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Heimskringla : Saga de Magnus le Bon IX
35- De la campagne du roi Magnus
Lorsque le roi Magnus eut soumis la Scanie, il s'en retourna et se rendit en premier lieu à Falster, où il atterrit et qu'il pilla, et où il tua nombre de ceux qui s'étaient auparavant inféodés à Svein.
Arnor en parle ainsi :
"Le roi Magnus tira, sur l'île de Falster,
Une rouge vengeance pour leur fourberie ;
Les Danois cauteleux sentirent sa fureur,
Et tombèrent devant son acier empourpré.
Le champ de bataille fut tout à fait couvert,
D'une rive à l'autre, par le festin des aigles ;
Et les hommes du roi furent les tout premiers
A étancher la soif des corbeaux par du sang."
Après quoi Magnus fit avancer sa flotte vers l'île de Fyen, descendit à terre, et dévasta tout sur son passage. Ainsi chanta Arnor, le scalde du jarl :
"Sur les rivages herbeux de la riche Fiona
Il planta une fois encore sa bannière :
Lui qui portait cotte de mailles liée de chaînes
Se déchaîna et brilla de tout son éclat ;
On se souviendra de lui très longtemps là-bas,
Du souverain guerrier dans sa vingtième année
Lui que les corbeaux noirs accourus de fort loin
Saluaient tandis qu'il s'en allait à la guerre."
36- Des batailles du roi Magnus
Le roi Magnus resta au Danemark tout cet hiver (1046), et se tint en paix. Il avait livré de nombreuses batailles et remporté toutes les victoires.
Ainsi en parla Od Kikinaskald
"Avant la St Michel, l'attaque fut portée,
Qui laissa au plus mal les vikings du Vindland ;
Et le peuple eut la joie d'entendre raconter
Le fracas des armes et les clameurs des chefs.
C'est un peu avant Yule que vint le moment,
Où dans le sud d'Aros le combat s'engagea
Que l'ennemi ne put en rien soutenir,
Le plus ensanglanté qu'on ait pu raconter."
Et Arnor dit :
"Qui pourra louanger le justicier d'Olaf ?
Le scalde ne peut pas surpasser son seigneur,
Qui tous les jours abreuve l'oiseau de la guerre
Du sang des cadavres de ses ennemis morts.
Il remporta quatre victoires en une année.
Briseur de boucliers ! De l'épée, de la lance,
Ainsi qu'au corps à corps, soit exaltée ta gloire
Au-delà de celle des rois de grand renom."
Le roi Magnus livra trois batailles contre Svein Ulfson. Ainsi en parla Thjodolf :
"Afin de louer le brave roi de Throndhjem,
Le scalde doit élever son art poétique ;
Pour le destin et pour les actes glorieux,
Sa chanson n'excédera pas la vérité.
Après trois grandes batailles pour regagner
Ce qui était son bien, injustement volé,
Injustement gardé, et son dû retenu,
Il leva les taxes, teinté en rouge sang."
37- Du roi Magnus, et de Thorfin et Ragnvald, jarls d'Orkney
Tandis que le roi Magnus le Bon, un fils du roi Saint-Olaf, régnait sur la Norvège, ainsi que raconté ci-dessus, le jarl Ragnvald Brusason vivait avec lui. A cette époque, le jarl Thorfin Sigurdson, oncle de Ragnvald, dirigeait Orkney. Le roi Magnus envoya Ragnvald vers l'ouest à Orkney et ordonna que Thorfin lui remette l'héritage de son père. Thorfin laissa Ragnvald disposer d'un tiers du territoire, à ses côtés. Car c'était ce que possédait Erase, le père de Ragnvald, au jour de sa mort. Le jarl Thorfin avait épousé Ingebjorg, mère des jarls, qui était une fille de Fin Arnason. Le jarl Ragnvald pensait qu'il devrait posséder les deux tiers de la terre, ainsi que Saint-Olaf l'avait promis à son père Bruse, et ainsi que Bruse en avait joui de son vivant. Ce fut l'origine d'un violent conflit entre ces deux parents, relaté par une longue saga. Ils se livrèrent une terrible bataille à Pentland Firth, au cours de laquelle Kalf Arnason se trouva aux côtés du jarl Thorfin.
Ainsi en parla Bjarne Gullbrarskald :
"Tes vaisseaux, se jetant à travers la marée,
Apportèrent leur aide au bord du jarl Thorfin,
Fils adoptif de Fin, et dont le peuple dit
Que cette aide fit fuir au loin le fils de Bruse.
Kalf, tu aimes plus que tout l'ouvrage de guerre,
Joyeux dans le combat et les brouilles sanglantes ;
Mais ici, c'est la haine qui t'a soutenu
Contre le jarl Ragnvald, l'ami du souverain."
38- De la lettre du roi Magnus à l'Angleterre
Le roi Magnus régnait alors sur la Norvège et le Danemark ; et lorsqu'il eut pris possession des territoires danois, il envoya des ambassadeurs au roi Edouard en Angleterre, qui lui amenèrent la lettre et le sceau du roi Magnus. Et dans cette lettre se trouvaient, après les salutations du roi Magnus, ces paroles : "Vous devez avoir entendu parler de l'accord que Hardaknut et moi avions, que celui de lui ou moi qui survivrait à l'autre régnerait sur la terre et le peuple de celui qui était décédé. Les choses ont ainsi tourné, ainsi que vous devez certainement en être informé, que je suis entré en possession des territoires danois en tant qu'héritier de Hardaknut. Mais avant sa mort, il possédait l'Angleterre de même que le Danemark. Ainsi, je me considère à présent, du fait des droits que m'a conférés cet accord, en droit de posséder également l'Angleterre. Je souhaite donc que vous me livriez ce royaume. Autrement, je serais dans l'obligation de m'en emparer par les armes, avec les forces danoises et norvégiennes, et que règne sur cette terre celui à qui le destin donnera la victoire."
