• De l'âme des Vikings

    Futhark

    Dédicace spéciale à Bertrand, "Verktyg Vargulfr"

     

     Algir Stien Klarnar, Wardruna

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    De l'âme des Vikings

     

    ... ou plutôt, des âmes des Vikings.

    Car chez les anciens scandinaves, pourtant réputés parfaitement ancrés dans le réel et le pragmatisme, pour lesquels religion et respect de la Loi n'étaient que des aspects d'une même ligne de conduite, existaient au moins cinq termes différents pour délimiter l'âme. Si peuvent être laissés de côté, d'après Régis Boyer, les termes sál, du vieux germanique (Seele en allemand, soul en anglais, la psychè, la pensée individuelle) et önd ou andi (le souffle vital, l'haleine, directement importé de la notion d'anima latine), dont les concepts nous sont assez facilement accessibles, restent tout de même trois vocables norrois pour désigner ce concept : hugr, hamr et fylgia. Qui ont des sens et des fonctions différents, probablement bien plus anciens que celui de l'"âme" au sens chrétien, et plus originaux.

     

    LE HUGR

    Le hugr, tout d'abord, le plus vaste, le plus général, est l'âme du monde partagée par tous et correspondant au mana polynésien, puissance spirituelle du groupe, et au Manitou amérindien, esprit de l'esprit, le grand tout immatériel. Il s'agissait d'un flux spirituel baignant la réalité, se manifestant soit spontanément, soit par l'intermédiaire d'une volonté expressément dirigée dans ce sens. Le hugr est généralement impersonnel et collectif, conscience et savoir à la fois. C'est par lui que surviennent les rêves, les présages, c'est par lui que l'on est courageux (ou couard si on y a peu accès), sensé (ou fou, si on en a été privé), habile parleur ou non.
    Il n'est pas sans rapport avec la connaissance : Hugin, corbeau d'Odin, est dépositaire de la Connaissance, celle qui permet de réagir, d'anticiper. Il dépasse l'individu. 

    Il est probablement la conception la plus primitive que les hommes purent avoir de l'immatériel de leur conscience, et de la rapidité de la pensée : celui qui vainc Thjalfi à la course lors du voyage de Thor chez Utgardaloki se nomme Hugi.

    Ses manifestations sont toujours actives, qu'elles soient spontanées, tout comme on dit aujourd'hui que se gratter la paume de la main est signe de rentrée d'argent, ou orientées par un malveillant ordinaire. Les nordiques croyaient que lorsqu'on avale de travers en buvant, c'est dû à l'envoi du hugr de quelqu'un qui envie le fait de boire. Le fait d'éternuer n'est pas bon signe, quelqu'un vous veut du mal, et si l'on se gratte le cou, c'est présage d'une mort prochaine par décollation. La démangeaison du nez signifiait que quelqu'un vous attendait, celle des doigts annonçait une visite, main droite pour un homme, main gauche pour une femme... Tous les gestes réflexes procédaient du hugr, qui mordait ainsi le destinataire. Qui mordait...

    En effet, les rêves mettant en jeu des créatures maléfiques comme les loups signaient souvent qu'un ennemi avait à votre encontre des pensées peu amènes, et que sa partie de hugr prenait symboliquement la forme d'un loup, classique pour figurer le méchant dans ce monde. En tant que puissance psychique présente partout, le hugr est bien commode pour les mages et magiciennes qui savent le manipuler afin de nuire à leurs ennemis. On disait d'eux qu'ils "chevauchaient le hugr", le domptait, et il en reste dans l'imaginaire collectif (hugr aussi ?) ces illustrations de sorcières montant des loups ou des balais (simplification extrême du loup ou du cheval, dont ne reste que la queue), pendant la nuit. Une des plus connues chez les nordiques était Hyrrokkin, la sorcière qui maudit Helgi (Helgakvitha Hjorvarthsonnar) et poussa à l'eau le navire funéraire de Baldr après lui avoir jeté un sort l'immobilisant... au grand dam de Thor qui, vexé de l'inutilité de sa force, la tua d'un coup de marteau.

     

    hugr, hamr, fylgia            hugr, hamr, fylgia

     Hyrrokkin                                                                                              Carabosse ?

     

    Un des exemples les plus caractéristiques de cet usage maléfique du hugr est celui du meurtre à distance du roi Vanlandi par la sorcière Huld par la matérialisation de l'esprit : "Driva paya la sorcière Huld pour qu'elle ensorcèle Vanlande afin qu'il revînt en Finlande, ou bien qu'elle le tue. Lorsque l'œuvre magique fut accomplie sur Vanlande, qui était à Uppsala, un grand désir le submergea de se rendre en Finlande. Mais ses amis et conseillers l'en dissuadèrent, et lui dirent que c'était la sorcellerie du peuple Finn qui se manifestait dans son envie d'aller là-bas. Alors il fut pris de torpeur, et se coucha pour dormir. Mais il dormait depuis peu de temps lorsqu'il se mit à crier, disant que la Mara le piétinait. Ses hommes se hâtèrent pour l'aider, mais lorsqu'ils lui prirent la tête, elle lui foulait les jambes à les briser, et lorsqu'ils lui saisirent les jambes, elle lui appuya sur la tête de sorte qu'il en mourut." (Pour savoir pourquoi Driva voulait voir revenir Vanlande en Finlande ou le tuer, voir Ynglinga saga 16, Snorri Sturluson). Huld commence par lui envoyer par le hugr une grande envie d'aller à sa perte, puis finit par la "matérialisation onirique" d'une Mara, une chevaucheuse. A noter que le terme cauchemar vient de cette pratique (caucher, picard, qui signifie fouler, piétiner, et marr : jument. Nightmare en anglais, tout aussi évocateur, jument de la nuit). 

