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Guthrunarkvitha I
Miseria, Sturm und Drang.
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Le Premier Lai de Gudrun
Gudrun se jette sur Sigurd avec le soutien de Gollrond (strophe 14-15). J.H. Füssli
Gudrun s'assit auprès du défunt Sigurd ; elle ne pleura pas comme les autres femmes, mais son cœur était bien près d'éclater de douleur. Des hommes et des femmes vinrent à elle pour essayer de la consoler, mais la tâche était trop difficile. Il se racontait que Gudrun avait mangé du cœur de Fafnir, et qu'elle comprenait le langage des oiseaux. Ceci est un poème au sujet de Gudrun.
1- Alors Gudrun pensait à mourir
Lorsqu'assise, elle s'affligeait sur Sigurd.
Elle ne versa pas de larmes, ni ne se tordit les mains,
Et ne gémit pas comme font les autres femmes.
2- A elle vinrent de sages guerriers,
Essayant d'alléger le poids de son malheur;
Gudrun ne parvenait pas à pleurer son deuil,
Son cœur trop triste allait, semblait-il, se briser.
3- A elle vinrent les épouses des guerriers,
Parées d'or, et qui lui parlèrent ;
Chacune alors, exposa son propre chagrin,
La pire peine qu'elle ait portée.
4- Alors parla Gjalaug, sœur de Gjuki :
"Je suis sur terre la personne la plus dépourvue de joie;
Cinq époux me furent ravis,
(Deux filles aussi, et trois sœurs),
Et huit frères, et pourtant, je vis."
5- Gudrun ne parvenait pas à pleurer son deuil,
Tant elle avait de peine pour son défunt époux,
Si lugubre était son cœur près du corps du héros.
6- Alors parla Herborg, reine des Huns:
"J'ai à vous parler d'une fatalité plus grande encore;
Dans les pays du Sud, mes sept fils
Et mon mari tombèrent tous les huit au combat.
(Père et Mère et quatre frères
Furent un jour frappés par le vent au milieu des vagues,
Et les flots ont écrasé les flancs du navire).
7- J'ai de mes propres mains préparé leurs corps
Pour le tombeau, et j'ai enterré les morts ;
Une seule demi-année m'a donné tout ceci à supporter,
Et personne n'est venu me consoler.
8- Puis j'ai été capturée et prisonnière de guerre,
Une autre disgrâce durant la même demi-année;
Ils m'ont ordonné de lustrer et de lier les chaussures
De l'épouse du monarque chaque matin.
9- Enragée de jalousie, elle criait sa fureur,
Et me battait souvent à grands coups ;
Jamais je ne connus meilleur seigneur,
Et jamais ne rencontrais de pire femme."
10- Gudrun ne parvenait pas à pleurer son deuil,
Tant elle avait de peine pour son défunt époux,
Si lugubre était son cœur près du corps du héros.
11- Ensuite parla Gollrond, fille de Gjuki :
"Ta sagesse ne trouve pas, ma mère adoptive,
La manière de consoler une épouse si jeune".
Elle ordonna que l'on découvre le corps du guerrier.
12- Elle souleva le linceul de Sigurd, posant
Sa tête bien-aimée sur les genoux de son épouse :
"Regarde celui que tu aimes, et pose tes lèvres
Sur lui comme s'il vivait encore."
13- Une fois seule, Gudrun regarda :
Les cheveux tout collés par des caillots de sang,
Les yeux aveugles qui autrefois brillaient,
La poitrine du héros que la lame avait percée.
14- Alors Gudrun s'inclina vers son oreiller,
Ses cheveux étaient détachés, ses joues étaient chaudes,
Et les larmes comme des gouttes de pluie s'écoulèrent.
15- Alors Gudrun fille de Gjuki, pleura,
Et à travers ses mèches coulèrent ses larmes;
Et de la cour répondit le cri des oies,
Les si beaux oiseaux de l'épouse du héros.
16- Alors parla Gollrond, la fille de Gjuki :
"Je n'ai jamais connu d'amour si grand
Que le tien parmi tous les hommes sur terre ;
Tu ne seras heureuse nulle part, à la maison ou à l'étranger,
Ma sœur, si Sigurd est absent."
17- Gudrun parla:
"Ainsi était mon Sigurd, supérieur aux fils de Gjuki
Comme le poireau se dresse au-dessus de l'herbe
Comme brille le joyau sur la couronne,
La pierre précieuse que portent les princes.
18- Pour le dirigeant des hommes, je paraissais plus noble,
Et plus grande que toutes les filles de Herjan1
Et je suis si peu maintenant, comme une feuille
Qui pend au saule ; mon héros est mort.
19- Dans son siège, dans son lit, je ne vois plus
Le véritable ami de mon cœur ; C'est leur faute
Celle des fils de Gjuki, tout ce cruel chagrin,
Pour lequel leur sœur pleure.
20- Ainsi votre terre perdra son peuple,
Comme vous avez tenu vos promesses d'autrefois ;
Gunnar, l'or ne te donnera aucune joie
(Les anneaux seront bientôt tes meurtriers)
Toi qui partagea des serments avec Sigurd.
21- La cour a connu la plus grande des joies
Le jour où mon Sigurd a sellé Grani
Pour conquérir la main de Brunehilde,
Cette mauvaise femme, en une heure funeste."
22- Brunehilde parla ensuite, la fille de Buthli :
"Que la sorcière perde maintenant mari et enfants,
Qui a enfin, Gudrun, délié tes larmes,
Et par sa magie aujourd'hui t'a amenée à parler."
23- Alors parla Gollrond, fille de Gjuki :
"Ne dis pas de telles paroles, toi, femme haïe,
Tu as toujours été le fléau du noble héros,
(Tu a du naître d'une vague de mal,
Tu as causé de l'affliction à sept rois)
Et été cause du désamour pour bien des femmes."
24- Alors parla Brunehilde, fille de Buthli
"Atli est coupable de toute cette douleur
(Fils de Buthli et mon frère)
Depuis que nous avons vu dans la halle de la race des Huns
Etinceler autour du héros la flamme du lit des serpents2 ;
(J'ai payé depuis ce voyage par une pleine douleur),
Et je cherche partout le moyen d'oublier."
25- Elle se tenait près des piliers, et a rassemblé son courage,
Dans les yeux de Brunehilde, fille de Buthli,
Le feu brûlait, et elle aspira du poison
En voyant par la suite les blessures de Sigurd.
Gudrun partit au loin vers une forêt dans les terres désolées, et parcourut toutes les routes jusqu'au Danemark, et y resta sept demi-années avec Thora, fille de Hokon. Brunehilde ne survécut pas à Sigurd. Elle fit exécuter huit de ses esclaves et cinq de ses servantes, puis se donna la mort elle-même avec une épée, ainsi qu'il est raconté dans le Sigutharkvitha en skamma.
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