• Heimskringla, snorri sturluson, hakon le bon

    20- Bataille à Ogvaldsnes

    Mais à peine le roi avait-il embarqué avec force troupes que la nouvelle lui parvint que dans le sud du pays, les fils d'Eirik étaient arrivés du Danemark à Viken et avaient éconduit le roi Trygve Olafson de ses navires à Sotanes, puis avaient pillé en long et en large la région de Viken, se soumettant nombre de territoires. Lorsque le roi Hakon entendit cela, il pensa avoir besoin d'aide et envoya un message au jarl Sigurd et aux autres chefs dont il pouvait attendre assistance, leur demandant de se hâter de lui envoyer leur appui. Le jarl Sigurd vint ainsi avec un grand corps d'armée, dans lequel se trouvaient tous ceux de Throndhjem qui avaient été les plus sévères avec le roi pour qu'il sacrifie aux dieux. Et tous firent la paix avec lui, grâce à la force de persuasion du jarl. Puis le roi Hakon fit voile vers le sud le long de la côte. Et lorsqu'il arriva dans le sud à hauteur de Stad, il entendit dire que les fils d'Eirik venaient par le nord d'Agder. Ils avancèrent les uns contre les autres et se rencontrèrent à Kormt. Les deux parties débarquèrent là, et s'affrontèrent à Ogvaldsnes. Les deux armées ennemies étaient nombreuses, et ce fut une grande bataille. Le roi Hakon attaqua bravement, et le roi Guthorm Eirikson lui fit face avec ses troupes, et ils échangèrent des coups l'un avec l'autre. Guthorm tomba et son étendard fut mis à bas. Nombre d'hommes moururent autour de lui. L'armée des fils d'Eirik prit la fuite vers ses navires, et rama au loin, avec de lourdes pertes.

    Ainsi en parla Guthorm Sindre :

    "La voix du roi éveilla l'armée silencieuse

    Dormant sur la côte sauvage de la mer,

    Et ordonna que fut entendue la chanson

    De la lance et l'épée au-dessus de la plaine.

    Là où les boucliers des héros résonnèrent,

    Là où retentissait plus fort le chant des lames,

    Au bord de l'océan sur le détroit de Kormt,

    Hakon a abattu sur la terre Guthorm."

    Alors le roi Hakon retourna à ses navires, et poursuivit les fils de Gunhild. Et les deux adversaires voguèrent aussi vite qu'ils le pouvaient, jusqu'à ce qu'ils parviennent à l'est d'Agder, à partir d'où les fils d'Eirik prirent la haute mer, et piquèrent vers le sud et le Jutland (en 950).

    Guthorm Sindre en parle dans sa chanson :

    "Les frères de Guthorm aussi, qui savent bien

    Comment avec habileté bander leur arc,

    Devaient sentir sur eux la poigne conquérante

    Du roi Hakon le bon, dieu de l'acier brillant,

    Le dieu soleil dont les brillants rayons, les flèches,

    Sont des épées de flamme qui percent le cœur.

    Je me rappelle bien comment le souverain

    Hakon, vie et vivacité de la bataille,

    Débarrassa la surface de l'océan

    Des vaillants fils d'Eirik. Ils n'osèrent rester

    Mais pendirent les targes autour de leurs navires

    Et prirent la fuite sur les champs bleus des mers."

    Le roi Hakon retourna ensuite vers le nord et la Norvège, mais les fils d'Eirik restèrent longtemps au Danemark.

     

    21- Les lois du roi Hakon

    Après cette bataille, le roi Hakon légiféra : toutes les terres habitées sur l'ensemble du pays, du long de la côte jusqu'à aussi loin que le saumon remonte les rivières, devraient disposer dans chaque district de ports fortifiés pour les navires, protégés par des digues, et le nombre de vaisseaux par district fut fixé par la loi. Elle détermina également quelle capacité devrait avoir chacun des navires, lorsque le peuple serait appelé à servir le pays. De cette manière, tous les habitants seraient concernés à chaque fois qu'une armée étrangère ferait une incursion dans le pays. En outre, l'ordre fut donné d'ériger des fanaux sur les collines, afin que chaque homme puisse voir de l'un à l'autre, et on dit que le signal de la guerre pouvait être donné en sept jours, du flambeau le plus au sud au siège du Thing le plus septentrional, dans le nord de l'Halogaland.

     

    22- Au sujet des fils d'Eirik.

    Les fils d'Eirik se livrèrent abondamment au pillage sur les côtes de la Baltique, et parfois, ainsi qu'il a été raconté ci-dessus, en Norvège. Mais tant que Hakon gouverna la Norvège, la paix régna le plus souvent, et les récoltes furent bonnes, et il fut le plus aimé des rois. Lorsqu'il eut régné environ vingt ans sur la Norvège (en 954), les fils d'Eirik vinrent du Danemark avec une armée puissante, dont la majeure partie était constituée de ceux qui les avaient suivis dans leurs expéditions. Mais une grande armée de Danois avait également été mise à leur disposition par le roi Harald Gormson. Ils voguèrent avec bon vent depuis Vendil, et vinrent à Agder, puis firent voile vers le nord, nuit et jour, en longeant la côte. Mais les fanaux ne furent pas allumés, car il était coutume de les éclairer en surveillant l'est, et que personne ne les avait observés sur la côte est. De plus, le roi Hakon avait pénalisé les fausses alertes de lourdes amendes, punissant l'allumage des balises sans raison valable. La raison en était que les navires de guerre des vikings avaient navigué autour des îles proches et les avaient pillées, et les gens du pays les avaient pris pour les fils d'Eirik et avaient donc éclairé les signaux. Quelquefois, sans doute, les fils d'Eirik étaient là, mais avec seulement leurs propres troupes, et aucune armée danoise avec eux, puis ils étaient retournés au Danemark. Parfois, il s'agissait d'autres vikings. Le roi Hakon en avait été fort fâché, car il en avait coûté beaucoup d'argent et de dérangement pour rien. Les boendr avaient également souffert de ces fausses alertes lorsqu'elles étaient déclenchées inutilement. Et il se trouva ainsi que la nouvelle de cette expédition des fils d'Eirik ne fut donnée que lorsqu'ils furent aussi loin au nord que Ulfasund, où ils restèrent sept jours.

