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Chapitre 33 : Gudrun mariée à Atli.
A présent, les choses sont telles que tous ceux qui entendirent ces récits ont dit qu'aucun homme comme Sigurd ne naquit jamais dans le monde, ni qu'aucun homme ne le surpassa par la suite du fait de sa valeur, et que son nom ne fut jamais amoindri par les anciens dans la langue néérlandaise, ni dans les pays du nord, tant que le monde resta debout.
L'histoire raconte qu'un jour, alors que Gudrun siégeait dans son boudoir, elle se mit à parler :
"- Meilleure était la vie en ces jours où j'avais Sigurd. Lui, si supérieur aux autres hommes comme l'or l'est au fer, ou le poireau à l'herbe des champs, ou le cerf à tous les êtres sauvages. Jusqu'à ce que mes frères ne me privassent d'un tel homme, le premier et le meilleur d'entre eux tous. Et ils n'eurent pas de repos avant de l'avoir tué. Grani hennit si bruyamment sa douleur lorsqu'il vit son maître et seigneur si gravement blessé, et lorsque je lui parlai ainsi qu'à un être humain, tandis qu'il s'écroulait à terre, car il savait que Sigurd était assassiné."
Après cela, Gudrun partit dans les bois, entendant tout autour d'elle hurler les loups, et trouvant que la mort était un sort plus enviable que la vie. Alors elle marcha jusqu'à parvenir jusqu'à la halle du roi Alf, et resta là, au Danemark, avec Thora, fille de Hakon, pendant sept saisons, et y reçut un accueil chaleureux.
Là-bas, elle étala son ouvrage devant elle, et broda nombre d'œuvres et de grandes et belles pièces selon la mode de cette époque, avec des épées et des armures, et tout l'équipement des rois, et les navires du roi Sigmund faisant voile le long des terres. Oui, et elles représentèrent la manière dont s'étaient battus Sigar et Siggeir, dans le sud, à Fjon. Telle était leur distraction, et il arriva un jour où Gudrun se sentit un peu soulagée de son chagrin.
Alors Grimhild finit par savoir où Gudrun s'était installée, et elle appela ses fils pour leur parler. Elle leur demanda de quelle manière ils pensaient offrir réparation à Gudrun pour son fils et son mari, et leur dit qu'il était régulier et correct de procéder ainsi.
Gunnar répondit et dit qu'il apaiserait ses chagrins avec de l'or.
Alors ils firent appeler leurs amis, et préparèrent leurs chevaux, leurs casques, leurs boucliers et leurs armures, et leurs engins de guerre. Et leur voyage fut arrangé de la manière la plus admirable, et aucun champion compté parmi les grands hommes ne resta chez lui. Leurs destriers étaient bardés de mailles, et chacun des chevaliers les montant portait un heaume couvert d'or ou d'argent.
Grimhild était en leur compagnie, car elle avait décrété que leur expédition ne pourrait se dérouler correctement si elle restait assise chez elle.
Ils étaient bien cinq cents hommes, et de nobles guerriers chevauchaient avec eux. Il y avait Waldemar de Danemark, et en outre Eymod et Jarisleif. Ils entrèrent dans la halle du roi Alf, et les rejoignirent les Longuebarbes1, les Francs et les Saxons. Ceux-là voyageaient avec des engins de guerre, et portaient leurs pelisses de fourrure rouge.
Ainsi que dit la chanson :
"- Cuirasses bien coupées,
Solides heaumes martelés,
Ceints de bonnes épées,
Rouges chevelures brillantes".
Mais dans leur boisson était mêlée la puissance de la terre et du froid de la mer avec le sang de son fils. Et sur cette corne étaient gravées toutes les runes, rougies de sang, ainsi qu'il est dit ci-dessous :
"Au front de la corne étaient
Toutes sortes de lettres
Finement gravées et rougies,
Comment les interpréter correctement ?
La longue lingue
De la terre de Hadding,
Le manteau des barbes d'orge,
Et les forces féroces à l'intérieur.
Dans cette bière étaient mélangés
Ensemble bien des maux,
Le sang de tous les bois,
Les glands brunis au feu,
La noire rosée de l'âtre,
Les entrailles de la bête maudite des dieux,
Et le foie détrempé du porc,
Car tous sont des venins qui étouffent."
Et ensuite, alors que leurs cœurs s'étaient rapprochés les uns des autres, ils firent grande chère : alors Grimhild vint à Gudrun, et prit la parole.
"Que toutes les bénédictions soient sur toi, ma fille ! Je te donne de l'or et toutes sortes d'objets précieux qui viennent de ton père, des anneaux chèrement acquis et les atours de lit des filles des Huns, les plus courtoises et les mieux parées de toutes les femmes. Et ainsi es-tu dédommagée pour ton époux. Par la suite, tu seras donnée en mariage à Atli, le puissant roi, et tu seras maîtresse de tous ses biens. Ne rejette pas tous tes amis pour l'amour d'un homme, mais acquiesce à nos volontés."
Gudrun répondit : "- Jamais je n'épouserai le roi Atli, il est inconcevable que nous ayons une descendance ensemble".
Grimhild dit : "- N'entretiens pas ta colère. Ce sera pour toi comme si Sigurd et Sigmund étaient vivants lorsque tu auras donné naissance à des fils."
Gudrun répondit : "- Je ne puis empêcher mon cœur de penser à lui, car il était le meilleur de tous les hommes."
Grimhild dit : "- Il est écrit que tu dois épouser ce roi et aucun autre."
Gudrun dit : "- Ne me donne pas cet homme, car il viendra de lui de grands malheurs pour ta famille, ainsi qu'à ses propres fils pour qui il se montrera mauvais, et en sera châtié ensuite par une sombre vengeance."
Alors Grimhild devint sévère à ces mots, et dit : "- Fais donc ce que nous te commandons, et reçois-en grand honneur, et notre amitié, et les deux étalons nommés Vinbjorg et Valbjorg."
Et si impératives étaient ses paroles qu'il fallait en passer par sa volonté.
Gudrun parla : "- Ainsi je dois céder, bien contre ma volonté, et ce sera pour fort peu de joie et beaucoup de douleur."
Gudrun part épouser Atli. F. Stassen.
Alors les hommes sautèrent en selle, et leurs épouses embarquèrent dans les chariots. Puis ils voyagèrent quatre jours à cheval, et quatre autres jours en bateau, et encore quatre jours par les terres et les routes, jusqu'à ce qu'ils arrivent à une très haute halle. Une foule se pressa pour rencontrer Gudrun. Et une fête somptueuse fut donnée, les engagements ayant été passés entre les familles, et se poursuivit de la manière la plus fière et la plus majestueuse. Et à cette fête, Atli but pour son mariage avec Gudrun, mais son cœur ne lui sourit jamais, et leur vie commune ne fut ni douce ni aimable.
1 Les Lombards. C'est là l'origine légendaire du nom de cette tribu, qu'elle s'est elle-même donnée après avoir remporté une victoire décisive grâce à Odin et en hommage au dieu.
Atli
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