•  Futhark

    Le Futhark Symbolique : troisième Aett

     

    Dagr  (Gap var Ginnunga), Wardruna.

    _____________________________

     

    Le troisième aett est assez unanimement nommé Aett de Tyr, dieu très ancien et probablement plus important aux origines que par la suite du développement du paganisme nordique : vraisemblablement le dieu tout puissant du ciel ayant établi les lois du monde et organisé la société. 

    Cette famille comprend les runes : Futhark, Runes et Magie, c'est à dire : la fidélité à la parole donnée et l'obéissance à la loi, la femme dans son rôle de mère, avenir du groupe, le cheval, force motrice et protectrice, la force de l'eau dans toutes ses acceptions, l'humanité, la gouvernance appliquée à la croissance du clan (le roi Ing, fécondité et virilité), le jour qui structure la vie en communauté (en alternance avec la nuit, mais il n'y a pas de rune de la nuit, car l'homme est un être diurne, et le sommeil est individuel), et le lien avec les ancêtres.

    Ce groupe de runes est donc celui du resserrement de l'homme sur lui-même et sa société. Il est lié aux relations de l'homme avec l'homme et à la structuration du clan.

     

    Futhark, Runes et Magie

    Futhark, Runes et Magie

    Futhark, Runes et Magie

    Futhark, Runes et Magie

    Futhark, Runes et Magie Futhark, Runes et Magie

    Futhark, Runes et Magie

    Futhark, Runes et Magie

     

    Futhark                                                                                                                                                                      Futhark


    8 commentaires
  • Futhark

    Laukr (Gap var Ginnunga), Wardruna

    _____________________________________

     

    Les Bractéates

     

    Le terme vient du latin bratea signifiant feuille de métal ou plaque très mince.

    Il recouvre un type de pièces ou de médailles en métal, très minces, dont le dessin est en relief sur l'avers et en creux sur le revers, caractéristique de la frappe au coin.

     

    Futhark, Runes et Magie

    Bractéate de Vadstena, face et pile.

     

    Certaines de ces bractéates étaient des pièces de monnaie, en or ou le plus souvent en argent, comme en témoigne le fait qu'on en ait trouvé pliées ou cassées en deux, voire en quatre, pour rendre la monnaie ou s'assurer qu'il s'agissait bien de métal précieux.

    D'autres avaient manifestement une fonction de médaillon, avec un passant pour un support. Dans les régions germano-scandinaves, elles étaient le plus souvent décorées de motifs représentant des rois, et plus sûrement, des divinités et des animaux, parfois mythologiques. A l'heure actuelle, on en a trouvé environ un millier, datées généralement d'entre 500 et 1000.

    La première constatation immédiate que l'on peut faire en les regardant est que les artistes qui les ont illustrées avaient une sainte horreur du vide :  

     

    Futhark, Runes et Magie

     Bractéates du trésor d'Austad

     

    La seconde est qu'elles sont quelquefois frappées de runes :

     

    Futhark, Runes et Magie

    Sjaelland 2. C

     

    Classification par les illustrations (nomenclature en vigueur pour les archéologues).

    En fonction des motifs qui ont servi à remplir ce vide, les bractéates germano-scandinaves ont été classées par les spécialistes en plusieurs catégories :

    Type A : un profil humain.

    Futhark, Runes et Magie

                 Geltorf 1                                                                 Darum 2

     

    Type B : humains en pied (1 à 3 le plus souvent), dans différentes positions, quelquefois avec des animaux.

    Futhark, Runes et Magie

    Danmark 10

     

    Type C : une tête humaine surmontant un animal de type équin, parfois accompagnés d'autres animaux.

    Futhark, Runes et Magie

                                              Kollergard                                                                                                  Fyn 1

     

    Type D : un animal triskèle dans un motif circulaire ou type F : un animal imaginaire

    Futhark, Runes et Magie

    D. Danmark 4

     

    Futhark, Runes et Magie

    F. Eskatorp 2. 

     

     Type M : imitations de médailles impériales romaines.

    Pour les identifier de manière simple, on leur donne le nom du lieu où elles ont été trouvées (le pays, si aucune information plus précise n'est disponible sur leur provenance) suivi d'un numéro d'ordre et de leur lettre de classification. Il existe également un encodage alphanumérique qui ne présente aucun intérêt pour la profane que je suis.

     

    Les runes sur les bractéates.