     

    hugr, hamr, fylgia

    John-Henry Füssli : the Nightmare. Un poids sur l'estomac, et un cheval.

     

    En somme, le hugr est l'âme globale, l'âme mentale (de la pensée), l'esprit du monde, auquel chacun pouvait avoir accès s'il y prêtait un peu attention et en avait la faculté : savoir décoder les signes et interpréter les rêves était de la plus haute importance, et on en rencontre de nombreux exemples, que ce soit dans des œuvres narrant des légendes, comme la Volsunga Saga, ou des écrits à vocation plus historique, comme l'Heimskringla, et jusque tardivement, même sous la plume du chrétien Snorri.

     

    LE HAMR

    Hamr et Hugr se rejoignent sur certains plans. Le hamr est la forme de l'âme, et l'on a vu que le hugr pouvait assumer également des formes symboliques complexes en fonction de la puissance et du savoir de celui qui le manipulait. Mais le hamr, au contraire du hugr, est éminemment personnel et individuel. En tant que synonyme de forme, morphologie, hamr a signifié également dès le début : membrane qui entoure le foetus, amnios. Il est donc intimement lié à l'individu, externe avant la naissance, il s'intériorise lors de cette dernière, comme une membrane immatérielle collant à l'intérieur du corps, comme un moule en creux de notre apparence, notre principe spirituel, plus proche de la notion classique d'"âme", avec des différences notables cependant.

    En effet, pour les anciens scandinaves, le hamr n'est pas confiné définitivement à l'intérieur du corps. Chez certains individus, dans certaines circonstances, il peut s'en échapper du vivant de l'homme, assumant alors une forme propre et agissant comme bon lui semble. Le hamr d'Odin était particulièrement libre, actif et polymorphe, comme il se doit pour un être capable de magie puissante : "Odin pouvait changer de forme : son corps pouvait gésir tel un mort, ou un homme endormi. Mais tout aussi bien, il se transformait en poisson, ou en ver, en oiseau, en fauve, et pouvait en un clin d'œil gagner des contrées lointaines pour vaquer à ses propres affaires ou à celles de son peuple." (Ynglinga Saga 7, Snorri Sturluson). Faculté qui n'est pas sans évoquer l'une des pratiques fondamentales du chamanisme, la désincarnation et l'incarnation animale par possession.

    Si chacun dispose d'un hamr, seuls quelques-uns possèdent cette capacité innée, constitutive, de le "faire courir", car il ne s'agit pas réellement d'une métamorphose, mais de l'expression de cette partie du soi. Les individus hamrammr, "devenus puissants par leur forme", sont particuliers, et, comme pour témoigner de l'ancienneté de cette croyance, leur hamr assume toujours la même forme animale, totémique (ours, loup, taureau, aigle...). Une volonté extérieure peut cependant les aider ou les obliger à exprimer leur hamr, par sorcellerie.

    Le Landnamabok, Sturlubok chap 350, raconte cette curieuse histoire : "Dufthark avait très fort la faculté de changer de forme, de même que Storolf de Hvall. Un soir, vers le coucher du soleil, un homme doué de seconde vue vit sortir de Hvall un gros ours et de Dufthaksholt un taureau. Les deux s'affrontèrent dans la plaine, qui fut trouvée toute retournée au matin. Et les hommes étaient tous deux blessés en s'éveillant."
    Cette forme peut également être modifiée par le changement de religion. Le prêtre Gudhmundr Arason, dans la "Saga Gudhmundar godha", se désincarne pour aller combattre et mettre en fuite une femme-troll et aider un homme, assumant sa forme de... prêtre, armé d'un goupillon. Mais le concept persiste !

    Les formes les plus courantes et les plus emblématiques sont cependant celles de l'ours (mannbjorn, homme-ours) et du loup (vargulfr, loup-loup), qui entrent aussi dans le cadre des "guerriers d'Odin", les Berserkers, dont le hamr s'exprimait pendant les combats lors d'accès de fureur sacrée. Le berserksgangr est décrit par Snorri Sturluson dans le chapitre 6 de l'Ynglinga saga : "Odin savait faire en sorte que dans la bataille, ses ennemis devenaient aveugles, ou sourds, ou frappés de terreur, et leurs armes si émoussées qu'elles ne mordaient pas plus qu'une tige de saule (voir la liste des sorts runiques dans les Havamal, Ljodatal, strophes 146-164). Par ailleurs, ses hommes à lui se ruaient à l'assaut sans broigne, comme des loups ou des chiens fous, mordaient leur bouclier, et étaient forts comme des ours ou des taureaux sauvages, et fauchaient les hommes en tempête, mais ni le feu ni le fer n'avait prise sur eux. On nommait cela berserksgangr, fureur de berserk." Le nom d'Odin signifie "fureur sacrée" (odhr en norse, wut en germanique, dans Wotan).

