• Heimskringla : Saga de Magnus Erlingsson V

    Heimskringla, snorri sturluson, magnus erlingsson

    34- La bataille de Stangar

    Au printemps suivant, les gars aux chapeaux descendirent sur Viken, y collectèrent partout les taxes royales, et y restèrent longuement au cours de l'été. Quand le jarl Erling l'apprit, il se hâta avec ses troupes pour aller les affronter en Viken, et les trouva à l'est du Fjord, en un lieu nommé Stangar, où il leur livra une grande bataille dont il sortit victorieux. Sigurd Agnhot et bien d'autres hommes d'Olaf tombèrent là. Mais Olaf en réchappa en fuyant, partit dans le sud au Danemark, et passa tout l'hiver (1169) à Alaborg en Jutland. Au printemps suivant, Olaf contracta une maladie qui l'emporta, et il fut enterré dans l'église de Marie. Et les danois le qualifièrent de saint.

     

    35- La mort d'Harald

    Le roi Magnus avait un baron nommé Nikolas Kufung, qui était un fils de Pal Skaptason. Il fit Harald prisonnier, lui qui se proclamait lui-même fils du roi Sigurd Haraldson et de la princesse Kristin, et frère du roi Magnus par sa mère. Nikolas emmena Harald à Bergen, et le remit entre les mains du jarl Erling. C'était l'habitude d'Erling, lorsque ses ennemis se trouvaient devant lui, de ne rien leur dire, ou de leur parler fort peu, et cela avec beaucoup de gentillesse, lorsqu'il avait décidé de leur donner la mort. Ou alors, de leur adresser des paroles furieuses, quand il avait l'intention d'épargner leur vie. Erling parla fort peu à Harald, et beaucoup, en conséquence, devinèrent son intention. Et certains supplièrent le roi Magnus de s'exprimer en faveur d'Harald auprès du jarl, ce que fit le roi. Le jarl répondit : "- Tes amis te conseillent fort mal. Tu ne gouvernera pas ce royaume très longtemps dans la paix et la sécurité, si tu le fais seulement selon les conseils de ton cœur." Et Erling ordonna qu'Harald fût conduit à Nordnes, où il fut décapité. 

     

    36- Eystein Eysteinson et les Birkebeins1

    Il y avait un homme nommé Eystein, qui se disait lui-même fils du roi Eystein Haraldson. Il était jeune à cette époque, et n'avait pas atteint l'âge adulte. On raconte qu'un été, il apparut en Svithjod, alla voir le jarl Birger Brosa, qui était alors marié à Brigida, tante d'Eystein, une fille du roi Harald Gille. Eystein lui expliqua son affaire et lui demanda son assistance. Le jarl Birger et son épouse l'écoutèrent tous deux avec amitié, et l'assurèrent de leur confiance. Il resta chez eux quelque temps. Le jarl Birger lui fournit une aide en hommes, et une grosse somme pour ses frais de voyage. Et sa femme et lui lui promirent leur amitié lorsqu'il prit congé. Par la suite, Eystein se rendit dans le nord, en Norvège (1174), et lorsqu'il arriva en Viken, le peuple conflua vers lui en foule. Et Eystein y fut proclamé roi, et y resta en hiver. Comme ses hommes et lui étaient très pauvres en argent, ils pillèrent alentours, où les barons et boendr levèrent des troupes contre eux. Etant ainsi surpassés par le nombre, ils s'enfuirent vers les forêts et les collines désertes, où ils vécurent longtemps. Leurs vêtements étant en lambeaux, ils enroulèrent des écorces de bouleau autour de leurs jambes, et furent ainsi nommés Birkebeins (jambières de bouleau) par les paysans. Ils firent souvent des descentes dans les districts colonisés, firent des raids ici ou là, et attaquèrent où il n'y avait que peu de monde pour s'opposer à eux. Ils livrèrent quelques batailles contre les boendr, avec des réussites diverses. Trois fois les Birkebeins combattirent en bataille rangée, et ils remportèrent à chaque fois la victoire. A Krokaskog, ils furent sur le point d'effectuer une expédition malheureuse, car un grand nombre de boendr et d'hommes d'armes étaient assemblés, mais les Birkebeins abattirent des buissons sur les routes et se retirèrent dans la forêt. Ils restèrent deux ans en Viken avant de commencer à apparaître dans d'autres régions plus nordiques du pays.

     

    Heimskringla, snorri sturluson, magnus erlingsson

     Birkebeins

     

    37- Birkebeins, roi Eystein, et Skakke

    Magnus était roi depuis treize ans lorsque les Birkebeins firent leur apparition. Ils se procurèrent par eux-mêmes des navires le troisième été (1176), avec lesquels ils longèrent les côtes, recrutant des hommes et obtenant des vivres. Ils se rendirent tout d'abord en Viken, mais comme l'été avançait, ils progressèrent vers le nord, et si vite qu'aucune nouvelle d'eux ne les précéda jusqu'à ce qu'ils parvinssent à Trondhjem. Les troupes des Birkebeins étaient principalement constituées d'hommes des collines et d'Eflgrims, et beaucoup venaient du Thelemark. Tous étaient bien armés. Leur roi, Eystein, était un bel homme, avec un visage mince mais agréable. Il n'était pas de haute stature, et ses hommes le nommaient Eystein Meyla (la Pucelle). Le roi Magnus et le jarl Erling étaient à Bergen lorsque les Birkebeins y croisèrent en direction du nord. Mais ils n'entendirent pas parler d'eux. Le jarl Erling était un homme d'une grande intelligence et d'un grand pouvoir, un très bon chef de guerre, et un gouvernant capable et prudent pour le pays. Mais il avait la réputation d'être de caractère cruel et sévère. La cause principale en était qu'il n'avait jamais permis à ses ennemis de rester dans le pays, même s'ils le suppliaient pour obtenir grâce. En conséquence, beaucoup rejoignirent les bandes qui se rassemblaient contre lui. Erling était un homme grand et bâti en force, au cou bref et aux épaules hautes. Il avait un visage long et sévère, au teint clair, et sa chevelure devint très grise. Il portait la tête un peu penchée sur le côté. Il était de manières libres et agréables. Il se vêtait à l'ancienne mode, longue tunique et manches longues, manteau étranger et hautes chausses. Il avait fait en sorte que le roi porte le même genre de costume dans sa jeunesse, mais en grandissant, ce dernier s'était mis à agir par lui-même et à se vêtir très somptueusement. Le roi Magnus avait une tournure d'esprit légère, pleine de plaisanteries. Il était un grand amoureux de la joie, et pas moins des femmes. 

     

    38- De Nikolas

    Nikolas était un fils de Sigurd Hranason et de Skialdvor, une fille de Brynjolf Ulfalde, et sœur d'Haldor Brynjolfson du côté de son père, et du roi Magnus Berrfoetr du côté de sa mère. Nikolas était un chef distingué, propriétaire d'une ferme à Ongul dans le Halogaland, nommée Steig. Nikolas possédait également une maison à Nidaros, devant l'église de Saint-Jon, où résida plus tard Thorgeir le Scribe. Nikolas était souvent en ville, et présidait l'assemblée des citoyens. Skialvdor, fille de Nikolas, était mariée à Eirik Arnason, qui était également baron.

     

    39- D'Eirik et Nikolas

    Comme les gens de la ville revenaient de matines le dernier jour des fêtes de Marie (8 septembre), Eirik vint voir Nikolas et lui dit : "- Voici, quelques pêcheurs reviennent de la mer et rapportent que des langskips font voile dans le fjord. Et les gens supposent qu'ils pourraient s'agir de Birkebeins. Il serait avisé d'appeler les habitants de la ville avec les cornes de guerre, pour qu'ils se rassemblent sous les armes à Eyrar." Nikolas répondit : "- Je ne suivrais pas les dires des pêcheurs. Mais j'enverrais des espions dans le Fjord, et réunirais un Thing demain." Eirik rentra chez lui. Mais tandis qu'on sonnait la grand-messe et que Nikolas allait à l'église, Eirik revint à lui et lui dit : "- Je pense que ces nouvelles sont exactes, car il y a ici des gens qui disent les avoir vus naviguer à la voile. Et je crois qu'il serait plus judicieux de sortir de la ville à cheval, et de rasssembler des hommes armés. Car il me semble que les habitants de la cité seront trop peu nombreux." Nikolas répondit :"- Tu mélanges tout. Allons d'abord écouter la messe, et prenons ensuite une décision." Nikolas entra alors dans l'église. Lorsque l'office fut terminé, Eirik revint vers Nikolas, et dit : "- Mes chevaux sont sellés. Je vais y aller." Nikolas répondit : "- Bon voyage, alors. Nous tiendrons un Thing demain à Eyrar, et verrons combien d'hommes peut fournir la ville." Eirik s'en alla, et Nikolas regagna sa demeure, pour dîner. 

     

    40- La chute de Nikolas

    A peine la viande fut-elle posée sur la table qu'un homme entra pour dire à Nikolas que les Birkebeins rôdaient sur la rivière. Alors Nikolas appela ses hommes et leur dit de prendre les armes. Lorsqu'ils furent équipés, Nikolas leur dit de monter au grenier. Mais c'était de la dernière imprudence, car s'ils étaient restés sur la place, les gens de la ville seraient venus leur prêter assistance. Mais les Birkebeins envahirent toute la place, et de là grimpèrent de tous côtés vers le grenier. Ils appelèrent Nikolas, et lui offrirent quartier, mais il refusa. Ils attaquèrent alors le comble. Nikolas et ses hommes se défendirent à l'aide de tirs d'arcs courts, de lancers de projectiles à la main, et avec les pierres de la cheminée. Mais les Birkebeins démolirent les bâtiments, et retournèrent tir pour tir, à l'arc ou à la main. Nikolas avait un bouclier rouge orné de clous dorés et d'une bordure d'étoiles. Les Birkebeins tirèrent jusqu'à ce que les flèches s'y plantent jusqu'à l'empennage. Alors Nikolas dit : "- Mon bouclier me trahit." Nikolas et un certain nombre de ses hommes tombèrent, et sa mort fut grandement déplorée. Les Birkebeins laissèrent la vie sauve à tous les habitants de la ville.

     

    41- Eystein proclamé roi

    Eystein fut alors proclamé roi, et tout le peuple lui fit soumission. Il resta quelque temps dans la ville, puis partit à l'intérieur des terres du Trondelag, où beaucoup le rejoignirent, et parmi eux, Thorfinn Svarte de Snos avec une troupe. Quand les Birkebeins, au début de l'hiver (1177), revinrent en ville, les fils de Gudrun de Saltnes, Jon Ketling, Sigurd et William, les rallièrent. Et lorsqu'ils progressèrent par la suite de Nidaros en Orkadal, ils comptaient près de deux mille hommes dans leurs rangs. Ils gagnèrent ensuite les Uplands, puis Thoten et le Hadaland, et à partir de là, le Ringerike, et soumirent le pays partout où ils se rendirent. 

     

    42- La chute du roi Eystein

    Le roi Magnus alla en Viken à l'automne avec une partie de ses hommes et Orm le Frère des rois. Mais le jarl Erling resta en arrière à Bergen pour affronter les Birkebeins au cas où ils viendraient par voie de mer. Le roi Magnus vint à Tunsberg, où lui et Orm passèrent Yule (1177). Lorsque le roi Magnus sut que les Birkebeins étaient à Re, le roi, Orm et leurs hommes s'y dirigèrent. Il neigeait en abondance, et faisait terriblement froid. En arrivant à la ferme, ils délaissèrent les sentiers battus de la route, organisèrent leurs lignes autour de la clôture, et foulèrent un chemin avec leurs hommes, qui étaient un peu moins de mille cinq cents en nombre. Les Birkebeins étaient dispersés ici et là dans d'autres fermes, peu d'hommes par maison. En voyant l'armée du roi Magnus, ils s'assemblèrent, et se mirent en rangs. Et comme ils pensaient que leurs forces étaient supérieures aux siennes, ce qui était bien le cas, ils décidèrent de combattre.

     

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    La bataille de Re. E. Werenskiold.

     

    Mais lorsqu'ils se ruèrent sur la route, seul un petit nombre put avancer, ce qui brisa leurs rangs. Et moururent les hommes qui empruntèrent en premier le chemin déjà foulé. Alors la bannière des Birkebeins fut abattue, ceux qui se trouvaient à proximité cédèrent le passage, et d'autres prirent la fuite. Les hommes du roi Magnus les poursuivirent, et les tuèrent l'un après l'autre en arrivant à leur contact. De la sorte, les Birkebeins ne purent jamais reformer leurs rangs, et furent exposés individuellement aux armes de l'ennemi, et beaucoup tombèrent, et beaucoup s'enfuirent. Il est arrivé ici ce qui arrive souvent, que bien que les hommes soient vaillants et courageux, une fois qu'ils ont été vaincus et poussés à fuir, il leur est bien difficile de retourner la situation. Le corps principal des Birkebeins prit la fuite, et beaucoup tombèrent, car les hommes de Magnus tuaient tous ceux qu'ils pouvaient rattraper, et aucun d'eux n'obtint quartier. La troupe entière s'éparpilla un peu partout. Eystein dans sa fuite se précipita dans une maison, suppliant pour sa vie, et que le paysan veuille bien le dissimuler. Mais le bondi le tua, et se rendit auprès de Magnus, qu'il trouva à Rafnes, où le roi se trouvait dans une salle en train de se réchauffer près du feu avec de nombreux hommes. Certains sortirent chercher le cadavre, et le ramenèrent dans la salle, où le roi dit aux gens de venir et de l'examiner. Un homme était assis sur un banc dans un coin, et c'était un Birkebein auquel personne n'avait prêté attention. Et lorsqu'il vit et reconnut le corps de son chef, il bondit soudainement et brutalement, courut sur le plancher et avec la hache qu'il tenait à la main, porta un coup en direction de la nuque de Magnus, entre les épaules. Un homme vit tourner la hache et poussa le roi sur le côté, de sorte que la hache le frappa bas sur l'épaule, et lui infligea une blessure sérieuse. Il leva sa hache à nouveau, et porta un coup à Orm Frère de rois, qui était allongé sur un banc, et le coup était dirigé vers ses deux jambes. Mais Orm, voyant l'homme prêt à le tuer, retira ses pieds instantanément, les envoya par dessus sa tête et le coup frappa le banc, dans lequel la hache resta coincée, puis les coups plurent si nombreux sur le Birkebein qu'il ne put que difficilement tomber par terre. On découvrit qu'il avait traîné ses entrailles derrière lui sur le sol, et la bravoure de cet homme fut hautement appréciée. Le roi Magnus et ses hommes pourchassèrent les fugitifs, et en tuèrent tant qu'ils s'en lassèrent. Thorfinn de Snos, et un grand nombre d'hommes de Trondhjem, tombèrent là. 

     

    43- Des Birkebeins

    La faction qui s'était elle-même nommée les Birkebeins avait attiré des gens en grand nombre. Ils étaient des hommes hardis, et des plus braves sous les armes, mais sauvages, et se comportant follement lorsqu'ils étaient en force. Peu d'hommes dans leur groupe étaient de bons conseillers, ou accoutumés à gouverner un pays par la loi, ou à diriger une armée. Et s'il s'était trouvé parmi eux de tels hommes ayant eu plus de savoir, alors ce furent les plus nombreux qui n'en firent qu'à leur tête, toujours confiants en leur nombre et en leur courage. Des hommes qui s'échappèrent, beaucoup étaient blessés, avaient perdu à la fois leurs vêtements et leurs armes, et étaient presque dépourvus d'argent. Certains se dirigèrent vers l'est, à la frontière, d'autres gagnèrent le Svithjod. Mais la plupart d'entre eux se rendirent en Thelemark, où se trouvaient leurs familles. Tous prirent la fuite, sans aucun espoir d'obtenir quartier de la part de Magnus ou du jarl Erling.

     

    44- De Magnus Erlingsson

    Le roi Magnus retourna alors à Tunsberg, et fut très renommé pour cette victoire. Car était devenu une expression dans les bouches qu'Erling était le soutien et le bouclier de son fils et de lui-même. Mais après avoir remporté une victoire contre des ennemis si nombreux avec une troupe inférieure en nombre, le roi Magnus fut considéré par tous comme surpassant les autres chefs, et on pensa qu'il deviendrait un plus grand guerrier que son père, le jarl Erling, lorsqu'il était jeune.

     

    1 : Ces bandes étaient au début fort mal organisées, et se renforcèrent petit à petit d'opposants au régime autoritaire qu'avait instauré Erling Skakke, en parallèle à sa chasse aux prétendants potentiels, concurrents de son fils.

     

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    Magnus Erlingsson à Etne.



    FIN DE LA SAGA DE MAGNUS ERLINGSON

     

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    FIN DE L'HEIMSKRINGLA DE SNORRI STURLUSON



    Snorri Sturluson, né durant l'hiver 1178-1179, participera par la suite lui-même un peu à l'histoire de la Norvège, du fait de ses relations compliquées avec le roi de Norvège Hakon IV l'Ancien (fils d'Hakon III Sverresson) et le jarl Skuli Bardason son rival, et beaucoup à celle de l'Islande, ce qui aboutira en 1262 (soit 20 ans après son assassinat sur ordre d'Hakon) à la main-mise de la Norvège sur le pays.

     

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