    L'usage des runes sur les bractéates est relativement courant pour y inscrire un texte, ou plus généralement quelques mots. Mais parmi tous les mots ou textes que l'on peut y découvrir, certaines séquences reviennent de manière récurrente: ALU, LAUKAZ, AUJA, LATHU et le FUTHARK complet ou abrégé sont les plus fréquentes. Il faut par ailleurs être averti que les runes se lisaient assez indifféremment de gauche à droite (elles sont alors généralement dans le sens "normal" de lecture latine) ou de droite à gauche (sens inversé, qui était le sens normal au début). L'usage des runes sur certaines médailles peut paraître anodin (un nom propre, par exemple), mais très souvent, il peut être rapproché de l'utilisation de la magie. A ce sujet, il faut garder à l'esprit que dans le contexte païen de l'époque (entre le Vème et le Xème siècle), les hommes avaient une toute autre façon d'envisager les relations avec les dieux, les esprits, et la magie que ceux du XXIème siècle, le christianisme n'étant pas encore implanté dans la région.

    Comme par ailleurs il existe autour de deux cents bractéates runiques, je me suis intéressée seulement à quelques-unes des plus démonstratives (et aussi à celles pour lesquelles on peut trouver des images présentables).

     ______________________________

    ALU

    Futhark, Runes et Magie

    Darum 5                                                                                    Börringe  

     

    Darum 5 :  ALU est bien visible à gauche de la tête, dans le sens de lecture latin.  Sous les jambes du cheval, on peut lire: niujil, ce qui pourrait correspondre à d'autres inscriptions notées sur d'autres bractéates comme : niuwila, ce qui signifie "le petit jeune". Référence au dieu Baldr ou à un jeune homme récemment initié ?

    Börringe : Elle est à lire à l'envers : la translittération donne laukaz tanulu:al, al étant une abréviation d'ALU, et le suffixe ulu un diminutif (comme ila ci-dessus). Des tentatives de traduction donnent "laukaz (voir plus loin)- petite protection - alu."

     

    Futhark, Runes et Magie

     La splendide bractéate de Djupbrunns.

     

    Djupbrunns-C : cette très belle bractéate bien conservée présente un ALU très lisible de droite à gauche, une svastika entre les jambes du cheval (symbole solaire et parenté graphique avec la rune gebo : le don), ainsi qu'une déesse (rare) aux très longs cheveux au-dessus du cheval.

     

    Pourquoi ALU ?

    Le sens littéral de ALU est "bière", mais sa signification dans les textes runiques est controversée, bien qu'on l'ait trouvé sur tous les types de supports.

    Certains ont rapproché le terme du nom de l'alun, substance précieuse aux propriétés pharmacologiques qu'on trouve en Scandinavie, et comme représentation d'un matériau qui est à la fois richesse et médecine.

    D'autres le font venir des mêmes racines que le hittite Aluwanza, "touché par la sorcellerie".

    Dans le sens "bière", il est considéré comme en rapport à la fois avec l'extase provoquée par l'alcool, parfois utilisé dans certaines transes chamaniques ou guerrières (voir Beowulf, la veillée d'armes à Heorot) et avec le caractère sacré du breuvage, utilisé pour les libations lors des banquets et des cérémonies solennelles, notamment les mariages et les rites funéraires (rite du sumbl, libation), et aussi comme vecteur de poison, de mort, d'oubli et de magie, bref, de toutes les formes de charmes, comme en attestent les textes :

    Sigdrifumal 5 : "Je t'apporte de la bière,  / Arbre de la bataille,  / Mêlée de force et de puissant renom,  / Elle est pleine de charmes et de symboles de guérison, / D'incantations bénéfiques et de runes de joie.

    Volsunga saga chapitre 10 : la reine Borghild veut se débarrasser de son beau-fils Sinfjotli : "Elle revint à lui une troisième fois, et lui ordonna de boire sa bière jusqu'à la dernière goutte, s'il avait le cœur d'un Volsung. Il posa les mains sur la corne, et dit : "- Il y a du poison là-dedans". (les Volsungs étaient réputés immuns aux poisons.)

    Hyndluljoth 50 : "Donne donc à Ottar cette bière / Pleine de poison, pour un destin funeste."

    Volsunga saga chapitre 33 : "Au front de la corne étaient / Toutes sortes de lettres / Finement gravées et rougies, / Comment les interpréter correctement ? / La longue lingue / De la terre de Hadding, / Le manteau des barbes d'orge, / Et les forces féroces à l'intérieur.

