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Par Thordruna le 14 Mai 2012 à 16:00
Au long de l'Automne
Composé au début du Xème siècle par Thjodolf de Hvin, scalde ami du roi Harald Haafager, ce poème reprend deux des légendes les plus populaires de la mythologie nordique : l'enlèvement d'Idunn et la mort de Thjazi, puis le combat de Thor contre Hrungnir. Ce texte ne fait pas partie de l'Edda poétique proprement dite.
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Par Thordruna le 18 Janvier 2015 à 08:53
Le Hrafnagaldur Odins n'appartient pas à l'Edda poétique, car, bien que les spécialistes ne soient pas d'accord sur la date exacte de son écriture, elle aurait eu lieu entre le XIVème et le XVIIème siècle, et probablement après la découverte du Codex Regius où le poème n'est pas consigné. Conçu et rédigé comme une introduction au Baldrs draumar, dans le même mètre (fornyrdislag) que les autres poèmes de la vieille Edda et en de très classiques strophes de 8 vers, ce texte traite des questions que les Ases se posent après divers rêves prémonitoires et pressentiments funestes qui les assaillent. Odin envoie alors Heimdall, accompagné de Loki et Bragi, rechercher et interroger Idun, tombée d'Yggdrasil dans le domaine de Hel dont elle ne peut plus sortir.
L'incantation-corbeau d'Odin
ou Forspjallsljod (prélude au poème)
D'après les traductions anglaises de Thorpe, Björnsson, Reaves, Lassen et Kodratoff.
1- Odin possède le pouvoir,
Les elfes la compréhension,
Les Vanes ont la connaissance
Et les Nornes montrent la voie,
Les femmes-trolls ont des enfants,
Les hommes doivent supporter,
Les thurses doivent patienter
Et les Valkyries soupirer.2- De funestes pressentiments
Font souffrir les âmes des Ases
Des esprits maléficieux
Ont brouillé les runes du Dieu.
Urd1 devait veiller Odrerir2
Mais ne put le sauvegarder
De la plus grande part du mal.3- Hugin3 est parti à la hâte
Pour explorer les vastes cieux,
Il cherche les peuples qui craignent
Une catastrophe s'il tarde.
La pensée de Thrainn4 est un rêve
Dans un sentiment d'oppression,
La pensée de Dainn5 est un rêve
Bien plus énigmatique encore.4- La puissance des nains faiblit,
Le monde sombre vers l'abîme,
Vers la béance de Ginnung6.
Asvildur7frappe fréquemment
Depuis les hauteurs des cieux,
Et aussi souvent il rassemble
Auprès de lui les hommes occis.5- La terre autant que les cieux
Petit à petit se corrompent,
Sans jamais s'arrêter, sans cesse,
Soufflent les vents empoisonnés.
Toute la sagesse est cachée
Dans le puits du glorieux Mimir.
M'entendez-vous bien, ou alors ?6- Dans les vallées elle réside
Cette Dise devineresse,
Où elle est tombée d'Yggdrasil,
Tombée du grand frêne du Monde,
Appelée Idun par les Alfes,
La plus jeune enfant d'Ivaldi7.Idun tombée de l'arbre du Monde. F. Stassen
7- Infortunée lors de sa chute,
Elle se trouva enfermée
Sous les branches de l'arbre dur.
Habituée à résider
En des demeures plus plaisantes
Elle apprécia peu son séjour
Au logis du fils de Nörvi8.8- Les déités de la victoire
Voyant la peine de Nanna9
Au foyer du destrier d'Ygg7,
Lui offrirent une peau de loup.
Elle s'emmitoufla dedans
Ses sentiments se modifièrent
Elle joua de l'illusion
Et transforma son apparence.9- Viðrir7choisit le gardien de Bifrost
Pour aller poser des questions
Au montant de la porte de Gjöll9
Sur ce qu'elle savait des mondes.
Suivi de Bragi et Loki,
Compagnons et témoins inquiets.10- Les Puissances et Divinités,
A l'extrémité du monde,
Chantèrent des incantations,
Eurent pour montures des loups.
Assit sur Hliðskjálf, attentif,
Odin écouta, regarda,
L'expédition des voyageurs.11- Le sage posa des questions
A la serveuse d'hydromel9
Sur les ancêtres et descendants
Des dieux et sur leur destinée,
Et il l'interrogea aussi
Sur la naissance, la durée
Et le destin des cieux, de Hel,
Et de l'univers tout entier.12- Gefion9ne fut pas en mesure
De révéler ce qu'elle pensait,
Ni d'articuler un seul mot,
Ni d'exprimer quelque bonheur.