     

    Heimskringla, snorri sturluson, hakon le bon

    Flotte de guerre. G. Munthe.

     

    Puis les espions partirent à travers l'Eid, et vers le nord en direction de More. Le roi Hakon était à ce moment-là dans l'île de Frede, dans le nord de More, où il avait une maison d'habitation dans un endroit nommé Birkistrand, et où il résidait sans troupes, avec seulement sa garde personnelle et sa cour, et les boendr du voisinage qu'il avait invités chez lui.

     

    23- D'Egil Ulserk

    Les espions vinrent auprès du roi Hakon, et lui rendirent compte que les fils d'Eirik, avec une grande armée, se tenait juste dans le sud de Stad. Alors il réunit autour de lui les hommes les plus intelligents, et leur demanda leur opinion : devait-il combattre contre les fils d'Eirik, sachant qu'ils disposaient d'une si grande multitude d'hommes d'armes, ou devait-il partir vers le nord lever une armée plus conséquente ? Il y avait là un bondi, nommé Egil Ulserk, qui était très âgé, mais avait autrefois été un homme plus fort et robuste que beaucoup, et un hardi guerrier aussi, ayant longtemps porté la bannière du roi Harald Haarfager. Egil répondit ainsi à la question du roi :

    " - J'ai participé à plusieurs combats avec ton père le roi Harald, et il livrait bataille parfois avec beaucoup d'hommes, parfois avec peu. Mais il s'en sortait toujours victorieux. Je ne l'ai jamais entendu demander conseil à ses amis, et leur poser la question de savoir s'il devait fuir, et il ne l'aurait jamais fait. Tu n'obtiendras aucun avis de notre part, roi, car nous savons que nous avons un chef courageux, mais tu auras avec nous une suite fidèle." Les autres, nombreux, acquiescèrent à ce discours, et le roi lui-même déclara qu'il était enclin à combattre avec les forces qu'il pourrait rassembler. Il en fut décidé ainsi. Le roi brisa une flèche de guerre, dont il envoya des morceaux dans toutes les directions, et par ce signal, un grand nombre d'hommes fut assemblé en toute hâte.

    Alors Egil Ulserk dit : 

    "- Comme la paix a duré tellement longtemps, j'avais peur d'avoir à mourir de vieillesse dans mon lit1, derrière des portes et sur un lit de paille, alors que je préférerai tomber dans la bataille en suivant mon chef. Et maintenant, les choses peuvent tourner dans le sens que je voulais pour ma fin."

     

    24- La bataille de Fredaberg

    Les fils d'Eirik firent voile vers le nord dans la région de Stad, dès que le vent fut favorable. Et lorsqu'ils l'eurent dépassé et eurent appris où se trouvait le roi Hakon, il naviguèrent dans sa direction.

    Le roi Hakon avait neuf navires, qu'il laissait au mouillage vers Fredaberg dans le détroit de Feey, et les fils d'Eirik disposaient de vingt vaisseaux, qu'ils amenaient vers le sud du même cap, dans le détroit. Le roi Hakon leur envoya un message, leur demandant d'aller à terre, et leur disant qu'il avait couvert de branches de noisetiers un lieu de combat à Rastakarff, où se trouvait un vaste champ plat au pied d'une crête allongée et peu élevée. Alors les fils d'Eirik quittèrent leurs navires, et allèrent vers le nord par le col des terres autour de Fredaberg, puis débouchèrent à Rastarkalf. Alors Egil demanda au roi de lui confier dix hommes et dix bannières, ce que le roi lui accorda. Alors Egil partit avec ses hommes derrière la crête, mais le roi Hakon fit sortir son armée tout de suite sur le champ, et leva sa bannière, et mit son armée en rang, disant : "- Etablissons une longue ligne, qu'ils ne puissent nous encercler, car ils sont plus nombreux que nous." Et ainsi fut fait, et ce fut une rude bataille et un assaut très violent. 

    Alors Egil éleva les dix bannières qu'il avait avec lui, et plaça les hommes qui les portaient de façon à ce qu'ils aillent le plus près possible du sommet de la crête, en laissant un espace entre eux. Ils vinrent si prêt du sommet que les barrières étaient visibles par-dessus la crête, et bougeaient comme si elles arrivaient à l'encontre de l'armée des fils d'Eirik. Lorsque les hommes qui se tenaient le plus haut dans les rangs des troupes des fils d'Eirik virent tant de bannières déployées avançant vers le bord de la crête, ils supposèrent qu'une grande force venait à leur suite, qui prendrait leur armée à revers et s'interposerait entre eux et leurs navires. Ils se hurlèrent l'information les uns aux autres, et le plus grand nombre prit la fuite, et lorsque les rois virent cela, ils s'enfuirent avec ce qui restait. Le roi Hakon exhorta vivement ses hommes à poursuivre les fugitifs, et ils en tuèrent beaucoup.