    Dans cette bière étaient mélangés / Ensemble bien des maux, / Le sang de tous les bois, / Les glands brunis au feu, / La noire rosée de l'âtre, / Les entrailles de la bête maudite des dieux, / Et le foie détrempé du porc, / Car tous sont des venins qui étouffent."

     

    Les runes de la bière / magie sont par ailleurs explicitement citées dans le Sigdrifumal :

    "Il te faut connaître les runes de la bière (magie) / Si tu ne veux pas qu'avec des mensonges  / La femme d'un autre te trahisse / Et te sentir assuré ; sur une corne il les faut graver,  / Et sur le dos de tes mains, et marquer Naudiz sur ton ongle. / Tu dois bénir la boisson, évitant ainsi qu'elle ne te nuise, / Et jeter de l'ail (laukr) dans la coupe ; (alors je sais que pour toi / Jamais l'hydromel ne sera empoisonné)."

    Enfin, si on reprend le sens symbolique de chacune des lettres composant le mot, on aboutit à une demande de protection : par le dieu et le verbe (Ansuz), par la force de l'eau (Laukaz, ail, oignon ou poireau, réputé empêcher les empoisonnements, et rune de l'eau), et par la force de la nature et de la terre (Uruz, le taureau de la terre, cette dernière étant également connue pour soigner les troubles de l'ivresse), mais sans volonté de nuire à un éventuel ennemi. L'acte d'écrire le charme et d'y associer des médications magiques aurait permis d'activer cette protection.

    Laukaz est un autre mot souvent trouvé sur les bractéates, sous une forme ou une autre, corroborant sa puissance magique.

     ______________________________

    LAUKAZ

    Futhark, Runes et Magie

    Bolbro I B                                                                                     Alleso B

     

    Ces deux bractéates, qui proviennent de la même région (Odense) ont sans doute été frappées avec un même coin.

    En haut à gauche, de droite à gauche : lauz (abrévation de laukaz), svastika, puis owa. A droite : de gauche à droite : eapbl, : puis de droite à gauche tulzLes autres termes que lauz ne sont actuellement pas interprétables.

     

    Futhark, Runes et Magie

    Maglemose 2 C                                                                                  Års 2 C

     

    Maglemose 2 C : runes de droite à gauche : lkaz (laukaz)

    Års 2 C : à droite, de gauche à droite : laukaz.

     

    Futhark, Runes et Magie

    Sjaelland 1 C

     

    Sjaelland 1 C : entre les lignes d'encadrement à gauche de la svatiska : lkaz.

     

    Laukaz apparaît comme ayant des connotations magiques ou rituelles, probablement en connexion avec la fertilité, la sexualité et la croissance. En ce sens, la présence de ce mot sur une amulette ajoute à sa valeur de protection contre le mal et la destruction. Laukaz est le nom de la rune représentant le son "el", symbolise la force de l'eau sous toutes ses formes, et signifie également (laukr en norrois) : ail, oignon ou poireau, plantes connues pour leurs propriétés médicinales dans la préservation de la santé et leur activité comme anti-poison magique (voir les deux dernières lignes du texte du Sigdrifumal cité ci-dessus). Sur les amulettes, il s'agit peut-être d'une formule demandant la prospérité et la santé.

     ______________________________

    AUJA

    Futhark, Runes et Magie

    SJaelland 2 C                                                                                                       Skodborg B

     

    Sjaelland 2 C : les runes qui courent sur le bord du dessin de gauche à droite donnent après translittération : hariuha haitika:farauisa:gibuauja.Futhark, Runes et Magie

    Hariuha est un terme construit à partir des termes bataille (hari) et jeune (hua) : pour une première bataille, ou le meilleur dans la bataille... Haitika signifie "je me nomme". Farauisa a été traduit par "sage dans le voyage" ou "sage face au danger". Et gibu auja signifie "donner bonne chance" ou "donner protection". On aboutit donc à quelque chose du genre : "je me nomme le meilleur dans la bataille, sage face au danger et je donne bonne chance", ou toutes combinaisons de ces idées. Le signe terminant l'inscription peut-être interprété comme un arbre magique (l'If), ou plus sûrement comme la répétition incantatoire de la rune de Tyr. Ou encore comme le fait qu'on demande à Tyr de donner la chance, puis qu'on invoque deux fois son nom (d'où la triple rune). Dans le Sigdrifumal, il est en effet conseillé pour donner effet à la magie d'invoquer deux fois le nom de Tyr.

