• Heimskringla, snorri sturluson, hakon herdebreid

    17- Le discours du roi Inge

    La-dessus, le roi Inge se rendit sur la glace avec son armée, qu'il mit en ordre de bataille devant la ville. Simon Skalp se trouvait dans l'aile de l'armée disposée vers Thraelaberg. Et sur l'autre aile, du côté de Nunnery, se tenaient Gudrod, le roi des Hébrides du sud, un fils d'Olaf Klining, et Jon, fils de Svein Berthor Buk. Lorsque le roi Hakon et ses troupes s'approchèrent des lignes du roi Inge, un cri de guerre jaillit des deux camps. Gudrod et Jon firent signe au roi Hakon, et lui signalèrent ainsi où ils se trouvaient sur le front ; et dès que, ce que voyant, les hommes de Hakon se tournèrent dans leur direction, Gudrod se replia tout de suite avec mille cinq cents hommes, et Jon, avec nombre de ses forces, courut vers l'armée de Hakon pour lui prêter assistance au combat. Ces nouvelles furent rapportées au roi Inge, et il dit :"- Telle est la différence entre mes amis. Jamais Gregorius n'eût agi ainsi de son vivant !".  Certains conseillèrent au roi Inge de monter sur le dos de son cheval, et de chevaucher vers Raumarike, "où, dirent-ils, vous trouverez suffisamment d'aide, même pour ce jour-ci". Le roi répondit qu'il n'avait aucune inclination à agir ainsi. "- Je vous ai trop souvent entendu répéter, et je le pense aussi, en vérité, qu'il était peu utile à mon frère, le roi Eystein, de prendre la fuite. Et pourtant, il était un homme se distinguant par bien des qualités qui parent un roi. Maintenant, moi, qui peine du fait d'un tel délabrement physique, je peux voir combien mon sort sera détestable, si je prends à mon compte d'agir d'une façon qui lui fut si funeste. Avec en plus une telle différence entre nos actions, santé et force. Je fus dans la deuxième année de mon âge choisi comme roi de Norvège, et j'ai à présent vingt-cinq ans. Et je pense que j'ai plus reçu malheur et chagrin de ma dignité royale que plaisirs et jours paisibles. J'ai livré de nombreuses batailles, parfois avec un surnombre d'hommes, parfois en infériorité numérique. Et ma grande chance est que je n'ai jamais fui. Que Dieu dispose de ma vie, aussi longue puisse-t-elle être. Mais je ne prendrai jamais la fuite."

     

    18- La chute du roi Inge

    Lorsque Jon et ses troupes eurent brisé une des ailes de l'armée du roi Inge, beaucoup de ceux qui se trouvaient auprès de lui fuirent, entraînant la dispersion de toute la ligne et son désordre le plus complet. Mais Hakon et ses hommes avançaient hardiment, et l'aube était toute proche. Un assaut fut lancé contre la bannière du roi Inge, et le roi Inge tomba au cours de cette attaque. Mais son frère Orm continua à se battre, tandis qu'une grande partie de l'armée se repliait vers la ville. Par deux fois, Orm retourna en ville pour haranguer les hommes, et deux fois revint au combat sur la glace pour poursuivre la bataille. Les hommes d'Hakon attaquèrent l'aide de l'armée que commandait Simon Skalp ; et au cours de cet assaut, parmi les hommes du roi Inge, son frère adoptif Gudbrand Skafhogson tomba. Simon Skalp et Halvard Hikre marchèrent l'un contre l'autre avec leurs troupes, et se battirent tout en s'éloignant, dépassant Thraelaberg. Et dans ce combat, Simon et Halvard trouvèrent tous deux la mort. Orm, le frère du roi, s'acquit une grande réputation pendant cette bataille, mais il finit par s'enfuir. Orm, l'hiver précédent, s'était fiancé à Ragna, une fille de Nikolas Mase, qui avait été mariée auparavant au roi Eystein Haraldson. Et le mariage était fixé pour le dimanche suivant la messe de Saint-Blaise, qui tombait un vendredi. Orm partit dans l'est vers Svithjod, où son frère Magnus était à présent roi, et où son frère Ragnvald était jarl à cette époque. Ils étaient les fils de la reine Ingerid et d'Henrik Halte, un fils du roi danois Svein Sveinson. 

    La princesse Kristin prit soin du corps du roi Inge, qui fut enterré près du mur de pierre de l'église d'Halvard, côté sud, hors du chœur. Il avait été roi durant vingt-trois ans (1137-1161).

    Lors de cette bataille, de nombreux hommes tombèrent de part et d'autre, mais surtout du côté du roi Inge. Parmi les gens du roi Hakon mourut Arne Frirekson. Les hommes d'Hakon s'emparèrent du festin et des victuailles qui avaient été préparés pour le mariage, et d'un riche butin en sus.

     

    19- Du roi Hakon et de la reine Kristin

    Par la suite, le roi Hakon s'empara de tout le pays, et distribua les charges à ses propres amis, à la fois dans les villes et dans les campagnes. Le roi Hakon et ses hommes tinrent une assemblée dans l'église d'Halvard, où ils se réunirent en conférence privée au sujet du gouvernement du royaume. La princesse Kristin donna au prêtre qui détenait les clés de l'église une forte somme d'argent pour dissimuler un de ses hommes dans l'église, de manière à ce qu'il découvre quelles étaient les intention d'Hakon et de ses conseillers. Lorsqu'elle apris ce qui s'était dit, elle envoya un émissaire à Bergen auprès de son époux Erling Skakke, avec pour message de ne jamais faire confiance à Hakon ou à ses hommes.

     

    20- D'un miracle d'Olaf

    Il arriva à la bataille de Stiklestad, ainsi que raconté précédemment, que le roi Olaf jeta l'épée nommée Hneiter lorsqu'il reçut sa blessure. Un suédois, qui avait brisé sa propre épée, s'en empara et combattit avec. Lorsque cet homme s'enfuit avec les autres fugitifs, il se rendit en Svithjod, et regagna sa maison. De ce temps, il garda l'épée toute sa vie durant, et après lui son fils, et ainsi parent après parent, et lorsque l'épée changeait de propriétaire, l'ancien disait à l'autre son nom et d'où elle venait. Bien plus tard, à l'époque de Kirkjalax, empereur de Constantinople, alors qu'il y avait un nombreux corps de Varangiens dans la ville, il arriva un été que l'empereur partit en campagne, et établit un camp avec son armée. Les Varègues qui étaient de garde, et veillaient sur l'empereur, restaient à l'extérieur du campement, dans la plaine. Le tour de garde changea au cours de la nuit, et ceux qui avaient été de garde auparavant se couchèrent et dormirent, mais tous complètement armés. Telle était leur coutume, lorsqu'ils allaient se coucher, que chacun porte son heaume sur la tête, son bouclier par dessus lui, et son épée sous la tête, la main droite sur la poignée. Un de ces camarades, dont le lot était de veiller la dernière partie de la nuit, trouva, au réveil, sur le matin, que son épée était partie. Il la chercha, et la vit, posée sur la plaine à quelque distance. Il se leva et prit l'épée, pensant qu'un de ses compagnons de garde l'avait déplacée pour lui faire une farce. Mais tous nièrent. La même chose se reproduisit trois nuits de suite. Il s'en étonna fort, de même que ceux qui le constatèrent ou en entendirent parler, et on commença à l'interroger sur ce qui pouvait bien se passer. Il dit que cette épée se nommait Hneiter, et avait appartenu au roi Saint-Olaf, qui l'avait lui-même portée à la bataille de Stiklestad ; et il raconta aussi comment depuis ce temps, l'épée était passée de l'un à l'autre. L'histoire fut racontée à l'empereur, qui convoqua devant lui l'homme à qui l'épée appartenait, et lui donna trois fois plus d'or que l'épée n'en valait. Et il amena lui-même l'épée dans l'église de Saint-Olaf, que les Varègues avaient en charge, où elle se trouve depuis sur l'autel. Il y avait du vivant des fils d'Harald Gille, Eystein, Inge et Sigurd, un des barons de Norvège qui se nommait Eindride Unge. Et il se trouvait à Constantinople lorsque ces événements survinrent. Il les raconta en Norvège, après quoi Einar Skulason les incrivit dans son poème sur le roi Saint-Olaf, où ces faits sont chantés.

