• Heimskringla : Saga des fils d'Harald V

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    23- Le cardinal Nikolas en visite dans le pays

    Au temps des fils d'Harald, le cardinal Nikolas vint de Rome en Norvège, envoyé par le Pape. Le cardinal s'était jugé offensé par les frères Sigurd et Eystein, et ils furent obligés d'en arriver à une réconciliation avec lui. Mais d'un autre côté, il était dans les termes les plus affectueux avec le roi Inge, qu'il nommait son fils. Lorsqu'il fut réconcilié avec eux, il les quitta pour consacrer Jon Birgerson archevêque de Throndhjem et lui donna un vêtement nommé pallium. Il établit de plus que le siège de l'archevêché devait se trouver à Nidaros, dans l'église du Christ, où repose Saint-Olaf. Auparavant, il n'y avait eu que de simples évêques en Norvège. Le cardinal introduisit aussi dans la loi que tout homme apparaissant dans la ville marchande avec des armes ne pourrait rester impuni, à l'exception des douze gardes du corps du roi. Il améliora maintes coutumes des norvégiens pendant qu'il fut dans le pays. Jamais ne vint en Norvège un étranger que tout homme respecta autant, ou qui sut conduire le peuple aussi bien que lui. Après quelque temps, il retourna dans le sud avec de nombreux présents d'amitié, et déclara toujours par la suite qu'il était le plus grand ami du peuple de Norvège. Alors qu'il regagnait Rome, le précédent Pape décéda subitement, et tout le peuple de Rome voulut le cardinal Nikolas pour Pape. Il fut consacré sous le nom d'Adrien. Et d'après le récit des hommes qui se rendirent à Rome de son temps, il n'avait jamais aucune affaire, si importante fût-elle, à traiter avec d'autres personnes, qu'il n'interrompît pour s'entretenir avec les Norvégiens qui désiraient le rencontrer. Il ne resta Pape que peu de temps, et est maintenant considéré comme un saint.

     

    24- Miracle du roi Olaf

    A l'époque des fils d'Harald Gille, il arriva qu'un homme nommé Haldor tomba entre les mains des gens du Vindland, qui le prirent et le mutilèrent, lui ouvrant la gorge, sortant la langue par l'ouverture et la lui coupant à la racine. Il chercha ensuite le secours du saint roi Olaf, fixant son esprit entièrement sur la pensée du saint homme, et supplia en pleurant le roi Olaf de restaurer sa parole et sa santé. Il recouvra immédiatement la parole par la compassion du bon roi, et entra à son service pour le reste de sa vie, devenant un excellent homme, et digne de confiance. Ce miracle eut lieu une quinzaine de jours avant la dernière messe de Saint-Olaf, le jour-même où le cardinal Nikolas posa le pied sur la terre de Norvège.

     

    25- Les miracles du roi Olaf sur Richard.

    Dans les Uplands se trouvaient deux frères, hommes de grande famille, et fortunés, Einar et Andres, fils de Guthorm Grabard, et frères de la mère du roi Sigurd Haraldson. Et ils possédaient de grandes propriétés et des établissements par udal dans cette région. Ils avaient une sœur très belle, mais qui ne prêtait pas assez attention au scandale provoqué par les personnes malveillantes, ainsi qu'il apparaîtra ci-après. Elle entretenait une relation amicale avec un prêtre anglais nommé Richard, qui était le bienvenu dans la maison de ses frères, et du fait de leur amitié pour lui, elle fit beaucoup de choses pour lui être agréable, et souvent à son avantage. Mais à la fin, il arriva que de laides rumeurs circulèrent concernant cette fille. Quand elles arrivèrent dans la bouche du public, tous rejetèrent le blâme sur le prêtre. Ses frères firent de même, et exprimèrent publiquement, dès qu'ils furent au fait de ce qui se disait, qu'ils en faisaient porter la responsabilité principalement par lui. La grande amitié qui régnait entre le jarl et le prêtre fut un grand malheur pour tous deux, ce à quoi on aurait pu s'attendre, car les frères gardèrent le silence sur leur décision, et n'en laissèrent rien paraître. Un jour, ils firent mander le prêtre chez eux, lequel vint, n'attendant rien que du bien de leur part. Ils l'attirèrent hors de la maison, disant qu'ils avaient l'intention de se rendre dans un autre district, où ils avaient une affaire urgente à régler, et l'invitèrent à les accompagner. Ils emmenèrent avec eux un servant de ferme qui connaissait leur dessein. Ils partirent dans un bateau le long de la rive d'un lac nommé lac Rands, et atterrirent près d'un cap nommé Skiptisand, où ils débarquèrent et s'amusèrent un moment. Puis ils se rendirent en un endroit plus reculé encore, et ordonnèrent à leur serviteur de frapper le prêtre à la hache-marteau. Il frappa le prêtre si fort qu'il s'évanouit, mais une fois revenu à lui, il dit : «- Pourquoi jouez-vous si rudement avec moi ?». Ils répondirent : «- Bien que personne ne t'en ait parlé auparavant, il faut maintenant que tu connaisses les conséquences de ce que tu as fait.» Alors ils lui expliquèrent, mais il nia leurs accusations, et pria Dieu et le saint roi Olaf de porter un jugement entre eux. Alors ils lui brisèrent les jambes, et le traînèrent jusqu'à la forêt avec eux. Ils passèrent ensuite une corde autour de son cou, posèrent une planche entre sa tête et ses épaules, où ils lièrent la corde, et attachèrent sa tête à la planche. Puis le plus âgé des frères, Einar, prit un coin et le plaça sur l'œil du prêtre, et le serviteur frappa dessus avec sa hache, de sorte que l'œil s'envola et tomba sur la planche. Alors il mit la broche sur l'autre œil et dit au serviteur : «- Frappe plus doucement.» Il fit ainsi, et le coin s'écarta du globe oculaire, écorchant la paupière lâche. Alors Einar prit la paupière à la main, et vit que l'œil était toujours à sa place. Et il plaça le coin sur la joue, et lorsque le serviteur frappa dessus, le globe oculaire jaillit de la cavité orbitaire. Après quoi ils lui ouvrirent la bouche et lui coupèrent la langue, puis délièrent ses mains et sa tête. Dès qu'il revint à lui, il pensa à remettre ses yeux à leur place sous les paupières, et les pressa avec ses mains autant qu'il put. Alors ils le ramenèrent à bord, et se rendirent dans une ferme nommée Saeheimrund, où ils atterrirent. Ils montèrent à la ferme pour dire qu'un prêtre érait allongé dans le bateau sur le rivage. Pendant que le message était délivré à la ferme, ils demandèrent au prêtre s'il pouvait parler. Et il fit du bruit, essayant de répondre. Einar dit alors à son frère : «- S'il récupère et que le moignon de sa langue repousse, je crains qu'il ne recouvre la parole.» Alors ils saisirent le moignon avec des pinces, le recoupèrent deux fois, puis une troisième à la racine, et le laissèrent gisant à moitié mort. La femme dans la ferme était pauvre, mais elle se hâta vers l'endroit où le prêtre se trouvait avec sa fille, et elles le ramenèrent dans leur ferme en se servant de leurs vêtements. Puis elles allèrent quérir un prêtre, qui banda toutes ses blessures. Et elles prirent soin de son confort autant qu'il était possible. Puis elles laissèrent le prêtre blessé, lui qui avait été si gravement maltraité, mais ayant toujours foi dans la grâce de Dieu, et ne doutant jamais. Et bien qu'il fut muet, il pria Dieu par la pensée d'un esprit triste, mais avec d'autant plus de confiance qu'il était plus mal. Il tourna ses pensées également vers le doux roi Olaf le Saint, le cher favori de Dieu, dont les excellents actes dont il avait maintes fois entendu parler renforçaient plus encore sa foi en lui, avec tout le zèle d'un cœur nécessitant de l'aide. Tandis qu'il gisait là, estropié et privé de toute force, il pleura amèrement, gémit et pria d'un cœur endolori que le cher roi Olaf voulût bien l'aider. Puis, lorsque le prêtre blessé s'endormit après la minuit, il pensa voir venir à lui un bel homme, qui lui dit ces paroles : «- Tu es bien malade, ami Richard, et ta force est très réduite.» Il pensa qu'il répondait par l'affirmative. Alors l'homme l'approcha de nouveau : «- Tu aurais besoin de compassion ?» Le prêtre répondit : «- J'ai besoin de la miséricorde de Dieu Tout-Puissant et du roi Saint-Olaf.» Il répondit : «- Tu les auras ». Puis il tira sur la langue si fort que le prêtre eut mal, puis il frappa de ses mains ses yeux et ses jambes, et ses autres membres blessés.  Alors le prêtre lui demanda qui il était. Il le regarda et lui dit : «- Olaf est venu ici depuis Throndhjem », puis disparut. Mais le prêtre s'éveilla complètement guéri, et prit la parole : «- Je suis heureux, et grâces doivent en être rendues à Dieu Tout-Puissant et au saint roi Olaf, qui m'ont rendu la santé.» Aussi horriblement qu'il ait été maltraité, il avait recouvré de son infortune à une telle rapidité qu'il était difficile à croire qu'il avait été blessé ou malade. Sa langue était entière, ses deux yeux à leur place, et sa vue parfaitement claire, ses jambes cassées et ses autres plaies étaient guéries, ou complètement indolores. Et en résumé, il était en pleine forme. Mais comme preuve que ses yeux avaient été arrachés, il restait une cicatrice blanche sur chacune de ses paupières, afin que l'excellence de ce cher roi fût manifeste pour l'homme qui en avait usé si terriblement.

     

    26- Les rois Inge et Sigurd tiennent un Thing

    Le roi Eystein et le roi Sigurd s'étaient querellés, parce que le roi Sigurd avait tué l'homme de cour du roi Eystein, Harald, l'homme de viken, qui possédait une maison à Bergen, ainsi que le prêtre Jon Tapard, un fils de Bjar Sigurdson. Pour cette affaire, il fut convenu de tenir une réunion en hiver dans les Uplands. Les deux siégèrent en conférence longtemps, et il fut bien connu de cette réunion que les trois frères devraient se rencontrer l'été suivant à Bergen. Il fut ajouté que leurs discussions porteraient sur le fait que le roi Inge devrait recevoir deux ou trois fermes, et autant de revenus que nécessaire pour entretenir trente hommes à ses côtés, car il n'était pas suffisamment en bonne santé pour régner. Lorsque le roi Inge et Gregorius entendirent ces nouvelles, ils gagnèrent Bergen avec beaucoup d'hommes. Le roi Sigurd arriva peu de temps après, et n'était, de loin, pas aussi riche en forces. Sigurd et Inge avaient alors été durant dix-neuf ans rois de Norvège (1155). Le roi Eystein vint plus tard du sud, alors que les deux autres venaient du nord. Alors le roi Inge ordonna que le Thing soit réuni sur l'île par le son des trompettes. Et Sigurd et Inge y vinrent avec beaucoup de monde. Gregorius avait deux navires et au moins quatre-vingt dix hommes, pour lesquels il avait gardé des provisions. Il s'occupait mieux de ses hommes que la plupart des barons, car il n'avait jamais pris part à aucune fête, où chacun des convives amène ses propres liqueurs, sans inviter tous ses hommes à boire avec lui. Il se rendit au Thing avec un heaume doré, et tous ses hommes portaient des casques. Alors le roi Inge se leva, et dit à l'assemblée ce dont il avait entendu parler. Comment ses frères pensaient en user avec lui, et le démettre de sa souveraineté. Et lui demanda son assistance. Le peuple rassemblé fit bon accueil à son discours, et déclara qu'il le suivrait.