    Skodborg B : La transcription des runes, bien frappées, donne : aujaalawin aujaalawin aujaalawin jalawidAlawin(i) peut être traduit par tous les amis (ou il s'agit d'un nom propre ?), alawid par le chef de tous ou tous les chefs (ou c'est aussi un nom propre ?). Le texte, avec cette répétition, est assez nettement incantatoire. Cette amulette demande donc également de porter chance soit aux amis et au(x) chef(s), soit à des personnes nommées Alawin et Alawid, ce qui serait curieux, ces objets étant généralement frappés en plusieurs exemplaires.

     

    Auja est un terme ancien dont l'étymologie s'est perdue, mais qui se rapproche de racines indo-européennes signifiant aider, favoriser. Il possède une connotation symbolique de "protection divine", ou plus généralement, de "salut", "chance". Sur une amulette, il est très possible qu'il vise à conférer cette chance, et au moins dans le cas de ces deux bractéates, selon toute vraisemblance à des guerriers ayant des compagnons d'armes et des chefs.

     ______________________________

    LATHU

    Futhark, Runes et Magie

    Gurfiles  C                                                                                                   Skonager 3 C

     

    Gurfiles C : les runes se lisent de droite à gauche et sont un peu abrasées : laþaa, pour laþa (le doublement d'ansuz est fréquent, peut-être à titre de renforcement de la magie : c'est la rune du Dieu et du verbe), forme est-germanique, la forme protonordique étant laþu, qui signifie "invitation". Le deuxième Ansuz est difficile à discerner.

    Skonager 3 C : inscription de gauche à droite d'une séquence niuwila sous la tête du cheval et de droite à gauche de lþl sous les pieds de l'homme, qui est probablement une abréviation de lathu. Niuwila est interprété comme la contraction de niuja (nouveau venu) + ila (diminutif) et pourrait se traduire comme : "le petit nouveau-venu". (voir Darum 5 dans ALU, et frohila sur Darum 1 ci-dessous).

    L'association de ces deux termes pourrait renvoyer à un lieu de culte où étaient initiés les jeunes guerriers. 

    Futhark, Runes et Magie

    Darum 1 A                                                                               Trollhättan A

          

    Darum I A: les runes se lisent de droite à gauche en deux séquences, devant et derrière la tête et donnent : frohila et laþu. Certains interprètent frohila comme la contraction de la racine fro (guerrier) et du suffixe diminutif -ila, donc : "le petit guerrier". D'autres pensent qu'il s'agirait d'un des noms de Freyr. L'hypothèse la plus probable est que ces deux mots se réfèrent aussi à un rite initiatique, au cours duquel un dieu masculin qui sait se battre est invité : "petit Freyr".

    Raum Trollhättan-A ; on peut lire devant et derrière la tête humaine les mots de gauche à droite : aþodu tawol, ou plus sûrement dans l'autre sens : tawol aþodu. Les séquences runiques se lisant sans tenir compte des divisions : tawo laþodu, ce qui signifie "je prépare l'invitation".

     

    Laþu est un terme signifiant invitation, appel à rassemblement, et pouvait référer à l'action de se mettre ensemble pour sacrifier ou pratiquer l'initiation à un culte. laðu a également le sens d'invitation, avec une connotation d'invocation des forces surnaturelles. Il faut se rappeler que les norses avaient coutume d'invoquer leurs dieux quand ils avaient besoin d'eux. Le terme laþu n'a été trouvé écrit que sur les bractéates, sous forme complète, déclinée, ou abrégée. Ces dernières pourraient être des signes de l'initiation des nouveaux guerriers.