     

    21- Le miracle de Saint-Olaf en faveur des Varègues

    Il arriva un jour qu'au pays de Grèce, lorsque Kirjalax était empereur, il conduisit une expédition contre le Blokumannaland (Roumanie). Lorsqu'il arriva sur les plaine de la Pezina, un roi païen marcha contre lui avec une armée innombrable. Il amenait avec lui moults cavaliers, et de nombreux chariots de grande taille, dans lesquels étaient ménagées de hautes meurtrières à travers lesquelles tirer. Lorsqu'ils préparaient leurs quartiers pour la nuit, ils disposaient leurs chariots l'un contre l'autre, à l'extérieur du campement, et creusaient un grand fossé autour, l'ensemble formant une défense aussi forte qu'un château. Le toi païen était aveugle. Quand le roi des grecs vint, les païens organisèrent leur armée sur la plaine devant leurs fortifications. Les grecs disposèrent leurs lignes en face, et chacun chevaucha vers l'autre pour le combattre, mais les choses se déroulèrent malheureusement si mal que les grecs furent obligés de fuir après une lourde défaite et que les païens remportèrent une victoire. Le roi déploya alors une ligne de francs et de flamands, qui chargèrent les païens et les combattirent. Mais il en alla d'eux comme des autres, à savoir que beaucoup furent tués, et que tous ceux qui en réchappèrent prirent la fuite. Le roi des grecs se montra fort irrité par ses hommes d'armes, et ils lui répondirent qu'il devrait à présent utiliser ses sacs à vin, les varègues. Le roi dit qu'il ne voulait pas gaspiller ses joyaux, et permettre à un si petit nombre d'hommes, si braves qu'ils pussent être, d'attaquer une aussi grande armée. Alors Thorer Helsifig, qui était à cette époque le chef des varègues, répondit aux paroles du roi : "- Si le feu brûlait sur le chemin, mes hommes et moi courrions dedans, si nous savions que l'intérêt du roi le nécessite." Le roi répliqua : "- Appelez votre roi saint-Olaf pour qu'il vous accorde aide et force". Les varègues, qui étaient au nombre de 450 hommes, firent le vœu par la main et la parole de construire une église à Constantinople, à leurs propres frais et avec l'aide d'autres hommes de bonne volonté, et de faire consacrer cette église pour l'honneur et la gloire du roi Saint-Olaf, puis ils se ruèrent dans la plaine. Lorsque les païens les virent, ils dirent à leur roi qu'arrivait une autre troupe de l'armée du roi des grecs, mais qu'ils étaient seulement une poignée. Le roi dit :"- Qui est cet homme vénérable chevauchant un cheval blanc en tête de cette troupe ?". Ils répondirent : "- Nous ne le voyons pas." 

    La différence de nombre était si grande qu'il y avait soixante païens pour un chrétien. En dépit de quoi les varègues se ruèrent vaillamment à l'assaut. Dès l'affrontement, inquiétude et terreur saisirent l'armée des païens, et ils commencèrent sans délai à s'enfuir. Mais les varègues les poursuivirent, et en eurent bientôt tué un grand nombre. Lorsque grecs et francs qui s'étaient auparavant repliés devant les païens virent cela, ils se hâtèrent d'y prendre part, et pourchassèrent l'ennemi avec les autres. Les varègues avaient alors atteint la fortification des chariots, où l'ennemi subit sa plus grande défaite. Le roi païen fut pris lors de la fuite de ses gens, et les varègues le ramenèrent avec eux. Après quoi, les chrétiens s'emparèrent du camp, ainsi que de la fortification de chariots.

     

    Heimskringla, snorri sturluson, hakon herdebreid 

    Chronique historique byzantine, Jean Skylitzès (XIe)
    Enluminure : La garde varangienne.

     

    FIN DE LA SAGA DE HAKON HERDEBREID

     

    Heimskringla, snorri sturluson, hakon herdebreid                                                                                                                         Heimskringla, snorri sturluson, hakon herdebreid 


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  • Heimskringla, snorri sturluson, magnus erlingsson

     Heimskringla, snorri sturluson, magnus erlingsson

     

    Heimskringla, snorri sturluson, magnus erlingsson

    Magnus V de Norvège

     

    1- Des débuts de Magnus Erlingsson

    Lorsqu'Erling eut une certaine connaissance des projets d'Hakon et de ses conseillers, il envoya un message à tous les chefs dont il savait qu'ils avaient été des amis constants du roi Inge, de même qu'à ses courtisans et à sa suite, qui avaient sauvé leur vie en fuyant, ainsi qu'aux hommes de Gregorius, et les convoqua tous pour une réunion. Quand ils se rencontrèrent, et discutèrent ensemble, ils résolurent de garder leurs hommes rassemblés, et confirmèrent cette décision par serment et serrements de mains les uns avec les autres. Puis ils examinèrent qui ils devaient choisir comme roi. Erling Skakke1 parla le premier, et demanda si c'était l'avis des chefs et des autres hommes de pouvoir que le fils de Simon Skalp, le fils de la fille du roi Harald Gille, soit choisi pour roi, et Jon Halkelson pris comme commandant de l'armée, mais Jon refusa. Alors il fut demandé si Nikolas Skialdvarson, un fils de la sœur de Magnus Berrfoetr, pouvait prendre le commandement des troupes, mais il répondit ainsi : qu'à son avis, seule une personne de sang royal pouvait être choisi comme roi, et comme chef de l'armée, quelqu'un dont l'aide et l'intelligence soient connues et recherchées : car alors, il serait plus facile de lever des troupes. On essaya ensuite de savoir dans quelle mesure Arne pourrait laisser l'un de ses fils, les frères du roi Inge, être proclamé roi. Arne répondit que le fils de Kristin, qui était la fille du roi Sigurd le Croisé, était le parent le plus proche, par le sang, de la descendance du trône de Norvège. "- Et il y a aussi un homme qui pourrait être son conseiller, et dont le travail serait de veiller sur lui et sur le royaume. Et cet homme est son père, Erling, qui est à la fois prudent, courageux, plein d'expérience de la guerre, et capable de gouverner le royaume. Il n'a pas même à réclamer les moyens de mettre ces conseils en application, pour peu que la chance soit avec lui." Beaucoup pensèrent du bien de cet avis. Erling y répondit : "- D'après ce que j'ai pu voir et entendre au cours de cette réunion, la plupart ont préféré s'excuser de ne pas prendre une charge aussi difficile à leur compte. Et il m'apparaît incertain, pour peu que nous entreprenions ce travail, que celui qui se placera lui-même à sa tête y gagnera quelque honneur, ni si les choses se passeront comme elles allaient autrefois lorsque quelqu'un s'engageait dans de tels projets de grande ampleur, à savoir qu'il y perdait toutes ses propriétés et parfois sa vie. Mais si cette décision est acceptée, il doit y avoir des hommes pour la réaliser. Celui qui se trouvera ainsi engagé devra chercher, de toutes les manières, à éviter une opposition de la part de ceux qui participent à ce conseil, ou d'encourir leur inimitié." Tous donnèrent l'assurance qu'ils entreraient dans cette confédération avec une parfaite loyauté. Alors Erling déclara : "- Je peux dire pour ma part que ce serait presque comme la mort que de servir le roi Hakon. Et, quel qu'en soit le danger, je préfère m'aventurer à suivre votre conseil, et prendre sur moi de conduire ces forces, si c'est la volonté du conseil, et désire de vous tous que vous vouliez bien vous lier à cet accord par serment." Tous acceptèrent. Et lors de cette réunion, il fut décidé de prendre pour roi Magnus, le fils d'Erling. Par la suite, ils tinrent un Thing en ville. Et lors de ce dernier, Magnus, alors âgé de cinq ans, fut élu roi de tout le pays. Tous ceux qui avaient servi le roi Inge entrèrent à son service, et chacun conserva la charge et la dignité qu'il avait eues sous le roi Inge (1161).

     

    2- Le roi Magnus se rend au Danemark.

    Erling Skakke se prépara au voyage, équipa les navires, et emmena avec lui le roi Magnus, ainsi que les hommes de sa maison qui se trouvaient sur place. Prirent part à cette expédition les parents du roi : Arne ; Ingerid, la mère du roi Inge, avec ses deux fils ; et en outre, Jon Kutiza, un fils de Sigurd Stork et homme d'Erling, ainsi que ceux qui avaient appartenu à la suite de Gregorius. Et ils avaient en tout dix navires. Ils partirent dans le sud, vers le Danemark chez le roi Valdemar et Burik Heinrekson, le frère du roi Inge. Le roi Valdemar était parent du roi Magnus par le sang, car Ingebjorg, la mère du roi Valdemar, et Malmfrid, mère de Kristin, mère du roi Magnus, étaient cousines. Le roi danois les reçut hospitalièrement, et Erling et lui eurent des réunions et conversations privées. Et ce qui fut su de ces conseils fut que le roi Valdemar aiderait le roi Magnus avec toute l'aide nécessaire de son propre royaume pour qu'il puisse conquérir et conserver la Norvège. En contrepartie, le roi Valdemar obtiendrait en Norvège le domaine que ses ancêtres Harald Gormson et Svein à la Barbe Fourchue avaient possédé, c'est à dire la totalité de Viken jusqu'à Rygjarbit. Cet accord fut scellé par serment et un traité écrit. Alors Erling et le roi Magnus se préparèrent à quitter le Danemark, et firent voile vers Vendilskage.

     

    3- La bataille de Tunsberg

    Le roi Hakon se rendit au printemps, après la semaine de Pâques, dans le nord, à Throndhjem, emmenant avec lui toute la flotte qui appartenait auparavant au roi Inge. Il y tint un Thing dans la ville marchande, et fut choisi comme roi de tout le pays. Ensuite, il fit Sigurd de Reyr jarl, et lui donna un comté, puis repris son voyage vers le sud et Viken avec toute sa suite. Le roi alla à Tunsberg, mais envoya le jarl Sigurd dans l'est à Konungahella, pour défendre le pays avec une partie des troupes dans l'éventualité où Erling viendrait par le sud. Erling et sa flotte arrivèrent à Agder, et montèrent directement vers le nord, à Bergen, où ils tuèrent Arne Brigdarskalle, officier du roi Hakon, puis se retournèrent immédiatement vers Hakon. Le jarl Sigurd, qui n'avait pas été informé du trajet d'Erling et de ses hommes depuis le sud, se trouvait alors sur la rivière Gaut, et le roi Hakon à Tunsberg. Erling passa par Hrossanes, et y passa quelques nuits. Dans le même temps, le roi Hakon procédait à des préparations en ville. Cependant qu'Erling et sa flotte arrivaient à la ville, ils prirent un navire marchand, le remplirent de bois et de paille, et y mirent le feu. Et le vent, soufflant droit vers la cité, amena le vaisseau vers les quais. Erling avait fait tirer deux cables à bord du vaisseau, et les avait attachés à deux bateaux, lesquels ramèrent en suivant le vaisseau qui était devant. Puis lorsque le feu fut à proximité immédiate de la ville, ceux qui étaient à bord des bateaux retinrent le vaisseau par les cordes, de façon à ne pas incendier la cité. Mais la fumée était si épaisse qui se répandit sur la ville que personne ne pouvait voir depuis les quais où se trouvaient les forces du roi. Alors Erling conduisit l'ensemble de la flotte dans la direction où le vent portait le feu, et tira sur l'ennemi.

     

    Heimskringla, snorri sturluson, magnus erlingsson

    La fumée était si épaisse... E. Werenskiold

     

    Lorsque les citadins virent que le feu s'approchait de leurs maisons, et que beaucoup étaient blessés par les archers, ils résolurent d'envoyer le prêtre Hroald, un brillant orateur au long cours, à Erling, pour le supplier de les épargner, eux et leur cité ; et ils rompirent les rangs de leur assemblée en faveur d'Hakon, dès que Hroald leur dit que leur prière était exaucée. Alors quand le rassemblement des gens de la ville se fut dispersé, le nombre des hommes sur les quais se retrouva fort amoindri : certains pressèrent les hommes d'Hakon de résister. Mais Onund Simonson, qui avait le plus d'influence sur l'armée, dit "- Je ne combattrai pas pour le comté du jarl Sigurd, puisqu'il n'est pas présent en personne." Alors Onund prit la fuite, et fut suivi par tous les hommes, et par le roi lui-même, et ils se hâtèrent de gagner la campagne. Le roi Hakon perdit beaucoup de forces, ici. et ces vers furent écrits à ce sujet :

    "Onund annonce qu'il ne souhaite pas aller
    Se battre contre l'ennemi du jarl Sigurd,
    Si Sigurd lui-même n' est pas non plus présent,
    Mais reste à la maison assis avec ses hommes.
    Le roi Magnus se rue à l'assaut de la rue,
    Pressé d'en découdre avec les troupes d'Hakon ;
    Mais les faucons d'Hakon, quelque peu hésitants,
    Tournent les talons et quittent vite la place."

    Thornbjorn Skakkaskald chanta également : 

    "Les guerriers de Tunsberg n'auraient pas tant tardé
    A risquer des blessures pour ta bonne cause ;
    Et ils savaient tous bien que le chef peut teinter
    Sur un champ de bataille la gueule des loups.
    Mais le champion de la cité a craint plutôt
    Le vif regard tranchant des lances élevées.
    Leur guerrier vêtu d'acier n'aime pas combattre
    Quand vibrent les arcs et vole le feu brillant."

    Le roi Hakon emprunta alors la route du nord vers Throndhjem. Lorsque le jarl Sigurd entendit parler de ces événements, il partit avec tous les navires qu'il put trouver par la mer, vers le nord, afin de rejoindre le roi Hakon là-bas.

     

    4- D'Erling et Hakon

    Erling Skakke s'empara à Tunsberg de tous les bateaux appartenant au roi Hakon, et prit également là le Baekisudin qu'avait possédé le roi Inge. Puis Erling continua sa progression, et réduisit l'ensemble de Viken à l'obéissance au roi Magnus, ainsi que dans toutes les régions plus au nord dans lesquelles il se montra, jusqu'à Bergen, où il resta tout l'hiver. Là, Erling tua Ingebjorn Sipil, le baron d'Hakon dans la partie nord du district de Fjord. En hiver (1162), le roi Hakon se trouvait à Throndhjem. Mais au printemps suivant, il ordonna une levée de troupes, et se prépara à marcher contre Erling. L'accompagnaient le jarl Sigurd, Jon Sveinson, Eindride Unge, Onund Simonson, Philip Peterson, Philip Gyrdson, Ragnvald Kunta, Sigurd Kapa, Sigurd Hiupa, Frirek Keina, Asbjorn de Forland, Thorbjorn, un fils de Gunnar le trésorier, and Stradbjarne. 

     

    5- Des gens d'Erling

    Erling était à Bergen avec une puissante force de frappe, et décida de prohiber la navigation de tous les navires marchands qui se rendaient au nord de Nidaros. Car il savait que le roi Hakon pourrait en obtenir prochainement des nouvelles de lui, si les vaisseaux naviguaient entre les villes. En outre, il souligna qu'il serait meilleur pour Bergen d'acquérir ces biens, même si leurs propriétaires étaient obligés de les vendre moins cher qu'il ne l'auraient voulu, plutôt qu'ils ne tombassent entre les mains des ennemis et ne les renforcassent ainsi. A présent, un grand nombre de navires étaient réunis à Bergen, car beaucoup arrivaient chaque jour, et aucun n'était autorisé à repartir. Alors Erling en fit hisser quelques-uns à terre, et répandit la nouvelle qu'il voulait attendre Hakon, et, avec l'aide de ses amis et parents, combattre l'ennemi ici. Il ordonna un jour une réunion des capitaines de navires et leur donna, ainsi qu'aux maîtres des navires marchands et à leurs timoniers la permission d'aller où bon leur semblerait. Lorsque les hommes qui avaient la charge des cargaisons, et étaient prêts à naviguer au loin avec leurs marchandises, certains pour commercer, d'autres pour différentes raisons, eurent obtenu congé de la part d'Erling Skakke, il soufflait vers le nord, tout au long de la côte, un vent léger et favorable. Avant la soirée, tous ceux qui étaient prêts avaient mis les voiles, et se hâtaient autant qu'ils le pouvaient, en fonction de la rapidité de leurs navires, chacun en lice avec les autres. Lorsque cette flotte arriva dans le nord, à More, celle du roi Hakon y était parvenu avant elle. Et lui-même était pleinement occupé à recruter des hommes, à réunir les barons, et tous ceux qui étaient susceptibles de servir sous ses ordres, sans même avoir eu, depuis longtemps, de nouvelles de Bergen. Alors il sut qu'aux dernières nouvelles, Erling Skakke avait fait hisser ses vaisseaux à terre à Bergen, et où il pourrait le trouver. Et aussi qu'il disposait de grandes forces. Le roi Hakon fit alors voile de là vers Veey, et envoya le jarl Sigurd et Onund Simonson rassembler du monde, et manda également des hommes dans les districts de More. Après être resté quelques jours dans la ville, il navigua plus loin, avançant vers le sud, pensant ainsi favoriser son voyage et permettre à de nouvelles troupes de le rejoindre plus tôt. Erling Skakke avait autorisé le dimanche tous les navires marchands à quitter Bergen. Et le mardi suivant, sitôt la messe dite, il fit sonner les trompes de guerre, appela à lui tous les hommes d'armes et les citadins, et fit remettre à l'eau tous les bateaux tirés à terre. Alors Erling convoqua un Thing domestique avec ses hommes et les troupes récemment levées, les informa de ses intentions, nomma des commandants pour les navires, et fit appeler par leur nom les hommes qui se trouveraient à bord du bateau du roi.