       * Les hommes-loups
    Cette forme recoupe amplement le mythe des loups-garous. Dans la saga d'Egill Skallagrimson, le grand-père d'Egill, nommé Ulfr, est ainsi décrit : "Quand venait le soir, il devenait farouche, en sorte que peu de gens pouvaient lui adresser la parole ; il avait envie de dormir. Les gens disaient qu'il était très hamrammr ; il fut surnommé Kveld-ulfr (loup du soir)." Dans la Volsunga saga, Sigmundr et son fils Sinjotli se transforment également en loups, après avoir revêtu des pelisses, des "formes", ensorcelées. Quelques femmes sont aussi réputées avoir eu cette capacité (Harbardsljod, strophe 39), et en ont été châtiées, tant il est vrai que le loup portait l'empreinte du chaos et du maléfice.

     

    hugr, hamr, fylgia

    Moule en bronze de Öland, représentant à gauche probablement Odin (qui ne porte pas un casque à cornes, les "cornes" étant la stylisation de ses deux corbeaux) et à droite un homme-loup, un Ulvedhinn "celui qui porte une peau de loup", tout comme berserk signifie: "celui qui porte une pelisse d'ours".

     

       * Les hommes-ours
    Lorsqu'il ne s'agit pas du loup, la forme la plus commune du hamr est celle de l'ours.

    Dans la saga de Hrolf Kraki, le roi Björn (Ours) Hringsson épouse une première femme, qui meurt après lui avoir donné un fils. Sa seconde épouse décide de libérer le hamr que ce fils porte en lui (pour se débarrasser de lui et l'envoyer "courir" en forêt) : "La forme d'ours se coula sur lui, puis l'ours sortit" (retour à l'image de l'amnios). Par la suite, il est obligé de se réfugier dans la forêt, où il vit comme un proscrit.

     

    hugr, hamr, fylgia

     Berserker d'Heroïc Fantasy

     

    Une autre façon de révéler, ou réveiller, son hamr aurait été de manger l'animal qui lui correspondait. Ainsi, dans le Landnamabok est narrée l'histoire d'Oddr : "Il y avait un homme qui s'appelait Arngeirr, qui colonisa tout le Sletta entre Havarlon et Sveinungsvik ; ses enfants étaient Thorgils, Oddr et Thrurodhr qu'épousa Steinlfr du Thjorsardalr. Dans son enfance, Oddr restait habituellement près du feu, il était un peu retardé et on l'appelait Kolbitr. Arngeirr et Thorgils s'en allèrent de chez eux par une tempête de neige pour chercher du bétail, et ne revinrent pas à la maison. Oddr alla à leur recherche et les trouva morts tous les deux : c'était un ours blanc qui les avait tués et il était en train de les dévorer quand Oddr survint. Celui-ci tua l'ours et le ramena à la maison, et l'on dit qu'il le mangea tout entier, déclarant qu'il avait vengé son père en tuant l'ours et son frère en le mangeant. Ensuite, Oddr fut méchant et difficile à traiter. Il avait un tel pouvoir de changer de forme qu'un soir, il s'en alla de chez lui dans le Hraunhofn, et vint le lendemain à Thjorsardalr (à 400 km de distance) porter secours à sa sœur que les gens du Thjorsardalr voulaient lapider à mort pour sorcellerie et magie."

    Tout homme est double, porteur de son âme interne, le hamr, originellement animal. Seuls quelques "élus" deviennent hamrammr, à la fois puissance et malédiction, ainsi que repris dans le film "le sang des vikings", où le berserker a été maudit et assume physiquement une forme d'ours-garou. 

     

    hugr, hamr, fylgia

     

    Lorsque le hamr est mieux maîtrisé, l'approche du combat provoque la fureur des guerriers d'élite et l'expression du hamr. Ainsi est décrite la bataille de Hafrsfjord (Stavanger), en 872, où se fit l'unification de la Norvège sous le règne du roi Harald à la Belle Chevelure (Heimskringla, Snorri Sturluson, poème du skalde Thorbjorn - Ours de Thor ! - Hornklofi) :

    "Et quand les navires ennemis s'approchèrent,
    Vous auriez dû entendre l'effrayant vacarme,
    Les féroces hommes-ours rugissant follement,
    Et les furieux champions en pelisse de loup,
    Hurlant comme des loups, et le bruit cliquetant
    De ces nombreux guerriers portant cotte de mailles."

    On a prêté à ces berserkers au sens large une résistance surnaturelle à la douleur et aux blessures, du fait de l'état de transe qui accompagne l'extériorisation du hamr, et au fil du temps, cette figure a été utilisée et parfois tournée en ridicule dans les sagas héroïques, où le jeune héros se devait d'occire un berserker pour prouver sa valeur, en guise d'étape initiatique dans sa vie d'homme et de guerrier.

     

     LA FYLGIA

    La fylgia, comportant la racine fylg, qui signifie suivre, accompagner, aider (allemand : fölgen, anglais : follow), désigne primitivement le placenta, la "délivre", qui suit le nouveau-né après son expulsion, et représente l'esprit qui accompagne chaque être humain après sa naissance, son "ange-gardien" dans la conception chrétienne (fylgjuengill en Islandais). Il s'agit probablement de la conception la plus ancienne des trois formes d'âmes qui sont traitées ici. Il s'agit d'un autre double spirituel du soi, parfois animal à l'origine, le plus souvent féminin par la suite, mais qui diffère du hamr par sa facilité à sortir de la personne, par son caractère extérieur. Ce moi se dédouble non chez certains seulement à la faveur de circonstances particulières, mais régulièrement, chez chacun, et peut alors être perçu dans un demi-sommeil ou lors des rêves.

    Une convergence est à noter entre "haminjia", hamr collectif de la famille détenu par le chef de famille, et "aettarfylgja", fylgia familiale, comme en témoigne la confrontation de ces deux textes:

    * Dans la Saga de Viga-Glumr, Glumr voit une nuit en rêve :"une femme s'avançant vers Thvera. Et elle était si grande que ses épaules touchaient les montagnes des deux côtés. Et il se voyait sortant de l'enclos pour aller à sa rencontre, et l'invitait à venir chez lui. Puis il s'éveilla. Tous trouvèrent étranges ses paroles quand il dit : "Ce rêve est grand et remarquable, et ainsi l'interpréterai-je : Vigfuss, le père de ma mère, doit être mort à présent, et cette femme devait être sa hamingja, qui allait, plus haute que les montagnes. Et lui, Vigfuss, était de bien des façons supérieur en distinction aux autres hommes, et sa hamingja doit se chercher un domicile par ici, là ou je suis." Or, pendant l'été, un bateau arriva en Islande, et on apprit la mort de Vigfuss." Lequel se trouvait alors en Norvège.

    Puis plus loin, Glumr ajoute : 

    "Je vis une dise de stature imposante,
    Une déesse de la coiffure, 
    Venir ici dans l'Eyjafjord, 
    Le casque sur la tête."

    * Dans l'Hallfredhar saga, au cours d'un voyage en bateau, Hallfredhr Le Skalde Difficile tombe malade : "Alors ils virent une femme marcher derrière le bateau. Elle était grande et en broigne ; elle marchait sur les vagues comme sur la terre. Hallfredhr regarda et vit que c'était sa Fylgjukona (kona = femme). Il dit : "- Je déclare que tout est rompu entre nous". Elle dit "- Thorvaldr, veux-tu de moi ?" Thorvaldr déclara que non. Alors Hallfredhr le Jeune (fils du Skalde) dit : "- Moi, je veux bien de toi." Puis elle disparut". Et Hallfredhr le Skalde mourut.

    Dans le premier comme dans le second cas, l'héritier accepte l'esprit, il y a transmission, et, dans le second texte, le détenteur actuel prend même congé de lui. Dans les deux, la visibilité de l'esprit annonce le décès, et en effet, voir sa fylgia ou celle de quelqu'un d'autre, que ce soit dans la réalité ou en rêve (la frontière entre les deux était très floue chez les Nordiques de cette époque) est signe annonciateur de la mort prochaine de son détenteur. Dans la Helgakvitha Hjorvarthsonnar, on lit : "Helgi parlait ainsi car il pressentait sa mort, parce que ses esprits protecteurs avaient rencontré Hethin lorsqu'il avait vu la femme chevauchant le loup."  Hethin ayant rapporté à Helgi qu'il avait vu les fylgjur de ce dernier, Helgi sait qu'il va mourir. Il n'y a généralement qu'une fylgia par personne, en posséder plusieurs est exceptionnel, mais Helgi est un héros exceptionnel, de son nom "le Sacré".

    Dans sa forme plus récente de femme-fylgia, cet esprit protecteur mais ambivalent, assume volontiers dans les textes une allure martiale (broigne, casque, dans les textes précédents), qui renvoie à l'image de la Valkyrie, et de là, à celle des Dises (voir l'article Jol), descendantes des géants comme les Nornes, ce qui renforce la collusion entre fylgia et destin, thème fondamental et central de la vision du monde des anciens scandinaves. On en trouve une allusion dans le Vafthrudnismal :  :

    "Gangrade

    J'ai beaucoup voyagé, j'ai eu beaucoup d'aventures,
    J'ai mis à l'épreuve beaucoup de puissances :
    — Quelles sont ces vierges qui au-dessus de la mer des peuples
    Volent douées d'un esprit de sagesse ?

    Vafthrudnir

    Au-dessus des hameaux volent trois compagnies de filles de Mogthrasir :
    Elles portent la chance au monde,
    Bien qu'elles soient élevées parmi les lotes."

    La fylgja, génie tutélaire, émanation de la chance et du destin, s'inscrit donc dans la représentation archétypique très ancienne d'une créature éthérée et volante qui assume la charge de la destinée d'un individu ou d'un clan.

     

    PROLONGEMENTS

    La présence constante de l'autre monde, et sous différentes formes, dans le réel d'une civilisation souvent dite matérialiste et légaliste, voire procédurière, permet de comprendre en partie son fonctionnement. Dans une réalité aussi hantée par l'occulte, l'homme devait avoir en permanence conscience de son accès et de sa participation au surnaturel, au sacré, de même que la perception de cette intrusion permanente du divin dans sa vie : habité (par le hamr), suivi (par la fylgia), animé (par le hugr) par la puissance du Destin. Il en a résulté une notion centrale en droit nordique, celle de la mannhelgi : le caractère sacré de l'homme en tant que participant du divin, le divin étant lui-même le garant de l'ordre du monde. La mannhelgi représente dans les textes de loi l'inviolabilité de l'individu, et permet de définir que celui qui attente à sa personne, à ses biens, à sa famille, attente également à l'ordre du monde (et l'augmentation de cette entropie participe au cheminement vers les Ragnarök). De même, s'attaquer à l'autre écorne la mannhelgi du coupable, de l'intérieur. Dans certains cas, la faute est réparable, moyennant un dédommagement financier le plus souvent. Mais dans d'autres, ceux des crimes honteux : meurtres honteux (tous types de meurtres lâches), vols, viols..., la mannhelgi perdue des deux côtés n'est pas récupérable, et cause des dommages au monde. C'est également ce concept qui explique que la pire sanction qui pouvait frapper une personne à cette époque n'était ni la mort (rarement prononcée par jugement avant l'avènement du christianisme), ni le bannissement, mais la déclaration "hors-la-Loi". Un hors-la-loi était dépouillé par jugement de sa mannhelgi, exclu de la société des hommes, et condamné à vivre comme un animal. Le tuer n'était plus un crime, ni honorable, ni honteux. Etant entendu bien sûr que comme dans nombre d'autres sociétés, était compris sous le terme "individu" ou "personne" tout homme (ou femme) libre de cette société, et que les lois régissaient les rapports entre eux. A l'étranger ou vis-à-vis des thraell (esclaves), c'était une autre affaire...

     

    Ouvrir son hugr, faire courir son hamr, voir sa fylgia. Un résumé de la vie ?

     

     hamr, hugr, fylgia, fylgja                                                                                                                          hamr, hugr, fylgia, fylgja


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  • Commentaires

    1
    Mercredi 19 Juin 2013 à 13:30

    Eh bien!

    Au départ, je me demandais comment on pouvait aborder l'âme de 5 manières différentes, mais en fin de lecture, oui je m'y retrouve, bien que, évidemment, cela me demanderait d'y réfléchir et de lire encore  :)  Heureusement que tu donnes beaucoup d'exemples, à la fois issus de cette civilisation qui te passionne mais aussi d'histoires qui nous sont plus familières, ça aide ;-)

    Ce que je trouve passionnant, c'est la multiplicité de manières de décrire l'existence de notre/nos monde(s) intérieur(s) et la relation de celui/ceux-ci avec l'extérieur, l'âme collective, l'inconscient collectif ... (en vrac, je pense donc aux mythologies diverses, à Clarissa Pinkola Estes et son concept de la Femme Sauvage, Freud, Lacan ...) et où l'on retrouve des constantes, comme le loup, pauvre bête ;-)

    Bon, en vrai, je me sens trop peu érudite face à ce seul article extrêmement riche et touffu pour commenter "bien", mais je voulais aussi dire que je n'avais jamais, mais alors jamais réfléchi à l'étymologie du mot "nightmare", que je voyais pourtant bien comme un mot "sécable"!!! Et je découvre donc l'origine du mot anglais "berserk", qui signifie "fou furieux" (au sens de particulièrement dérangé dans sa tête) ...

    Merci Thordruna!

     

    2
    Mercredi 19 Juin 2013 à 22:50

    Je n'ai pas développé les champs lexicaux très riches relatifs à ces trois types d'âmes particulières, rébarbatifs pour les non-islandophones (dont je suis !), ni les listes de prénoms d'animaux que portaient les norses, et à peine les types de magie liés à ces âmes. Ça viendra peut-être. Plus je progresse dans l'étude de cette civilisation, qui n'a après tout pas duré très longtemps, plus j'y retrouve des modes de pensées connexes avec d'autres, ailleurs, notamment indo-européennes bien sûr, mais pas seulement. Ce qui me fascine, c'est la manière dont cette vision du monde a pu diverger à partir de la façon dont nos ancêtres les hommes préhistoriques l'appréhendaient : le rapport à l'animalité (le peu que j'ai lu chez toi de la Femme Sauvage semble le confirmer), l'interpénétration du monde visible et du monde invisible, qui est vraiment permanent chez les scandinaves, les indiens hindouistes et les amérindiens (entre autres), le mystère de la vie et de sa transmission, La Grande Affaire de la nature (tu parlais de Freud ?)... Deux de ces trois âmes ont des noms d'annexes foetales, c'est très frappant. Et tout renvoie au chamanisme initial, bien qu'il y ait eu superposition de plusieurs couches de croyances : animisme, polythéisme, et à la fin, monothéisme. La spiritualité des religions du Livre m'apparaît plutôt pauvre en comparaison, et peut-être que notre civilisation a perdu quelque chose au passage. Je pars dans tous les sens, il me semble. En résumé, je regrette que l'écriture ait été inventée aussi tard, parce que lire les écrits des hommes du paléolithique m'aurait passionnée : comment percevaient-ils leur moi, l'autre etc, etc ? Il nous reste de ces croyances, pour certaines probablement ancrées depuis l'origine de l'homme, des réminiscences caricaturales d'imagerie populaire, mais très parlantes, et tout un vocabulaire dont nous ignorons souvent l'origine pittoresque. Et peut-être des comportements sociaux ou superstitieux.