     

    25- Du roi Gamle

    Lorsque Gamle Eirikson arriva au sommet de la crête, il regarda aux alentours et se rendit compte qu'aucun homme n'arrivait autre que ceux contre lesquels ses guerriers avaient déjà été engagés, et qu'il ne s'agissait que d'une ruse de guerre. Alors il ordonna de souffler dans les cornes de guerre, de relever sa bannière, et il remit ses hommes en ordre de bataille. Alors tous ses hommes du nord restèrent, et y retournèrent avec lui, mais les danois s'enfuirent vers les navires. Et lorsque le roi Hakon et ses hommes arrivèrent, il y eut de nouveau un terrible assaut. Mais maintenant, Hakon avait plus de forces. A la fin, les hommes des fils d'Eirik s'enfuirent, et prirent la direction du sud par la route contournant les collines. Mais une partie de leur armée fit retraite vers le sud à travers les collines, suivie par le roi Hakon. Il y a un terrain plat à l'est de la crête qui s'étend vers l'ouest le long de la chaîne de collines, et qui est délimité sur son côté ouest par une corniche escarpée. Les hommes de Gamle se replièrent vers la terre, mais Hakon les suivait de si près qu'il put en tuer quelques-uns, et les autres partirent vers l'ouest en direction de la crête, et furent tués de ce côté-là. Le roi ne les lâcha pas jusqu'à ce que le dernier homme ne fut mort.

     

    26- La mort du roi Gamle et d'Ulserk.

    Gamle Eirikson s'enfuit de la crête vers la plaine, en direction du sud de la colline. Là, il se retourna de nouveau, et attendit que plus d'hommes le rejoignent. Tous ses frères, et nombre de leurs troupes, se rassemblèrent. Egil Ulserk était en tête, et en avance sur les hommes de Hakon, et porta une vigoureuse attaque. Lui et le roi Gamle se portèrent des coups, et le roi Gamle fut sérieusement blessé. Mais Egil tomba, et beaucoup d'hommes avec lui. Alors arriva le roi Hakon avec les hommes qui l'avaient suivi, et une nouvelle bataille s'engagea, tuant des guerriers de part et d'autre, abattant l'un sur la tête de l'autre.

    Ainsi chanta Guthorm Sindre :

    "Effrayé par le chant de l'épée acérée

    Brandie en l'air, l'ennemi cédait du terrain.

    Les plus hardis des guerriers ne purent tenir

    Devant la main conquérante du roi Hakon.

    Et jamais ne tombe la bannière du roi

    Où les forêts de lances volent en rangs serrés.

    Bien que le souverain ait gagné autrefois

    Suffisamment des larmes dorées de Freyja,

    Il ne s'épargnait guère lui-même, pas plus

    Que s'il n'avait pas eu de bourse bien garnie."

    Lorsque les fils d'Eirik virent tomber leurs hommes tout autour, ils tournèrent les talons et se sauvèrent vers leurs vaisseaux. Mais ceux qui y étaient déjà parvenus avaient poussés certains des navires à l'eau, alors que d'autres étaient encore hissés haut sur la grève. Alors les fils d'Eirik se jetèrent à la mer, et se mirent à nager. Gamle Eirikson se noya, mais les autres fils d'Eirik atteignirent leurs navires, et mirent les voiles avec ce qui leur restait d'hommes. Ils retournèrent vers le sud, au Danemark, où ils restèrent un certain temps, très mécontents de leur expédition.

     

    1  Mourir de maladie dans son lit était à cette époque considéré dans les sagas comme dépréciatif pour les personnalités de quelque notoriété.

     

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    27- Le lieu de sépulture d'Egil Ulserk.

    Le roi Hakon s'empara de tous les vaisseaux que les fils d'Eirik avaient abandonnés sur la grève, et les fit tirer assez haut, puis les fit amener sur la terre ferme. Ensuite il ordonna qu'Egil Ulserk et tous les hommes de l'armée qui étaient tombés fussent déposés à bord de ces navires, et complètement couverts de terre et de pierres. Le roi Hakon fit également amener nombre de bateaux sur le champ de bataille, et les tumulus au-dessus d'eux sont encore visibles aujourd'hui un peu au sud de Fredarberg. Au moment où mourut le roi Hakon, lorsque Glum Geirason, dans sa chanson, se vanta de la chute du roi Hakon, Eyvind Skaldaspiller composa ces vers sur cette bataille :

    "Notre indomptable roi, avec le sang de Gamle

    Abreuva encore et encore son épée :

    Il arrosa ainsi le bâillon de la bouche

    Du démon enchaîné, du loup monstre Fenrir1.

    Le cœur de nos guerriers se gonfla de fierté

    Lorsqu'il rejeta à la mer les fils d'Eirik,

    Et leur armée de Gauts. Mais au jour d'aujourd'hui,

    Nos guerriers se lamentent, Hakon est mis à bas."

     

    Une haute pierre levée marque l'emplacement de la tombe d'Egil Ulserk.

     

    28- Des nouvelles de la guerre parviennent au roi Hakon.

    Lorsque le roi Hakon, fils adoptif du roi Athelstan, eut été roi pendant vingt six ans après le départ de son frère Eirik du pays, il arriva qu'il se rendit à une fête (en 960) en Hordaland dans la maison de Fitjar sur l'île de Stord, et qu'il y eut avec lui à cette fête sa cour et nombre de paysans. Et juste au moment où il s'asseyait à la haute table, ses sentinelles, qui montaient la garde à l'extérieur, repérèrent de nombreux navires qui venaient à la voile depuis le sud, et n'étaient pas loin de l'île.

    A présent, se dirent-ils les uns aux autres, il fallait avertir le roi qu'une force armée venait les attaquer. Mais aucun ne jugea souhaitable d'être le porteur auprès du roi d'une telle alerte de guerre, car il punissait lourdement ceux qui donnaient l'alarme sans raison, bien qu'ils pensaient que le roi ne pouvait rester dans l'ignorance de ce qu'ils avaient vu. Alors l'un d'entre eux entra dans la pièce et demanda à Eyvind Finson de venir aussi vite que possible, car il y avait urgence. Eyvind sortit immédiatement et vint à l'endroit d'où il pouvait voir les navires, et il comprit tout de suite qu'une grande armée était en chemin. Il retourna en toute hâte dans la salle, et se mettant devant le roi, lui dit : "- Courte est l'heure pour l'action, et longue l'heure de la fête." Le roi posa les yeux sur lui, et demanda : "- Que se passe-t-il donc ?"

    Eyvind répondit :

    "Debout, roi ! Les vengeurs sont à portée de main !

    Les vaillants fils d'Eirik approchent de la terre !

    Ils ont un grand besoin du verdict de l'épée

    Contre leur ennemi. Je brave ta colère,

    Quoique je sache bien que ce n'est pas vétille

    D'apporter la nouvelle de la guerre au roi

    Ni de lui dire : pas de temps pour le repos,

    Debout ! Boucle ton armure sur ta poitrine :

    Ton honneur m'est plus cher que mon propre destin,

    Alors je déclare : debout pour le combat !"

     

    Alors le roi dit : "- Tu es un trop brave compagnon, Eyvind, pour m'apporter quelque fausse alerte de guerre."

    Les autres confirmèrent la véracité du rapport. Le roi ordonna qu'on enlève les tables, et sortit jeter un coup d'œil aux vaisseaux. Et lorsqu'il fut bien assuré qu'il s'agissait de navires de guerre, le roi demanda à ses hommes quelle résolution ils souhaitaient prendre : soit combattre avec les forces disponibles, soit embarquer sur les bateaux et faire voile vers le nord.

    "- Car il est évident, ajouta-t-il, que nous avons à présent à faire à une armée bien plus importante que toutes celles que nous avons combattues jusqu'à maintenant, bien que nous pensions la même chose la dernière fois que nous avons eu à combattre contre les fils de Gunhild."

    Nul ne sembla pressé de donner une réponse au roi, mais Eyvind finit par répondre à son discours.

    "Toi qui sur les champs de bataille a déversé

    Souvent des giboulées de puissants javelots !

    Il serait malséant pour nos braves guerriers

    De s'enfuir au-dessus des vagues océanes,

    De s'enfuir au-dessus des rouleaux bleus du Nord

    Alors que c'est du Sud que se profile Harald,

    Chevauchant fièrement bon nombre de navires

    Par-dessus la marée spumeuse de la mer,

    Et nombre de navires et de vikings du sud.

    Empoignons donc nos boucliers, courageux roi !"

     

    Le roi répondit : "- Ton conseil, Eyvind, est celui d'un homme, et selon mon cœur. Mais je veux entendre l'opinion des autres sur le sujet."

    Maintenant que les hommes du roi discernaient dans quel sens ce dernier inclinait, ils répondirent qu'ils préféraient tomber bravement et comme des hommes, plutôt que fuir devant les Danes, ajoutant qu'ils avaient souvent reporté la victoire contre l'avantage du nombre. Le roi les remercia pour leur résolution, et leur ordonna de s'armer. Et tous les hommes obéirent. Le roi revêtit son armure, et ceignit son épée Kvernbit, et plaça un heaume doré sur sa tête, prit une lance (Kesja) à la main et un bouclier à son côté. Il conduisit ainsi les hommes de sa cour et les boendr, et leva sa bannière.

     

    29- L'armement des fils d'Eirik.

    Après la mort du roi Gamle, le roi Harald, fils d'Eirik, devint le chef des frères, et il disposait d'une grande armée en Danemark. Cette armée comprenait aussi les frères de sa mère, Eyvind Skreyja et Alf Askman, tous les deux forts et capables, et grands tueurs d'hommes. Les fils d'Eirik amenèrent leurs navires au large de l'île, et on raconte que leurs forces étaient de six contre un, tant étaient supérieurs en nombre les fils d'Eirik.

     

    30- L'ordre de bataille du roi Hakon.

    Une fois que le roi Hakon eut placé ses hommes, on raconte de lui qu'il ôta son armure avant que la bataille ne commence.

    Ainsi chanta Eyvind Skaldaspiller, dans le Hakmarmal :

    "Ils trouvèrent courageux le frère de Blorn

    Debout comme autrefois dessous son oriflamme,

    Préparé au combat. L'ennemi avança.

    La ligne de front leva ses brillantes lances :

    Et alors commença la sanglante bataille !

    Alors débuta, sauvage, le jeu de Hild !

    Notre noble roi, dont le nom frappe de peur

    Au cœur chaque Danois, et dont la longue lance

    Maniée à une main a fait couler le sang

    De nombreux nobles du Danemark, se tenaient,

    Sous l'aile d'aigle de leurs heaumes rutilants,

    Parmi les combattants. Mais le courageux roi

    Enleva son armure, tandis que ses hommes

    Offraient leur poitrine dénudée à la pluie

    De lances et de flèches, sa cuirasse sonnait

    En repoussant les pierres. Et, volontaire et gai,

    En se ruant dans la plus épaisse mêlée,

    Hakon le preux prit part à la fête des morts."

    Le roi Hakon avait volontiers choisi pour sa garde ou sa cour des hommes qui s'étaient distingués par leur force et leur courage, ainsi que procédait son père le roi Harald. Et parmi eux se trouvaient Thorlaf Skolmson le Fort, qui se tenait aux côtés du roi. Il portait heaume et bouclier, épée et lance, Et son épée était nommée Footbreadth (large d'un pied). On a raconté que Thoralf et le roi étaient égaux en force. Thord Sjarekson en parle dans le poème qu'il composa sur Thoralf :

    "Les hommes du roi vinrent avec des mots joyeux

    Au choc brutal des boucliers et des épées

    Enflammées, lorsque les vagabonds de la mer

    Combattirent à Fitjar. Le robuste Thoralf,

    Vint auprès du héros des guerriers du nord,

    Répartissant au loin la flamme des batailles,

    Car dans la tempête de boucliers nul autre

    Que lui ne se risqua auprès du brave Hakon."

    Lorsque les deux lignes se rencontrèrent, ce fut un combat âpre, plein d'effusions de sang. Les combattants jetèrent leurs lances et tirèrent leurs épées. Alors le roi Hakon, et Thoralf avec lui, partirent en avant de la bannière, fauchant des deux côtés.

    Voici ce qu'en dit Eyvind Skaldaspiller.

    "Les manteaux d'acier nu, cottes tissées de fer,

    Coulaient comme de l'eau devant l'élan puissant

    De l'épée de Hakon, le champion-souverain.

    Autour du crâne de chaque homme du Gautland

    Se fendait le heaume, tel la glace sous le pas,

    Ouvert par la hache ou la lame d'épée,

    Et le roi courageux, premier dans la bataille

    Teinta de cramoisi le blanc immaculé

    De son targe argenté, du sang de l'ennemi.

    Montait de la bataille une clameur sauvage,

    Féroce et résonnant de rivage à rivage."

     

    1 Une épée tient ouverte la gueule de Fenrir, l'empêchant de mordre. Le bâillon de Fenrir est un kenning pour épée.

     

    Heimskringla, snorri sturluson, hakon le bon, fitjar

    La bataille de Fitjar. C. Krohg.

     

     Heimskringla, snorri sturluson, hakon le bon                                                                                                              Heimskringla, snorri sturluson, hakon den gode 


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    31- La mort de Skreyja et Askman.

    Le roi Hakon était très facile à repérer parmi les autres hommes, et d'autant plus quand le soleil faisait briller son casque, et de nombreuses armes furent donc dirigées vers lui. Puis Eyvind Finson prit un chapeau et le posa sur le casque du roi. Ensuite, il se mit à crier : "Le roi des hommes du Nord se cache, où a-t-il fui ? Où est le heaume d'or ?" Et Eyvind Skreyja et son frère Alf se mirent à pousser comme des idiots ou des déments. Le roi Hakon cria à Eyvind : "- Viens comme tu es en train de le faire, et tu pourras trouver le roi des hommes du nord ".

    Ainsi en parla Eyvind Skaldaspiller :

    "Lui qui lève la tempête des boucliers,

    Le conquérant victorieux des champs de bataille,

    Hakon le valeureux, ami du combattant,

    Dont la main libérale distribue de l'or,

    Entendit Skreyja le railler et se ruer

    Au plus épais de la poussée des fortes lances,

    Et tonna fortement pour lui donner réponse :

    " Si tu veux t'essayer à gagner la victoire,

    Bientôt tu trouveras le roi des Norvégiens !

    Pars maintenant, ami, si tu as un esprit !"

    Il se passa peu de temps avant qu'Eyvind ne parvienne à lever son épée et à infliger une blessure au roi. Mais Thoralf poussa si fort son bouclier contre Eyvind qu'il chancela sous le choc. Alors le roi prit son épée Kvernbit à deux mains, et fendit et le casque et la tête d'Eyvind, jusqu'aux épaules. Thoralf tua aussi Alf Askman.

    Ainsi chanta Eyvind Skaldaspiller :

    "C'est avec ses deux mains que le preux souverain

    Fit tourner son épée et c'est jusqu'au menton

    Qu'il traversa Eyvind : sa maille déloyale

    Ne put le protéger pas plus contre la lame,

    Que ne le peut le fin bardeau contre le choc

    Lorsque du navire le flanc heurte le roc.

    Par sa brillante épée au manche couvert d'or

    A travers casque et tête et cheveux fut scindé

    Le champion des Danois. Et de toutes leurs forces,

    Frappés par la terreur, ses hommes détalèrent."

     

    Après la mort des deux frères, le roi Hakon poussa un assaut si rude que tous les guerriers cédèrent la place devant lui. La peur gagna l'armée des fils d'Eirik, et les guerriers commencèrent à fuir. Et le roi Hakon, qui était à la tête de ses hommes, poursuivit les fuyards et frappa fort et souvent. Alors vola une flèche, du type nommé "flein", qui se planta dans le bras d'Hakon, dans les muscles sous l'épaule, et il fut rapporté par nombre de témoins que le serviteur de Gunhild en charge de ses chaussures et dont le nom était Kisping était sorti en courant de la mêlée des armes, criant : "- Faites place au tueur de roi ", et tira cette flèche sur le roi. D'autres pourtant dirent que nul ne savait qui avait atteint le roi, ce qui est le plus probable. Car des lances, des flèches et toutes sortes de missiles pleuvaient aussi dru qu'une averse de neige. Nombre des hommes des fils d'Eirik furent tués, que ce soit sur le champ de bataille, dans leur fuite vers les navires, ou sur la grève, et nombreux furent ceux qui se jetèrent eux-même à la mer. Nombreux aussi furent ceux, dont les fils d'Eirik, qui purent embarquer sur les vaisseaux, et qui ramèrent vers le large aussi vite qu'ils purent, poursuivis par les hommes d'Hakon.

    Ainsi en parla Thord Sjarekson:

    "Le loup, le meurtrier et le voleur

    Fuirent devant le souverain du peuple :

    Peu de briseurs de paix ont pu vieillir

    Face au si brave roi des Norvégiens.

    Quand le vaillant Hakon perdit la vie,

    Noir fut le jour et terrible la lutte.

    Ce fut le sombre échec des enfants de Gunhild,

    Conduisant leurs troupes de danois affamés

    Que de venir du sud et puis de devoir fuir

    Et de laisser mourir nombre de paysans

    Appuyant leurs têtes trop gravement blessées

    Sur les bancs de nage en guise de lit de plume.

    Thoralf fut le plus prompt à se mettre au côté

    Du courageux Hakon dans les flux et reflux

    Du combat. Sienne était la lame qui le mieux

    Sculpta la sanglante fête pour les corbeaux :

    Au milieu des monceaux des ennemis tués

    Il fut sur cette plaine appelé le plus brave."