    ______________________________ 

    FUTHARK

    Futhark, Runes et Magie

                                                    Vadstena                                                                                                     Over Hornbaek 3 C

     

    Vadstena-C : Les runes se lisent de droite à gauche le long de la bordure : luwatuwa. fuþarkgw: hnijïbzs: tbemlo(d). Le dagaz final est presque invisible. A noter l'inversion od de la dernière paire. Les trois aettir sont clairement séparés par des double-points. La première partie luwatuwa, est lue par certains comme tuwatuwa. La répétition d'un mot n'est pas sans rapport avec une formule magique incantatoire. Certains y voient le sens de "au ciel, sur terre". D'autres hypothèses ont été émises pour rapprocher le terme du verbe germanique *taujan, faire, fabriquer, ou de l'anglais tow : lin, laine, ce qui pourrait évoquer l'action de filer et donc d'en tirer l'essentiel (faire le lin, la laine). Dans les deux cas de figure, l'invocation de l'ensemble des runes (filer les runes, les enfiler comme des perles ?) à des fins supposées de protection se retrouve également sur d'autres objets comme la pierre de Kylver. 

     Overhornbæk (III)-C : les runes se lisent de droite à gauche le long de toute la bordure, entre des lignes d'encadrement, bordées à un bout et à l'autre par deux têtes d'oiseaux : þrkgwhagelaalaasulo?hLe texte commence par þrkgw, qui évoque une portion de futhark, puis on peut lire : hagela ala a[n]su : toute la grêle, ase (asu : vocatif). Hagalaz est la rune de la grêle, de la glace originelle de la création du monde, et l'antagoniste du feu. On imagine mal que ses côtés destructeurs aient pu être mis en avant sur une amulette magique.

     

    Futhark, Runes et Magie

    Grumpan C

     

    Grumpan-C : L'inscription est un futhark partagé en trois aettir de huit runes, commençant sous l'antérieur droit du cheval : fuþarkgw........ hnijï p.... tbeml(i)ngod......La rune Ing ressemble à un z, Peorth est anormal, et Mannaz et Ewhaz sont difficiles à distinguer.

     

    Si on envisage d'attribuer une valeur magique à l'inscription d'un futhark sur une amulette (ou un autre objet), qu'il soit complet ou partiel mais représentant le tout, il faut peut-être le considérer comme un symbole à la fois d'ordonnancement et de récapitulation du monde. Le fait que ce futhark soit, lorsqu'il est complet, souvent partagé sur les bractéates nettement en trois aettir, avait certainement une signification, et représentait peut-être un appel aux trois principaux domaines, ou plans d'existence (voir les articles sur les trois aettir runiques). L'hypothèse a été émise que ces inscriptions avaient des objectifs pédagogiques (enseignement de l'écriture, anti-sèche ?), ce qui dans le contexte paraît peu probable, de même que leur usage purement et exclusivement décoratif. 

     

    On peut trouver d'autres inscriptions récurrentes, mais moins fréquentes : EKERILAZ et EKIRILAR (moi le maître des runes / moi celui de la tribu des Héruli), EWHAZ et dérivés (le cheval, très présent sur les bractéates). Ces termes se retrouvent aussi bien sur des bractéates que sur d'autres objets comme des pierres runiques.

     

    ______________________________

    Et pour le plaisir des yeux, parce qu'après tout, ce sont des bijoux en or (je suis allergique au nickel !) :

     

    Futhark, Runes et Magie

    Femo Sonderby

     

    Futhark, Runes et Magie

    Skaane 1

     

    Futhark, Runes et Magie

    Fyn 2

     

    Futhark, Runes et Magie

    Olst

     

    Futhark, Runes et Magie

    Skonager 1

     

    Futhark, Runes et Magie

    Skonager 2.

     

    A noter la fréquence de la présence des croix svastikas, dont la signification a été pervertie au XXème siècle du fait de leur utilisation par le régime nazi jusqu'à en devenir taboues dans les sociétés occidentales, mais dont le sens initial, depuis le 5ème millénaire avant JC et un peu partout dans le monde, était en relation avec le soleil, le temps qui passe et la chance.

     

    Les principales sources utilisées pour rédiger cet article ont été : 

    classification des bractéates et illustrations (en norvégien)

    - "Runes around the North Sea and on the continent AD 150-700 ; texts and contexts", by Jantina Helena Looijenga. Thèse de doctorat de Lettres (en anglais). Comme cette thèse est très intéressante, il est possible que je l'utilise à nouveau pour d'autres sujets.

    - "inscriptions runiques de la première période" d'après Krause et al

     

    Futhark                                                                                                                                                                         Futhark


    3 commentaires
  • Futhark 

    Objets runiques

     

    Excavation (How far to Asgaard), Tyr.