    Nightmare, j'étais allée un peu plus loin que toi, il est quand même étrange, ce mot : je l'avais coupé et traduit. Réflexion : "Ils sont fous, ces Anglais !". Maintenant, ça fait sens. Alors ne te laisse pas faire par les bourrins qui pensent du mal de toi ! Fais courir ton loup... (l'escargot, c'est pas la peine !)

    A+

    3
    Mercredi 19 Juin 2013 à 23:26

    Je ne peux que rebondir sur une de tes nombreuses idées : "je regrette que l'écriture ait été inventée aussi tard, parce que lire les écrits des hommes du paléolithique m'aurait passionnée"

    Pfffiou! M'en parle pas .... Voilà une passion que j'aimerais un jour développer comme tu as développé la tienne ici  :)  Moi, j'en suis restée, peu ou prou, à Jean M. Auel et sa saga du Clan de la Caverne des Ours (qui est loin d'être mauvaise ceci dit  si l'on sait faire la part des choses et approfondir certains passages) ... hi hi :)

    Allez, je file ... j'ai quelques gorges à trancher, et surtout quelques gambades m'attendent! ... :D

     

    4
    Jeudi 20 Juin 2013 à 08:56

    Le gros problème des "Enfants de la Terre", et sa force aussi, c'est la contraction temporelle des progrès qu'Ayla résume presque à elle seule. Mais si on passe dessus et sur les quelques longueurs et redites, il y a quand même un vrai travail d'investigation. Et des clins d'oeil sympas, comme celui à la Dame de Brassempouy. Il faut trier, mais j'avais trouvé l'ensemble plutôt bien fait, et donnant envie d'en savoir plus. Pas le temps...
    J'espère que ta chasse nocturne a été fructueuse :)

    5
    Vendredi 21 Juin 2013 à 13:10

    Saleté de Lulette qui vient de me faire découvrir ce blog !
    Des heures et des heures de lecture en perspective, pfff.
    Alors que la vie est si courte et que ses rares journées le sont aussi.

    Je n'ai, pour l'instant, que parcouru cet article dont je ne le commenterai pas vraiment, juste une remarque : je ne suis pas sûr que le mana polynésien ressemble tant que ça au hugr ici décrit, mais je relirai avant d'être affirmatif.

    En fait ce que je voulais signaler à Lulette, c'est l'existence d'une autre série de livres qui "disent" le paléolithique.
    Il s'agit des romans de Pierre Pelot (sous la direction scientifique d'Yves Coppens). Ca commence avec Le rêve de Lucy (australopithèque) et ça va jusqu'aux premiers sapiens, donc nous.

    Je dis bien qu'il s'agit de "romans" ! Pas d'ouvrages universitaires ou savants. Mais je pense depuis longtemps qu'une bonne fiction est plus instructive qu'un documentaire médiocre ou même moyen.
    Vous connaissez mieux le XVIIè siècle après avoir lu Les trois mousquetaires.
    Ici, l'intérêt de la forme romanesque est de nous "plonger" dans une réalité autrement inaccessible.
    J'ignore ce qu'il en est de la disponibilité actuelle de ces romans : ils sont parus vers la fin des années 1990, mais on doit pouvoir en trouver certains sinon tous.

    Je ne connais pas le Clan de la Caverne des Ours, mais vous semblez dire qu'il y a contraction temporelle. Justement c'est l'intérêt de la série que je vous signale : on y parle de diverses étapes de l'humain depuis plusieurs millions d'années, en essayant, à chaque fois, de ne pas faire trop d'anachronismes.
    Comment pensait un australopithèque est certainement autre que comment pensait un Homo Habilis, ces récits en tiennent compte (autant qu'il est possible).

    Enfin bref : je vous recommande.

     

    6
    Vendredi 21 Juin 2013 à 21:15

    Bonsoir Leoned.

    Rassurez-vous, pour les non-aficionados du genre, le Skaldskaparmal et les Sagas historiques des rois de Norvège doivent représenter une forme de pensum dont on peut aisément se dispenser : autant de temps gagné !

    Au sujet du mana et du manitou, en effet, la formulation de ma phrase est maladroite : "correspondant" pourrait avantageusement être remplacé par "s'apparentant par son caractère collectif au mana polynésien..." C'est la faute à Baudelaire. Il n'y a pas de superposition exacte entre hugr et mana, non plus qu'entre hugr et manitou, juste une parenté conceptuelle, chacun des termes étant par ailleurs polysémique, et ses applications magiques différentes.

    Les romans historiques et préhistoriques représentent une façon de réfléchir et d'apprendre par immersion très agréable, tant qu'ils sont sous-tendus par un travail de recherche sérieux. Dans la série des Enfants de la Terre, il est indéniable, jusqu'à ce que de nouvelles découvertes n'infirment peut-être ce qui est écrit, tout comme "La Guerre du Feu" de Rosny aîné a perdu au fil du temps pas mal de son crédit scientifique. Je crois bien que je vais profiter de votre recommandation pour mettre à jour ma base de données sur la préhistoire et ce qui "a fait l'homme" à cette époque. En quête d'une définition, j'avais lu "les animaux dénaturés" de Vercors, et pour compléter ma biblio, "Pourquoi j'ai mangé mon père ?" de Roy Lewis (traduit par le précédent) à la fois déjanté dans ses anachronismes et générateur de questions. Il y a aussi eu autrefois "Rahan, fils des âges farouches", mais... sans commentaire.