     

    27- De Gregorius Dagson

    Alors le roi Sigurd se leva et dit qu'il s'agissait d'une fausse accusation que le roi Inge avait portée contre lui et son frère, et insista sur son invention par Gregorius. Il insinua qu'il ne serait pas très longtemps, s'il en avait la volonté, pour que le heaume d'or lui fût ôté. Et il acheva son discours en faisant allusion au fait qu'ils ne pourraient pas vivre tous deux. Grégorius répondit que Sigurd n'aurait pas à attendre tellement longtemps pour cela, car il y était déjà prêt, s'il devait en être ainsi. Quelques jours plus tard, un des hommes de Gregorius était assassiné dans la rue, et ce fut un des domestiques de Sigurd qui le tua. Gregorius serait alors volontiers tombé sur le roi Sigurd et ses gens, mais le roi Inge, et bien d'autres, l'en dissuadèrent. Mais un soir, alors que la reine Ingerid, mère du roi Inge, se rendait à vêpres, elle passa juste à côté de l'endroit où Sigurd Skrudhyrna, un courtisan du roi Inge, gisait, assassiné. Il était alors un vieil homme, et avait servi bien des rois. Les courtisans de Sigurd, Halyard Gunnarson et Sigurd, un fils d'Eystein Trafale, l'avaient tué. Et on suspecta que ce fut sur ordre du roi Sigurd. Elle alla immédiatement voir le roi Inge, et lui dit qu'il serait vraiment un petit roi s'il ne se préoccupait pas de la situation, mais permettait que ses courtisans soient exécutés les uns après les autres, comme des porcs. Le roi se mit en colère à son discours. Et tandis qu'ils se disputaient sévèrement à ce sujet, Gregorius arriva, avec heaume et armure, et conseilla au roi de contenir son ire, car elle ne disait que la vérité. «- Et je suis maintenant venu, dit-il, te prêter assistance, si tu veux attaquer le roi Sigurd. Et nous sommes ici plus de cent hommes, en heaume et armure, et avec eux, nous attaquerons là où les autres pensent qu'une attaque serait la pire.» Mais les plus nombreux argumentèrent contre cette entreprise, pensant que Sigurd devrait payer un dédommagement pour les meurtres perpétrés. Alors, lorsque Gregorius vit qu'il n'y aurait pas d'assaut, il s'adressa ainsi qu roi Inge : «- Tu vas effrayer tes hommes et les éloigner de toi, de cette façon. Car en premier, voilà peu, ils ont tué un homme de ma maison, et maintenant un de la tienne, après quoi tu vas me chasser, ou quelque autre de tes barons dont tu ressentiras la perte, lorsqu'ils verront que tu es indifférent à de telles choses. Et enfin, lorsqu'ils auront tué tous tes amis, ils te raviront la dignité royale. Quoi que puissent faire tes autres barons, je ne resterai pas ici assez longtemps pour être abattu comme un bœuf. Mais le roi Sigurd et moi avons une affaire à régler ensemble cette nuit, quelle que soit la manière dont ça puisse tourner. Il est vrai qu'il y a peu d'aide à attendre de toi en raison de ta faible santé, mais je pense que ta volonté devrait être à la hauteur pour ce qui est de donner la main à tes amis, et je suis maintenant prêt à partir d'ici pour affronter Sigurd, et ma bannière flotte dans la cour.»

    Alors le roi Inge se leva, et demanda ses armes, et ordonna à chaque homme qui souhaitait le suivre de se préparer, déclarant qu'il serait inutile d'essayer de l'en dissuader. Car il avait trop longtemps évité ceci, mais l'acier devait à présent décider entre eux.

     

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    "... donner la main à tes amis..." Erik Werenskiold 

     

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