     _______________________________

     

    En fonction des informations que j'ai pu lire sur un certain nombre d'objets gravés de runes, j'en ai sélectionné quelques-uns qui m'ont semblé particulièrement intéressants, et qui révèlent la grande diversité des supports sur lesquels les anciens scandinaves et germains écrivaient. Emblématiques par leur fonction, parfois émouvants par ce qu'ils suggèrent d'histoire personnelle, je vous les présente.

    _______________________________

    Armes

     

    Pique de Kragehul (fin du Vème, début du VIème siècle)

    Futhark, Runes et Magie

    Futhark, Runes et Magie

    Lance de Kragehul. Dessin de Stephens, 1884.

     

    La lance a été trouvée en 1877 sur un site rituel de sacrifice de butin. Elle appartenait donc probablement à un ennemi de celui qui l'a déposée là.

    Le texte runique est écrit très élégamment, avec soin (voir ci-dessous, l'épée de Vimose), avec une alternance de simples et de triples gravures. On y note aussi la présence de runes combinées dites secrètes, notamment mu, ga et he : Futhark, Runes et Magie.

    La transcription donne :ekerilazasugisalasmuhahaitegagagaginugahe, puis sur d'autres fragments :  lija /// hagala wiju bi g ///, soit ek erilar asugisalas muha haite. gagaga ginu-ga.he /// lija /// hagala wiju bi g ///.

    En mot à mot : ek : je ; erilaz : maître des runes / Héruli ; asu : Ase ; gisalas : germe, pousse, descendant, otage, gage, mais asugisalas peut aussi être un nom propre, Asgils. A noter que les rois étaient réputés descendre des dieux, à l'époque (voir l'Heimskringla de Snorri) ; muha : suivant, soldat, serviteur ; haite : je m'appelle.

    Pour gagaga, on ne peut émettre que des hypothèses : gebo ansuz : je donne le dieu, la parole magique (la protection magique). Les anciens scandinaves disaient sacrifier les dieux, non sacrifier aux dieux, car ils considéraient que les dieux participaient au tout, de même qu'eux. La triple répétition ressemble de plus à une incantation. Une inscription proche a été retrouvée sur une bractéate en Angleterre (Undley), notée : gaegogae gaedae medu. Gaedae signifie groupe de compagnons, et medu, hydromel, ce qui donnerait : je donne la protection (3x) de l'hydromel (boisson éminement magique) du groupe (des runes liées). Moltke voit dans gagaga ginu un terme d'accentuation : très.

    Ginu : mot d'accentuation : magie effective ?

    gahe///lija : la rune croisée ga est probablement autonome et de même sens que le triplet. La lance est cassée ensuite, mais on peut faire une tentative pour reconstruire le texte : he/// lija =? helmat-talija (?) : casque détruisant.

    Enfin, hagala = grêle, wiju = je sanctifie, bi : à, pour, et le g final correspond peut-être à un nom propre.

    Ce qui au total pourrait signifier : "moi le maître des runes (ou l'Héruli), je m'appelle serviteur du descendant de l'ase (le roi), je lance par une magie efficace une protection sur le grain de grêle (la lance) destructeur de casque et le sanctifie pour G..."

    Les tirs de flèches et de lances ont été fréquemment nommés grêle, ou pluie, ou averse, en poésie scaldique, ainsi que briseurs de casques. Cette traduction m'est plutôt personnelle, même si elle s'appuie sur des travaux antérieurs, mais ne trahit ni le texte, ni l'esprit, ni les usages dont on pense qu'ils étaient en vigueur à l'époque. Pour d'autres traductions certainement plus érudites, voir Wikipédia.

    ______________________________

    Chape de fourreau d'épée. Vimose (début du IIIème siècle).

    Futhark, Runes et Magie

     

    Les inscriptions sont en elder futhark typique, sur les deux pièces de chape du fourreau d'une épée.

    Face 1: mariha || iala (ou aala)(à l'envers et de droite à gauche)

    Face 2 : makija

    Si le terme makija ne pose aucun problème : "épée", mariha est plus complexe à traduire et de sens contesté. Krause l’interprète comme mari (un nom propre ou "le fameux") - ha = posséder, avoir. Iala serait un nom propre (celui de l'épée ?). Dans cette hypothèse, on obtiendrait : "Le fameux a possédé Iala ". Si Iala est le nom d'un homme, l'inscription pourrait signifier " Fameuse est l'épée qu'a possédée Iala" ou "l'épée qu'a possédée le fameux Iala".

