• Heimskringla : Saga de Magnus l'Aveugle et d'Harald Gille III

    Heimskringla, snorri sturluson, magnus l'aveugle, harald gille

    10- L'arrivée de la guerre à Konungahella

    Treize navires marchands chargés s'apprêtèrent à quitter la ville, dans l'intention de se rendre à Bergen, mais onze d'entre eux furent perdus, hommes et biens, tout ce qu'ils portaient. Le douzième fut perdu également, mais l'équipages fut sauvé, bien que la cargaison soit allée par le fond. A cette époque, le prêtre Lopt se rendit vers le Nord, à Bergen, avec tout ce qui lui appartenait, et y parvint en toute sécurité. Les navires de commerce furent perdus la veille de la St Laurent (10 Août).

    Le roi Danois Eirik et l'archevêque Assur envoyèrent tous deux des messages à Konungahella pour avertir les habitants de veiller sur leur ville. Ils dirent que les gens du Vindland disposaient d'une grande force opérationnelle, avec laquelle ils faisaient la guerre aux Chrétiens tout autour de leur région, et qui remportait généralement la victoire. Mais les citadins firent bien peu de cas de cet avertissement, y restèrent indifférents et oublièrent de plus en plus les présages effrayants, tandis que passait le temps qui les séparait d'eux. Au jour sacré de la St Laurent, tandis qu'était dite la grande messe, arriva à Konungahella depuis le Vindland le roi Rettibur avec cinq cent cinquante canots affretés en cutters, dont chacun comprenait quarante quatre hommes et deux chevaux. Dunimiz, le fils de la sœur du roi, et Unibur, un chef qui dirigeait un peuple nombreux, étaient avec lui. Ces deux chefs ramaient, avec une partie de leurs troupes, en remontant le bras est de la rivière Gaut au-delà de l'île d'Hising, et arrivèrent ainsi à la ville. Mais une partie de l'armée se tenait sur le bras occidental, et vint de ce côté vers la cité. Ils lièrent leurs vaisseaux aux pieux, débarquèrent leurs chevaux, et chevauchèrent à travers la lande de Bratsas, d'où ils gagnèrent la ville. Einar, un parent du prêtre Andres, rapporta ces nouvelles jusqu'à l'église du Château, car tous les habitants de la cité y étaient assemblés pour entendre la grand-messe. Einar arriva juste au moment où le prêtre Andres développait son prêche. Et il dit à la population qu'une armée faisait voile vers la ville avec un grand nombre de navires de guerre, et qu'une partie des troupes chevauchait à travers la lande de Bratsas. Beaucoup dirent que ce devait être le roi danois Eirik, et qu'ils espéraient la paix de sa part. Les gens retournèrent en ville vers leurs propriétés, s'armèrent, et descendirent vers les quais, d'où ils virent immédiatement qu'il s'agissait d'ennemis en une immense armée.

     

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    Neuf vaisseaux de commerce avec les contrées de l'est furent mis à la rivière par les marchands à partir des quais. Les hommes du Vindland dirigèrent d'abord leur avance vers eux, et combattirent mes marchands, qui s'étaient armés eux-mêmes et se défendirent seuls longtemps, bien et courageusement. Ce furent une rude bataille et une brave résistance, avant que les navires marchands ne fussent vidés de leurs hommes. Et dans ce combat, les gens du Vindland perdirent cent cinquante de leurs bateaux, et tous les hommes à leur bord. Lorsque la bataille parvint à son acmé, les citadins qui se tenaient sur les quais tirèrent à l'arc sur les païens.

     

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    Mais lorsque le combat faiblit, les bourgeois se replièrent dans la ville, puis dans le château. Et les hommes emmenèrent avec eux tous leurs objets de valeurs et tous les biens qu'ils purent porter. Solveig et ses filles, avec deux autres femmes, descendirent sur la grève lorsque les païens prirent possession des navires marchands. A présent, les Vindlanders débarquaient, rassemblaient leurs hommes et découvraient leurs pertes. Certains d'entre eux partaient vers la ville, certains montaient sur les vaisseaux de commerce, prenant tous les biens qui leur plaisaient. Puis ils mirent le feu à la cité, et la brûlèrent ainsi que les navires. Enfin, ils se hâtèrent avec toute leur armée d'aller donner l'assaut au château.

     

    11- La seconde bataille

    Le roi Rettibur fit une offre à ceux qui se trouvaient dans le château, à savoir qu'il les laisserait partir, qu'il leur donnerait vivres, armes, vêtements, argent et or. Mais tous se récrièrent, et se rendirent sur les fortifications. Certains tirèrent, certains jetèrent des pierres, d'autres des pieux acérés. Ce fut une grande bataille, durant laquelle ils tombèrent nombreux dans les deux camps, mais surtout du côté des Vindlanders.

    Solveig gagna une grande ferme nommée Solbjorg, et apporta les nouvelles. Une flèche de guerre fut brisée là, et envoyée à Skurbargar, où se tenait une fête de la bière et où beaucoup d'hommes étaient assemblés. Un bondi nommé Olver Miklimun (Mickle Mouth) s'y trouvait, qui se leva immédiatement, prit heaume et bouclier, et une grande hache dans la main, et dit :
    "- Levez-vous, braves gars, et prenez vos armes. Allons aider les gens de la ville. Car ce serait une grande honte si nous restions assis ici, à siroter notre bière, tandis que de braves gens à la ville perdent la vie à cause de notre négligence."

    Beaucoup objectèrent qu'ils allaient seulement perdre leurs propres vies, sans être d'aucune assistance à la population de la cité.

    Alors Olver dit : "- Même si vous vous tous restez ici, j'irai seul. Et un ou deux païens tomberont avant que je ne tombe."