    @+ 

    7
    Vendredi 21 Juin 2013 à 21:24

    @ Thordruna

    Ben oui, mais c'est qu'a priori ça m'intéresse !!

    Pour le manitou, je n'y connais rien, mais pour le mana, même s'il a des acceptions différentes selon les endroits, il me semble qu'il s'attache plus aux "choses" qu'aux gens. Faudra que je vérifie.

    Même si Rosny a vieilli (scientifiquement) c'est un modèle du genre et le film qu'en a tiré J-J. Annaud n'était pas mal du tout (malgré certains anachronismes)
    Je n'ai pas lu le Roy Lewis (ou alors je ne m'en souviens plus trop) et le Vercors je suis sûr que non.
    Mais même Rahan c'était bien : un peu militant sur des notions de progrès, de tolérance, d'anti-racisme, etc.  (Illustré du PC !!), mais globalement humaniste.

    A bientôt, je le sens...

     

    8
    Mercredi 30 Octobre 2013 à 19:22

    Ouaaah ! (hurlement de Loup qui ne sait plus où battre des ailes...)

     

    Il y a dans cet article (et dans les commentaires qui suivent) de quoi alimenter de longues sagas au coin du feu pendant plusieurs hivers !

    Je me contenterais de souligner (quelques) points.

     

    La description de la Fulgya me permet de bien mieux appréhender la Banshee chez les Écossais (et les Irlandais), et pourquoi elle se fait entendre à la veille d'une mort au sein du clan.

     

    Le Hugr mérite que l'on cite un nom, celui de Jung et de son "inconscient collectif".

     

    Le Hamr ouvre directement sur les pratiques chamaniques, ça c'est une redite parce que vous l'avez fait remarquer dans le texte, mais voir le corps d'Odin rester comme dans un état de mort apparente pendant qu'il va en "esprit" par mont et par vaux, non, je ne peux pas y rester insensible. Un cas relativement récent (époque Moderne de la Contre-Réforme) a existé dans le Frioul italien, où des hommes et des femmes se changeaient la nuit en animaux pour contrer l'action malfaisante de sorciers sur les récoltes des villageois (les Benandanti) justement "élus" à la naissance parce que la tête couverte par la poche amniotique (les nés-coiffés).

     

    Or il existe une constante (du moins une donnée fréquente) dans les cultures purement chamaniques étudiées par les anciens voyageurs ou plus récemment les anthropologues, c'est qu'un sorcier/chamane passe pas mal de temps à se battre (contre par exemple le chamane de la tribu voisine, que ce soit chez les Yakoutes, en Amazonie voire chez les Inuits) lors de ses "voyages".

    Du coup l'ambiance belliqueuse d'Odin et de ses Berserkers pourrait prendre une nouvelle coloration.

    On retrouve la trace du (bon) loup-garou dans la région baltique, en Livonie, à peu près à la même période que les Benandanti (désolé pour le manque de précision mais je n'ai pas trop le temps d'aller revérifier chacun des exemples que je cite, j'espère ne pas trop faire de mélanges) avec un vénérable vieillard interrogé par les autorités religieuses (dont on a heureusement conservé le procès-verbal, comme au Frioul) qui soutient mordicus que même si il a l'habitude de se changer en loup la nuit, le sorcier (dans la logique du prêtre qui se trouve en face de lui) ce n'est pas lui, mais les autres, en face. Et ce bon curé de ne plus savoir à quel saint se vouer...

     

    Merci également pour cette définition de cauchemar, nom qui me restait inexplicable jusqu'ici. La pression sur l'estomac est peut-être à mettre en rapport avec ce qui a été analysé de manière scientifique comme une "paralysie du sommeil"', une sensation désagréable qui prend le corps avant de s'endormir et que certains ressentent plus que d'autres, et qui peut déboucher sur une panique.

    C'est également une technique (pragmatique et pas forcément indiquée) pour parvenir à un état de conscience lucide au sein d'un rêve. Le principe en est simple : le corps teste la conscience, en lui envoyant une terrible envie de bouger ou de réagir (face par exemple à ce sentiment de paralysie ou de fourmillement... peut être est-ce que je mélange deux notions, c'est possible) et si celle-ci ne réagit pas, le corps "comprend" que l'esprit dort, et peut donc envoyer... les rêves. Du coup "il suffit" de faire croire au corps que l'on dort en en bougeant absolument pas pour entrer (en théorie) en conscience au sein d'un rêve (qu'il soit judicieux de demeurer stupidement lucide dans un rêve qui s'adresse justement à notre inconscient est une autre question...).

    Pourquoi toute cette digression ? Parce que cela pourrait avoir un rapport avec une technique pour entrer en communication avec cet... Inconscient collectif? Hugr ? Imaginaire collectif ?

     

    Encore un petit détail, chez les Grecs antiques aussi, éternuer signifiait un mauvais présage...