    Certains lisent aala et non iala, pour ala : "tout". Le doublement du a initial se retrouve sur d'autres inscriptions dans la même région. J.H. Looijenga interprète par ailleurs mari comme "mer, lac" (protogermanique *mariz). L'épée a été trouvée sur un site où se trouvait autrefois un lac, asséché depuis. Elle traduit donc l'inscription par : "que le lac ait toutes les épées". En fonction du contexte : - localisation dans un lac, - habitude d'offrir des parties de butin aux dieux en les immergeant, - explication du fait que de toutes les armes déposées dans ce lieu, une seule ait été gravée, en tant peut-être que pars pro toto du sacrifice, et – caractère un rien hâtif de la gravure, ce qui n'aurait peut-être pas été le cas si un homme avait voulu marquer sa propre épée, cette hypothèse est soutenable et plutôt séduisante.

    ______________________________

    Objets utilitaires 

     

    Cassette de bois de Garbølle: (entre 400 et 550) 

    Futhark, Runes et Magie

     

    La boîte, en bois d'if, a été trouvée dans une tourbière. La transcription de l'inscription en elder futhark typique donne : hagirada i tawide : 

    hagi : adapté, convenable ; rada : conseil, avis, sentence ; i : pour in, dans ; tawide : preterit de taujan : faire, fabriquer.

    Ce qui donne : "une sentence convenable dedans j'ai fait" : j'ai gravé convenablement ces mots dans ce bois, ou j'ai gravé dans ce bois les bons signes de magie ?

    Mais j'aimerais bien savoir ce qu'il y avait dans cette boîte qui ressemble à un plumier.

    ______________________________

    Couteau à gratter de Floksland (milieu duVème siècle)

    Futhark, Runes et Magie 

    De droite à gauche : lina laukaz (avec combinaison d'Ansuz et de Algiz) f : "Lin et poireau" est une formule de fécondité et de propérité. Le lin, symbole de protection et d'abondance, est souvent cité en référence pour la femme (notamment la femme riche : ses vêtements et ses draps, son voile de mariage) dans les textes, le poireau pour l'homme, comme dans la Volsunga saga, lorsque Gudrun dit de son mari : "Mon Sigurd était tel, / Parmi les fils de Gjuki, / Que le haut poireau / Au-dessus de l'herbe rase, / Ou un joyau / Enchassé dans une couronne, / Ou une perle de grand prix / Au front d'un prince." (chapitre 31).

    La rune f terminale, à l'envers, représente sans doute Fehu, rune de la richesse. Le f est quelquefois utilisé pour le mot fahi, "j'ai écrit". Et rien ne s'oppose à ce que ce soit les deux, dans ce cas.

    ______________________________ 

    Pierre à aiguiser de Strøm (environ 600)

    Futhark, Runes et Magie

    Face 1 : wate hali hino horna: = humecte la pierre ce cor

    Face 2 : haha skaþi, haþu ligi = « deuxième-coupe-de-l’herbe » « je-veux-faire-le-mal » « celui-qui-est abattu» « je-veux-coucher »

    Face 1 : Cette corne humecte la pierre.

    Face 2 : Je fais du mal à l’herbe fraîchement coupée, je désire coucher celle qui a été abattue.

    Antonsen en fournit une version très poétique : "Mouille cette pierre, corne ! Fauche (à nouveau) l'herbe, faux ! Couchez-vous, (herbes) abattues !"

    Une inscription dans un style rare (poétique) décrivant le travail du faucheur, que sous-tend la volonté de pratiquer un enchantement pour que la pierre soit plus efficace, et qui évoque le mythe d'Odin-Bolwerk se rendant chez Suttungr pour lui voler l'hydromel et l'expédient utilisé par le dieu pour approcher le frère de ce dernier : "Odin quitta sa maison et parvint à un champ où neuf esclaves fauchaient le foin. Il leur demanda s'ils voulaient qu'il aiguise leurs faux, et ils acquiescèrent. Alors il prit une pierre à aiguiser à sa ceinture et la passa sur les faux. Il leur sembla qu'elles coupaient infiniment mieux, et ils demandèrent si la pierre à aiguiser était à vendre. Mais il lui conféra une valeur telle que personne ne pourrait jamais l'acheter. Alors il jeta la pierre en l'air ; et comme tous voulurent la récupérer, ils se bousculèrent tant et si bien qu'ils se coupèrent mutuellement le cou avec leurs faux." (Snorri Sturluson)

    ______________________________

     Peigne de Setre, face 1  (début du VIIème siècle)

    Futhark, Runes et Magie

     

    A noter dans le graphisme le glissement de Jaran vers Ar, utilisée comme un A (Ansuz avait peut-être à l'époque tendance à se lire comme un son plus fermé comme dans "war").

