• Heimskringla : Saga de Hakon Herdebreid II

    Heimskringla, snorri sturluson, hakon herdebreid

    8- Le discours de Sigurd de Reyr

    Alors Sigurd de Reyr tint le discours suivant : "- Il se fait à présent jour l'espoir que le temps est venu de ce qui nous a été promis tout l'été, à savoir de pouvoir combattre le roi Inge. Nous nous y sommes longuement préparés. Et beaucoup de nos camarades se sont enorgueillis de ne jamais fuir devant le roi Inge et Gregorius, ou de ne jamais s'y soumettre ; il nous faut maintenant leur rappeler leurs paroles. Mais nous avons quelquefois eu mal aux dents dans nos conflits avec eux, parlons à présent avec moins de confiance. Car il est arrivé, ainsi que nous en avons tous entendu parler, que nous soyons partis sans gloire. Cependant, il est aujourd'hui nécessaire de combattre vaillamment, et de faire face avec fermeté ; car la seule issue est pour nous la victoire. Bien que nous ayons moins d'hommes qu'eux, la chance déterminera quel parti aura l'avantage, et Dieu sait que le droit est de notre côté. Inge a tué deux de ses frères, et il est évident pour chacun qu'il devra régler au roi Hakon le dédommagement qu'il lui doit pour le meurtre de son père, de même que pour celui de ses autres parents, ce qui sera vu aujourd'hui comme étant son intention. Le roi Hakon, au début, ne désirait pas plus que le tiers du royaume de Norvège, celui que son père détenait, et qui lui a été refusé. Et maintenant, à mon avis, le roi Hakon a plus de droit à hériter du frère de son père, le roi Eystein, qu'Inge ou Simon Skalp, ou les autres hommes qui ont tué le roi Eystein. La plupart d'entre eux, ceux qui veulent sauver leur âme et ont déjà souillé leurs mains des crimes sanglants commis par Inge, doivent penser que c'est une impertinence à la face de Dieu que de prendre le nom de roi. Et je me demande si Dieu peut souffrir une méchanceté aussi monstrueuse que la sienne. Il se peut donc que la volonté de Dieu soit que nous le mettions à bas. Combattons hardiment, et Dieu nous donnera la victoire. Et si nous tombons, il nous dédommagera par des joies indicibles de permettre maintenant que la puissance des méchants l'emporte sur nous. Alors, allez à la bataille avec confiance, et ne soyez pas effrayés quand le combat commencera. Que chacun veille à sa propre sécurité et à celle de son camarade, et que Dieu nous protège tous." Ce discours de Sigurd fut largement bien accueilli, et tous promirent sincèrement de faire leur devoir. Le roi Hakon monta sur le grand vaisseau de commerce, et un rempart de boucliers fut installé autour de lui. Mais son étendard resta sur le langskip sur lequel il se trouvait auparavant.

     

    9- Des hommes du roi Inge.

    Nous devons à présent parler du roi Inge et de ses hommes. Lorsqu'ils virent que le roi Hakon et ses gens étaient prêts à se battre, et que seule la rivière les séparaient, ils envoyèrent un vaisseau léger rappeler le reste de la flotte qui était partie au loin. Et pendant ce temps, le roi les attendit, et organisa ses troupes pour l'assaut. Alors les chefs se consultèrent en présence de l'armée, et donnèrent leur avis. Et en premier, sur quels navires devaient se trouver au plus près de l'ennemi, et donc, où chacun devait attaquer.

    Gregorius parla ainsi : "- Nous avons beaucoup d'hommes, et excellents. C'est mon opinion, roi Inge, que vous ne devriez pas donner l'assaut avec nous, car tout peut être sauf si vous l'êtes vous-même. Et nul ne peut savoir où une flèche frappera, même dans les mains d'un mauvais archer. Et ils se sont préparés pour cela, de sorte que missiles et pierres puissent être lancés depuis les ponts supérieurs des navires marchands. Ainsi, il y a moins de danger pour ceux qui se trouvent plus loin d'eux. Ils n'ont pas plus d'hommes que nous, les barons, ne pouvons en engager. Je disposerai mon navire bord à bord avec leur plus grand bateau, et j'escompte que le combat entre nous sera de courte durée, car il en a souvent été ainsi lors de nos rencontres précédentes, bien que nous ayons parfois plus manqué d'hommes qu'aujourd"hui." Tous pensèrent grand bien de l'avis selon lequel le roi lui-même ne devait pas prendre part à la bataille.

    Alors Erling Skakke dit : "- Je suis également d'accord avec le conseil qui voudrait que vous, sire, ne preniez pas part au combat. Il me semble que leur préparation est telle que nous devrons prendre toutes les précautions pour que n'en résulte pas une grande défaite pour nous. Et les membres entiers sont les plus faciles à guérir. Lors du conseil que nous tînmes avant aujourd'hui, beaucoup se sont opposés à ce que je disais, et vous avez prétendu alors que je ne voulais pas me battre. Mais je pense maintenant que l'affaire a changé d'aspect, et grandement à notre avantage car ils ont largué les amarres, et que les choses se présentent de façon à ce que je ne veuille plus nous dissuader de livrer bataille. Car je vois aussi combien tous sont sensibles à la nécessité de mettre un terme aux agissement de cette bande de voleurs qui a porté pillage et destruction dans tout le pays, pour que par la suite le peuple puisse cultiver la terre en paix, et serve un roi aussi juste et bon que le roi Inge, qui eut longtemps des problèmes et des soucis du fait de l'esprit hautain et inquiet de ses parents, bien qu'il se soit comporté comme un bouclier pour l'ensemble du peuple et ait été exposé maintes fois à de nombreux périls pour la paix du pays." Erling parla bien et longuement, et nombre d'autres chefs également, tous dans la même optique, tous insistant pour partir à la bataille. Dans l'intervalle, ils attendirent que la flotte soit rassemblée. Le roi Inge commanda le navire Baekisudin. Et, sur la prière de ses amis, ils ne se joignit pas à la bataille, mais resta sur l'île.

     

    10- Début de la bataille

    Lorsque l'armée fut prête, ils ramèrent vigoureusement contre l'ennemi, et des deux côtés s'éleva un cri de guerre. Les hommes de Inge n'avaient pas attaché leurs navires les uns avec les autres, mais les laissèrent libres, car ils ramaient tout droit à travers le courant, par lequel les grands bateaux furent beaucoup déportés. Erling Skakke disposa son vaisseau contre celui du roi Hakon, et poussa son mât entre lui et celui de Sigurd, après quoi la bataille commença. Mais le navire de Gregorius se balançait encore sur le sol, et tanguait tellement qu'il ne put dans un premier temps prendre part à l'assaut. Et lorsque les hommes de Hakon s'en aperçurent, ils se ruèrent contre lui, et attaquèrent Gregorius de tous côtés.  Ivar, le fils d'Hakon Mage, disposa son navire de sorte que les mâts s'entrechoquent, et lança un grappin sur Gregorius, à l'endroit du corps où la taille est la plus mince, et le tira vers lui, lui faisant heurter le bastingage. Mais le crochet glissa de côté, sans quoi Gregorius eût été tracté par dessus bord. Ainsi, Gregorius ne fut que légèrement blessé, car il portait une armure de plaques. Ivar le héla, lui disant qu'il avait une "écorce épaisse". Gregorius répliqua que si Ivar s'approchait, il pourrait "la réclamer toute entière, et n'en obtenir que fort peu". Il s'en fallait de peu alors que Gregorius et ses hommes n'aient sauté par-dessus bord. Mais Aslak Unge jeta une ancre dans leur navire, et le tira hors du sol. Alors Gregorius s'installa lui-même à côté du navire d'Ivar, et ils combattirent un long moment. Mais le navire de Gregorius étant plus haut et avec un équipage plus nombreux, beaucoup d'hommes tombèrent dans celui d'Ivar, et d'autres sautèrent par dessus bord. Ivar fut si gravement blessé qu'il ne put plus prendre part au combat. Lorsque son vaisseau fut vidé de ses forces, Gregorius laissa Ivar être ramené à terre, de sorte qu'il put s'enfuir. Et de ce moment, ils furent amis fidèles.

     

    11- La fuite du roi Hakon.

    Lorsque le roi Inge vit que Gregorius était à terre, il encouragea son équipage à se porter à son aide. "- C'était, dit-il, un conseil des plus imprudents, que nous restions ici tandis que nos amis vont à la bataille, car nous avons le plus grand et le meilleur des navires de toute la flotte. Mais je vois à présent que Gregorius, l'homme à qui je dois le plus, a besoin d'aide. Nous devons donc nous rendre à la bataille, là où elle est la plus âpre. Il est aussi convenable que je me trouve au combat. Car la victoire, si nous la remportons, m'appartiendra. Et même si je savais par avance que nos hommes ne vaincraient pas, notre place serait quand même où se trouvent nos amis. Car je ne peux rien si je perds les hommes justement nommés Défenseurs du Pays, qui sont les plus braves, et ont longtemps assuré mon service et celui du pays". Là-dessus, il ordonna que soit érigée sa bannière, ce qui fut fait, et ils ramèrent à travers la rivière. A ce moment, la bataille faisait rage, et le roi ne put pas trouver d'espace pour attaquer, tant les navires devant lui étaient serrés les uns contre les autres. D'abord il se tint sous les navires de commerce orientaux, d'où l'ennemi envoya des lances sur le sien, des épieux ferrés et de grosses pierres, de sorte qu'il lui fut impossible de rester là-bas plus longtemps et qu'il dut s'écarter. A ce moment, lorsque les gens du roi eurent vu qu'il était venu, ils lui firent de la place, et il s'installa alors le long du navire d'Eindride Jonson. A présent, les hommes du roi Hakon abandonnaient les petits bateaux, et montaient à bord des grands vaisseaux marchands, mais certains d'eux sautaient sur le rivage. Erling Skakke et ses hommes eurent un grave conflitentre eux. Erling en personne se trouvait sur le gaillard d'avant, et appelant ses hommes, leur ordonna d'aborder le bateau du roi, mais ils répondirent que ce n'était pas chose si aisée, car il y avait des poutres équipées de peignes de fer au-dessus d'eux. Alors Erling lui-même se rendit à la proue, et y resta un moment, jusqu'à ce qu'ils parviennent à accéder au navire du roi. Puis la proue du bateau fut vidée de ses hommes, et l'ensemble de l'armée céda la place. Beaucoup sautèrent à l'eau, beaucoup tombèrent, mais la majorité gagna la terre.