     

    32- La mort d'Hakon

    Lorsque le roi Hakon sortit de son navire, sa plaie fut pansée. Mais le sang en jaillissait si fort et si constamment qu'il fut impossible de l'arrêter. Et lorsque le jour tira à sa fin, sa force commença à le quitter. Il dit à ses hommes qu'il voulait retourner dans le nord, dans sa maison de Alreksstader. Mais en allant vers le nord, en arrivant à hauteur des collines de Hakonarhella, ils atterrirent, car à ce moment, le roi était presque mort.

    Alors il appela ses amis autour de lui, et leur dit ce qu'il souhaitait que soit fait pour son royaume. Il n'avait qu'un enfant, une fille nommée Thora, et pas de fils. Alors il leur demanda d'envoyer un message aux fils d'Eirik, stipulant qu'ils pourraient être rois du pays, mais les enjoignant à traiter ses amis avec respect et honneur. " Et si le destin, ajouta-t-il, prolonge ma vie, je veux, à n'importe quel prix, quitter le pays et rejoindre une terre chrétienne, pour y faire pénitence pour tout ce que j'ai fait contre Dieu. Mais si je venais à mourir en terre païenne, faites-moi les funérailles que vous jugerez convenables. "

    Peu après, Hakon expira, sur la petite colline près du rivage à proximité duquel il était né. Si grand fut le chagrin qui suivit sa mort qu'il fut pleuré par ses amis et ses ennemis. Et ils déclarèrent que jamais par la suite la Norvège ne pourrait connaître semblable souverain. Ses amis ramenèrent son corps à Saeheim, dans le Nord de l'Hordaland, et édifièrent un tumulus dans lequel ils placèrent le roi revêtu de toute son armure et de ses plus beaux vêtements, mais sans autres biens. Ils firent son éloge sur sa tombe, à la manière des païens, et lui souhaitèrent de rejoindre la Valhöl.

    Eyvind Skaldaspiller composa un poème sur la mort du roi Hakon, et sur la manière dont il serait bien accueilli à la Valhöl.

    Ce poème se nomme le dit d'Hakon.

    "Une place vide dans la halle d'Odin

    Se réserve à un roi de la race d'Yngve.

    Et Odin déclara : "Allez, mes valkyries,

    Rendez-vous donc là-bas, mes anges de la mort,

    Gondul et puis Skogul, sur le champ de bataille

    Arrosé de la pluie sanglante du combat,

    Révéler à Hakon mourant, agonisant

    Qu'il pourra à présent résider à Valhöl."

     

    A Stord, antique rivage si solitaire,

    Retentirent les rugissements du combat.

    Les fulgurances étincelantes des épées

    Brûlèrent fièrement sur les rives de Stord.

    Des hautes hallebardes et des pointes de lances

    Dégoutta vermeil et vif le sang de la vie,

    Et le grésil mordant des flèches acérées

    Fouetta incessamment les rivages de Stord.

     

    Sur les nuées tonnantes des larges pavois

    Par la plaine éclata l'orage des épées.

    Sur les plaques de mailles crépita, sonore,

    En nuages serrés, la giboulée de flèches,

    Stridulante et rapide en nuées furieuses.

    Des torrents de lances balayèrent au loin

    De la clarté du jour les hommes courageux.

     

    Le bouclier battu, l'épée tachée de sang,

    Il reçut la blessure aux rivages de Stord,

    Et l'armure écrasée et fendue il s'assit,

    Un bien sombre et affreux spectacle à regarder.

    Et tout autour de lui, debout dans le chagrin,

    Se trouvaient les guerriers de sa troupe vaillante :

    Car le roi de l'antique famille de Dag

    Dans la halle d'Odin devait prendre sa place.

     

    Alors parla Gondul, se tenant à côté, 

    Se reposant sur sa longue lance de frêne,

    "- Hakon ! La cause des dieux se porte fort bien,

    Et tu dois demeurer dans les halles d'Odin !"

    Et le roi, à côté des rivages de Stord,

    Ecouta les paroles de la valkyrie,

    Qui était assise sur sa monture noire,

    Bouclier à son bras et casque sur la tête.

     

    Réfléchi, Hakon dit : "Dites-moi donc pourquoi

    Maîtresse des combats, la victoire est ainsi

    Distribuée sur les plaines rouges de Stord ?

    N'avons-nous pas mérité de la conquérir ? "

    Gondul lui répondit : "- N'entends-tu pas l'appel ?

    La plaine est dégagée, les ennemis s'enfuient

    Ce jour est le nôtre et la bataille est gagnée !"

     

    Alors Skogul parla : "Je me dois de hâter

    Mon cheval noir charbon vers la maison des dieux,

    Vers leur verte maison pour porter la nouvelle

    Que Hakon lui-même chevauche vers chez eux."

    Alors c'est à Hermod de même qu'à Bragi

    Qu'Odin dit : " -Le premier des hommes vient ici,

    Le courageux Hakon, le roi des Norvégiens,

    Allez lui apporter bienvenue de ma part.

     

    Juste venu du champ de bataille il arrive,

    Dégoulinant de sang, le roi des Norvégiens."

    "Il m'apparaît, dit-il, que l'intention d'Odin

    Est rude à mon égard et de mauvais augure ;

    Arracher aujourd'hui son fils de cette terre

    Et le déposséder aussi de sa victoire !"

    Mais Odin répondit : "- Que soit tienne la joie

    Que prodigue Valhöl, mon courageux enfant."

     

    Et Bragi ajouta : "- Ici huit de tes frères

    T'accueillent et t'encouragent à entrer dans Valhöl,

    Pour vider des hanaps ou te battre à nouveau

    Où Hakon a vaincu les jarls des fils d'Eirik."

    Lors dit le vaillant roi : "Puisse mon matériel,

    Heaume, cotte de maille, épée, hachette et lance,

    Etre à portée de main ! Il est bon de garder

    Avec soi les amis fidèles d'autrefois."

     

    Il a été bien vu qu'Hakon a réussi

    A sauver les temples de tous les embarras.