    Face 1 : hal maR || mauna: : "Salut jeune fille || des (d'entre les) jeunes filles", ce qui est manifestement un compliment selon les codes repris plus tard dans les textes (héros d'entre les héros...)

    Face 2 : alu na alu nana : Magie Na, magie Nana. Cette inscription est notée sur le dos du peigne, donc sur la face la moins visible.

    Nana est le nom de la femme de Baldr, avec laquelle il a vécu très heureux et en bonne entente jusqu'à sa mort.. Il pourrait s'agir d'une formule magique de séduction "ensorceler Na, ensorceler Nana", pour que la destinataire du peigne (cadeau ?) devienne aussi la "Nana" du donateur.

    ______________________________ 

    Objets de prestige

     

    Fibule en argent à aiguille de Himlingøge  (IIIème siècle).

    Futhark, Runes et Magie

     

    Cette fibule en argent a été trouvée dans une tombe. A l'envers sont gravées six runes : hariso. On suppose qu'il s'agit d'un nom, probablement masculin, issu soit de la racine hari : guerrier, soit du nom de la tribu des Harii, soit de la composition de *haira et iso : celui qui est noble.

    ______________________________  

    Fibule en argent de Vårlose (environ 200) 

    Futhark, Runes et Magie

     

    Alugod : "bonne magie", "magie qui fait du bien", peut-être le nom de la propriétaire, la femme dans la tombe de laquelle elle a été trouvée. Mais la Svastika qui suit est plus récente, et d'un point de vue formel, le nom complet aurait dû être Alugodo. L'argument qui veut qu'il a été abrégé par manque de place tient donc mal, même s'il a pu être abrégé pour d'autres raisons. De plus Alu est une formule si souvent utilisée pour représenter la magie que ce serait une coïncidence bien extraordinaire que "bonne magie" soit aussi le nom de la propriétaire.

    ______________________________ 

    Cornes de Gallehus (IVème siècle)

    Futhark, Runes et Magie

    Futhark, Runes et Magie

     Cornes de Gallehus, dessins déroulés.

    Grande Corne                                                                   Petite Corne.

     

    Les cornes (ou cors) d'or de Gallehus sont des galvanotypes réalisés à partir des gravures effectuées d'après les originaux. L'une a été trouvée en 1639, l'autre en 1734, et les deux ont été volées aux collections royales du Danemark en 1802, puis fondues. Elles pesaient environ 3 kg chacune. On ignore s'il s'agissait d'instruments de musique ou de cornes à boire.

    L'une des deux, cassée, porte des runes dans sa partie supérieure : ek hlewagastiz/ holtijar / horna / tawido, que l'on peut traduire par : "Moi, Hlewagastir, / fils de Holt, / le cor / j’ai fait ", ou "Moi Laegaest, fils de Holte, ai fait le cor ".

    Mais les termes hlewa gastiz signifient aussi "protection" et "invité", ou "tombe" et "invité", donc défunt porté dans la tombe. Horna semble de surcroît une forme plurielle rare, peut-être duelle. On pourrait alors aboutir à une traduction telle que : "Moi, fils de Holt (ou originaire de Holt) ai fait ces cornes pour le défunt dans la tombe."

    Les dessins représentant des personnages, des animaux et des formes géométriques ne sont pas encore expliqués, mais montrent surtout des scènes de chasse et se rapportent peut-être à des rituels festifs et/ou religieux en rapport avec la chasse, cors et cornes à boire étant tous deux utilisés lors de cérémonies.

    _____________________

    Diadème de Straarup (début du Vème siècle)

    Futhark, Runes et Magie

     

    L'inscription gravée à l'envers du frontal de ce diadème d'or donne lethro : "faite de cuir", ce qui est bien énigmatique pour un objet de métal. Ou alors, le (la) propriétaire avait la tête fort dure ? Ou aspirait à la protéger ?

     

      Futhark                                                                                                                   Futhark


    votre commentaire


    Suivre le flux RSS des articles de cette rubrique
    Suivre le flux RSS des commentaires de cette rubrique