• Heimskringla : Saga de Magnus l'Aveugle et d'Harald Gille II

    Heimskringla, snorri sturluson, magnus l'aveugle, harald gille

    5- Ce que les conseils proposèrent.

     

    Lorsque le roi Magnus, qui se trouvait à Bergen, entendit ces nouvelles, il rassembla tous les chefs qui se trouvaient dans la ville, et leur demanda conseil, et ce qu'ils devaient faire à présent. Alors Sigurd Sigurdson dit : "- Ici, je peux donner un bon conseil. Equipez un navire d'un bon équipage, et laissez-moi, ou tout autre baron, le commander. Envoyez-le ensuite à votre parent, le roi Harald, et offrez-lui la paix à des conditions qui restent à déterminer, offrez-lui la moitié du royaume. Il me semble probable qu'Harald, par ces mots et sur l'avis d'hommes de bonne volonté, accepterait cette proposition, et qu'ainsi la paix pourrait s'établir entre vous.

    Le roi Magnus répliqua : "- Je n'accepte pas cette proposition. Car quel avantage y aurait-il, après avoir gagné le royaume tout entier cet été, d'en abandonner la moitié maintenant ? Donnez-nous quelque autre conseil. "

    Alors Sigurd Sigurdson répondit : "- Il apparaît, sire, que les lendermen qui en automne demandèrent votre consentement pour retourner chez eux se tiennent à présent dans leurs demeures, et qu'ils ne viendront pas à vous. A cette époque, ce fut surtout contre mon avis que vous avez totalement dispersé les gens que nous avions rassemblés. Car j'avais bien supposé qu'Harald pourrait revenir à Viken dès qu'il saurait qu'il n'y avait plus de chefs là-bas. J'ai maintenant un autre conseil, mais il est bien pauvre. Il pourrait pourtant nous être utile. Envoyez vos suivants, et d'autres hommes avec eux, et faites leur attaquer ceux qui ne voudront pas se joindre à nous en cette nécessité, dites leur de les tuer. Et distribuez leurs propriétés à ceux qui voudront bien vous aider, même s'ils étaient de peu d'importance auparavant. Laissez-les conduire le peuple eux-mêmes, les mauvais comme les bons. Et marchez avec ceux que vous aurez ainsi réunis contre le roi Harald, puis livrez-lui bataille."

    Le roi rétorqua : "- Il serait impopulaire de mettre à mort des personnes de distinction, et d'élever des gens inférieurs qui souvent trahissent parole et loi, conduisant le pays à être pire encore. Je voudrais entendre quelque autre conseil. "

    Sigurd répondit : "- Il devient difficile pour moi de donner encore des conseils, puisque vous ne voudrez jamais ni faire la paix, ni livrer bataille. Rendons-nous vers le nord à Throndhjem, où la majeure partie de la force du pays est plutôt de notre bord ; et sur la route, réunissons tous les hommes que nous pourrons. Il se pourrait que ces Elfgrims se fatiguent de nous courir après."

    Le roi rétorqua : "- Nous ne devons pas fuir devant ceux que nous avons défaits cet été. Donnez encore quelque meilleur conseil."

    Alors Sigurd se leva et dit, tandis qu'il se préparait à se retirer : "- Je vais maintenant vous donner le conseil dont je vois que vous l'attendez, et qui sera sans nul doute suivi. Restez assis ici à Bergen jusqu'à ce qu'Harald arrive avec ses troupes, ainsi vous souffrirez à la fois mort et déshonneur."

     

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     Les conseils de Sigurd Sigurdson

     

    Et Sigurd ne resta pas plus longtemps à cette réunion.

     

    6- Des forces d'Harald

     

    Le roi Harald vint de l'est le long de la côte avec une grande armée, et cet hiver-là (1135) fut nommé de ce fait l'Hiver de la Foule. Le roi Harald arriva à Bergen le soir de Noël, et atterrit avec sa flotte à Floruvagar. Mais il ne voulut point combattre pendant le temps sacré. Alors le roi Magnus prépara ses défenses dans la ville. Il construisit un trébuchet sur l'île, et plaça des chaînes de fer et des bastaings de bois dans le passage entre la maison royale et Nordnes, et vers le pont des moines. Il fit faire des chausses-trappes et les fit jeter dans le champ de St Jean, et n'interrompit ces travaux que pour les trois jours saints de Noël. Le dernier jour sacré de Yule, le roi Harald ordonna à ses trompes de guerre de sonner le rassemblement des hommes afin de rallier la ville. Et, pendant les jours de Noël, son armée s'était accrue de neuf cents hommes.

     

    7- Le roi Magnus fait prisonnier

     

    Le roi Harald fit une promesse au roi Saint-Olaf pour la victoire, qu'il construirait une église de St Olaf dans la ville à ses propres frais. Le roi Magnus rassembla ses hommes sur le parvis de l'église du Christ. Mais le roi Harald laissa ses vaisseaux d'abord à Nordnes. Lorsque le roi Magnus et ses troupes s'en aperçurent, ils firent un détour vers la ville et vers la limite du rivage. Mais, tandis qu'ils passaient dans les rues, beaucoup des bourgeois coururent vers leurs maisons et demeures, et beaucoup de ceux qui traversaient les champs se prirent dans les chausse-trappes. Alors le roi Magnus et ses hommes se rendirent compte que le roi Harald et toutes ses forces avaient ramé vers Hegravik, et avaient atterri là-bas, et qu'ils avaient de là pris position sur la colline face à la ville. Alors le roi Magnus retourna dans les rues, et ses hommes s'enfuirent dans toutes les directions, certains vers les montagnes, certains vers le voisinage du couvent des nonnes, d'autres vers les églises, ou cherchèrent à se cacher de leur mieux. Le roi Magnus prit la fuite vers ses navires. Mais il n'y avait aucune possibilité de s'en aller, car les chaînes de fer empêchaient le passage des bateaux. Il n'avait plus alors que peu d'hommes avec lui, et ne put rien faire.

    Einar Skulasson le raconte dans la chanson d'Harald :

    "Une pleine semaine une chaîne de fer

    Entrava la navigation vers l'océan :

    L'écurie bleue de Bergen fut vite fermée,

    Ses chariots flottants ne purent plus passer."

    Peu après, les gens de Harald arrivèrent aux navires, et le roi Magnus fut capturé. Il était assis devant, sur le gaillard d'avant entre les coffres du haut-siège, avec à ses côtés Hakon Fauk, le frère de sa mère, qui était très populaire mais n'avait jamais été considéré comme sage, et Ivar Assurson. Ceux-ci, et bien d'autres amis du roi Magnus, furent pris, et pour certains, tués sur le champ.

     

    8- La mutilation du roi Magnus

    Après quoi le roi Harald eut une réunion avec ses proches et leur demanda conseil. Et lors de cette réunion, le jugement fut prononcé que le roi Magnus devait être déposé, dépossédé de ses domaines, et ne devait pas plus longtemps porter le titre de roi. Il fut alors livré aux esclaves du roi, qui le mutilèrent, l'énucléant des deux yeux, lui coupant un pied, et le châtrant pour finir.

     

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    Le supplice du roi Magnus

     

    Ivar Assurson fut aveuglé, et Hakon Fauk exécuté. Tout le pays fut alors réduit à l'obéissance au roi Harald. Par la suite, on examina avec diligence qui avaient été les meilleurs amis du roi Magnus, et qui connaissait le mieux les cachettes de son argent et autres biens de valeur. Le roi Magnus avait toujours gardé par devers lui la Sainte Croix qu'il portait lors de la bataille de Fyrileiv, mais ne voulut pas dire où elle avait été déposée pour sa protection. L'évêque Reinald de Stavanger, qui était anglais, était considéré comme un homme très cupide et avare, et on pensa en conséquence que beaucoup d'argent et de trésors avaient été confiés à sa garde. Des hommes furent donc envoyés le quérir, et il vint à Bergen, où il lui fut demandé avec insistance quelle était sa connaissance d'un tel trésor. Il nia tout en bloc, ne voulant rien admettre, et offrit de prouver son innocence par ordalie. Mais le roi Harald refusa, mettant l'évêque à l'amende pour la somme de quinze marks d'or, qu'il devrait verser au roi. L'évêque déclara qu'il ne saurait ainsi appauvrir son évêché, et qu'il préférait offrir sa vie. Alors ils pendirent l'évêque sur l'île, près de la machine de guerre. Alors qu'il se dirigeait ver le gibet, il arracha sa chaussette de son pied, et dit comme un serment : "- Je n'en sais pas plus au sujet du trésor du roi Magnus que ce qu'il y a dans cette chaussette." Et dedans se trouvait un anneau d'or. L'Evêque Reinald fut inhumé à Nordness dans l'église de Michel, ce qui fut grandement blâmé.

     

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    La pendaison de l'évêque Reinald

     

    Après ces événements, Harald Gille resta seul roi de Norvège tant qu'il vécut.

     

    9- Extraordinaires présages à Konungahella

    Cinq ans après la mort du roi Sigurd, des événements étonnants eurent lieu à Konungahella (1135). Guthorm, un fils d'Harald Fletter, et Saemund Husfreyja, étaient à cette époque officiers du roi dans cette ville. Saemund était marié à Ingebjorg, une fille du prêtre Andres Brunson. Leurs fils étaient Paul Flip et Gunne Fis. Le fils naturel de Saemund se nommait Asmund. Andres Brunson était un homme très remarquable, qui rendait l'office divin dans l'église de la Croix. Son épouse s'appelait Solveig1. Jon Loptson, âgé de onze ans, vivait dans leur maison comme fils adoptif pour y être éduqué. Le prêtre Lopt Saemundson, père de Jon, était également en ville à cette époque. Le prêtre Andres et solveig avaient également une fille, Helga, qui était l'épouse d'Einar. Il arriva alors à Konungahella, la nuit du dernier dimanche après la semaine de Pâques, qu'un grand bruit se produisit dans les rues de toutes la cité, comme si le roi y passait avec toute sa cour. Les chiens en furent si affectés que nul ne put les tenir, et qu'ils se libérèrent. Et en arrivant dehors, ils devinrent fous, mordant tout ce qui se trouvait sur leur chemin, gens et bétail. Tous ceux qui furent mordus par eux jusqu'au sang furent pris d'une rage folle. Les femmes enceintes entrèrent en travail prématurément, et perdirent la raison. De Pâques à l'Ascension, ces événements prodigieux se produisirent presque toutes les nuits. La population était affreusement alarmée par ces prodiges. Et beaucoup se préparèrent à partir, vendirent leurs maisons, et se rendirent dans les districts ruraux, ou dans d'autres villes. Les hommes les plus intelligents considérèrent ces événements comme quelque chose de très extraordinaire, et les craignirent, et dirent, ce qui serait montré par la suite, qu'il s'agissait de présages pour des événements importants qui n'avaient pas encore eu lieu. Et le prêtre Andres, le dimanche de Pentecôte, fit un long et excellent prêche, et en conclusion de celui-ci, en arriva à la situation de détresse des habitants de la ville. Il leur dit de garder courage, de ne pas perdre leur excellente ville en l'abandonnant, mais plutôt de prendre le plus grand soin en toutes choses, d'être des plus clairvoyants contre tous les dangers, comme les incendies ou les ennemis, et de prier Dieu d'avoir pitié d'eux.

      

    1 Les prêtres étaient mariés à cette époque, le célibat étant réservé aux moines.  

     

    Illustrations : E. Peterssen
    Encadrement : Bouloute créations

     

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