39- La réponse du roi Edouard à la lettre du roi Magnus
Lorsque le roi Edouard eut lu cette lettre, il répondit ainsi : "Il est connu de tous en ce pays que le roi Ethelred était maître de l'udal de cette terre, que ce soit avant ou après les nouvelles lois sur l'héritage. Nous étions quatre fils après lui. Et lorsqu'il laissa le trône lors de sa mort, mon frère Edmund prit le royaume et se chargea du gouvernement. Car il était l'aîné de notre fratrie, et j'étais plutôt satisfait qu'il en soit ainsi. Et après lui, ce fut mon beau-père, Canute le Grand, qui prit le royaume, et tant qu'il vécut, nul n'y eut accès. Après lui, mon frère Harald fut roi aussi longtemps qu'il vécut. Et après lui, mon frère Hardaknut eut les deux royaumes de Danemark et d'Angleterre. Car il pensait qu'un juste partage fraternel était qu'il eût Danemark et Angleterre, et que je n'aie aucun royaume. Maintenant, il est mort, et c'était la volonté de l'ensemble du peuple de me prendre pour roi ici en Angleterre. Aussi longtemps que je n'ai pas été roi, j'ai servi loyalement mes suzerains, comme ceux qui ne peuvent avoir aucune prétention par leur naissance sur la terre ou le royaume. Mais à présent, j'ai reçu le titre royal, et j'ai été consacré roi. J'ai établi ma dignité et mon autorité royale, comme mon père avant moi. Et tant que je vivrai, je ne renoncerai pas à mon titre. Si le roi Magnus vient ici avec une armée, je ne lèverai pas d'armée contre lui. Mais il ne pourra s'emparer de l'Angleterre qu'après avoir pris ma vie. Transmettez-lui mes mots."
Les ambassadeurs retournèrent auprès du roi Magnus, et l'informèrent de la réponse à son message.
Le roi Magnus réfléchit un moment, et leur dit : "Je pense qu'il est plus sage, et qu'il y a de meilleurs chances de réussite, à laisser le roi Edouard conserver la paix pour moi en son royaume, et que je m'occupe des royaumes que Dieu a placés entre mes mains."
FIN DE LA SAGA DE MAGNUS LE BON
La mort du roi Magnus le Bon n'est détaillée que dans le dernier chapitre de la saga suivante, celle de Harald Hardradi III Sigurdsson de Norvège. Magnus fut roi de Danemark jusqu'à son décès, et partagea la royauté de Norvège avec Harald jusqu'à la mort de ce dernier en 1066. Comme je ne vais pas traduire cette saga en intégralité, j'en reporte ici ce chapitre.
105- De la mort du roi Magnus
Le roi Magnus Olafson régna sur la Norvège durant le premier hiver qui suivit la mort du roi Harald (1067), et les deux années suivantes (1068-1069) avec son frère, le roi Olaf. Il y eut donc deux rois en Norvège pendant cette période. Magnus régnait sur le Nord et Olaf sur l'Est du pays. Le roi Magnus avait un fils nommé Hakon, qui fut élevé dans le Gudbrandsdal par Thorer de Steig, qui était son frère par sa mère. Et Hakon devint un homme des plus agréables.
Après la mort du roi Harald Sigurdsson, le roi danois Svein fit savoir que la paix entre Norvégiens et Danois touchait à sa fin, et fit valoir que l'accord entre Harald et Svein n'avait pas à durer plus que leurs vies. Il y eut mobilisation dans les deux royaumes. Les fils d'Harald firent appel à l'ensemble de la population norvégienne pour obtenir des hommes et des vaisseaux, et Svein vint du sud avec les troupes danoises. Des messagers échangèrent des propositions de paix, et les norvégiens répondirent qu'ils voulaient la même alliance que celle qui avait été scellée avec Harald, ou qu'ils livreraient bataille immédiatement sur place.
"Des vers furent faits à cette occasion :
Prêt pour la guerre comme pour la paix,
Le roi Olaf ne cessera jamais
De préserver son pays
Des mains de ses ennemis."
Ainsi chanta également Stein Herdison dans sa "chanson d'Olaf" :
"De la ville de Throndhjem où dans son repos
Le très saint souverain défie ses ennemis,
Un autre Olaf défend
Son royaume contre le roi Svein affamé.
Le roi Olaf avait pour lui puissance et droit,
Ainsi que la faveur du Saint dans la bataille.
Le Saint n'abandonnera jamais son parent,
Ni ne laissera Svein Ulfson prendre la Norvège."
De cette façon, l'amitié fut rétablie entre les rois et la paix entre les pays. Le roi Magnus contracta la maladie de la teigne et en mourut après avoir été malade quelque temps. Il trépassa et fut enterré à Nidaros. Il fut un roi aimable, et pleuré par son peuple.
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