son épouse.

     

    ynglinga saga

    Odin. G. Munthe.

     

    1 Gibraltar

    2 Afrique du Nord et moyen-orient.

    3 Afrique saharienne et sub-saharienne : blaland, bla signifiant bleu ou noir.

    4  Evocation de la polyandrie fraternelle, mode de mariage existant en Inde et dans l'Himalaya ?

    Voir aussi le Prologue de la Gylfaginning.

     

     ynglinga saga                                                                                                                                            ynglinga saga


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  • Commentaires

    1
    Dimanche 25 Août 2013 à 15:43

    Bonjour. Magnifique travail proposé sans contrepartie, un vrai travail de Science avec un grand "s". Je risque de revenir consulter ces textes, notamment celui d'Atli qui m´intéresse plus précisément.

    Ici  je suis étonné de découvrir que la légende de la lutte des Ases et des Vanes paraît avoir un fond historique (Odin était-il un roi scythe ?). En tout cas ces traductions sont une superbe initiative.

    2
    Dimanche 25 Août 2013 à 21:53

    Bonjour, LoupdesNeiges, et  merci pour le compliment.

    Je ne sais pas si Odin était un roi scythe, lesquels scythes étaient eux-mêmes issus d'un peuplement indo-européen des bords de la Mer Noire, mais Snorri avait peut-être conscience, ou connaissance ? - malgré leur boulimie d'écriture, les Islandais étaient aussi les héritiers d'une longue tradition orale - d'une des origines supposées du peuplement de l'Europe aux temps historiques. Alors pourquoi pas la réminiscence d'une guerre devenue légendaire dans la région, entre les anciens et les nouveaux ? La guerre entre Vanes et Ases, qu'elle ait ou non une base historique, ressemble fort à l'illustration du recouvrement d'une civilisation par une autre, avec assimilation mutuelle. Cette hypothèse est cependant encore discutée entre spécialistes. En outre, dans l'Heimskringla, il a tâché de faire oeuvre d'historien, et, tout aussi important, d'historien chrétien. Conférer un fondement historique aux origines des divinités nordiques le dégageait peut-être du soupçon de paganisme, fort mal vu à l'époque.

    Bienvenue chez moi quand vous le souhaiterez.

    3
    Lundi 26 Août 2013 à 12:39

    Invitation acceptée ! Je suis persuadé (base peu scientifique mais bon) que les traditions orales peuvent traverser des époques formidablement longues. Sans être un spécialiste de la chose (je reste un Loup butineur plus que fouisseur) il me souvient avoir lu que dans la verte Erin les paysans de la fin du XIXe racontaient encore aux veillées les exploits des Fianna et autres héros irlandais de l'époque de l'âge de Fer avec force détails (qui n'avaient plus aucun sens à notre époque) et sans que l'histoire ne soit trop corrompue ni changée... Sans parler des recherches autours des sources d'Homère, des traditions orales balkaniques ou du Caucase.

    La confiance que nous avons mis dans les textes nous a fait douter des extraordinaires capacités de la mémoire orale des anciennes civilisations...

    L'important c'est qu'un personnage comme Snorri ait pu justement servir de lien entre l'ancien monde et le nouveau avant que ce qui est ancien ne soit considéré comme ringard et dépassé (fadaises de grand-mères, contes de paysans...) ou complètement réadapté aux modes de l'époques (là je pense aux contes de Perrault) jusqu'à risquer de perdre jusqu'aux souvenirs de ces antiques traditions.

    bien à vous, le Loup.

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