     

    Heimskringla, snorri sturluson, magnus erlingsson

    Erling convoqua un Thing domestique... W. Wetlesen

     

    Ce Thing s'acheva sur l'ordre qu'Erling donna à chaque homme de se tenir prêt dans sa couchette, à l'endroit où sa place lui avait été désignée. Et décréta que ceux qui seraient encore en ville après le départ du Baekisudin seraient punis par la mort ou la perte d'un membre. Orm, le frère du roi, ancra ses navires dans le port immédiatement ce soir-là, et bien d'autres, et le plus grand nombre étaient déjà à flot avant. 

     

    6- D'Erling Skakke

    Le mercredi, avant que la messe ne fut chantée dans la ville, Erling quitta Bergen avec toute sa flotte, constituée de vingt et un navires. Une brise fraîche soufflait vers le nord le long du rivage. Erling emmenait son fils le roi Magnus avec lui, ainsi que de nombreux barons accompagnés par les meilleurs hommes. Lorsqu'Erling arriva dans le nord, à proximité du district de Fjord, il envoya un bateau à terre vers la ferme de Jon Halkelson, et emmena Nikolas, un fils de Simon Skalp, et de Maria, la fille d'Harald Gille, le ramena aux navires et l'embarqua à bord du bateau du roi. Le vendredi, tout de suite après matines, ils firent voile vers Steinavag, et le roi Hakon, avec treize vaisseaux, faisait relâche dans un port du voisinage. Lui-même et ses hommes étaient à l'exercice sur l'île, et les barons étaient assis sur la colline, lorsqu'ils virent une barque ramant depuis le sud, avec deux hommes à son bord, fortement penchés en arrière vers la quille, et donnant de rapides coups de rames.

     

    Heimskringla, snorri sturluson, magnus erlingsson

    Ils virent une barque ramant depuis le sud. W. Wetlesen.

     

    En arrivant au rivage, ils n'attachèrent pas le bateau, mais s'en éloignèrent tous deux en courant. Les chefs, regardant cela, se dirent les uns aux autres : "- Ces hommes doivent avoir quelques nouvelles à donner !" et allèrent à leur rencontre. Lorsqu'ils se croisèrent, Onund Simonson demanda : "- Avez-vous quelque information sur Erling Skakke, pour courir si vite ?" Ils répondirent, dès qu'ils purent articuler un mot, car ils étaient hors d'haleine, "- Erling arrive contre vous, naviguant depuis le sud, avec vingt-et-un vaisseaux, ou à peu près, dont la plupart sont de grande taille. Et vous n'allez pas tarder à apercevoir leurs voiles." Eindride Unge prit alors la parole : "- Trop près du nez, dit le paysan, quand son œil s'est pris un coup." Ils se hâtèrent vers l'endroit où les exercices étaient en cours, et les cornes de guerre résonnèrent immédiatement, et lors de cet appel à la bataille, tout le monde se rassembla auprès des bateaux avec la plus grande célérité. C'était l'heure du jour où le repas était presque cuit. Tous les hommes se ruèrent vers les navires, et chacun se précipita vers celui dont il était le plus proche, de sorte que les équipages se retrouvèrent quantitativement inégaux. Certains se saisirent des rames, certains gréèrent les mâts, tournèrent la proue des vaisseaux vers le nord, et s'orientèrent vers Veey, où ils espéraient trouver de l'aide dans les villes.

     

    7- La chute du roi Hakon

    Peu après, ils virent les voiles de la flotte d'Erling, et les deux flottes furent en vue l'une de l'autre. Eindride Unge commandait un navire nommé Draglaun, qui était un grand langskip allongé, mais dont l'équipage était réduit. Car ceux qui y étaient affectés avaient rejoint en courant le bord d'autres vaisseaux, et il se trouvait à présent le plus en arrière de la flotte d'Hakon. Lorsqu'Eindride passa tout près de l'île Sek, le Baekisudin, qu'Erling Skakke commandait lui-même, fonça sur lui.

     

    Heimskringla, snorri sturluson, magnus erlingsson

     

    Bientôt, les deux bateaux furent attachés l'un à l'autre avec des cordes. Le roi Hakon et ses forces étaient arrivés à proximité de Veey, mais en entendant la corne de guerre, ils firent demi-tour pour porter secours à Eindride. Alors la bataille commença de part et d'autre, au fur et à mesure que les navires arrivaient. Beaucoup de voiles encombraient le pont médian des vaisseaux, passant en travers. et les navires n'étaient pas attachés les uns aux autres, mais se tenaient librement côte à côte. Le combat ne fut pas long avant que ne survienne la confusion à bord du navire du roi Hakon. Certains tombèrent, les autres se jetèrent par dessus bord. Hakon jeta sur ses épaules un grand manteau gris, et bondit à bord d'un autre bateau. Mais tout de suite, il sut qu'il était parmi ses ennemis. Car en regardant autour de lui, il ne vit personne de ses hommes ni aucun de ses vaisseaux à proximité. Alors il alla sur le Baeksudin, auprès des hommes du gaillard d'avant, et supplia pour sa vie. Ils le prirent sous leur garde, et lui firent quartier. Ce combat entraîna la mort de bien des hommes, mais principalement dans le camp d'Hakon. Sur le Baeksudin tomba Nikolas, le fils de Simon Skalp, et les hommes d'Erling furent accusés de l'avoir tué eux-mêmes. Il y eut alors une pause dans la bataille, et les vaisseaux se séparèrent. On avertit Erling qu'Hakon se trouvait à bord de son navire, que les hommes du gaillard d'avant s'en étaient emparés, et menaçaient de le défendre par les armes. Erling envoya des hommes à l'avant du bateau, porter aux hommes du gaillard d'avant l'ordre de bien garder Hakon, et d'éviter qu'il ne s'échappe. En même temps, il fit savoir qu'il n'élevait aucune objection à laisser vie sauve et sécurité au roi, pourvu que les autres chefs en soient d'accord, et à établir ainsi la paix. Tous les guerriers du gaillard d'avant portèrent haute estime et honneur à leur chef pour ces paroles. Puis Erling ordonna qu'à nouveau les trompes sonnent, et que soient attaqués les navires qui n'avaient pas perdu leur équipage, disant qu'ils n'auraient jamais une meilleure occasion de venger le roi Inge. De tous côtés s'éleva un cri de guerre, les hommes s'encouragèrent les uns les autres, et se ruèrent à l'assaut. Dans ce tumulte, le roi Hakon reçut sa blessure mortelle. Lorsque ses hommes virent qu'il était tombé, ils ramèrent de toute leur puissance contre l'ennemi, jetèrent leurs boucliers au loin, frappèrent des deux mains et ne prirent plus aucune précaution pour leur vie. Cette ardeur et cette insouciance se révélèrent désastreuses pour eux. Car les hommes d'Erling virent bien les parties non protégées de leurs corps, et où leurs coups pouvaient porter. La majeure partie des hommes d'Hakon restants tomba alors, et principalement par la faute du rapport de forces, car ils n'étaient pas assez nombreux pour se défendre. Ils ne pouvaient recevoir quartier, sauf ceux que les chefs prenaient sous leur protection et liaient à eux pour verser leur rançon. Les gens d'Hakon qui tombèrent furent les suivants : Sigurd Kapa, Sigurd Hiupa, et Ragnvald Kunta. Mais quelques équipages de navires partirent, ramèrent dans les fjords, et sauvèrent leur vie. Le corps d'Hakon fut emmené à Raumsdal, et y fut enterré. Mais par la suite son frère, le roi Sverre, fit transporter son corps dans la ville marchande de Nidaros, et le fit déposer dans le mur de pierre de l'église du Christ au sud du chœur. 