Son pouvoir était engourdi,
Epuisé, comme anéanti.
Des larmes se mirent à couler
Des boucliers de son cerveau.Heimdall, Loki et Bragi interrogent Idun. L. Frolich.
13- De même vient d'Elivagar,
Des prairies des géants du givre,
Depuis l'est lointain une épine
Avec laquelle chaque nuit
Dainn pique chaque personne
Vivant sur la grande Midgard.14- Alors les actes s'affaiblissent,
Les mains retombent lourdement,
La stupeur envahit les têtes.
L'insensibilité s'écoule
Dans l'esprit de la femme-troll,
Ralentissant tous les rouages
De l'esprit humain tout entier.15- Jorun9parut pleine de peine,
Impuissante à parler aux dieux.
Plus ils la pressaient de questions,
Plus elle refusait de répondre,
Et tous leurs mots étaient en vain.16- Portant Gjallarhorn pour Herjan7,
Le quêteur marcha en avant
Et conduisit l'expédition,
Choisissant pour l'accompagner
Loki, le parent de Nal,
Et pour rester en sentinelle,
Bragi, poète de Grimnir7.Heimdall va quérir Idun aux enfers.
17- Aidés par les fils de Fornjot10
Les émissaires de Vidar7
S'en retournèrent à Vingolf.
En entrant, salués par les Ases,
Ils furent conviés au festin,
Au gai banquet d'hydromel d'Ygg.18- Ils souhaitèrent à Hangatyr7
D'être le plus chanceux des dieux,
Et de présider du haut-siège
A la fête de l'hydromel,
Et en s'asseyant au festin
Aux Ases, avec Yggjungur7,
L'éternelle béatitude.19- A la demande de Bölverk7
Les hôtes divins prirent place
Sur les bancs et se rassasièrent
De la viande de Saehrimnir.
De la bouilloire de Hnikar7
Skogull tirait avec des cornes
L'hydromel du savant Mimir
Pour les coupes de la mémoire.20- Depuis midi jusques au soir
Bien des questions furent posées
Par les Ases à Heimdallur
Et par les déesses à Loki,
Pour savoir si la prophétesse
Avait dit de sages paroles,
Prononcé des divinations.21- Ils jugèrent de leur mission,
Peu glorieuse et infructueuse,
Et dirent la difficulté
De trouver un fin stratagème
Pour obtenir de la voyante
Une réponse à leurs questions.22- Omi7parla, tous écoutèrent :
"- La nuit apportera conseil.
Que réfléchissent à la question
Tous ceux qui pourront y penser,
Et de maintenant à demain,
Qu'ils apportent une solution
Pour la grande gloire des Ases."23- Au-dessus des plaines de Rind,
Au long des tourbillons du ciel,
Lasse, courait la proie du loup11.
Les Ases quittèrent la fête
Et saluèrent Hropt7et Frigg,
Tandis que le clair Hrimfaxi12
Entreprenait son ascension.24- Le fils de Delling13 stimula
Son cheval caparaçonné
De riches pierres précieuses,
Et la crinière du coursier
Eclaira le monde des hommes,
Emportant en tractant son char
La clarté du jouet de Dvalin11.
25- Loin dans le Nord, à la frontière,
Au bout de la puissante terre,
Sous la plus lointaine racine
Du prince des arbres du monde,
Les femmes trolls et les géants,
Cadavres, nains et elfes noirs,
Tous rejoignirent leur litière.26- Les dieux se levèrent au matin,
Tandis qu'Alfröðull11accourrait,
Njola14 retourna vers le Nord
Et se dirigea vers Niflheim.
A l'aurore, le fils d'Ulfrun15,
Le souverain d'Himinbjorg,
Se saisissant de Gjallarhorn,
Fit retentir le son du cor.1 La norne du passé
2 Odrerir : "celui qui conduit à la fureur sacrée". Un des chaudrons dans lesquels se trouve l'hydromel magique.
3 Pensée
4 Thrainn : Menace, nom d'un nain ?
5 Dainn : Mort, nom d'un nain ?
6 Ginnungagap : Vide béant originel dans lequel les mondes se sont formés.
7 Odin
8 Fils de Nörvi : en fait, enfant de Nörvi, Nott, la nuit.
9 La femme. Idun ?
10 Les vents
11 Le soleil
12 Crinière de Givre, la Monture de Nott
13 Dag, le jour
14 Njola : autre nom de la nuit
15 Heimdall
Traduction plus littérale du texte :
1- Alfather exerce le pouvoir, les elfes comprennent, les Vanes connaissent, les Nornes montrent la voie, les femmes-trolls enfantent, les humains endurent, les thurses attendent, les Valkyries languissent.
2- Les Ases souffraient de sombres pressentiments, les esprits mauvais avaient mélangé les runes du dieu. Sur Odrerir devait veiller Urd, mais elle ne put le protéger de la plus grande partie du mal.
3- Hugin (la pensée) se hâte, explore les cieux. Il cherche les autres, les peuples risquent une catastrophe s'il tarde. Le rêve de Thrainn est oppressant, celui de Dainn énigmatique.
4- La puissance des nains faiblit, les mondes sombrent vers l'abîme de Ginnung. Souvent Asvildur frappe d'en haut, et souvent réunit à nouveau les occis.
5- Terre et ciel se corrompent peu à peu. Les vents empoisonnés ne cessent de souffler. Toute sagesse est cachée dans le glorieux puits de Mimir. Comprenez-vous, ou quoi ?
6- Dans les vallées vit la Dise devineresse. Elle est tombée d'Yggdrasil, tombée du frêne, nommée Idun par les alfes aînés, la plus jeune des enfants d'Ivaldi.
7- Malchanceuse lors de sa chute et accoutumée à des demeures plus agréables, et apprécia peu celle de l'enfant de Nörvi.
8- Les dieux de la victoire virent la peine de Nanna dans le logis de la monture d'Ygg (Yggdrasil, chez Hel). Ils lui donnèrent une fourrure de loup. Elle s'en vêtit, changea de sentiments, joua de l'illusion, modifia son apparence.
9- Viðrir choisit le gardien de Bifrost pour demander au montant de la porte de Gjöll ce qu'elle savait de chaque monde. Bragi et Loki en seraient les témoins inquiets.
10- Ils psalmodièrent des incantations, chevauchèrent des loups, les Puissances et les Dieux, aux extrémités du monde. Odin, écoutant depuis Hliðskjálf, regarda l'expédition lointaine des voyageurs.
11- Le sage (Heimdall) interrogea la serveuse d'hydromel sur les ancêtres et descendants des dieux et sur leurs propres chemins, et lui demanda si elle connaissait l'origine, la durée et la fin des cieux, de Hel et du monde.
12- Gefion ne put rien révéler de sa pensée, ni formuler une parole, ni exprimer quelque joie. Des larmes suintèrent des boucliers de son cerveau, son pouvoir était engourdi, épuisé, mort.
13- Ainsi depuis Elivagar vient de l'est une épine, issue des champs des géants du givre, avec laquelle Dainn pique chaque nuit tous les hommes de la glorieuse Midgard.
14- Les actes s'affaiblissent, les mains retombent lourdement, la stupeur plane sur l'épée du dieu blanc (la tête). L'insensibilité s'écoule dans le vent de la géante (dans son esprit), ralentit les rouages de l'esprit humain tout entier.
15- Pleine de chagrin sembla Jorun aux dieux, incapable de parler. Ils insistèrent d'autant plus que toute réponse leur était refusée, tous leurs mots étaient en vain.
16- Il voyagea en tête de l'expédition, le quêteur porteur de Gjallarhorn pour Herjan, prenant pour compagnon le parent de Nal, le poète de Grimnir restant en sentinelle.
17- Les envoyés de Vidar revinrent à Vingolf, aidés dans leur retour par les fils de Fornjót. Ils entrèrent et furent salués par les Ases, conviés tout de suite au joyeux festin d'hydromel d'Ygg.
18- Ils souhaitèrent à Hangatyr, le plus chanceux des dieux, de présider avec bonheur à la fête de l'hydromel depuis le haut-siège, et aux Ases bonne fortune en s'asseyant au festin, et la béatitude éternelle avec Yggjungur.
19- Les hôtes divins, assis sur les bancs à la demande de Bölverk (Odin), se rassasièrent de Saehrimnir. Skogull tirait de la cuve de Nikar l'hydromel de Mimir à servir dans les coupes de la mémoire.
20- De midi à la tombée du soir, beaucoup de questions furent posées par les dieux à Heimdall et par les déesses à Loki, pour savoir si la jeune femme avait prononcé de sages paroles ou des divinations.
21- Ils jugèrent que leur mission, peu glorieuse, avait été infructueuse, et qu'il serait difficile de trouver un stratagème pour obtenir une réponse de la femme.