     

    ...D'accord au sujet des Enfants de la Terre. Je n'ai toujours pas réussi à terminer l'avant-dernier volume... Depuis plusieurs années ! Un très bon livre si il avait pu être limité à deux volumes et non autant de redites et de longueurs. Et il devient parfois lassant de voir Ayla découvrir l'ensemble des techniques du Paléolithique, voire des périodes suivantes en l'espace d'une saison ou deux... Je m'attends sans cesse à ce qu'elle finisse par découvrir la fusion du métal voire la fusion nucléaire tout court... ; )

    9
    Mercredi 6 Novembre 2013 à 22:16

    @ Loupdes neiges

    Il va vraiment falloir que j'élargisse mes horizons aux celtes avec un peu de sérieux. Je n'avais pas pensé à la banshee, que je connais surtout... par le jeu de rôles (et ses interventions réfrigérantes sur Ténébreuse).
    Jung était un grand mythologo-comparateur. Il me semble me rappeler qu'en plus de connaître sur le bout des doigts les paganismes européens, il avait aussi fait des incursions chez les Nord-Amérindiens, les Africains, et en Inde :) De fait, je connais peut-être mieux le travail de Bachelard, qui découle de celui de Jung, sur les rêves et leur symbolique, les constantes et les composantes de l'imaginaire (plus ou moins collectif) et de l'imagination (personnelle), en relation avec les grands archétypes élémentaires et les schèmes comportementaux communs issus d'une époque où les hommes n'écrivaient pas. J'ai beaucoup laissé tomber l'exploration de la psychanalyse et domaines connexes pour continuer à percevoir l'affect quand je lis Hölderlin ou Lautréamont.
    Merci pour les informations au sujet des Benandanti, que je ne connaissais pas du tout : il est complètement fascinant d'y retrouver l'amnios, texto. Le concept n'est certainement pas tout jeune, et encore une fois, en relation avec la chance, ou le destin, et des capacités psychiques bien particulières. La phrase "la forme d'ours se coula sur lui..." prend toute sa force. On a sorti ma fille des eaux au bistouri, il va falloir que je la surveille. 
    Perso, lorsque je la ressens, j'aime bien la paralysie qui prélude au sommeil. C'est curieux, cette impression d'apesanteur en même temps que la conscience s'élargit, ou perd sa densité, et accède, très brièvement -après, je dors-, à autre chose, ou plutôt lui laisse la place. Mais de là à prendre pied consciemment dans l'inconscient, il y a un cap à franchir dont je ne perçois ni la possibilité, ni la pertinence. 

    @ Leoned

    En parlant de choses qui viennent du fond des âges, je vous sais gré de m'avoir incitée à lire le Rêve de Lucie. Dès la deuxième page, j'ai eu une sorte de... choc (un peu fort, comme terme) : Celui qui marche lentement... Celui, couleur de terre, aux dents qui frappent... Celles qui sautent et qui courent si vite, avec comme des branches sur la tête... Pas de réponse, une nouvelle question : la périphrase poétique systématique des skaldes pour ne pas nommer directement ce qu'ils doivent nommer pourrait-elle provenir de cette si lointaine époque où l'humain ne mettait pas encore de mots sur toutes choses ou toutes personnes ? Ça me semble loin. Ou d'une époque ultérieure où certaines de ces choses sont devenues sacrées, et donc innommables (sans péjoration) ? Donc merci, j'aime beaucoup les questions ! (Le dessin de Lucie Hamlet est parfaitement génial).

    10
    Jeudi 7 Novembre 2013 à 17:00

    Restez quand même concentrée sur le monde viking, car si vous attrapez mon virus vous allez butiner comme une abeille sans jamais trop pouvoir approfondir tel ou tel thème comme vous parvenez à le faire... Aussi si je peux voir un lien avec Jung, les autres noms que vous citez même si ils ne me sont pas totalement étrangers ne me permettent plus de suivre dans ces domaines.

    Enfin pour les Benandanti il faut surtout remercier la personne qui a eu l'heureuse idée de traduire l'article italien de Wikipédia.

    Quant à la possibilité de rêve lucide elle existe réellement, l'ayant expérimenté une très courte période, même si dans mon cas la conscience n'a jamais réussie à être pleinement maîtresse d'elle-même. Mais bon j'arrête là parce qu'on va finir par voir des fumées d'encens et entendre le son des cithares ce qui ne fait pas trop scandinave : )

    Si la petite s'est déjà revêtue d'une pelisse de bisounours, elle a peut-être effectivement certaines prédispositions à devenir berserker...

    11
    Vendredi 8 Novembre 2013 à 13:20

    @ Loupdesneiges

    Fumée d'encens et cithare, non, mais corne de bière (belge, pour moi), fiddle, guimbarde et tambour en peau de cerf peuvent donner une idée de l'ambiance... (voir le projet Runaljod du groupe Wardruna, chanté en vieux norrois). 

    Pas testé la pelisse de bisounours, mais à 4 ans, elle courait dans les rayons des supermarchés en hennissant, à 8, elle grimpait aux arbres en sifflant, et maintenant, de temps en temps, elle aboie ou hurle à la lune... Je crois qu'elle se cherche !

    12
    thorstein
    Mercredi 3 Septembre 2014 à 01:41
    Bien que je n'ai que 14 ans j'ai trouver cet article passionnant il m'a appris énormément de chose sur les différents aspects de l'esprit et l'étymologie du mot nightmare ma aussi beaucoup ettoné merci infiniment thordruna.
    13
    Mercredi 3 Septembre 2014 à 21:13

    Merci Thorstein, à bientôt.

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