    Il courut vers la ville, et quelques hommes derrière lui pour voir ce qu'il pourrait faire, et aussi pour lui donner un coup de main si possible. Lorsqu'il arriva près du château, et que les païens le virent, ils envoyèrent huit hommes tout armés contre lui. Et en arrivant vers lui, les huit païens chargèrent et l'encerclèrent de toutes parts. Olver leva sa hache, et frappa devant lui avec l'extrémité de sa pointe, frappant le cou de l'homme qui arrivait face à lui, de sorte que sa gorge et sa mâchoire furent tranchées et qu'il tomba mort vers l'arrière. Puis il poussa sa hache vers l'avant et frappa l'homme suivant dans la tête, la lui fendant jusqu'aux épaules. Il combattit ensuite les autres, et en tua deux. Les quatre restant firent mine de fuir, mais Olver leur courut après. Il y avait un fossé devant eux, et deux des païens sautèrent dedans, qu'il tua tous les deux. Mais il resta lui-même coincé dans le fossé, si bien que les deux survivants purent s'échapper. Ceux qui avaient suivi Olver l'aidèrent à en sortir, et le ramenèrent à Skurbagar où ses blessures furent pansées et soignées. Et chacun de dire que jamais un seul homme n'avait fait une intervention aussi sanglante. Deux lendermen, Sigurd Gyrson, un frère de Philip, et Sigard, vinrent à Skurbagar avec six cents hommes, puis Sigard s'en retourna avec quatre cents hommes. Il fut peu respecté après cela, et mourut bientôt. Sigard, pour sa part, marcha sur la ville avec deux cents hommes, qui combattirent les païens, et furent tous tués. Pendant que les Vindlanders assaillaient le château, leur roi et leurs chefs restaient hors de la bataille. A un endroit se trouvait un homme parmi les Vindlanders qui tirait à l'arc et tuait un homme à chaque flèche. Et deux combattants se tenaient devant lui, le couvrant de leurs boucliers. Alors Saemund Husfreyja dit à son fils Asmund qu'ils devraient tirer tous les deux en même temps sur cet archer. "- Mais je vais tirer sur celui qui tient le bouclier d'abord." Il fit ainsi, et choqua le bouclier qui descendit un peu devant l'homme. Au même instant, Asmund tira entre les boucliers, et sa flèche frappa l'archer au visage, ressortant par le cou, et il s'écroula, mort. Lorsque les vindlanders virent cela, ils se mirent à hurler comme des chiens, ou comme des loups. Alors le roi Rettibur rappela aux défenseurs qu'il leur offrirait sécurité et vie sauve, mais ils refusèrent sa proposition. Les païens lancèrent encore un rude assaut. L'un d'entre eux, en particulier, se battait avec tant de bravoure et s'aventura si loin qu'il parvint presque à la porte du château, et transperça de son épée l'homme qui se tenait devant. Et bien qu'on utilisât flèches et pierres contre lui, et qu'il n'ait ni heaume ni bouclier, personne ne put le toucher, car il était si habile en art de la sorcellerie que nulle arme ne pouvait le blesser. Alors le prêtre Andres prit un feu consacré, l'attisa, coupa des morceaux d'amadou et les disposa sur le feu, puis piqua l'amadou sur une flèche et la confia à Asmund. Il tira ce trait sur le sorcier. Et la flèche frappa si bien qu'elle fit son œuvre, et l'homme magicien tomba mort. Alors les païens s'entassèrent à nouveau, hurlant et couinant épouvantablement. Et ils se rassemblèrent autour de leur roi, dont les chrétiens crurent qu'il tenait un conseil au sujet de la retraite. Des interprètes, comprenant la langue du Vindland, entendirent le chef Unibur tenir le discours suivant : "- Ces gens sont courageux, et il est difficile d'en obtenir quoi que ce soit. Et même si nous prenions tous les biens de leur ville, nous devrions volontiers donner plus que si nous n'étions jamais venus ici, si grandes ont été nos pertes en hommes et en chefs. Tôt dans la journée, lorsque nous avons donné assaut au château, ils se sont défendus eux-mêmes d'abord avec des flèches et des lances. Puis ils nous combattirent avec des pierres, et maintenant avec des cannes et des bâtons, comme contre des chiens. A cela, je vois qu'ils manquent d'armes et de moyens de défense. Alors nous devons à nouveau leur porter une rude attaque, et éprouver leur force." Il en était ainsi qu'il l'avait dit, ils combattaient à présent avec des piquets, parce que lors du premier assaut, ils avaient imprudemment utilisé toutes leurs armes de jet et leurs pierres. Et maintenant, voyant le nombre des pieux diminuer, les chrétiens coupèrent chacun en deux. Les païens lancèrent à nouveau une bouillante attaque, se reposant eux-mêmes pendant quelques moments, car tous, des deux côtés, étaient épuisés. Durant une pause, le roi Rettibur proposa à nouveau ses conditions, leur disant qu'ils pourraient conserver armes, vêtements et argent qu'ils pourraient porter hors du château. Saemund Husfreyja était tombé, et les hommes qui restaient furent d'avis de livrer le château et eux-mêmes au pouvoir des païens. Mais c'était un conseil stupide, car les païens ne tinrent pas leurs promesses, et s'emparèrent de tous, hommes, femmes, enfants, tuant ceux qui étaient blessés ou trop jeunes, ou qu'ils ne pouvaient pas facilement emmener avec eux. Ils prirent tous les biens qui se trouvaient dans le château, se rendirent dans l'église de la Croix et la pillèrent de tous ses ornements. Le prêtre Andres donna au roi Rettibur un sceptre d'argent doré, et au fils de sa sœur Dunimiz un anneau d'or. Ils supposèrent qu'il s'agissait d'un homme de grande importance dans la ville, et le tinrent en plus haut respect que les autres. Ils emmenèrent avec eux la Sainte Croix, ainsi que les tables qui se tenaient auparavant devant l'autel, que Sigurd avait fait fabriquer en Grèce et avait lui-même ramenées au pays. Ils les prirent et les posèrent à plat devant l'autel. Alors les païens sortirent de l'église. Rettibur dit : "- Cette maison a été décorée avec grand soin pour le dieu auquel elle est dédiée. Mais, me semble-t-il, il n'a accordé que fort peu d'intérêt à la maison ou à la ville. A cela je vois que Dieu était en colère contre ceux qui les défendaient." Le roi Rettibur donna au prêtre Andres l'église, le sanctuaire, la Sainte Croix, la Bible, les livres d'autel, et quatre clercs (prisonniers). Mais les païens brûlèrent l'église du château, et toutes les maisons qui se trouvaient dans le château. Comme le feu qu'ils avaient bouté à l'église s'éteignit par deux fois, il l'abattirent, et elle brûla alors comme les autres maisons. Puis les païens retournèrent à leurs navires avec leur butin, mais en rassemblant leur gens et en appréciant leurs pertes, ils firent tout le monde prisonnier, et les répartirent sur les bateaux. Le prêtre Andres se retrouva alors sur le bateau du roi avec la Sainte Croix, et une grande terreur s'abattit sur les païens lorsque survint sur le navire royal un événement prodigieux : en l'occurrence, il devint si chaud que tous pensèrent qu'ils allaient être brûlés. Le roi ordonna à l'interprète de demander au prêtre ce qui se passait. Il répondit que le Dieu Tout-Puissant, en lequel les Chrétiens avaient foi, leur envoyait une preuve de Sa colère, parce que ceux qui ne voulaient pas croire en leur Créateur prétendaient porter la main sur l'emblême de Sa souffrance, et qu'il y avait tant de puissance en la croix que de tels miracles, et d'autres plus évidents encore, étaient advenus aux païens qui l'avaient prise dans leurs mains. Le roi fit placer le prêtre dans le canot du navire, et le prêtre Andres porta la Sainte Croix en une étreinte. 