    Alors tout le conseil des Ases et des dieux

    Accueillit volontiers le roi en sa demeure.

    Bienheureux sont les jours où des hommes sont nés

    Qui comme Hakon méprisent les choses vulgaires,

    Gagnent comme des braves un nom si honoré

    Et meurent au milieu d'une gloire infinie.

     

    Bientôt Fenrir le loup dévorera les hommes

    Dans l'ensemble du monde et de rive à rivage,

    Sera comme un joyau pour le bandeau royal

    De l'audacieux Hakon qui veut la renommée.

    Vie, terres, amis, richesses, tout sera perdu,

    Et nous soupirerons réduits en esclavage.

    Mais le roi Hakon dans la demeure bénie

    Vivra à jamais parmi les dieux lumineux."

     

    Heimskringla, snorri sturluson, hakon den gode

    La tombe de Hakon. G. Munthe.
    (il s'agit en réalité de mégalithes préhistoriques)

     

     Heimskringla, snorri sturluson, hakon den gode                                                                                                                  Heimskringla, snorri sturluson, hakon den gode 


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  • Heimskringla, snorri sturluson, eiriksonnenes saga

    Heimskringla : l'Orbe du Monde 

    Heimskringla, snorri sturluson, eiriksonnenes saga

      

    Heimskringla, snorri sturluson, eiriksonnenes saga, harald grafeld

    Ou saga des fils d'Eirik.

     

    1- Le gouvernement des fils d'Eirik

    Lorsque le roi Hakon fut tué, les fils d'Eirik accédèrent à la souveraineté sur le royaume de Norvège. Harald qui était le plus âgé des fils restant en vie, fut placé au-dessus d'eux par le rang. Leur mère, Gunhild, qui fut nommée la mère des rois, se mêla beaucoup des affaires du pays. Il y avait nombre de chefs sur les domaines à cette époque : Trygve Olafson dans l'est, Gudrod Bjornson en Vestfold, Sigurd jarl de Hlader sur les terres de Throndhjem. Mais les fils de Gunhidd tinrent le milieu du pays dès le premier hiver. Des messages et des ambassadeurs furent échangés entre les fils de Gunhild et Trygve et Gudrod, et il fut établi par contrat qu'ils obtiendraient des fils de Gunhild les mêmes domaines qu'ils avaient auparavant gouvernés sous le règne du roi Hakon. Un homme nommé Glum Geirason, qui était le scalde du roi Harald, et un homme très courageux, écrivit cette chanson sur la mort du roi Hakon :

    "Harald a obtenu vengeance pour Gamle !

    Fameux est ton exploit, à toi vaillant champion !

    La rumeur de ton acte est parvenue à moi

    Au-delà de la mer dans les pays lointains,

    J'ai su comment Harald a donné aux corbeaux

    D'Odin pour leur repas le sang du roi Hakon."

     

    Heimskringla, snorri sturluson, eiriksonnenes saga

     

    Cette chanson fut très appréciée. Lorsque Eyvind Finson l'entendit, il composa celle qui a été citée plus haut, à savoir :

    "Notre indomptable roi, avec le sang de Gamle

    Abreuva encore et encore son épée... "

    Cette chanson aussi eut fut très prisée, et fut largement répandue à l'étranger. Et lorsque le roi Harald vint à l'entendre, il porta une accusation contre Eyvind, mettant sa vie en jeu, mais ses amis mirent fin à la querelle, à la condition qu'Eyvind fut à l'avenir le scalde d'Harald comme il avait été auparavant celui de Hakon. Il y avait aussi quelque parenté entre eux, parce que Gunhild, la mère d'Eyvind, était une fille du jarl Halfdan, et que sa mère était Ingibjorg, la fille d'Harald Harfager. Après cela, Eyvind fit une chanson sur le roi Harald :

    "Gardien de la Norvège, nous savons fort bien

    Que ton cœur ne trembla pas lorsque depuis l'arc

    La grêle des flèches perforantes sonna

    Sur les boucliers et cuirasses et que le bruit

    Des épées retentit dans l'épaisse mêlée

    Du combat, pareil à la glace qui éclate.

    Parce qu'Harald, le loup sauvage des forêts,

    Doit avoir son content de sang de l'ennemi."

     

    Heimskringla, snorri sturluson, eiriksonnenes saga

     

    Les fils de Gunhild résidaient principalement dans la partie centrale du pays, car ils ne pensaient pas qu'ils seraient en sécurité parmi les gens de Throndhjem ni de Viken, où vivaient les meilleurs amis du roi Hakon. Dans ces deux endroits se trouvaient également nombre d'hommes puissants. Des accords furent ensuite passés entre les fils de Gunhild et le jarl Sigurd, stipulant qu'ils ne recevraient aucune taxe de la contrée de Throndhjem, agrément confirmé par les deux parties et par serment.

    Le jarl Sigurd eut donc le même pouvoir sur le district de Throndhjem que par le passé, à l'époque du roi Hakon, et tous se considérèrent ainsi en paix. Tous les fils de Gunhild avaient la réputation d'être avares, et on raconta qu'ils avaient caché leur argent dans le sol. Eyvind Skaldaspiller écrivit une chanson à ce sujet :

    " Maître-mât de la bataille ! Harald le vaillant !

    Dans les jours d'Hakon, le scalde portait de l'or

    Au siège du faucon. Il portait la semence

    Que sema Hrolf Kraki, le jaune minerai

    Ensemencé par lui alors qu'il s'enfuyait

    Afin de ralentir le rancunier Adils,

    Et la moisson de l'or crût à travers la plaine.