     

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    L'Eglise du Christ de Nidaros en 1733. Bartholomeus Rocque.

     

    8- La fuite des chefs des troupes d'Hakon

    Le jarl Sigurd, Eindride Unge, Onund Simonson, Frirek Keina, et les autres chefs gardèrent les troupes rassemblées, laissèrent les navires à Raumsdal, et montèrent dans les Uplands. Le roi Magnus et son père Erling firent voile avec leurs forces dans le nord, à Nidaros en Throndhjem, et soumirent le pays au fil de leur avancée. Erling appela un Eyra-Thing, au cours duquel Magnus fut proclamé roi. Erling, cependant, ne resta en ville que peu de temps, car il pensait que le peuple de Throndhjem n'était guère bien disposé à son égard et à celui de son fils. Le roi Magnus fut alors appelé Roi de tout le pays. Le roi Hakon avait été un bel homme d'apparence, bien découplé, grand et mince, quoiqu'un peu large d'épaules, raison pour laquelle ses hommes le surnommèrent Herdebreid. Quand il était jeune, ses barons gouvernaient pour lui. Il était gai et amical dans la conversation, enjoué et jovial dans ses manières, et très aimé du peuple.

     

    1 : Skakke : Tord-col. 

    Frise : G. Munthe

     

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    9- Des débuts du roi Sigurd

    Il y avait dans les Uplands un homme nommé Marjus de Skog, qui était un parent du jarl Sigurd. Markus éleva un fils du roi Sigurd Mun1, qui se nommait également Sigurd. Ce Sigurd fut choisi pour roi (1162) par le peuple des Uplands, sur le conseil du jarl Sigurd et des autres chefs qui avaient accompagné le roi Hakon. Ils disposaient à présent d'une grande armée, et les troupes furent divisées en deux corps, de sorte que Markus et le roi fussent moins exposés s'il se passait quelque chose, et que le Jarl Sigurd et ses hommes, avec les barons, fussent plus sur le front du danger. Ils sillonnèrent principalement les Uplands avec leurs troupes, et quelquefois l'est de Viken. Erling Skakke avait toujours son fils Magnus auprès de lui, et la responsabilité de toute la flotte et de la défense du pays. Il resta quelque temps à Bergen en automne, mais se rendit de là à Viken, où il installa ses quartiers d'hiver à Tunsberg (1163), et où il collecta toutes les taxes et revenus qui étaient dûs à Magnus, en tant que roi. Il disposait de troupes nombreuses et excellentes. Comme le jarl Sigurd n'avait qu'une petite partie du pays, mais gardait beaucoup d'hommes avec lui, il se trouva bientôt en manque d'argent. Et où il n'y avait pas de chef à proximité, il eut bientôt à s'en procurer par des moyens illégaux, parfois à l'aide de fausses accusations et d'amendes, et parfois, ouvertement, par brigandage.

     

    10- La condamnation du jarl Sigurd.

    A cette époque, le royaume de Norvège connaissait une période de grande prospérité. Les boendr étaient riches et puissants, peu habitués aux hostilités ou à la violence, ni à l'oppression par des troupes itinérantes, de sorte que ceux qui avaient été volés et dépouillés firent bientôt grand bruit et scandale. Le peuple de Viken était très amical avec Erling et le roi Magnus, principalement en raison de la popularité du défunt roi Inge Haraldson. Car le peuple de Viken avait toujours servi sous sa bannière. Erling maintint une garde en ville, et douze hommes étaient postés en sentinelles chaque nuit. Erling tenait régulièrement des Things avec les boendr, au cours desquels les méfaits des gens de Sigurd étaient souvent exposés. Et par les représentations qu'en firent Erling et ses conseillers, les paysans furent amenés à considérer unanimement que ce serait un sort très souhaitable si ces bandes pouvaient être extirpées. Arne, parent du roi, parla bien et longtemps sur ce sujet, et à la fin avec sévérité. Et requit que tous ceux qui se trouvaient au Thing - hommes d'armes, boendr, citadins et marchands - en viennent à condamner selon la loi le jarl Sigurd et toutes ses troupes, et à décider de les livrer à Satan, morts ou vifs. 

    Du fait de cette animosité et de cette haine du peuple, cette condamnation fut agréée par tous. Et en conséquence, la sentence fut adoptée et confirmée par serment, comme si le jugement de ce cas avait été établi par le Thing conformément à la loi. Le prêtre Hroald Longue Haleine, qui était un homme très éloquent, parla de cette affaire. Mais son discours fut de même nature que ceux qui avaient été tenus auparavant. Erling donna une fête pour Yule à Tunsberg, et paya les gages des hommes à la Chandeleur.

     

    11- D'Erling

    Le jarl Sigurd descendit avec ses meilleures troupes sur Viken, où nombreux furent ceux qui se retrouvèrent obligés de se soumettre à ses forces supérieures, et dont beaucoup durent lui verser de l'argent. Il se conduisit ainsi plus largement dans les campagnes, pénétrant dans différents districts. Cependant, certains dans ses troupes désiraient en secret faire la paix avec Erling, mais ils s'entendirent répondre que tous ceux qui demanderaient d'avoir la vie sauve devraient obtenir quartier, mais que seraient autorisés à rester dans le pays seulement ceux qui n'étaient coupables d'aucun grand crime contre Erling. Et lorsque les partisans d'Erling surent qu'ils ne seraient pas autorisés à rester dans le pays, ils s'organisèrent en un seul corps, car beaucoup parmi eux tenaient pour certain qu'Erling les considérerait comme coupables de crimes contre lui. Philip Gyrdson passa un accord avec Erling, rentra en possession de ses propriétés, et rentra chez lui dans sa ferme. Mais peu après, Sigurd et ses hommes arrivèrent chez lui et le tuèrent. Ils commirent de nombreux crimes les uns contre les autres, et bien des hommes furent occis lors de leurs persécutions mutuelles. Mais seul ce qui fut commis par les chefs est rapporté par écrit.

     

    12- Erling obtient des nouvelles du jarl Sigurd.

    Ce fut au début du carême que la nouvelle parvint à Erling que le jarl Sigurd avait l'intention de marcher contre lui. Et les informations arrivèrent deci, delà, parfois de près, parfois de plus loin. Erling envoya des espions dans tous les coins pour découvrir où ils étaient. Chaque soir, il assemblait les hommes d'armes au son de la corne de guerre à l'extérieur de la ville. Et longtemps durant l'hiver, ils restèrent sous les armes toutes les nuits, prêts à se ranger à leur place dans l'armée. Enfin, Erling eut connaissance que Sigurd et ses partisans n'étaient guère loin, à la ferme Re. Erling commença donc son expédition à l'extérieur de la ville, et emmena avec lui tous les hommes de la ville capables de porter des armes et en possédant, ainsi que tous les marchands, ne laissant que douze guerriers pour surveiller la cité. Erling quitta la ville un jeudi après-midi, la deuxième semaine du Carême (19 février), et chaque homme portait deux jours de provisions avec lui. Ils marchèrent de nuit, il était tard lorsqu'ils sortirent de la ville. Il y avait deux hommes pour chaque bouclier et chaque cheval, et les hommes, lorsqu'ils furent rassemblés, se retrouvèrent à environ mille deux cents. Lorsqu'ils rencontrèrent leurs espions, ils furent informés que Sigurd était à Re, dans la maison nommée Rafnes, et avait cinq cents hommes. Alors Erling rassembla ses gens, leur donna les nouvelles qu'il venait de recevoir, et tous furent ardents à poursuivre leur marche, à leur tomber dessus dans les maisons, ou à les engager de nuit. Erling leur répondit ainsi : "- Il est probable que nous rencontrions bientôt le jarl Sigurd. Il y a encore dans sa bande des hommes dont les exactions restent dans nos mémoires, comme tuer le roi Inge, et tant d'autres de nos amis qu'il serait trop long de les énumérer. Ils commirent ces actes par la puissance de Satan, par sorcellerie et vilénie. Mais il est dit dans nos lois et les droits du pays, que même si un homme est reconnu coupable, le tuer de nuit doit être nommé meurtre par vilénie et couardise. Cette bande a jusqu'ici eu la chance de suivre les conseils d'hommes familiarisés avec la sorcellerie et le combat de nuit, et non dans la lumière du jour. Et par ce moyen, elle a jusqu'à présent obtenu la victoire sur les chefs dont les têtes ont été mises à bas sur le sol. Nous avons souvent vu, et expérimenté, combien inadéquat et incorrect il était de livrer bataille pendant la nuit. En conséquence, prenons plutôt en exemple des chefs que nous connaissons mieux, et qu'il est préférable d'imiter, et combattons au grand jour en bataille régulière, sans voler des hommes endormis pendant la nuit. Nous avons assez de forces pour les combattre, peu nombreux comme ils sont. Alors attendons le jour et la lumière, et conservons notre ordre de bataille au cas où ils nous attaqueraient". Après quoi, toute l'armée s'assit. Certains ouvrirent des bottes de paille, et s'en firent un lit, certains s'assirent sur leur bouclier, et ils attendirent ainsi le lever du jour. Le temps était froid et humide, et il tombait de la neige mouillée.

