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Heimskringkla : Saga d'Hakon den Gode IV
20- Bataille à Ogvaldsnes
Mais à peine le roi avait-il embarqué avec force troupes que la nouvelle lui parvint que dans le sud du pays, les fils d'Eirik étaient arrivés du Danemark à Viken et avaient éconduit le roi Trygve Olafson de ses navires à Sotanes, puis avaient pillé en long et en large la région de Viken, se soumettant nombre de territoires. Lorsque le roi Hakon entendit cela, il pensa avoir besoin d'aide et envoya un message au jarl Sigurd et aux autres chefs dont il pouvait attendre assistance, leur demandant de se hâter de lui envoyer leur appui. Le jarl Sigurd vint ainsi avec un grand corps d'armée, dans lequel se trouvaient tous ceux de Throndhjem qui avaient été les plus sévères avec le roi pour qu'il sacrifie aux dieux. Et tous firent la paix avec lui, grâce à la force de persuasion du jarl. Puis le roi Hakon fit voile vers le sud le long de la côte. Et lorsqu'il arriva dans le sud à hauteur de Stad, il entendit dire que les fils d'Eirik venaient par le nord d'Agder. Ils avancèrent les uns contre les autres et se rencontrèrent à Kormt. Les deux parties débarquèrent là, et s'affrontèrent à Ogvaldsnes. Les deux armées ennemies étaient nombreuses, et ce fut une grande bataille. Le roi Hakon attaqua bravement, et le roi Guthorm Eirikson lui fit face avec ses troupes, et ils échangèrent des coups l'un avec l'autre. Guthorm tomba et son étendard fut mis à bas. Nombre d'hommes moururent autour de lui. L'armée des fils d'Eirik prit la fuite vers ses navires, et rama au loin, avec de lourdes pertes.
Ainsi en parla Guthorm Sindre :
"La voix du roi éveilla l'armée silencieuse
Dormant sur la côte sauvage de la mer,
Et ordonna que fut entendue la chanson
De la lance et l'épée au-dessus de la plaine.
Là où les boucliers des héros résonnèrent,
Là où retentissait plus fort le chant des lames,
Au bord de l'océan sur le détroit de Kormt,
Hakon a abattu sur la terre Guthorm."
Alors le roi Hakon retourna à ses navires, et poursuivit les fils de Gunhild. Et les deux adversaires voguèrent aussi vite qu'ils le pouvaient, jusqu'à ce qu'ils parviennent à l'est d'Agder, à partir d'où les fils d'Eirik prirent la haute mer, et piquèrent vers le sud et le Jutland (en 950).
Guthorm Sindre en parle dans sa chanson :
"Les frères de Guthorm aussi, qui savent bien
Comment avec habileté bander leur arc,
Devaient sentir sur eux la poigne conquérante
Du roi Hakon le bon, dieu de l'acier brillant,
Le dieu soleil dont les brillants rayons, les flèches,
Sont des épées de flamme qui percent le cœur.
Je me rappelle bien comment le souverain
Hakon, vie et vivacité de la bataille,
Débarrassa la surface de l'océan
Des vaillants fils d'Eirik. Ils n'osèrent rester
Mais pendirent les targes autour de leurs navires
Et prirent la fuite sur les champs bleus des mers."
Le roi Hakon retourna ensuite vers le nord et la Norvège, mais les fils d'Eirik restèrent longtemps au Danemark.
21- Les lois du roi Hakon
Après cette bataille, le roi Hakon légiféra : toutes les terres habitées sur l'ensemble du pays, du long de la côte jusqu'à aussi loin que le saumon remonte les rivières, devraient disposer dans chaque district de ports fortifiés pour les navires, protégés par des digues, et le nombre de vaisseaux par district fut fixé par la loi. Elle détermina également quelle capacité devrait avoir chacun des navires, lorsque le peuple serait appelé à servir le pays. De cette manière, tous les habitants seraient concernés à chaque fois qu'une armée étrangère ferait une incursion dans le pays. En outre, l'ordre fut donné d'ériger des fanaux sur les collines, afin que chaque homme puisse voir de l'un à l'autre, et on dit que le signal de la guerre pouvait être donné en sept jours, du flambeau le plus au sud au siège du Thing le plus septentrional, dans le nord de l'Halogaland.
22- Au sujet des fils d'Eirik.
Les fils d'Eirik se livrèrent abondamment au pillage sur les côtes de la Baltique, et parfois, ainsi qu'il a été raconté ci-dessus, en Norvège. Mais tant que Hakon gouverna la Norvège, la paix régna le plus souvent, et les récoltes furent bonnes, et il fut le plus aimé des rois. Lorsqu'il eut régné environ vingt ans sur la Norvège (en 954), les fils d'Eirik vinrent du Danemark avec une armée puissante, dont la majeure partie était constituée de ceux qui les avaient suivis dans leurs expéditions. Mais une grande armée de Danois avait également été mise à leur disposition par le roi Harald Gormson. Ils voguèrent avec bon vent depuis Vendil, et vinrent à Agder, puis firent voile vers le nord, nuit et jour, en longeant la côte. Mais les fanaux ne furent pas allumés, car il était coutume de les éclairer en surveillant l'est, et que personne ne les avait observés sur la côte est. De plus, le roi Hakon avait pénalisé les fausses alertes de lourdes amendes, punissant l'allumage des balises sans raison valable. La raison en était que les navires de guerre des vikings avaient navigué autour des îles proches et les avaient pillées, et les gens du pays les avaient pris pour les fils d'Eirik et avaient donc éclairé les signaux. Quelquefois, sans doute, les fils d'Eirik étaient là, mais avec seulement leurs propres troupes, et aucune armée danoise avec eux, puis ils étaient retournés au Danemark. Parfois, il s'agissait d'autres vikings. Le roi Hakon en avait été fort fâché, car il en avait coûté beaucoup d'argent et de dérangement pour rien. Les boendr avaient également souffert de ces fausses alertes lorsqu'elles étaient déclenchées inutilement. Et il se trouva ainsi que la nouvelle de cette expédition des fils d'Eirik ne fut donnée que lorsqu'ils furent aussi loin au nord que Ulfasund, où ils restèrent sept jours.
Flotte de guerre. G. Munthe.
Puis les espions partirent à travers l'Eid, et vers le nord en direction de More. Le roi Hakon était à ce moment-là dans l'île de Frede, dans le nord de More, où il avait une maison d'habitation dans un endroit nommé Birkistrand, et où il résidait sans troupes, avec seulement sa garde personnelle et sa cour, et les boendr du voisinage qu'il avait invités chez lui.
23- D'Egil Ulserk
Les espions vinrent auprès du roi Hakon, et lui rendirent compte que les fils d'Eirik, avec une grande armée, se tenait juste dans le sud de Stad. Alors il réunit autour de lui les hommes les plus intelligents, et leur demanda leur opinion : devait-il combattre contre les fils d'Eirik, sachant qu'ils disposaient d'une si grande multitude d'hommes d'armes, ou devait-il partir vers le nord lever une armée plus conséquente ? Il y avait là un bondi, nommé Egil Ulserk, qui était très âgé, mais avait autrefois été un homme plus fort et robuste que beaucoup, et un hardi guerrier aussi, ayant longtemps porté la bannière du roi Harald Haarfager. Egil répondit ainsi à la question du roi :
" - J'ai participé à plusieurs combats avec ton père le roi Harald, et il livrait bataille parfois avec beaucoup d'hommes, parfois avec peu. Mais il s'en sortait toujours victorieux. Je ne l'ai jamais entendu demander conseil à ses amis, et leur poser la question de savoir s'il devait fuir, et il ne l'aurait jamais fait. Tu n'obtiendras aucun avis de notre part, roi, car nous savons que nous avons un chef courageux, mais tu auras avec nous une suite fidèle." Les autres, nombreux, acquiescèrent à ce discours, et le roi lui-même déclara qu'il était enclin à combattre avec les forces qu'il pourrait rassembler. Il en fut décidé ainsi. Le roi brisa une flèche de guerre, dont il envoya des morceaux dans toutes les directions, et par ce signal, un grand nombre d'hommes fut assemblé en toute hâte.
Alors Egil Ulserk dit :
"- Comme la paix a duré tellement longtemps, j'avais peur d'avoir à mourir de vieillesse dans mon lit1, derrière des portes et sur un lit de paille, alors que je préférerai tomber dans la bataille en suivant mon chef. Et maintenant, les choses peuvent tourner dans le sens que je voulais pour ma fin."
24- La bataille de Fredaberg
Les fils d'Eirik firent voile vers le nord dans la région de Stad, dès que le vent fut favorable. Et lorsqu'ils l'eurent dépassé et eurent appris où se trouvait le roi Hakon, il naviguèrent dans sa direction.
Le roi Hakon avait neuf navires, qu'il laissait au mouillage vers Fredaberg dans le détroit de Feey, et les fils d'Eirik disposaient de vingt vaisseaux, qu'ils amenaient vers le sud du même cap, dans le détroit. Le roi Hakon leur envoya un message, leur demandant d'aller à terre, et leur disant qu'il avait couvert de branches de noisetiers un lieu de combat à Rastakarff, où se trouvait un vaste champ plat au pied d'une crête allongée et peu élevée. Alors les fils d'Eirik quittèrent leurs navires, et allèrent vers le nord par le col des terres autour de Fredaberg, puis débouchèrent à Rastarkalf. Alors Egil demanda au roi de lui confier dix hommes et dix bannières, ce que le roi lui accorda. Alors Egil partit avec ses hommes derrière la crête, mais le roi Hakon fit sortir son armée tout de suite sur le champ, et leva sa bannière, et mit son armée en rang, disant : "- Etablissons une longue ligne, qu'ils ne puissent nous encercler, car ils sont plus nombreux que nous." Et ainsi fut fait, et ce fut une rude bataille et un assaut très violent.
Alors Egil éleva les dix bannières qu'il avait avec lui, et plaça les hommes qui les portaient de façon à ce qu'ils aillent le plus près possible du sommet de la crête, en laissant un espace entre eux. Ils vinrent si prêt du sommet que les barrières étaient visibles par-dessus la crête, et bougeaient comme si elles arrivaient à l'encontre de l'armée des fils d'Eirik. Lorsque les hommes qui se tenaient le plus haut dans les rangs des troupes des fils d'Eirik virent tant de bannières déployées avançant vers le bord de la crête, ils supposèrent qu'une grande force venait à leur suite, qui prendrait leur armée à revers et s'interposerait entre eux et leurs navires. Ils se hurlèrent l'information les uns aux autres, et le plus grand nombre prit la fuite, et lorsque les rois virent cela, ils s'enfuirent avec ce qui restait. Le roi Hakon exhorta vivement ses hommes à poursuivre les fugitifs, et ils en tuèrent beaucoup.
25- Du roi Gamle
Lorsque Gamle Eirikson arriva au sommet de la crête, il regarda aux alentours et se rendit compte qu'aucun homme n'arrivait autre que ceux contre lesquels ses guerriers avaient déjà été engagés, et qu'il ne s'agissait que d'une ruse de guerre. Alors il ordonna de souffler dans les cornes de guerre, de relever sa bannière, et il remit ses hommes en ordre de bataille. Alors tous ses hommes du nord restèrent, et y retournèrent avec lui, mais les danois s'enfuirent vers les navires. Et lorsque le roi Hakon et ses hommes arrivèrent, il y eut de nouveau un terrible assaut. Mais maintenant, Hakon avait plus de forces. A la fin, les hommes des fils d'Eirik s'enfuirent, et prirent la direction du sud par la route contournant les collines. Mais une partie de leur armée fit retraite vers le sud à travers les collines, suivie par le roi Hakon. Il y a un terrain plat à l'est de la crête qui s'étend vers l'ouest le long de la chaîne de collines, et qui est délimité sur son côté ouest par une corniche escarpée. Les hommes de Gamle se replièrent vers la terre, mais Hakon les suivait de si près qu'il put en tuer quelques-uns, et les autres partirent vers l'ouest en direction de la crête, et furent tués de ce côté-là. Le roi ne les lâcha pas jusqu'à ce que le dernier homme ne fut mort.
26- La mort du roi Gamle et d'Ulserk.
Gamle Eirikson s'enfuit de la crête vers la plaine, en direction du sud de la colline. Là, il se retourna de nouveau, et attendit que plus d'hommes le rejoignent. Tous ses frères, et nombre de leurs troupes, se rassemblèrent. Egil Ulserk était en tête, et en avance sur les hommes de Hakon, et porta une vigoureuse attaque. Lui et le roi Gamle se portèrent des coups, et le roi Gamle fut sérieusement blessé. Mais Egil tomba, et beaucoup d'hommes avec lui. Alors arriva le roi Hakon avec les hommes qui l'avaient suivi, et une nouvelle bataille s'engagea, tuant des guerriers de part et d'autre, abattant l'un sur la tête de l'autre.
Ainsi chanta Guthorm Sindre :
"Effrayé par le chant de l'épée acérée
Brandie en l'air, l'ennemi cédait du terrain.
Les plus hardis des guerriers ne purent tenir
Devant la main conquérante du roi Hakon.
Et jamais ne tombe la bannière du roi
Où les forêts de lances volent en rangs serrés.
Bien que le souverain ait gagné autrefois
Suffisamment des larmes dorées de Freyja,
Il ne s'épargnait guère lui-même, pas plus
Que s'il n'avait pas eu de bourse bien garnie."
Lorsque les fils d'Eirik virent tomber leurs hommes tout autour, ils tournèrent les talons et se sauvèrent vers leurs vaisseaux. Mais ceux qui y étaient déjà parvenus avaient poussés certains des navires à l'eau, alors que d'autres étaient encore hissés haut sur la grève. Alors les fils d'Eirik se jetèrent à la mer, et se mirent à nager. Gamle Eirikson se noya, mais les autres fils d'Eirik atteignirent leurs navires, et mirent les voiles avec ce qui leur restait d'hommes. Ils retournèrent vers le sud, au Danemark, où ils restèrent un certain temps, très mécontents de leur expédition.
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