22- Omi (Odin) parla et tous écoutèrent : "La nuit porte conseil. Qu'y réfléchissent jusqu'à demain tous ceux qui le pourront, et une solution sera apportée pour la gloire des Ases."
23- Au long des tourbillons sur les plaines de Rind courait, fatiguée, la proie du loup. Les dieux quittèrent la fête et saluèrent Hropt et Frigg, tandis que Hrimfaxi commençait son ascension.
24- Le fils de Delling poussa son cheval, richement caparaçonné de pierres précieuses. La crinière du coursier illumina le monde des hommes, irradiant la lumière du jouet de Dvalin (le soleil) qu'il tractait en son char.
25- Loin au nord, au bord de la terre puissante, sous la racine la plus éloignée du grand Arbre du Monde, les femmes trolls et les géants, les cadavres, les nains et les elfes noirs gagnèrent leur lit.
26- Puis les dieux se levèrent, Alfröðull accourut, Njola retourna vers le nord, vers Niflheim. Tôt, le fils d'Ulfrun, maître d'Himinbjorg, leva Gjöll (Gjallarhorn) et fit retentir le son du cor.
13 commentaires -
Par Thordruna le 6 Mars 2015 à 08:03
Le Sonatorrek, généralement traduit par "l'irrémédiable perte des fils", mais qui semble pouvoir se comprendre aussi par "l'impossible vengeance du fils", est un des textes de poésie scaldique les plus célèbres. Dû à Egill Skallagrimsson, il développe ses états d'âme suite à la mort de son fils préféré, Bodvar, tué en mer au cours d'une tempête. Egill commence en honnissant les dieux, Aegir et Ran, tenus pour directement responsables du drame, puis en impute la culpabilité à Odin. En parallèle, il se plaint que son grand deuil l'empêche de composer convenablement, mais termine en remerciant Odin de lui avoir fait don de l'art de la poésie.
Le Sonatorrek n'appartient pas à l'Edda Poétique, mais se trouve consigné dans la Saga d'Egill Skallagrimsson (chapitre 78).
L'irrémédiable perte des fils
Egill Skallagrimsson.
Traduction d'après une version anglaise de Hringari Oðinssen trouvée sur le net et à l'aide de la traduction française de Régis Boyer.
1- Une chape de plomb
Git sur ma langue,
Je ne peux soulever
La mesure du chant.
Le larcin de Vidurr1
M'a été retiré,
Et tout réconfort,
Des cachettes de l'âme.
2- Ne me vient pas sans peine
- Le chagrin oppresse
Ainsi la demeure
De la pensée -
L'heureuse découverte
De l'époux de Frigg
Autrefois ramenée
De Jotunheim2 ,
3- La parfaite
Qui fit voguer encore
Le navire
De Nökkver3 .
Le sang du géant4
Rugit
Au pied des portes
Du hangar à bateau de Nainn5 .
4- L'orgueil de ma maison
Est abattue à terre
Comme les arbres des forêts
Foudroyés par la tempête.
Quelle joie peut éprouver un homme
Qui porte au tombeau
Les membres de ses parents
Depuis leurs bancs ?
5- Pourtant, il faut d'abord
Que je parle
De la mort de ma mère,
Du décès de mon père.
La charpente de ma louange
S'élève du temple des paroles,
Que les mots embellissent
De motifs feuillus.
6- Le bouclier de notre famille
Est largement déchiré ;
De cruelles vagues ont brisé
La robuste lignée de mon père.
Combien large est la brèche,
Combien vide est la place,
Que pratiqua la mer
En ravissant mon fils !
7- La féroce Ran
A ravagé autour de moi,
Tous ceux que j'aimais,
Elle s'est emparé de leurs dépouilles.
Rompus sont les cordages
Qui nous tenaient ensemble,
Les liens que fermement
Je gardais en mes mains.
8- Si cette offense
Par l'épée se dédommageait,
C'en serait fini
Du brasseur de bière6 ;
Si je pouvais affronter
Le frère du supplice des vagues6,
J'irais le combattre,
Lui et l'épouse d'Aegir7 .
9- Je n'aurais pas cru
Avoir la force
De chercher querelle
A la meurtrière de mon fils,
Car aux yeux de tous
Eclate la vérité :
Le vieux féal
N'a plus de descendance.
10- La mer m'a causé
Grand pillage.
Il m'est cruel de parler
De la perte de mes proches.
Depuis que notre bouclier
Nous a laissé sans défense,
Perdu pour nos regards
Sur les voies lointaines de la mort.
11- Nulle ombre de mauvaise foi,
Ni de fausseté, jamais,
N'aurait grandi en mon fils -
J'en suis certain -,
Si ce jeune bois
De bouclier avait durci,
S'il n'était tombé
Face au Goth des armées8 .
12- Pour lui, ma parole avait force de loi :
Il soutenait son père
Même si tout le monde
Parlait différemment.
Plus que tout autre
Il m'aurait épaulé.
Il était toujours
Un bastion sûr.
13- Le souffle
Du géant9
Me rappelle souvent
L'absence des frères :
J'y pense
Quand approche la bataille,
Je regarde alentours
Et me dis ceci :
14- Quel autre compagnon
Trouverais-je, fidèle
Pour rester à mes côtés
Dans les heures de détresse ?
Lorsque, parmi les perfides,
Diminuera le nombre de mes amis,
Et que je devrai fuir,
Qui couvrira ma retraite ?
15- Il est difficile à trouver,
Parmi le peuple
De la potence d'Elgr10
L'homme de confiance,
Et il est bon pour Hel
Celui qui trahit sa race
En vendant pour des anneaux
Le corps de son frère.
16- Je trouve souvent
Que qui demande argent...
17- Pas de compensation
Pour la perte d'un fils ?
Quelle compensation
Dédommage une telle mort,
Sinon d'engendrer
Un autre garçon
A même d'être tenu
Pour l'égal de son frère ?
18- Je ne trouve aucun plaisir
A la compagnie des hommes :
Même pacifiques,
Je les évite.
A présent mon fils rejoint
Le palais de Bileygr8 ,
L'enfant de ma femme
Retrouve les siens.
19- Mais le seigneur
Du moût du malt6
D'un cœur ferme
S'oppose à moi ;
Je ne puis plus
Maintenir haut
Le char de l'entendement,
La proue du sol11 .
20- Depuis que le feu de la fièvre
Haineusement,
A ravi mon fils
A notre monde,
Sage, il est libre
Des menaces de la honte
Et jamais ne le toucha
La tache de la disgrâce.
21- Je me rappelle
Du moment où l'ami des Goths8
Emporta
Vers le monde des dieux
Le frêne de ma lignée,
Celui qui grandit de moi
Et de la souche parente
De ma femme.
22- J'avais de bonnes relations
Avec le seigneur à la lance8 ,
J'allais sans peur,
Plaçant en lui ma foi,
Avant que le maître des chariots8 ,
Le souverain de la victoire8 ,
N'eût lacéré
Notre amitié.
23- A Odin, souverain des dieux
Et ami de Mimir,
Je ne sacrifierai donc
Plus de bon cœur,
Bien qu'il -je l'ai librement gagné-
M'ait offert en compensation
De ma souffrance un don
Que je tiens pour inégalé.
24- Lui, l'ennemi du Loup,
Vétéran des batailles,
M'a fait un don sans défaut,
Qui est mon art,
Et de cette nature
Qui me permit d'obliger
Mes ennemis à révéler
Leurs fourbes traîtrises.
25- A présent, tout devient difficile pour moi,
Je vois la sœur de Njörvi12 ,
Ennemi du Double13 ,
Se tenir sur le cap.
Pourtant, avec joie,
D'un cœur gai
Ne craignant rien,
J'attendrai la mort.
Egill ramène le corps de son fils Bodvar.
Bas-relief ornant le tombeau de Grimr le chauve à Borgarnes.1 : Vidurr : Odin, son larcin : la poésie.
2 : la poésie
3 : un des nains qui a emporté l'hydromel poétique avant que Suttungr ne s'en empare.
4 : la mer (le sang d'Ymir)
5 : falaise, rocher. La fin de la strophe évoque à la fois l'hydromel et la tempête qui a enlevé son fils à Egill.
6 : Aegir
7 : Ran ("pillage"), la déesse qui attire les marins dans ses filets pour les noyer.
8 : Odin
9 : le vent est le souffle du géant Hraelsveg.
10 : Potence d'Elgr : Yggdrasil. Le peuple d'Odin, les divinités, est ici considéré dans son ensemble comme aussi fourbe que son chef.
11 : char de l'entendement, proue du sol : la poitrine (ou la tête ?). Egill avoue qu'il a du mal à se redresser, à se tenir droit, courbé par le chagrin.
12 : la Nuit.
13 : La Nuit, émanation de la mort et attendant les défunts au bout des terres pour les emmener chez Hel est l'ennemie d'Odin, dieu de vie.
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