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Chapitre 32 : de la fin de Brunehilde
Et à présent nul ne savait pour quelle raison Brunehilde gémissait en pleurant sur ce pour quoi elle avait prié en riant, mais elle parla :
"J'ai fait le rêve, Gunnar, que mon lit était froid, et que tu chevauchais à la merci de tes ennemis. Et dès maintenant, c'est ainsi qu'il en sera pour toi et tes descendants, ô, toi, briseur de serments. Car en ce jour où tu l'as tué, tu t'es peu souvenu que tu avais mélangé ton sang à celui de Sigurd, et c'est avec une bien malivole rétribution que tu l'as remercié de tout le bien qu'il avait fait pour toi. Car il t'avais permis d'être le plus puissant des hommes. Et il avait prouvé en quelle estime il tenait ce serment, lorsqu'il vint à moi et posa entre nous le dur tranchant de sa lame trempée dans le poison.
Vous avez bientôt commencé à ourdir des plans contre lui et contre moi, alors que j'étais encore en la maison de mon père, et n'avais aucune envie que l'un de vous puisse être à moi, tandis que vous chevauchiez dans notre pré-clos, vous, trois rois ensemble. Mais à ce moment, Atli m'entretint en privé, et me demanda si je ne voulais pas avoir le cavalier de Grani. Oui, un homme en rien semblable à toi. Et à ce moment, j'étais engagée auprès du fils de Sigmund, et de nul autre, et à présent, tu ne peux plus rien faire pour empêcher ma mort."
Gunnar se leva alors, et passa ses bras autour de son cou, et la supplia de vivre et d'accepter des richesses de lui. Et tous les autres de la même manière, tentèrent de la dissuader de mourir. Mais elle les éloigna tous d'elle, et dit qu'il n'était pas de leur ressort de se mêler de ses volontés.
Alors Gunnar appela Hogni, et le pria de le conseiller, lui demanda d'aller à elle, et de voir s'il pouvait, par chance, apaiser le courroux de son cœur, disant en outre qu'ils en avaient déjà assez fait pour satisfaire ses griefs jusqu'à la fin des temps.
Mais Hogni répondit :
"- Non, que personne ne l'empêche de mourir. Car elle ne nous apportera aucun bien, de même qu'elle n'a rien amené de bénéfique depuis son arrivée ici !"
Puis elle ordonna que fut apporté beaucoup d'or, et demanda que viennent à cet endroit tous ceux qui voudraient des richesses. Alors elle saisit une épée, et la poussa sous son aisselle, puis s'écroula sur les oreillers en disant : "- Venez, que prennent de l'or ceux qui le veulent !"
Mais tous gardèrent leur calme et elle ajouta : "- Prenez l'or, et soyez heureux avec !"
Ensuite elle parla à Gunnar :"- Pendant quelques instants, je vais parler de ce qui va advenir plus tard. Car très vite vous allez vous retrouver, avec Gudrun, au pouvoir de Grimhild, femme habile. Et la fille de Gudrun et Sigurd sera nommée Svanhild, et sera la plus belle de toutes les femmes ayant vécu. Gudrun sera donnée à Atli, mais contre son gré. Tu tenteras d'obtenir Oddrun, mais Atli t'en empêchera. Mais vous vous rejoindrez en cachette, et elle t'aimera beaucoup. Atli te trahira et t'enfermera dans une fosse à serpents, et ensuite, Atli et ses fils seront tués, et leur assassin sera Gudrun. Et à la fin, de grandes vagues la conduiront au fort du roi Jonakr, dont elle aura des fils de grande réputation. Svanhild sera envoyée hors du pays et donnée au roi Jormunrek. Et on ajoutera foi au conseil de Bikki, et pour cette raison s'éteindra complètement ta famille. Avec encore plus de chagrin pour Gudrun.
Et maintenant, je te demande, Gunnar, une dernière faveur. Fais préparer un grand bûcher sur les vastes prairies, pour nous tous. Pour moi et pour Sigurd, et pour tous ceux qui ont été tués avec lui, et qu'il soit couvert d'étoffes teintes en rouge dans le sang des hommes. Brûlez-moi au côté du roi des Huns, et placez d'autre part deux de mes hommes à notre tête et deux à nos pieds, ainsi que deux faucons. De cette manière, tout est également partagé. Et déposez entre nous une épée dégainée, comme autrefois lorsque nous partageâmes le même lit. Et alors puissions nous porter les noms de mari et d'épouse, et que la porte ne se referme pas sur ses talons alors que je lui emboîterai le pas1. Et que n'apparaisse pas avaricieuse la compagnie qui le suivra, de cinq servantes et huit esclaves, que mon père me donna, et qui brûleront là avec ceux qui sont morts avec Sigurd.
Maintenant, je voudrais parler encore, mais à cause de mes blessures s'enfuit mon souffle de vie. Les plaies s'ouvrent... J'ai toujours dit la vérité."
Puis le corps mort de Sigurd fut apprêté selon les anciennes traditions, et un immense bûcher fut élevé, et dès que le feu eut pris y furent déposés les corps de Sigurd Fafnisbani, de son fils de trois ans que Brunehilde avait laissé assassiner, mais aussi de Guttorm. Et lorsque le feu fit rage, Brunehilde y fut portée, comme elle en avait parlé avec ses dames de compagnie, en leur ordonnant de prendre l'or qu'elle leur donnait. Et ainsi mourut Brunehilde, qui fut brûlée au côté de Sigurd, et ainsi s'achevèrent leurs vies.
Une autre interprétation de la mort de Brynhild. J. Wagrez
1 : pour que la porte de la Valhöl ne se referme pas trop vite derrière lui, le coupant ainsi d'une partie de son âme, la Fylgia.
Tags : sigurd, brunehilde, gunnar, crémation, volsunga saga
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