     

    13- De l'ordonnancement de bataille du jarl Sigurd.

    Le jarl Sigurd eut pour la première fois connaissance de la présence de l'armée d'Erling tandis qu'il était déjà auprès de la maison. Ses hommes se levèrent et s'armèrent, et ne sachant pas de combien de troupes Erling disposait, certains étaient enclins à s'enfuir, mais les plus déterminés à rester. Le jarl Sigurd était un homme intelligent, et savait bien parler, mais n'était certainement pas assez brave pour prendre des décisions fermes. Et sans nul doute, le jarl montra une forte propension à fuir, s'attirant de ce fait maintes paroles cinglantes de la part de ses hommes d'armes. 

    Comme le jour se levait, on commença de part et d'autre à organiser ses rangs pour la bataille. Le jarl Sigurd plaça ses hommes sur une crête entre la rivière et la maison, à un endroit où un petit torrent se jetait dans la rivière. Erling et ses gens disposèrent leurs lignes de l'autre côté de la rivière, mais à l'arrière de ces rangs se trouvaient des guerriers à cheval et bien armés, qui avaient le roi avec eux. Lorsque les hommes du jarl Sigurd se rendirent compte qu'ils étaient si gravement en infériorité numérique, ils tinrent conseil, et furent d'avis de gagner la forêt. Mais le jarl Sigurd dit : "- Vous prétendiez que je n'avais aucun courage, mais cela reste à prouver. Et que chacun d'entre vous veille à ne pas faillir, ou fuir, avant que je ne le fasse moi-même. Nous avons un bon champ de bataille. Laissons-les traverser le pont. Mais dès que la bannière passera par dessus, ruons-nous sur eux du haut de la colline, et qu'aucun ne fasse défaut à son voisin." Le jarl Sigurd portait une tunique brun-rouge et un manteau rouge dont les coins étaient relevés et attachés, des chaussures aux pieds et un bouclier et une épée nommée Bâtarde. Le jarl dit : "-Dieu sait que je préférerais avoir Erling d'un coup de Bâtarde, plutôt que de recevoir de l'or."

     

    14- La chute du jarl Sigurd

    L'armée d'Erling Skakke souhaitait emprunter le pont, mais Erling leur dit de passer tout le long de la rivière, qui était petite et aisée à traverser puisque ses rives étaient planes, et ils firent ainsi. Les lignes du jarl Sigurd avancèrent le long de la crête du côté opposé. Comme à l'endroit où la crête s'interrompait, le sol était bon et au-dessus du niveau de la rivière, Erling dit à ses hommes de chanter une patenôtre et de prier Dieu de leur accorder une victoire méritée. Alors ils chantèrent tous le "Kyrie Eleison", et frappèrent leurs boucliers de leurs épées. Mais pendant ce chant, trois cents hommes d'Erling s'échappèrent et s'enfuirent. Alors Erling et ses hommes traversèrent la rivière, et les hommes du jarl poussèrent leur cri de guerre, sans qu'il y ait assaut depuis la colline, mais la bataille commença sur l'éminence elle-même.

    Ils utilisèrent d'abord les lances et les armes de pointe, et la bannière du jarl recula bientôt si loin qu'Erling et ses troupes escaladèrent la crête. La bataille ne dura que peu de temps avant que les hommes du jarl ne s'enfuient vers la forêt, qui était juste derrière eux. On raconte que le jarl Sigurd, à qui ses hommes demandaient de fuir, répondit : "- Continuons tant que nous le pouvons !". Et ses hommes continuèrent bravement, tranchant de tous côtés. Dans cette confusion tombèrent le jarl Sigurd et Jon Sveinson, ainsi que près de soixante hommes. Erling ne perdit que peu de monde, et poursuivit les fugitifs dans la forêt. Là, Erling arrêta ses troupes, et s'en retourna. Il arriva juste au moment où les esclaves du roi étaient sur le point de dépouiller le jarl Sigurd de ses vêtements, bien qu'il ne fut pas tout à fait mort. Il avait remis l'épée au fourreau, et elle était à son côté. Erling la prit, en frappa les esclaves et les chassa. Puis Erling, avec ses troupes, rentra et resta à Tunberg. Sept jours après la chute du jarl Sigurd, les hommes d'Erling capturèrent Eindride Unge, et le tuèrent, avec tout son équipage.

     

    15- Markus de Skog et Sigurd Sigurdson

    Markus de Skog, et le roi Sigurd, son fils adoptif, chevauchèrent jusqu'à Viken aux abords du printemps, et y prirent un navire. Mais lorsqu'Erling le sut, il vint dans l'est contre eux, et ils se rencontrèrent à Konungahella. Markus s'enfuit avec ses partisans sur l'île Hising, et là, les paysans d'Hising affluèrent en foule, et intégrèrent l'armée de Markus et Sigurd. Erling et ses guerriers ramèrent vers le rivage, mais les archers de Markus leur tirèrent dessus. alors Erling dit à ses gens : "- Prenons leurs navires, mais n'attaquons pas avec des forces terrestres. Il serait nuisible de se quereller avec les Hisinger,  ils sont durs, et de peu d'entendement. Ils conserveront cette troupe, mais pour peu de temps avec eux, car Hising n'est qu'un petit territoire." Ce qui fut fait : ils s'assurèrent des navires et les envoyèrent vers Konungahella. Markus et ses hommes gagnèrent le district forestier, d'où ils avaient l'intention de lancer leurs attaques, et les espions se déployèrent de part et d'autre. Erling était accompagné de nombreux hommes d'armes, qu'il avait amenés d'autres districts, et ils s'attaquèrent chacun leur tour. 

     

    16- Des débuts de l'archevêque Eystein

    Eystein, un fils d'Erlend Himaide, fut choisi pour être archevêque, après le décès de l'archevêque Jon. Et il fut consacré l'année où le roi Inge fut tué. Quand l'archevêque Eystein prit possession de son siège, il se fit aimer de toute la région, comme un excellent homme, actif, et de haute naissance. Le peuple de Throndhjem, en particulier, l'accueillit avec plaisir, car beaucoup des notables du district de Throndhjem étaient en relation avec lui par parenté ou autre, et tous étaient ses amis. L'archevêque présenta lors d'un discours une requête aux bondis, dans laquelle il faisait valoir le grand besoin d'argent du siège, et combien était nécessaire une augmentation des revenus au maintien de l'archevêché, car il était à présent d'importance supérieure à ce qu'il avait été précédemment, lorsque le siège épiscopal avait été établi la première fois. Il demanda aux bondis de lui donner, afin qu'il puisse conduire les procès, un ore d'argent, plutôt que ce qu'ils versaient auparavant, à savoir un ore de monnaie pour le jugement, dans le genre de ce qui était versé au roi lorsqu'il rendait la justice. Et la différence entre ces deux types d'ores était que celui qu'il voulait était une fois et demie plus important que l'autre. Avec l'aide des parents et amis de l'archevêque, et grâce à sa propre activité, cette demande fut acceptée, et inscrite dans la loi pour tout le district de Throndhjem et dans tous les districts qui dépendaient de son archevêché.

     

    17- De Markus et du roi Sigurd.

    Lorsque Sigurd et Markus perdirent leurs navires sur la rivière Gaut, et se rendirent compte qu'ils ne pourraient avoir de prise sur Erling, ils gagnèrent les Uplands, et avancèrent par la terre vers le nord et Thondhjem. Sigurd y fut reçu avec joie, et choisi pour roi à un Eyra-Thing, et maints hommes de qualités, avec leurs fils, rallièrent d'eux-mêmes son parti. Ils équipèrent des vaisseaux, les gréèrent pour le voyage, et lorsque vint l'été, naviguèrent vers le sud et More, où ils collectèrent les revenus royaux où qu'ils aillent. A ce moment, les barons dont les noms suivent furent nommés à Bergen pour la défense du pays : Nikolas Sigurdson, Nokve Palson, et plusieurs chefs militaires, comme Thorolf Dryl, Thorbjorn Gjaldkere, et bien d'autres. Comme Markus et Sigurd faisaient voile vers le sud, ils entendirent dire que les hommes d'Erling étaient nombreux à Bergen, et naviguèrent donc très au large des récifs, et doublèrent Bergen par le sud. On remarquait que généralement, les hommes de Markus bénéficiaient d'un bon vent, où qu'ils veuillent se rendre à la voile.

     

    Magnus Erlingsson

     

    1 : Lui-même fils d'Harald Gille.

     

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    18- La mort de Markus et du roi Sigurd

    Aussitôt qu'Erling Skakke entendit que Sigurd et Markus naviguaient vers le sud, il se hâta en direction de Viken, et appela à lui une force armée : il disposa bientôt de nombreux hommes et de beaucoup de solides vaisseaux. Mais en arrivant à Viken, il se trouva confronté à un fort vent contraire, qui l'obligea à rester au port tout l'été. Et lorsque Sigurd et Markus vinrent dans l'est à Lister, ils apprirent qu'Erling commandait une grande troupe à Viken. Alors ils retournèrent dans le nord. Cependant, lorsqu'ils atteignirent l'Hordaland, avec l'intention de gagner Bergen, et arrivèrent face à la ville, Nikolas et ses hommes ramèrent contre eux, avec plus d'hommes et de plus grands navires qu'eux. Sigurd et Markus ne virent comme échappatoire possible que de s'enfuir vers le sud. Certains prirent la haute mer, d'autres partirent plein sud à travers le détroit, et les derniers rallièrent les fjords. Markus, et ceux qui l'accompagnaient, sautèrent sur une île nommée Skarpa. Nikolas et ses hommes s'emparèrent de leurs navires, donnèrent quartier à Jon Halkelson et quelques autres, mais abattirent la plupart de ceux dont ils purent se saisir.

     

    Heimskringla, snorri sturluson, magnus erlingsson

     

    Quelques jours plus tard, Eindride Heidafylja trouva Sigurd et Markus, et ils furent ramenés à Bergen. Sigurd fut décapité à l'extérieur de Grafdal, et Markus et un autre homme pendus à Hvarfness. Ceci eut lieu à la Saint-Michel (29 septembre 1163), et la bande qui les avait suivis fut dispersée. 

     

    19- Erling et le peuple de l'île Hising

    Frirek Keina et Bjarne le mauvais, Onund Simonson et Ornolf Skorpa avaient navigué à la rame en haute mer avec quelques navires, puis vogué en longeant la côte vers l'est. Où qu'ils débarquassent, ils pillèrent et tuèrent les amis d'Erling. Quand Erling eut connaissance de la mort de Sigurd et Markus, il libéra les lendermen et les paysans qu'il avait mobilisés, leur permettant de rentrer chez eux ; mais lui-même, et ses hommes, se dirigèrent vers l'est par le fjord Folden, car il avait entendu dire que la bande de Markus s'y trouvait. Erling navigua vers Konungahella, où il resta en automne. Et la première semaine d'hiver, il se rendit avec ses hommes à l'île d'Hising, où il convoqua les boendr à un Thing. Lorsque le peuple d'Hising arriva au Thing, Erling exposa la poursuite légale qu'il intentait contre eux pour avoir rejoint les bandes de Sigurd et Markus, et avoir dressé les gens contre lui. Assur était le nom d'un des plus notables de ces paysans sur l'île, et il répondit à Erling au nom des autres. Le Thing resta longuement rassemblé. Mais à la fin, les boendr confièrent le règlement du cas au pouvoir d'Erling, et il donna date pour une réunion en ville dans un délai d'une semaine, nommant quinze paysans qui devraient y apparaître. Lorsqu'ils vinrent, il les condamna à verser une amende de trois cents têtes de bétail. Et les paysans rentrèrent chez eux fort mécontents de cette sentence. Peu après, la rivière Gaut gela, et les navires d'Erling furent pris dans la glace. Et les boendr retinrent l'amende par devers eux, et restèrent assemblés quelque temps. Erling passa les fêtes de Yule dans la ville, mais les boendr avaient fait des fêtes les uns chez les autres, et étaient restés sous les armes du temps de Yule. La nuit du cinquième jour de Yule, Erling revint à Hising, encercla la maison d'Assur, et le brûla à l'intérieur. Il tua en tout une centaine d'hommes, incendia trois maisons, puis s'en retourna à Konungahella. Les paysans vinrent ensuite, selon les accords, régler l'amende. 

     

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     Erling le brûla à l'intérieur. W. Wetlesen

     

    20- Mort de Frirek Keina et Bjarne

    Erling Skakke se prépara à mettre les voiles au printemps, dès qu'il put dégager ses navires de la glace, et il quitta Konungahella. Car il avait entendu dire que ceux qui étaient précédemment les amis de Markus maraudaient dans le nord de Viken. Erling envoya des espions pour s'informer de leurs actes, les chercha, et les trouva au repos dans un port. Onund Simonson et Ornolf Skorpa s'enfuirent, mais Frirek Keina et Bjarne le mauvais furent pris, et nombre de leurs suivants tués. Erlinf fit attacher Frirek à une ancre, et la jeta par dessus bord. Et pour cet acte, Erling fut largement honni dans le Trondelag, car les hommes les plus puissants y étaient parents de Frirek. Erling ordonna que Bjarne le Mauvais fut pendu : et ce dernier hurla, selon son habitude, de terribles imprécations pendant son exécution. Thorbjorn Scalde de Skakke parle de cet événement :

    "A l'orient du fjord et au-delà des terres, 
    Passant inaperçu au regard des pirates
    Erling fondit sur eux avant qu'ils ne le vissent
    Et saisit et tua les hommes de Keina.
    Keina lui-même, vite lié à une ancre,
    Fut jeté dans l'eau profonde et bleue du détroit.
    Et Bjarne pendit haut à l'arbre du gibet
    Un spectacle apprécié de tout homme de bien".

    Onund et Ornolf, avec la bande qui s'était échappée, s'enfuirent vers le Danemark. Mais vinrent parfois en Gautland, ou en Viken.

     

    21- Réunion entre Erling et Eystein

    Après quoi Erling Skakke navigua vers Tunsberg, et y resta un long moment au printemps (1164). Mais lorsque vint l'été, il se dirigea vers le nord et Bergen, où beaucoup de monde était assemblé à cette époque. S'y trouvaient Stéphanus, légat de Rome, l'archevêque Eystein et les autres évêques du pays, ainsi que Brand, consacré évêque d'Islande, et Jon Loftsson1, un fils de la fille du roi Magnus le Déchaux. Et à cette occasion, le roi Magnus et d'autres parents de Jon reconnurent leurs liens familiaux avec lui.

    L'archevêque Eystein et Erling Skakke discutaient souvent ensemble en privé. Et, parmi d'autres sujets, Erling lui demanda un jour : "- Est-ce vrai, monsieur, ce que dit le peuple, que vous avez augmenté la valeur de l'ore pour lui dans le nord de Throndhjem, dans les cas légaux où des redevances vous sont versées ?"

    "- C'est ainsi, répondit l'archevêque, que les boendr m'ont alloué une augmentation de l'ore pour les jugements des cas légaux. Mais ils l'ont fait volontairement, et sans aucune sorte de contrainte, et ont ainsi ajouté à leur honneur aux yeux de Dieu, et aux revenus de l'évêché.

    Erling répondit : "- Est-ce conforme à la loi de Saint-Olaf ? Ou avez-vous usé d'arbitraire plus qu'il n'est inscrit dans le livre des lois ?

    L'archevêque répondit : "- Le roi Saint-Olaf a fixé les lois, ce pour quoi il reçut le consentement et l'approbation du peuple. Mais il ne sera pas trouvé dans ces lois qu'il est interdit d'augmenter le droit de Dieu."

    Erling : "- Si vous augmentez votre droit, vous devez nous assister pour augmenter de même le droit du roi."

    L'archevêque : "- Vous avez déjà augmenté suffisamment le pouvoir et le domaine de votre fils. Et si j'ai outrepassé la loi en augmentant la valeur de l'ore pour le peuple de Trondhjem, il me semble qu'il s'agit d'une brèche plus importante dans la loi que soit roi du pays quelqu'un qui n'est pas fils de roi, ce qui n'a aucun support légal dans la loi, et dont il n'existe aucun précédent dans ce pays."

    Erling : "- Lorsque Magnus a été choisi pour roi, ce fut porté à votre connaissance et fait avec votre assentiment, ainsi qu'avec celui des autres évêques dans le pays."

    L'archevêque : "- Vous promîtes alors, Erling, que si nous accordions notre consentement à l'élection de Magnus comme roi, vous renforceriez, en toutes occasions, et de tout votre pouvoir, les droits de Dieu."

    Erling : "- Je peux bien admettre que j'ai promis de protéger et de renforcer les commandements de Dieu et les lois du pays de tout mon pouvoir, et de toute la puissance du roi. Et je trouve à présent préférable, plutôt que de nous accuser inutilement l'un l'autre d'avoir violé nos promesses, de nous en tenir avec fermeté à l'accord conclu entre nous. Soutenez Magnus dans son domaine, suivant ce que vous avez promis, et pour ma part, je renforcerai votre pouvoir dans tout ce qui pourra être avantage ou honneur."

    Puis la conversation retrouva un ton plus amical. Et Erling dit : "- Bien que Magnus n'ait pas été choisi comme roi suivant les anciennes coutumes de ce pays, vous pouvez maintenant le consacrer en tant que roi, ainsi que la loi de Dieu le prescrit, grâce à votre pouvoir de lui accorder l'onction de de la souveraineté. Et bien que je ne sois pas un roi, ni de sang royal, la plupart des rois, autant que je me souvienne, ne connaissaient pas les lois ou la constitution du pays aussi bien que moi. Par ailleurs, la mère du roi Magnus est née d'un roi et d'une reine unis légalement par les liens du mariage, et Magnus est le fils d'une reine et d'une femme légalement mariée2. Ainsi, si vous lui accordez l'onction royale, personne ne pourra lui prendre la souveraineté. Guillaume le Bâtard n'était pas fils de roi. Mais il fut sacré et couronné roi d'Angleterre, et la royauté anglaise est depuis toujours restée à ceux de son sang, et tous ont été couronnés. Sveinn Ulfson n'était pas fils de roi, au Danemark, et pourtant, il fut couronné roi, et ses fils de même, et tous ses descendants ont été couronnés rois. Nous avons à présent en Norvège un siège épiscopal, pour la gloire et l'honneur du pays. Ayons aussi un roi couronné, de même que les Danois et les Anglais."

    Par la suite, Erling et l'archevêque s'entretinrent souvent de ce sujet, et tombèrent tout à fait d'accord. Alors l'archevêque exposa l'affaire au légat, et le persuada facilement d'y consentir. Après quoi, l'archevêque réunit les évêques, et d'autres hommes de savoir, et leur présenta le sujet. Ils répondirent tous en les mêmes termes, qu'ils suivraient les conseils de l'archevêque, et qu'ils étaient tous désireux de promouvoir ce sacre dès qu'il plairait à l'archevêque. 

     

    22- Le sacre du roi Magnus

    Erling Skakke fit alors préparer une grande fête dans la maison du roi. La vaste halle fut couverte d'étoffes coûteuses et de tapisseries, et décorée à grands frais. Les hommes de cour et les participants y furent divertis, et vinrent de nombreux invités et beaucoup de chefs. Alors le roi Magnus reçut la consécration royale de l'archevêque Eystein. Et lors du sacre étaient présents cinq autres évêques, le légat et bien d'autres hommes d'église. Erling Skakke, et avec lui douze barons, firent prêter au roi le serment de la Loi. 

     

    Heimskringla, snorri sturluson, magnus erlingsson

     

    Et le jour du sacre, le roi et Erling reçurent le légat, l'archevêque et les autres évêques en tant qu'hôtes. La fête fut tout à fait magnifique, et père et fils distribuèrent des cadeaux de grand prix. Le roi Magnus était alors âgé de huit ans, et avait été roi pendant trois années.

     

    23- L'ambassade du roi Valdemar

    Quand le roi Valdemar de Danemark eut appris la nouvelle de Norvège que le roi Magnus était devenu roi de tout le pays, et que tous les autres partis du pays avaient été évincés, il envoya des hommes, porteurs d'une lettre pour le roi Magnus et Erling, et leur rappela l'accord qu'Erling avait passé, sous serment, avec le roi Valdemar, et dont nous avons parlé précédemment. En substance, que de Viken à l'est à Rygiarbit à l'ouest, les domaines devaient être cédés au roi Valdemar, dès lors que Magnus deviendrait le seul roi de Norvège. Quand les ambassadeurs arrivèrent devant lui et montrèrent à Erling le courrier du roi Valdemar, et qu'il eut connaissance de la demande du roi danois, il l'exposa aux autres chefs par les conseils desquels il couvrait habituellement ses actes. Tous, comme un seul homme, répondirent que les danois ne devraient jamais posséder la plus petite partie de la Norvège. Car les choses n'allaient jamais aussi mal dans le pays que lorsque les danois y exercaient le pouvoir. Les ambassadeurs du roi de Danemark pressèrent Erling pour obtenir une réponse, et se montrèrent désireux qu'une décision soit prise. Mais Erling les pria de l'accompagner à Viken, et dit qu'il donnerait une réponse lorsqu'il aurait rencontré les hommes les plus sages et influents de Viken. 

     

    24- Erling et le peuple de Viken

    Erling Skakke se rendit en automne en Viken, et resta à Tunsberg, d'où il envoya des émissaires à Sarpsborg pour réunir un Thing3 des quatre districts. Et il y alla avec ses gens. Lorsque l'assemblée fut assise, Erling fit un discours dans lequel il expliqua les résolutions qui avaient été prises entre lui et le roi de Danemark, la première fois qu'il avait réuni ses troupes contre ses ennemis.

    "- Je vais, dit-il, rester fidèle aux accords que j'ai passés avec le roi, avec votre assentiment, boendr, si c'est votre volonté d'entrer au service du roi danois plutôt qu'à celui du roi qui a été sacré et couronné souverain de ce pays."

    Les paysans répondirent ainsi aux paroles d'Erling : "- Nous ne deviendrons jamais les hommes du roi de Danemark, aussi longtemps que vivra un seul homme de Viken." Et toute l'assemblée, avec des cris et des hurlements, appela Erling à tenir son serment de protéger les domaines de son fils, "Devrions-nous jamais te suivre pour aller à la bataille." Et le Thing fut dissout.
    Les ambassadeurs du roi danois retournèrent alors chez eux, et rapportèrent le résultat de leur mission. Les danois invectivèrent Erling, et tous les norvégiens, et déclarèrent que seul le mal pouvait provenir d'eux. Et il fut raconté qu'au printemps, le roi danois enverrait une armée dévaster la Norvège. Erling retourna à Bergen en automne, y resta tout l'hiver, et rémunéra ses hommes.

     

    1 : Egalement petit-fils de Saemund le Savant, et lui-même prêtre, chef, lettré, homme très riche et influent en Islande, et futur père adoptif de Snorri fils de Sturla.

    2 : Allusion à certains rois qui furent fils de rois et d'une de leurs concubines.

    3 : Cette référence à un Thing comme participation du peuple aux affaires du royaume est un exemple frappant de la reconnaissance du droit des Things à être, en théorie, l'équivalent de nos parlements actuels.

     

       Heimskringla, snorri sturluson, magnus erlingsson                                                                                                       Heimskringla, snorri sturluson, magnus erlingsson

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