     

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    Ils menèrent le canot le long de la proue du navire, puis le long du bord du navire suivant, puis le poussèrent avec une gaffe le long de la jetée. Alors le prêtre Andres se rendit avec la croix de nuit jusqu'à Solbjorg, sous la pluie, par un temps affreux, mais l'amena en bon état. Le roi Rettibur et les hommes qui lui restaient retournèrent au Vindland, et nombre des gens qui avaient été capturés à Konungahella restèrent longtemps esclaves au Vindland, et ceux qui furent rachetés et revinrent en Norvège dans leurs terres et propriétés ne prospérèrent plus jamais aussi bien qu'avant leur capture. La ville marchande de Konungahella ne recouvra jamais l'importance qu'elle avait avant cet événement.

     

    12- De Magnus l'Aveugle

    Le roi Magnus, après avoir été privé de la vue, se rendit vers le nord à Nidaros, où il alla dans un cloître sur l'île, et prit l'habit de moine. Le monastère recevait son approvisionnement de la Ferme de Great Hernes à Frosta. Le roi Harald fut le seul roi du pays l'hiver suivant, et accorda pardon et paix à tous ceux qui le souhaitèrent, et prit à son service nombre d'hommes qui étaient auparavant avec le roi Magnus.

    Einar Skulason dit que le roi Harald livra deux batailles au Danemark, l'une à l'Ile Hvedn, et l'autre sur l'île de Hlesey.

    "Champion infatigable ! Et qui fut élevé

    Pour teindre en cramoisi tes armes au fil bleuté !

    Sous la haute côte rocheuse de Hvedn,

    L'infidèle a senti à nouveau ton acier. "

    Et encore, ainsi :

    " Sur les champs de Hlesey l'ennemi dut trembler

    Devant celui qui rougit ses cottes de maille.

    Sa bannière flottant au-dessus de sa tête

    Vole droit vers l'avant, terrifiant l'ennemi."

     

    Illustrations : E. Peterssen
    Encadrement : Bouloute créations

     

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