    Mais en vain si enjouées les filles de Frodi

    Moulurent le repas de l'or, tandis que ceux

    Qui règnent en ennemis au royaume de Norvège,

    L'ont cachée dans le sein maternel de la terre,

    La richesse qu'Hakon, d'une main généreuse,

    Distribuait partout largement : le soleil

    Flamboyait dans les jours de ce grand souverain,

    Brillait au bandeau d'or sur le front de Fulla,

    Sur les anneaux d'or aux mains qui bandaient les arcs,

    Et aux mains des scaldes. Mais les rais lumineux

    De l'or étincelant, rutilant tel l'écume

    Des flots ensoleillés, nul ne les chante plus.

    Enterrés sont les chaînes d'or et les anneaux."

    Et lorsque le roi Harald entendit cette chanson, il envoya un message à Eyvind pour qu'il vienne le rejoindre, et lorsqu'Eyvind vint, il l'accusa de lui être infidèle. "Et ce sera mauvais pour toi, dit le roi, d'être mon ennemi, puisque tu es entré à mon service."

    Eyvind écrivit alors ces vers :

    "Je n'ai eu qu'un seigneur avant toi, roi Harald,

    Un seigneur bien-aimé ! Maintenant je suis vieux,

    Et ne désire pas en changer à nouveau,

    Car à ce bon seigneur, à travers lutte et peine,

    Je suis resté loyal. Fidèle au roi Hakon,

    A mon bon souverain, et à lui seulement.

    Maintenant je suis vieux, j'ai mûri vainement,

    Mes mains se sont vidées, la richesse est enfuie.

    Je suis comme un sapin qui prend trop peu d'espace

    Pour dans ta halle et dans ta cour prendre une place."

    Mais le roi Harald obligea Eyvind à se soumettre à sa clémence. Eyvind possédait un gros anneau d'or, nommé Molde, qui avait été déterré du sol depuis longtemps. Le roi déclara qu'il prendrait cet anneau pour dédommagement de l'offense subie. Et il n'y avait aucun moyen d'y échapper.

    Alors Eyvind chanta :

    "Je m'en vais à travers l'océan écumeux

    Patiner vivement vers ma maison d'Islande

    Sur les patins de l'océan, vite emmené

    Par les vents levés par la sorcière du feu.

    Parce que de la main qui porte le faucon,

    Harald a arraché le reptile doré 

    Que mon père portait. Il a pu sans la loi

    S'emparer de ce qui est à moi par le droit."

    Eyvind retourna chez lui, et on ne dit pas qu'il revint jamais auprès du roi.

     

    2- La chrétienté des fils de Gunhild. 

    Les fils de Gunhild s'étaient convertis au christianisme en Angleterre, ainsi qu'il est raconté précédemment. Mais lorsqu'ils accédèrent à la souveraineté sur la Norvège, ils ne firent aucun effort pour répandre le christianisme. Ils mirent simplement à bas les temples des idoles, et interdirent les sacrifices où ils en avaient le pouvoir, et s'attirèrent une grande animosité en agissant ainsi. Les bonnes récoltes du pays furent bientôt gaspillées à leur époque, car il y avait de nombreux rois, et que chacun entretenait sa cour. Ils avaient donc beaucoup de frais, et étaient très voraces. De plus, ils n'observèrent que les lois du roi Hakon qui leur convenaient.

    Ils étaient tous, cependant, remarquablement séduisants, robustes, forts, et experts dans tous les exercices. Ainsi en parla Glum Geirason, dans les vers qu'il composa au sujet d'Harald, fils de Gunhild :

    "La terreur des ennemis, le vaillant Harald,

    S'était acquis suffisamment d'or flavescent.

    Il avait assez de dents du cheval d'Heimdall1

    Et pratiquait au moins une douzaine d'arts."

    Les frères partaient quelquefois en expédition ensemble, et parfois chacun pour son propre compte. Ils étaient féroces, mais courageux et énergiques, et de grands guerriers, bénéficiant d'une grande réussite.

     

    3- Conseils entre Gunhild et ses fils 

    Gunhild mère des rois, et ses fils, se rencontraient souvent, et discutaient ensemble du gouvernement du pays. Un jour, Gunhild demanda à ses fils ce qu'ils comptaient faire de leur royaume de Throndhjem.

    "- Vous avez le titre de roi, comme vos aïeux avant vous. Mais vous possédez peu de terres ou de gens, et il y en a beaucoup à partager. Dans l'est, à Viken, il y a Gudrod et Trygve. Et ils ont quelques droits, par leur parentèle, à leur souveraineté. Il y a aussi le jarl Sigurd qui dirige tout le pays de Throndhjem. Et je ne vois aucune raison de laisser un si grand royaume gouverné par un jarl, et non par vous. Il m'apparaît extraordinaire que vous partiez tous les étés en expéditions vikings dans d'autres royaumes, et autorisiez un jarl dans ce pays à vous prendre votre héritage paternel. Votre grand-père, dont tu portes le nom, Harald, pensait que c'était bien peu de choses que de prendre la vie d'un jarl et sa terre, lorsqu'il se soumit toute la Norvège, et la conserva jusqu'à un âge avancé."

    Harald répondit :

    "- Ce n'est pas si simple, Mère, de tuer le jarl Sigurd que d'abattre un enfant ou un veau. Le jarl Sigurd est de haute naissance, dispose de puissantes relations, est populaire, et prudent. Et je pense que si le peuple de Throndhjem suspectait une inimitié entre nous, il prendrait tout entier son parti, et nous ne pouvons en attendre que du mal. Je ne pense pas qu'il serait bon que l'un d'entre nous, frères, tombe entre les mains du peuple de Throndhjem."

    Alors Gunhild dit :

    "- Nous devons alors œuvrer par une autre voie, et ne pas nous mettre nous-mêmes en avant. Harald et Erling devraient se rendre pour les moissons dans le nord de More, et je vous y rencontrerai, et nous nous réunirons à nouveau en conseil pour déterminer ce qui doit être fait. "

    Et ainsi fut fait.

     

    1 Le cheval d'Heimdall, Gulltop, était doré et avait des dents en or.

    Illustrations de Gerhard Munthe.

     

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