    Ainsi en parla Einar Skulason :

    "Les hommes tombèrent sur les planches glissantes -

    Les hommes roulèrent du naufrage sanglant.

    Les cadavres flottaient tout au long du courant,

    Et sur la grève hurlaient les sorcières-corbeaux.

    Le fleuve froid et bleu coulait alors en rouge

    Empli du sang brûlant des combattants tombés,

    Et empourprait les vagues du détroit de Karmt

    Des dernières gouttes des blessures des morts. 

    Tout au long du courant, avec leurs proues sans hommes

    Flottaient alors, nombreux et vides, les vaisseaux, 

    Navire après navire, hurlement après cri,

    Disaient que le roi Hakon ne pouvait tenir.

    Les archers font plier leurs armes de bois d'orme,

    Les épées rouges rutilent en brisant les heaumes :

    Les hommes du roi Hakon se ruèrent à terre,

    Quittant leurs navires, et regagnant le rivage."

    Einar composa un chant au sujet de Gregorius Dagson, qu'on appelle la Chanson de la Rivière.

    Le roi Inge offrit paix et sécurité à Nikolas Skialdvarson lorsque son navire eut été déserté, et il entra par la suite au service du roi Inge, et y resta aussi longtemps que le roi vécut. Eindride Jonson bondit à bord du vaisseau du roi lorsque le sien fut vidé de ses hommes, et le supplia pour sa vie. Le roi Inge voulait la lui accorder. Mais le fils d'Havard Klining chargea, et le blessa mortellement, ce qui fut grandement blâmé. Mais il argua du fait qu'Eindride avait causé la mort de son père. Le décès d'Eindride fit l'objet de bien des lamentations, mais principalement dans le district de Throndhjem. Beaucoup des gens d'Hakon tombèrent là, mais assez peu de chefs. Peu d'hommes de Inge moururent, mais beaucoup furent blessés. Le roi Hakon s'enfuit du pays, et le roi Inge partit vers le nord et Viken avec ses troupes. Et lui-même et Gregorius restèrent à Viken tout l'hiver (1160). Lorsque les gens d'Inge, Bergliot et ses frères, fils d'Ivar d'Elda, gagnèrent Bergen après la bataille, ils occirent Nikolas Skegg, qui avait été le trésorier d'Hakon, puis virent dans le nord à Throndhjem. 

    Le roi Hakon vint dans le nord avant Yule, et Sigurd était parfois chez lui à Ryer. Car Gregorius, qui était proche parent de Sigurd, avait obtenu du roi Inge qu'il lui accordât vie et sécurité, de sorte qu'il conserva toutes ses propriétés. Le roi Hakon se rendit dans la ville marchande de Nidaros pour Yule. Et un soir, au début de Yule, ses hommes se battirent dans la salle de la cour, et dans cette rixe, huit hommes furent tués, et bien d'autres blessés. Au huitième jour de Yule, Alf Rode, fils d'Ottar Birting, homme du roi Hakon, se rendit à Elda avec quelque quatre-vingts hommes, et tomba nuitamment par surprise sur les habitants, qui étaient parfaitement ivres, et mit le feu à la salle. Mais ils sortirent, et se défendirent avec bravoure. Là tombèrent Bergliot, le fils d'Ivar, et Ogmund, son frère, et bien d'autres, au total, une trentaine d'entre eux. En hiver mourut, dans la ville marchande, Andres Simonson, le frère adoptif du roi Hakon, et son décès fut beaucoup pleuré. Erling Skakke et les hommes d'Inge, qui se trouvaient à Bergen, menacèrent de marcher contre Hakon et ses troupes durant l'hiver. Mais cela n'aboutit à rien. Gregorius envoya un mot depuis l'est, de Konungahella, disant que s'il était aussi proche qu'Erling et ses hommes, il ne resterait pas assis tranquillement tandis que Hakon tuait les amis du roi Inge et leurs camarades, à la guerre dans le nord du district de Throndhjem.

     

    Heimskringla, snorri sturluson, hakon herdebreid

     Encadrement : Bouloute créations

     

    Heimskringla, snorri sturluson, hakon herdebreid                                                                                                                   Heimskringla, snorri sturluson, hakon herdebreid


    Tags Tags : , , ,
  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :