• Chapitre 31 : de la lamentation de Gudrun après la mort de Sigurd,...

    volsunga saga

    ... ainsi qu'il est rapporté dans les anciennes chansons1.

     

    Gudrun dans l'ancien temps

    Se retrouva proche de la mort,

    Assise en grand chagrin

    Auprès de Sigurd.

    Pourtant elle ne soupira pas,

    Ni ne se tordit les mains,

    Ni ne gémit

    Comme les autres femmes.

     

    Alors ses comtes vinrent à elle,

    Pleins de sagesse,

    Voulant l'aider à surmonter

    Le terrible deuil de son cœur :

    Gudrun était vide

    De plaintes et de souhaits,

    Mais un pesant malheur

    Broyait son cœur.

     

    Brillantes et dignes

    Se tenaient les épouses

    Des grands nobles,

    Parées d'or,

    Auprès de Gudrun.

    Chacune conta l'histoire

    De son plus grand deuil,

    De la plus amère détresse

    Qu'elle eut connue.

     

    Ainsi parla Giaflaug,

    La sœur de Gjuki :

    "Maintenant sur terre,

    Je vis sans amour,

    Moi qui de cinq proches

    Ai du voir la fin,

    De deux filles

    Et trois sœurs,

    Et de huit frères,

    Et me retrouve seule."

     

    Gudrun était vide

    De plaintes et de souhaits,

    Tant elle était triste

    pour son mari mort,

    Le cœur fracassé

    Pour le roi gisant là.

     

    Ensuite parla Herborg

    Reine du pays des Huns,

    " J'ai à relater

    L'histoire encore plus cruelle

    De mes sept fils

    Tombés dans le sud

    Et du huitième homme, mon mari,

    Rigide dans l'hydromel de la mort.

     

    Avec père et mère,

    Et mes quatre frères,

    Sur la vaste mer

    Vents et mort ont joué.

    Les rouleaux battaient

    Le rempart des planches.

     

    Seule je dus  chanter pour eux,

    Seule je dus les apprêter,

    Seules durent mes mains s'occuper

    De leur départ.

    Et tout ceci advint

    En une seule saison,

    Et aucun ne resta

    Pour l'amour et le bonheur.

     

    Puis je devins moi-même

    Une proie dans la bataille,

    Lorsque cette même saison

    Toucha à sa fin.

    Comme fille de peine

    Je devais lacer les chaussures

    De la noble épouse du duc,

    Chaque jour à l'aurore.

     

    De sa haine jalouse,

    Je reçus méchantes moqueries,

    Et le cruel fouet

    Qu'elle lâcha sur moi.

    Jamais je ne rencontrai

    Meilleur maître

    Et pire maîtresse

    De par le monde."

     

    Gudrun était vide

    De plaintes et de souhaits,

    Tant elle était triste

    pour son mari mort,

    Le cœur fracassé

    Pour le roi gisant là.

     

    Alors parla Gullrond,

    Fille de Gjuki:

    "O ma belle-mère,

    Aussi sage que tu puisses être,

    Tu ne parviens pas à soulager

    La douleur de la jeune mariée."

    Et elle ordonna que soit découvert

    Le corps du défunt roi.

     

    La mort de Sigurd. J Gehrts

    J. Gerhts.

     

    Elle retira le drap

    Loin de Sigurd,

    Et tourna ses joues

    Vers les genoux de sa femme.

    "Regarde ton bien-aimé,

    Pose tes lèvres sur les siennes,

    Comme si tu enlaçais

    Ton roi encore vivant."

     

    Alors Gudrun regarda,

    Et d'un seul regard,

    Vit les mèches de son seigneur

    Poisseuses de sang,

    Les yeux du grand homme

    Vitreux et morts,

    Et le rempart de son cœur

    Percé par une lame d'épée.

     

    Gudrun se pencha alors,

    Elle se laissa aller sur le coussin,

    La chevelure défaite,

    Les joues rougissantes,

    Et une pluie de larmes tomba

    Sur ses genoux.

    Alors pleura Gudrun,

    Fille de Gjuki,

    Longtemps les larmes coulèrent

    A travers l'oreiller.

    Alors les oies

    Dans la cour de la demeure

    Les clairs oiseaux de la jeune femme,

    Se mirent à crier.

     

    Alors parla Gullrond,

    La fille de Gjuki :

    "Certainement je n'ai eu connaissance

    D'aucun amour semblable au tien

    Parmi les hommes,

    Ni aussi constant.

    Nulle part tu n'aurais trouvé de joie,

    Ni au dehors, ni dans ta demeure,

    O ma sœur,

    Si ce n'est auprès de Sigurd."

     

    Alors parla Gudrun,

    Fille de Gjuki

    "Mon Sigurd était tel,

    Parmi les fils de Gjuki,

    Que le haut poireau

    Au-dessus de l'herbe rase,

    Ou un joyau

    Enchassé dans une couronne,

    Ou une perle de grand prix

    Au front d'un prince.

     

    Autrefois j'étais estimée

    Par les guerriers du roi,

    Plus haut de toute autre

    Des filles de Herjan.

    Maintenant, je suis aussi petite

    Qu'une feuille peut l'être.

    Dans les bois balayés par le vent,

    Il git à présent, mort.

     

    Je me morfonds dans mon siège,

    Je me morfonds dans mon lit,

    Sans mon aimé aux tendres mots.

    Les fils de Gjuki ont forgé,

    Les fils de Gjuki ont façonné,

    Ce terrible chagrin,

    Oui, pour leur sœur,

    Le pire des chagrins.

     

    Que vos terres soient

    Dévastées de tous côtés

    Puisque vous avez brisé

    Vos serments sacrés !

    Que tu ne profites jamais, Gunnar,

    De la joie que procure l'or.

    Que les anneaux chèrement acquis

    Te conduisent à la mort,

    Puisque tu avais partagé

    Ce serment avec Sigurd.

     

    Ah, en ces jours enfuis,

    Grande était la joie dans la demeure

    Lorsque mon Sigurd

    Sellait Grani,

    Et qu'ils partaient

    A la conquête de Brunehilde !

    Un jour néfaste, une femme mauvaise,

    Et tant de malheur."

     

    Alors parla Brunehilde,

    Fille de Budli

    "Qu'elle perde à la fois

    Amour et enfants, la femme

    Qui a formé des vœux

    Pour toi, ô Gudrun !

    Celle qui t'a donné, ce matin,

    Tant de mots !"

     

    Alors parla Gullrond,

    Fille de Gjuki.

    "Garde-toi de telles paroles

    Toi qui hais tout le monde !

    Tu as toujours été

    Le fléau des hommes braves,

    Des vagues de méchanceté

    Jaillissent de ton esprit,

    Pour sept grands rois,

    Tu as été cause de douleur

    Et perte de joie de vivre

    Pour les épouses et les femmes."

     

    Alors parla Brunehilde,

    Fille de Budli :

    "Nul autre qu'Atli

    Ne nous a apporté le malheur,

    Mon frère même,

    Fils de Budli,

     

    Lorsque nous vîmes dans la halle

    Du peuple Hun

    L'or étincelant

    Sur les royaux Gjukings2.

    J'ai payé depuis ce voyage,

    Souvent et pleinement,

    Pour la vision que j'ai eue alors."

     

    Elle se tenait près d'un pilier,

    Et en étreignit le bois.

    Des yeux de Brunehilde,

    Fille de Budli,

    Jaillissait du feu,

    Et elle respira du venin devant elle

    En fixant les terribles blessures

    De Sigurd mort assassiné.

     

    Brunehilde. G. Bussière.

    Brunehilde. G. Bussière.

     

    1   Voir aussi la Gudrunarkvitha I

    2   Il a contribué à faire épouser Gunnar à Brunehilde. 

     

      volsunga saga                                                                                                               volsunga saga


    Tags Tags : , ,
  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :