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    8- Le Duc Roger fait roi

    Au printemps, le roi Sigurd se rendit en Sicile (1109) et y resta longtemps. Il y avait un duc en Sicile, Roger, qui accueillit aimablement le roi, et l'invita à une fête. Le roi Sigurd y vint avec une grande suite, et y fut superbement diverti. Chaque jour, le duc Roger se tenait à la table de la compagnie, et faisait le service du roi. Mais le septième jour de la fête, lorsque chacun se fut installé à table et eut essuyé ses mains, le roi Sigurd prit le duc par la main, le conduisit au haut-siège, et le salua du titre de roi. Et il décréta qu'il y aurait toujours un roi sur les domaines de Sicile, alors qu'auparavant, il n'y avait eu en ce pays que des comtes ou des ducs.

      

    9- Du roi Roger

    Le roi Roger de Sicile était un très grand roi. Il remporta et soumit toute l'Apulie, et beaucoup d'autres grandes îles dans la mer de Grèce. Et il fut pour cette raison nommé Roger le Grand. Son fils fut William, roi de Sicile, qui entretint longtemps des relations hostiles avec l'empereur de Constantinople. Le roi William avait trois filles, mais aucun fils. Une de ses filles épousa l'empereur Henry, un fils de l'empereur Frédéric, qui fut brièvement empereur de Rome. Sa deuxième fille fut mariée au duc de Kipr. La troisième fille, Margaret, épousa le chef des corsaires. Mais l'empereur Henry tua ses deux beaux-frères. La fille de Roger le Grand, roi de Sicile, fut donnée en mariage à l'empereur Manuel de Constantitnople, et leur fils fut l'empereur Kirjalax.

     

    10- L'expédition du roi Sigurd en Palestine

    En été, le roi Sigurd navigua à travers la mer grecque en direction de la Palestine, et se rendit jusqu'à Jérusalem, où il rencontra Baldwin (Baudouin), roi de Palestine. Le roi Baudouin le reçut particulièrement bien, et chevaucha avec lui tout le long de la route menant à la rivière Jourdain, et durant le retour à la ville de Jérusalem.

     

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     Le roi Sigurd et le roi Baudouin de retour du Jourdain

     

    Einar Skulason en parla ainsi :

    "Le scalde a de très bonnes raisons de chanter

    Le caractère généreux du souverain,

    Dont la quille gelée par les vagues du nord

    Laboura les mers bleues baignant les îles vertes.

    En Acre nous fîmes rapidement relâche,

    Jetant solidement nos ancres en Terre Sainte,

    Lorsque le roi offrit un bienheureux matin

    A tous ceux qui avaient tant œuvré avec lui."

    Et il écrivit aussi ces lignes :

    "Il se rendit jusqu'à Jérusalem,

    Lui qui prisait le noble jeu de guerre

    (Le scalde ne connut pas de plus grand monarque

    Sous la vaste halle des vents dessous les cieux)

    Tout péché et tout mal fut rejeté de lui

    Dans les eaux du Jourdain : car pour tous ses péchés

    (que chacun doit louer), il gagna le pardon."

    Le roi Sigurd resta lontemps à Jérusalem (Jorsalaland), tout l'automne et le début de l'hiver.

     

    11- La prise de Sidon

    Le roi Baudouin organisa une magnifique fête en l'honneur du roi Sigurd et de ses hommes, et lui donna nombre de saintes reliques. Par ordre du roi Baudouin et du Patriarche, Un éclat fut prélevé sur la Sainte Croix. Et sur cette sainte relique, les deux prêtèrent serment que ce bois était bien celui de la Sainte Croix sur laquelle Dieu Lui-même avait été torturé. Alors cette sainte relique fut offerte au roi Sigurd, à la condition que lui, et douze autres hommes avec lui, jurent de promouvoir le Christianisme de toute leur puissance, et d'ériger un archevêché en Norvège s'il le pouvait, et de conserver si possible la Croix à l'endroit où reposait le roi Saint Olaf, et de mettre en place la dîme et de la payer lui-même. Après quoi, le roi Sigurd retourna à ses vaisseaux en Acre. Le roi Baudouin de son côté, se prépara à se rendre en Syrie, en un endroit nommé Saet (Sidon). Le roi Sigurd l'accompagna dans cette expédition, et après que les rois eurent assiégé la ville quelque temps, elle se rendit, et ils en prirent possession, ainsi que d'un grand trésor en argent, et leurs hommes trouvèrent d'autres butins. Le roi Sigurd offrit un cadeau au roi Baudouin sur sa part. Voici ce qu'en dit Haldor Skvaldre :

    "Celui qui offre un festin pour les loups

    Se saisit d'une ville en Orient,

    Un nid païen. Il retira honneur

    Et or à offrir de ceux qu'il occit."

    Einar Skulason en parla également :

    "Le roi des Norvégiens, comme chantent les scaldes,

    A conquis la ville païenne de Sidon.

    Les engins balistiques dans un bruit terrible,

    Détruisirent pignons et toits avec des pierres.

    Les remparts chancelèrent aussi, et puis tombèrent

    Les norvégiens escaladèrent les murs noirs.

    Lui qui teinte de rouge le bec du corbeau

    Est victorieux : la ville attend son bon vouloir."

    Après quoi le roi Sigurd retourna à ses navires et se prépara à quitter la Palestine. Ils firent voile vers le nord en direction de l'île de Chypre, où le roi Sigurd resta quelque temps, et d'où il se rendit en territoire grec, où il atterrit avec toute sa flotte à Engilsnes.

    Il resta là, sans bouger, pendant quinze jours, bien que chaque jour soufflât une brise permettant d'aller vers le nord sous le vent. Mais Sigurd voulut attendre un vent latéral, de manière à ce que les voiles avant et arrière puissent s'étirer sur le navire. Car une bande de soie était cousue sur chacune de ses voiles, à l'avant et à l'arrière de la toile, et personne, soit devant soit derrière le navire ne pouvait en voir la moindre part si le bateau était sous le vent. Il était donc préférable d'attendre un vent latéral.

     

    12- L'expédition de Sigurd à Constantinople

    Lorsque le roi Sigurd navigua dans Constantinople, il resta près de la terre. Sur tout le pays, il y a des bourgs, des châteaux, des cités, les uns sur les autres sans interruption. De la terre, on pouvait voir dans les baies les voiles, et elles étaient si proches les unes des autres qu'elles ne semblaient former qu'une seule enceinte. Tout le monde se tourna vers la mer pour regarder passer les voiles du roi Sigurd. Le roi Kirjalax entendit également parler de l'expédition du roi Sigurd, et ordonna que le port de la ville de Constantinople fût ouvert, celui qui est nommé la Tour d'Or, celui où l'empereur chevauche lorsqu'il a été longtemps absent de Constantinople, ou qu'il revient d'une campagne victorieuse. L'empereur fit étaler des étoffes précieuses de la Tour d'Or à Laktjarna, qui est le nom du plus splendide palais impérial. Le roi Sigurd ordonna à ses hommes de chevaucher en grand apparat, et de ne jeter aucun regard curieux à toutes les nouveautés qu'ils verraient. Et ils firent ainsi. Le roi Sigurd et sa suite chevauchèrent avec grande splendeur dans Constantinople, et arrivèrent au magnifique palais, où tout était du plus beau style.

     

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    L'entrée du roi Sigurd à Constantinople

     

    Le roi Sigurd y resta quelque temps. L'empereur Kirjalax lui envoya des émissaires pour lui demander s'il accepterait six grandes livres d'or1 ou s'il préférait que fussent organisés des jeux en son honneur, jeux auxquels l'empereur avait coutume de jouer lorsqu'il se trouvait au Padreim. Le roi Sigurd choisit les jeux, et les messagers dirent que le spectacle ne coûterait pas moins cher à l'empereur que l'or qu'il lui avait proposé. Alors l'empereur fit préparer les jeux, qui se déroulèrent de la façon traditionnelle. Mais en cette journée, tout se passa mieux pour le roi que pour la reine. Car la reine participe toujours de moitié aux jeux, et leurs hommes, par conséquent, entrent toujours en compétition les uns contre les autres dans tous les jeux. Et les Grecs pensent que lorsque les hommes du roi l'emportent sur ceux de la reine, le roi sera victorieux lorsqu'il ira à la bataille. 
    Ceux qui sont allés à Constantinople rapportent que le Padreim est construit de cette manière : une haute muraille entoure une plaine plate, qui peut être comparée à une place de Thing ronde et dégagée, avec des bancs de terre adossés au mur de pierre, bancs sur lesquels s'assoient les spectateurs. Mais les jeux eux-mêmes se déroulent dans la plaine. Beaucoup d'anciens événements concernant les Ases, les Volsungs et les Gjukungs sont représentés dans ces jeux. Et tous les personnages sont fabriqués en cuivre ou autre métal, avec tant d'art qu'ils paraissent vivants et qu'il semble au public qu'ils sont réellement présents dans les jeux. Les représentations elles-mêmes sont si artistiquement et habilement menées que les personnages semblent chevaucher dans les airs. Et y sont utilisés également des tirs de feu2, et toutes sortes de ha
    rpes, de chants et d'instruments de musique.

     

    12- Sigurd et l'empereur de Constantinople

    On raconte qu'un jour, le roi Sigurd eut l'intention de donner une fête en l'honneur de l'empereur, et qu'il chargea ses hommes de se procurer tout ce qui serait nécessaire pour organiser ce divertissement de la façon la plus somptueuse possible. Et lorsque furent rassemblées toutes les fournitures convenables qu'une fête donnée par un grand homme à des personnes de haute dignité nécessitait, le roi Sigurd commanda à ses hommes d'aller dans la rue de la ville où l'on vendait du bois pour le feu, car il en faudrait de grandes quantités pour la préparation de la fête. Ils dirent que le roi ne devrait pas craindre de vouloir du bois pour le feu, car chaque jour, de nombreux chargements en étaient amenés en ville. Pourtant, lorsqu'il fut nécessaire d'en acquérir, il se trouva que tout était déjà vendu, ce qu'ils rapportèrent au roi.
    Il répondit : "- Allez, et tâchez de vous procurer des noix. Elles feront aussi bien l'affaire que du bois, comme combustible."
    Ils allèrent, et en achetèrent autant que nécessaire. Alors vint l'empereur, avec ses dignitaires et sa cour, et ils s'assirent à table. Tout était véritablement splendide, et le roi Sigurd reçut le roi avec grand faste, et le divertit magnifiquement. Lorsque la reine et l'empereur se rendirent compte que rien ne manquait, elle envoya quelques personnes s'enquérir de ce qu'ils avaient utilisé comme bois à brûler, et elles arrivèrent à une cabane emplie de noix. Elles retournèrent en rendre compte à la reine. "- Vraiment, dit-elle, voilà un magnifique roi, qui ne regarde pas à la dépense lorsque son honneur est en jeu." Elle avait utilisé ce subterfuge pour savoir ce qu'ils feraient lorsqu'ils ne pourraient pas avoir de bois de chauffage pour mener à bien leur fête.

     

    14- Le retour du roi Sigurd le Croisé

    Peu de temps après, le roi Sigurd se prépara à rentrer chez lui. Il offrit tous ses vaisseaux à l'empereur, et les précieuses figures de proue qui ornaient les navires du roi furent installées dans l'église de Pierre, où l'on peut les voir encore depuis. L'empereur donna au roi de nombreux chevaux et des guides pour le conduire à travers ses domaines. Alors le roi Sigurd partit, mais nombre de ses hommes restèrent à Constantinople et restèrent au service de l'empereur. Le roi Sigurd voyagea ensuite à travers la Bulgarie, puis la Hongrie, la Pannonie, la Suabie, et la Bavière, où il rencontra l'empereur romain, Lothaire, qui le reçut de la manière la plus amicale, lui procura des guides pour l'accompagner sur l'ensemble de ses territoires, et fit établir des marchés afin qu'il achète tout ce dont il aurait besoin. Lorsque le roi Sigurd arriva à Slesvik, au Danemark, le jarl Eilif donna une fête somptueuse pour lui. On était alors au milieu de l'été. A Hedeby, il rencontra le roi Danois, Nikolas, qui l'accueillit avec grande amitié, donna une grande fête en son honneur, l'accompagna dans le nord du Jutland et lui offrit un navire tout équipé. De là, le roi retourna en Norvège, où il fut reçut avec grande joie et bienvenue en son royaume (1110). 
    Il se disait couramment parmi le peuple que personne n'avait jamais effectué de voyage si honorable depuis la Norvège que celui du roi Sigurd. Il avait alors 20 ans, et avait passé trois années en voyage. Son frère Olaf venait d'avoir 12 ans.

     

    15- Les actions d'Eystein pendant ce temps.

    Le roi Eystein avait de son côté effectué bien des travaux utiles au royaume pendant que le roi Sigurd était en voyage. Il avait établi un monastère à Nordnes en Bergen, qu'il dota de grandes propriétés. Il avait également bâti l'église de St Michel, qui est un magnifique temple de pierre. Dans la demeure royale, il avait fait ériger l'église des Apôtres, et la grande halle, qui est le plus bel édifice de bois qui fut jamais construit en Norvège. 
    De même, il avait bâti une église à Agdanes, avec un parapet, et un port là où auparavant il n'y avait qu'un endroit stérile. A Nidaros, dans la rue du roi, il avait construit l'église de Saint Nicolas, qui était particulièrement décorée de bois sculpté, et toute en bois. Et il avait également fait ériger une église dans le nord, à Vagar en Halogaland, et l'avait dotée de propriétés et de revenus.

     

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    Les constructions du roi Eystein

     

    16- Du roi Eystein

    Le roi Eystein envoya un message verbal aux hommes les plus intelligents et les plus puissants du Jamtaland, et les invita à le rejoindre. Il les reçut lorsqu'ils vinrent avec la plus grande amabilité, les raccompagna sur une partie du chemin vers chez eux, et leur fit des présents. Il les incita ainsi à devenir ses amis. A présent, comme beaucoup d'entre eux étaient accoutumés à lui rendre visite et à recevoir ses cadeaux, et parce qu'il envoya des dons aussi à ceux qui n'avaient pas pu venir eux-mêmes, il gagna bientôt la faveur de tous ceux qui avaient quelque influence dans le pays. Puis il parla au peuple du Jamtaland, et leur dit qu'ils avaient eu tort de tourner le dos aux rois de Norvège, et de leur soustraire les taxes et allégeances. Il commença par raconter comment le peuple du Jamtaland avait été soumis lors du règne d'Hakon, fils adoptif d'Athelstane, et avait été longtemps par la suite sujet des rois de Norvège, et leur représenta combien de choses utiles ils pourraient obtenir de la Norvège, et combien il était gênant pour eux de demander ce dont ils avaient besoin au roi de Suède. Par ses discours, il alla si loin en ces matières que les gens du Jamtaland offrirent de leur propre gré d'être ses sujets, disant que cela était utile et nécessaire pour eux. Et en conséquence, d'un commun accord, il fut admis que les Jamtalanders placeraient tout leur pays sous le règne du roi Eystein. Le tout début fut dû aux hommes importants, qui persuadèrent le peuple de prêter serment de fidélité au roi Eystein. Et ils allèrent alors auprès du roi et lui confirmèrent le serment du pays. Et ainsi de suite pendant longtemps. Le roi Eystein conquit de cette façon le Jamtaland par sa sagesse, et non par des incursions hostiles comme l'avaient fait ses ancêtres avant lui.

     

    17- Des grandes qualités du roi Eystein.

    Le roi Eystein était le plus bel homme qui se put voir. Il avait les yeux bleus bien ouverts, les cheveux dorés et bouclés. Il n'était pas de haute stature, mais de taille moyenne. Il était sage, intelligent, et très familiarisé avec les lois et l'histoire. Il avait une vaste connaissance de la nature humaine, était prompt au conseil, prudent en paroles, et très éloquent et généreux. De plus, il était très gai, bien que modeste, et très apprécié et aimé, indubitablement, par l'ensemble du peuple. 
    Il était marié à Ingebjorg, une fille de Guthorm, fils de Thorer de Steig, et leur fille était Maria, qui épousa par la suite 
    Gudbrand Skafhogson.

     

    1: 8.5 kg

    2 : le feu grégeois, probablement.

    Illustrations : G. Munthe
    Encadrements de Bouloute Créations

     

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    18- D'Ivar Ingimundson

    Le roi Eystein avait amélioré de bien des façons les lois, et les droits des paysans, et s'en tenait strictement aux lois. Et il se familiarisa lui-même grandement avec les lois de la Norvège, montrant en toutes choses beaucoup de prudence et de compréhension. Combien le roi Eystein était un homme de valeur, et la manière dont il ajustait son jugement pour tout envisager et éviter que quoi que ce fût put tourner au désavantage de ses amis, peut être vu dans son amitié pour un homme d'Islande nommé Ivar Ingimundson. L'homme était spirituel, de grande famille, et un poète. Le roi se rendit compte qu'Ivar était hors de ses esprits, et lui demanda pourquoi il était si mélancolique. "- Auparavant, lorsque tu étais avec nous, nous nous amusions fort de ta conversation. Je sais que tu es un homme trop intelligent pour penser que j'aurais pu faire quoi que ce soit contre toi. Dis-moi maintenant ce qui se passe."
    Il répondit : "- Je ne peux pas te dire ce que c'est."
    Alors le roi dit : "- Je vais alors tenter de deviner de quoi il s'agit. Quelqu'un t'aurait-il contrarié ?"
    A quoi il répondit : "- Non."
    "- Penses-tu que je te tienne en une estime moindre que celle à laquelle tu aimerais avoir droit ?"
    A quoi il répondit à nouveau : "- Non."
    "- As-tu observé quoi que ce soit qui t'ait fait une impression telle que tu en sois aussi chagriné ?"
    Il répondit qu'il ne s'agissait pas de cela non plus.
    Le roi : "- Voudrais-tu rejoindre d'autres chefs ou d'autres hommes ?"
    A quoi il répondit : "- Non."
    Le roi : "- Il devient difficile de deviner, à présent. Y a-t-il quelque fille, ici ou dans un autre pays, envers laquelle tu aurais engagé ton affection ?"
    Il dit que c'était bien cela. 
    Le roi dit : "- N'en soit pas si mélancolique pour autant. Retourne en Islande dès que le printemps reviendra, et je te donnerai de l'argent, et des présents, et avec mes lettres et mon sceau pour les hommes qui sont les plus influents là-bas. Et je ne connais personne qui n'obéisse à mes demandes ou mes menaces."
    Ivar répondit : "- Mon sort est plus grave que cela, sire. Car mon propre frère a eu cette fille."
    Alors le roi dit : "- Fais sortir cela de ta tête. Et je connais un conseil pour t'y aider. Après Yule, je voyagerai de maison d'hôte en maison d'hôte. Tu viendras avec moi, et tu auras ainsi l'opportunité de rencontrer maintes belles filles. Et comme aucune n'est d'extraction royale, je t'en donnerai une en mariage."
    Ivar répondit : "- Sire, mon sort reste des plus pénibles, car à chaque fois que je vois de belles et excellentes filles, je me souviens d'autant plus de celle-là, et elles augmentent ma peine."
    Le roi : "- Alors je te donnerai des propriétés à gérer, et des biens pour ton amusement."
    Il répondit : "- Je n'ai aucun désir de ces choses."
    Le roi : "- Alors je te donnerai de l'argent, afin que tu puisses voyager dans d'autres pays."
    Il dit qu'il ne le souhaitait pas.
    Alors le roi dit : "- Il devient difficile pour moi de chercher d'autres idées, car je t'ai proposé tout ce qui se présentait à mon esprit. Il n'y a qu'une autre chose, qui est fort peu par rapport à ce que je t'ai déjà offert. Viens me voir chaque jour après que les tables auront été enlevées, et si je ne siège pas pour quelque affaire d'importance, je parlerai avec toi de cette jeune fille, de toutes les manières auxquelles je pourrai penser. Et je le ferai à loisir, car il arrive quelquefois que le chagrin s'éclaircisse lorsqu'il est exprimé ouvertement. Et tu ne t'en iras jamais sans quelque cadeau."
    Il répondit : "- Je ferai ainsi, Sire, et te rends grâce pour cette enquête."
    Et il en fut ainsi souvent, et lorsque le roi n'était pas occupé par des affaires plus graves, il parlait avec lui, dont la douleur 
    s'effaça petit à petit, et il retrouva sa bonne humeur. 

    19- Du roi Sigurd

    Le roi Sigurd était un homme robuste et fort, aux cheveux bruns, d'apparence virile, mais peu séduisant. Bien délié. Peu disert, et fréquemment peu amical, mais bon avec ses amis, et loyal. Peu éloquent, mais moral et poli. Entêté, et sévère dans la vengeance. Strict dans l'observance de la loi. Il était généreux. Et au total, un roi capable et puissant. 
    Son frère Olaf était un homme grand et mince, de belle contenance, vif, modeste et populaire. 
    Et lorsque les trois frères, Eystein, Sigurd et Olaf étaient rois de Norvège, ils allégèrent bien des fardeaux dont les Danois avaient chargé le peuple au temps où Svein Alfifason dirigeait la Norvège, et furent pour cette raison bien-aimés du peuple et des grands hommes du pays.

     

    20- Du rêve du roi Sigurd

    Un jour, le roi Sigurd tomba en faiblesse d'esprit, de telle sorte que peu pouvaient réussir à converser avec lui, et qu'il restait peu de temps assis à la table du dîner. Ce fut difficile à comprendre pour ses conseillers, ses amis et sa cour, et ils prièrent le roi Eystein de réfléchir à la manière dont ils pourraient découvrir la raison pour laquelle les personnes qui venaient au roi ne pouvaient obtenir aucune réponse à ce qu'ils lui exposaient. Le roi Eystein leur répondit qu'il lui semblait délicat d'en discuter avec le roi. Mais à la fin, après l'intervention de plusieurs d'entre eux, il promit de le faire. Une fois, alors qu'ils étaient tous deux seuls, le roi Eystein aborda le sujet devant son frère, et lui demanda la cause de sa mélancolie. 
    "- C'est une grande peine, Sire, de te voir ainsi mélancolique. Et nous aimerions savoir ce qui en est la cause, ou si tu aurais entendu par hasard quelque grave nouvelle ?"
    Le roi Sigurd répondit qu'il ne s'agissait pas de cela.
    "- Est-ce alors, mon frère", dit le roi Eystein " que tu veux voyager hors du pays, et élargir tes domaines ainsi que le fit notre père ?"
    Il réponsit qu'il ne s'agissait pas de cela non plus.
    "Quelque homme, alors, t'aurait-il offensé ?"
    A ceci également, le roi répondit "- Non."
    "- Alors j'aimerais savoir si tu as fait quelque rêve ayant pu causer cette faiblesse de l'esprit ?"
    Le roi répondit que c'était bien cela.
    "- Raconte-moi donc, mon frère, ton rêve."
    Le roi Sigurd répondit : "- Je ne vais pas le raconter, à moins que tu n'interprètes ce qu'il signifie. Et je me rendrai bien vite compte si ton interprétation est exacte ou non."
    Le roi Eystein répondit : "- C'est un sujet très délicat, sire, des deux côtés. Car je suis exposé à ta colère si je ne parviens pas à l'interpréter, et au blâme public si je ne peux pas résoudre cette affaire. Mais je préfère encourir ton déplaisir, si mon interprétation ne t'est pas agréable."
    Le roi Sigurd raconta : "- Il m'est apparu en rêve, que nous, les frères, étions assis sur un banc devant l'église du Christ à Thondhjem. Et il m'est apparu que notre parent, le roi Saint Olaf, sortait de l'église portant le vêtement royal, brillant et magnifique, et avec la plus délicieuse et joyeuse contenance. Il alla à notre frère le roi Olaf, le prit par la main et lui dit gaiment : "- Viens avec moi, ami." Sur quoi il sembla se lever et aller dans l'église. Peu après, le roi Saint Olaf revint de l'église, mais ni si gai ni si rayonnant qu'avant. Il vint à toi, mon frère, et te dit que tu devais aller avec lui. Après quoi il te guida, et vous vous renditent dans l'église. Je pensai alors, et m'y attendis, qu'il reviendrait pour moi, à ma rencontre. Mais cela ne se passa pas ainsi. Je fus alors saisi par un grand chagrin, et grandes peur et anxiété m'accablèrent, si bien que je me retrouvai sans force. Puis je m'éveillai."
    Le roi Eystein répondit :"- J'interprète ainsi ton rêve, Sire : ce banc représente le royaume que nous avons, nous, frères. Et comme tu rêvas que le roi Olaf vint avec tant de joie vers notre frère Olaf, il vivra probablement le moins longtemps d'entre nous, frères, et n'a que du bon a attendre de l'au-delà, car il est aimable, jeune, et a peu vécu et sans excès, et le roi Olaf le Saint doit l'aider. Mais comme tu as rêvé qu'il est venu vers moi, mais avec moins de joie, je vivrais probablement quelques années de plus, mais ne deviendrais pas vieux, et j'ai foi en sa providence qui prendra soin de moi. Mais comme il ne vint pas vers moi dans toute sa splendeur et toute sa gloire comme pour notre frère Olaf, c'est probablement parce que, de différentes façons, j'ai péché et transgressé ses commandements. Et s'il tarde à venir à toi, je pense que ce rêve ne représente d'aucune manière ta mort, mais plutôt une longue vie. Il peut bien arriver que quelque accident grave t'advienne, car une angoisse inexplicable t'a accablé, mais je prédis que tu vivras plus vieux que nous, et règnera le plus longtemps sur le royaume."
    Alors Sigurd dit : "- Voilà qui est bien et intelligemment interprété, et il est probable qu'il en sera ainsi."
    Et le roi redevint enjoué à nouveau.

     

    21- Du mariage du roi Sigurd.

    Le roi Sigurd épousa Malmfrid, une fille du roi Harald Valdemarson, de l'est de Novgorod. La mère du roi Harald Valdemarson était la reine Gyda l'Ancienne, une fille du roi de Suède, Inge Steinkelson. L'autre fille de Harald Valdemarson, sœur de Malmfrid, était Ingebjorg, qui fut mariée à Canute Lavard, un fils du roi de Danemark, Eirik le Bon, et petit-fils du roi Svein Ulfson. Les enfants de Canute et  Ingebjorg furent le roi Danois, Valdemar, qui prit la succession du royaume de Danemark après Svein Eirikson, et les filles Margaret, Christina et Catherine. Margaret fut mariée à Stig Hvitaled, et leur fille fut Christina, qui épousa le roi de Suède, Kark Sorkvison, et leur fils fut le roi Sorkver.

     

    22- Des cas présentés au Thing

    Un parent des rois, Sigurd Hranason, entra en conflit avec le roi Sigurd. Il avait obtenu la collecte des revenus du Lapland pour le compte du roi, grâce à leur parenté et leur longue amitié, et aussi grâce aux nombreux services que Sigurd Hranason avait rendus aux rois. Et il était un homme très distingué et populaire. Mais il arriva, pour lui comme pour d'autres, que certaines personnes plus méchantes et jalouses qu'intègres le calomniassent auprès du roi Sigurd, et murmurassent à l'oreille du roi qu'il prenait plus que la partie devant lui échoir dans le tribut des Laplanders. Il lui en parlèrent tant que le roi en conçut colère et aversion à son encontre, et lui envoya un message. Lorsqu'il parut devant le roi, ce dernier éprouvait ces sentiments à son endroit, et dit : "- Je ne m'attendais pas à ce que tu me rembourses de tes grands fiefs et autres dignités en t'emparant de la propriété du roi, et en lui soustrayant une part plus grande qu'il n'est admissible."
    Sigurd Hranason répondit : "- Ce qui t'a été rapporté n'est pas exact. Car je n'ai prélevé que la part que tu m'as autorisé à prendre."
    Le roi Sigurd répliqua : "- Tu ne t'esquiveras pas de cette façon. Mais le sujet doit être traité sérieusement avant d'arriver à une conclusion". Sur quoi, ils se séparèrent.

    Peu de temps après, sur le conseil de ses amis, le roi engagea une action contre Sigurd Hranason lors de l'assemblée du Thing à Bergen, et demanda qu'il fût déclaré hors-la-loi. Mais lorsque l'affaire tourna ainsi, et lui apparut si dangereuse, Sigurd Hranason alla trouver le roi Eystein, et lui expliqua le tort que le roi Sigurd s'apprêtait à lui faire, et le supplia de lui accorder son assistance. Le roi Eystein répondit : "- C'est une affaire délicate que tu me présentes, et qui me fera parler contre mon frère, et il y a une grande différence entre défendre une cause et la poursuivre en droit." Et il ajouta que le sujet les concernait également, le roi Sigurd et lui-même. "- Mais pour ta détresse et notre parenté, je dirai un mot pour toi."

    Bientôt, Eystein rendit visite au roi Sigurd, et lui demanda d'épargner cet homme, lui rappelant la parenté entre eux et Sigurd Hranason, qui était l'époux de leur tante, Skialdvor. Et il ajouta qu'il était prêt à régler l'amende pour le crime commis contre le roi, même si on ne pouvait lui imputer avec certitude aucun blâme en la matière. En outre, il rappela au roi sa longue amitié avec Sigurd Hranason. Le roi Sigurd répondit qu'il était de meilleure gouvernance de punir de tels actes. A quoi le roi Eystein rétorqua : "- Si toi, mon frère, voulais suivre la loi, et punir de tels actes selon les coutumes du pays, il serait plus correct que Sigurd Hranason puisse produire ses témoins, et que l'affaire soit jugée devant le Thing, et non à une réunion, car ce cas dépend de la loi du pays, non de la loi de Bjarkey."
    Alors Sigurd dit : "- Il est possible que le cas dépende de la loi du pays, ainsi que tu le dis, Roi Eystein. Et si est contre la loi la manière dont il a été traité jusqu'à présent, alors nous amènerons l'affaire devant le Thing."
    Les rois se séparèrent là-dessus, chacun semblant déterminé à suivre sa propre voie. Le roi Sigurd rassembla les parties au sujet de ce cas devant le Thing d'Arnanes, dans l'intention de poursuivre l'affaire ici. Le roi Eystein vint aussi au Thing et lorsque le cas fut présenté pour le jugement, le roi Eystein se présenta au Thing avant que le verdict ne fut donné pour Sigurd Hranason. Le roi Sigurd demanda que le diseur de loi prononce le jugement. Mais le roi Eystein parla ainsi : "- Je suis certain qu'il y a ici des hommes qui connaissent suffisamment les lois de Norvège pour savoir qu'il ne peuvent pas condamner un lenderman au statut de hors-la-loi à ce Thing." Et il expliqua alors ce qu'il en était de la loi, et que chacun devait clairement la comprendre. Alors le roi Sigurd dit : "- Tu épouses cette cause avec beaucoup de chaleur, roi Eystein, et il est probable que cette affaire va créer encore plus de troubles avant qu'elle ne soit conclue ainsi que nous l'entendons. Mais, quoi qu'il en soit, nous la suivrons. Je veux le voir condamné à être hors-la-loi dans son pays de naissance." Alors le roi Eystein dit : "- Il est certain que peu de choses ne te réussissent pas, et en particulier lorsque de petites gens s'opposent à celui qui a réalisé tant de grandes choses." Sur quoi, ils se séparèrent, sans que rien ne fut conclu sur l'affaire. 

    Après quoi, le roi Sigurd rassembla un Gula Thing, s'y rendit en personne, et appela de nombreux grands chefs autour de lui. Le roi Eystein s'y rendit également avec sa suite, et plusieurs réunions et conférences furent tenues entre personnes instruites sur ce cas, qui fut présenté et examiné devant les hommes de loi. Puis le roi Eystein objecta que toutes les parties rassemblées, dans tous les cas, devaient appartenir au district du Thing, mais que dans ce cas, l'acte et les parties dépendaient du Halogaland. En conséquence, le Thing s'acheva sans résultat, le roi Eystein l'ayant rendu incompétent. Les rois se quittèrent en grande fâcherie. Et le roi Eystein partit dans le nord à Throndjem. Le roi Sigurd, de son côté, appela à lui tous ses lendermen, ainsi que les domestiques de ses lendermen, et désigna dans chaque district un certain nombre de bondis des régions du sud du pays. Il rassembla ainsi une grande armée auprès de lui. Il avança avec toute cette foule en direction du nord, le long des côtes, vers le Halogaland, dans l'intention d'utiliser toute sa puissance pour faire de Sigurd Hranason un hors-la-loi parmi ses propres relations. Dans ce but, il appela à lui le peuple d'Halogaland et de Naumudal, et organisa un Thing à Hrafnista. Le roi Eystein se prépara également, et fit route avec beaucoup de monde depuis la ville de Nidaros jusqu'à l'emplacement du Thing, où il fit en sorte que Sigurd Hranason, par serrement de mains devant témoins1, lui confiât la poursuite et la défense de son affaire. A ce Thing, les deux rois parlèrent, chacun pour son propre parti. Alors le roi Eystein demanda aux hommes de loi où la loi avait été faite en Norvège, qui autorisait les bondis à juger d'une affaire entre rois, lorsqu'ils plaidaient l'un contre l'autre. "- Je peux nommer des témoins pour prouver que Sigurd a remis sa cause entre mes mains. Et c'est donc à moi, non à Sigurd Hranason que le roi Sigurd a affaire dans ce cas." L'homme de loi déclara que les différends entre rois ne devaient être jugés qu'à l'Eyra Thing à Nidaros. 

    Le roi Eystein dit : "- Je pensais bien que c'était là-bas, et l'affaire doit être portée là-bas."

    Alors le roi Sigurd dit : "- Plus tu me feras de difficultés et d'embarras dans cette affaire, plus je persévérerai à la poursuivre." Et ils se séparèrent là-dessus.

    Les deux rois se rendirent alors dans le sud à Nidaros, où ils convoquèrent un Thing de huit districts. Le roi Eystein était en ville avec un grand nombre d'hommes, mais le roi Sigurd resta à bord de ses vaisseaux. Lorsque le Thing fut ouvert, tout fut conduit en paix et sécurité. Et lorsque les gens furent tous rassemblés, et que le cas allait pouvoir être examiné, Bergthor, un fils de Svein Bryggjufot, se leva, et témoigna que Sigurd Hranason avait célé une part des impôts des Laplandais.

    Le roi Eystein se leva à son tour, et dit : "- Même si ton accusation était vraie, bien que nous ne sachions pas quel crédit accorder à ton témoignage, ce cas a déjà été rejeté de trois Things et une quatrième fois d'une réunion de cité. Et je demande en conséquence aux hommes de loi d'acquitter Sigurd de ces chefs d'accusation, en vertu de la loi." Et il en fut ainsi.

    Alors le roi Sigurd dit : "- Je vois bien, roi Eystein, que tu as conduit cette procédure grâce aux bizarreries de la loi, que je ne comprends pas. Mais il reste, roi Eystein, une manière de vider cette affaire à laquelle je suis bien plus accoutumé, et que je vais à présent appliquer."

    Il se retira alors à ses vaisseaux, fit rabattre les tentes, retira sa flotte vers les chênes verts et tint une assemblée parmi les siens. Et il leur dit que tôt le lendemain, ils atterriraient à Iluvellir et livreraient bataille au roi Eystein. Mais dans la soirée, alors que le roi Sigurd était assis à sa table dans son navire pour prendre son repas, et avant qu'il ne commençât, un homme se jeta sur le pont avant et aux pieds du roi. Il s'agissait de Sigurd Hranason, qui supplia le roi de bien vouloir prendre à son endroit les décisions qu'il jugerait bonnes lui-même. Puis vinrent l'évêque Magne et la reine Malmfrid, et bien d'autres grands personnages, qui le supplièrent d'accorder son pardon à Sigurd Hranason. A cette demande, le roi se leva, le prit par la main, et le plaça parmi ses hommes, et l'emmena avec lui dans le sud du pays. En automne, le roi laissa Sigurd Hranason retourner dans le nord vers sa ferme, lui donna un emploi, et fut tujours son ami par la suite. Mais à dater de ce jour, cependant, les frères ne se rencontrèrent plus guère, et il n'y eut plus entre eux de cordialité ou de jovialité.

     

    23- De la mort du roi Olaf

    Le roi Olaf Magnusson tomba malade, et sa maladie s'acheva par la mort. Il fut enterré dans l'église du Christ à Nidaros, et la plupart furent en grand chagrin après son décès. Après la mort d'Olaf, Eystein et Sigurd gouvernèrent le pays, les trois frères ayant été rois de Norvège pendant douze ans (1104-115). Précisément, cinq ans après le retour du roi Sigurd en Norvège, et sept ans auparavant. Le roi Olaf était âgé de dix-sept ans au moment de sa mort, qui survint le 24 décembre.

     

    1 : le serrement de mains avait en droit valeur de transmission solennelle d'un cas légal : dans cette affaire, le roi Eystein prend complètement la place de Sigurd Hranason.

     

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    Chimère griffonnée

     

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    24- Magnus l'Aveugle : sa naissance

    Le roi Eystein avait passé une année dans l'est du pays à cette époque, alors que le roi Sigurd était dans le nord. Le roi Eystein resta longtemps cet hiver à Sarpsborg. 
    Il y avait un puissant et riche bondi nommé Olaf de Dal, qui résidait au Grand Dal à Aumord et avait deux enfants : un fils nommé Hakon Fauk, et une fille appelée Borghild, qui était très jolie fille, et avisée, et talentueuse en beaucoup de domaines. Olaf et ses enfants restaient longtemps en hiver à Sarpsborg, et Borghild conversait très souvent avec le roi Eystein. L'été suivant, le roi Eystein se rendit vers le nord, et le roi Sigurd dans l'est, où il resta tout l'hiver, en particulier à Konunghahella, ville qu'il améliora et agrandit beaucoup. Il y construisit un fort château de pierre et d'herbe, creusa une profonde douve autour, et bâtit une église et plusieurs maisons dans la forteresse. Il laissa en outre la Sainte Croix à Konungahella, et, par là, ne tint pas la promesse qu'il avait faite en Palestine. Mais d'autre part, il instaura la dîme, et la majeure partie de tout ce qu'il s'était engagé à faire par serment. La raison de garder la Croix dans l'est, à la frontière du pays, était qu'il pensait qu'elle pourrait représenter une protection pour l'ensemble du pays. Mais il s'est avéré que c'était un grand malheur que de placer cette relique au pouvoir des païens, comme le montra la suite des événements.

    Quand Borghild, la fille d'Olaf, entendit qu'il se murmurait que les gens prenaient en mauvaise part ses conversations et son intimité avec le roi Eystein, elle se rendit à Sarpsborg, et après un jeûne convenable, elle porta les fers comme preuve de son innocence, et se lava ainsi elle-même pleinement de tout soupçon.

     

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    La pénitence de Borghild

     

    Lorsqu'il en entendit parler, le roi Sigurd chevaucha un jour aussi loin que deux jours ordinaires de voyage, et se rendit à Dal chez Olaf, où il resta toute la nuit, fit de Borghild sa concubine et l'emmena avec lui. Ils eurent un fils, qui fut nommé Magnus, qui fut immédiatement envoyé en Halogaland pour être adopté à Bjarkey par Vidkun Jonson. Et il y fut élevé. Magnus grandit et devint le plus bel homme qui se put voir, et devint très tôt grand et robuste.

     

    25- Comparaison entre les deux rois

    Le roi Sigurd et le roi Eystein s'en allèrent tous deux au printemps pour les quartiers d'hôtes dans les Hautes-Terres. Et chacun était accueilli et diverti dans une maison indépendante, mais les deux demeures étaient proches l'une de l'autre. Les boendr jugèrent cependant plus commode que les deux se divertissent ensemble dans chaque maison à tour de rôle. Et ils furent donc dans un premier temps tous deux dans la maison du roi Eystein.

    Mais le soir, quand les hôtes commencèrent à boire, la bière n'était pas bonne. De sorte que les gens se tenaient très tranquilles et silencieux. Alors le roi Eystein dit : "- Pourquoi tout le monde est-il tellement silencieux ? Il est plus habituel, lors des fêtes à boire, que les gens soient joyeux, alors lancez quelque plaisanterie sur la bière qui les amusera. Car il est certain, mon frère Sigurd, que chacun trouverait plaisant que nous discutions gaiment."
    Le roi Sigurd répliqua sans ambages : "- Parle autant qu'il te plaira, mais laisse moi garder le silence."
    Eystein dit : "- Il est commun, autour de la table des hôtes, de comparer une personne à une autre1, alors procédons ainsi."
    Sigurd resta silencieux.
    " - Je vois, dit Eystein, que je dois commencer le jeu. Maintenant, je te choisis, mon frère, pour me comparer à toi, et faire apparaître si nous avons tous deux mêmes réputation et propriétés, et qu'il n'y a pas de différence dans notre naissance et notre éducation."
    Alors le roi Sigurd répondit : "- Te rappelles-tu que j'ai toujours été capable de te jeter à terre lorsque nous luttions, bien que tu sois mon aîné d'un an ?"
    Alors Eystein répondit : "- Mais je me rappelle que tu n'étais pas si bon aux jeux qui requéraient de l'agilité."
    Sigurd : " - Te souviens-tu que je pouvais t'entraîner sous l'eau, lorsque nous nagions ensemble, aussi souvent qu'il me plaisait ?"
    Eystein : "- Mais je pouvais nager aussi loin que toi, et plonger aussi bien que toi. Et je pouvais glisser sur des planches à neige si bien que personne ne pouvait me battre, et tu n'y parvenais pas plus qu'un bœuf."
    Sigurd : "- Il me semble qu'il est un talent plus utile et pertinent pour un chef, être un expert à l'arc. Et je pense que tu pouvais difficilement bander le mien, même en utilisant ton pied pour t'aider."
    Eystein : "- Je ne suis pas aussi fort pour bander l'arc que toi, mais il y a peu de différence entre nos précisions de tirs, et je sais utiliser les skis mieux que toi, et c'était autrefois tenu pour une grande qualité."
    Sigurd : "- Il m'apparaît préférable, pour être un chef, d'être supérieur aux autres hommes, d'être bien vu dans la foule, et d'être plus fort et puissant au maniement des armes que les autres hommes. Facile à voir et à reconnaître quand il est dans la foule.
    Eystein : "- Il n'en est pas moins une distinction et un ornement pour un homme que d'être de belle apparence, de sorte qu'il est facilement reconnu des autres pour cela ; et il m'apparaît que le meilleur ornement convient au meilleur chef, car il s'allie à la beauté. De plus, je suis meilleur que toi en connaissance de la loi, et quel que soit le sujet, mes mots coulent plus aisément que les tiens."
    Sigurd : "- Ce doit être parce que tu connais plus de bizarreries de la loi, parce que j'ai eu d'autres choses à faire. Non plus qu'on ne te déniera d'avoir la langue souple. Mais nombreux sont ceux qui disent qu'il ne faut pas ajouter foi à tes mots. Que tes promesses sont peu dignes d'être considérées. Et que tu parles juste en fonction de ceux qui t'écoutent, ce qui n'est pas royal."
    Eystein : "- C'est dû au fait que, lorsque les gens exposent leur cas devant moi, mon premier souhait est de donner à chacun la satisfaction qu'il désire dans ses affaires. Mais après vient la partie adverse, et il y a alors très souvent quelque chose à ajouter ou à enlever, de façon à accorder les deux, de manière que les deux soient satisfaites. Il arrive souvent, également, que je promette tout ce qui m'est demandé, afin que tous soient heureux autour de moi. Il me serait facile de procéder ainsi que toi : promettre le mal à chacun. Et je n'ai jamais entendu dire que tu n'aies pas tenu cette promesse."
    Sigurd : "- Il vient dans la conversation de dire que l'expédition que j'ai conduite hors du pays était une entreprise princière, tandis que dans le même temps, tu restais à la maison comme une fille de ton père."
    Eystein : "- Maintenant, tu touches le point sensible. Je n'aurais jamais entamé cette discussion si je n'avais su quelle réponse donner sur cette question. Je peux vraiment dire que je t'ai équipé comme une sœur, avant que tu ne partes pour cette expédition."
    Sigurd : "- Tu dois avoir entendu dire que pendant cette expédition j'ai livré maintes fois bataille dans le pays des Sarrasins, et remportai à chaque fois la victoire. Et tu dois avoir entendu parler des nombreux objets de valeurs que j'ai acquis, du genre qui n'avait jamais été vu auparavant dans ce pays, et dire que j'étais le plus respecté partout où se trouvaient les hommes les plus vaillants. Et tu ne peux d'autre part céler que tu as seulement une réputation d'homme resté à la maison".
    Eystein : "- J'ai entendu dire que tu avais livré plusieurs batailles à l'étranger, mais était plus utile pour le pays ce que je faisais pendant ce temps ici, à la maison. J'ai bâti cinq églises depuis leurs fondations, et un port à Agdanes, où il était autrefois impossible d'atterrir, et où les vaisseaux naviguaient beaucoup au nord et au sud le long de la côte. J'ai installé une chaîne et un anneau de fer dans le détroit de Sinhilm, et j'ai construit une halle royale à Bergen, pendant que tu étais en train de tuer les hommes bleux suppôt du diable en Serkland. Ceci, je pense, était de meilleur avantage pour le pays."
    Le roi Sigurd dit : "- Au cours de cette expédition, j'ai parcouru toute la route vers le Jourdain, et ai nagé à travers la rivière. Sur le bord de la rivière se trouve un bouquet de saules, et là, j'ai noué un nœud de saule, et dit que tu devrais le dénouer, mon frère, ou subir la malédiction qui y est attachée."
    Le roi Eystein dit : "- Je n'irai pas là-bas pour dénouer le nœud que tu as noué pour moi. Mais si j'avais eu la tentation de faire un nœud pour toi, tu n'aurais jamais été roi de Norvège, à ton retour avec un seul navire au milieu de toute ma flotte."

     

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    Après quoi, les deux restèrent silencieux, et il y eut de la colère de part et d'autre. Plus de choses passèrent entre les frères, d'où il apparut que chacun d'eux voulait être plus grand que l'autre. La paix, cependant, fut préservée entre eux aussi longtemps qu'ils vécurent.

     

    26- De la maladie du roi Sigurd

    Le roi Sigurd était à une fête dans les Uplands, et on lui prépara un bain. Lorsque le roi alla au bain et que la tente fut dressée au dessus de la cuve, le roi pensa qu'il y avait un poisson à côté de lui. Et un fou-rire le saisit, comme s'il était hors de lui-même, et sans ses esprits, et cette situation de reproduisit fréquemment par la suite.

    La fille de Magnus Berrfoetr, Ragnhild, fut mariée par ses frères à Harald Kesia, un fils du roi de Danemark, Eirik le Bon. Et leurs fils furent Magnus, Olaf, Knut et Harald.

     

     27- De la mort du roi Eystein

    Le roi Eystein fit construire un grand navire à Nidaros, navire qui par ses dimensions et sa forme était semblable au Long Serpent que le roi Olaf Tryggvason avait commandé. A la proue se trouvait une tête de dragon, et à la poupe, une queue enroulée, les deux étant dorées. Le navire était de grande taille, mais les ponts avant et arrière apparaissaient moindres qu'ils n'auraient dû être. Il fit également bâtir à Nidaros de nombreux et vastes quais faits des meilleurs matériaux, et solidement boisés. 
    Six ans après la mort du roi Olaf, il arriva que le roi Eystein, à une fête à Hustadirn dans Stim, fut saisi d'une maladie qui eut bientôt raison de lui. Il mourut le 29 Août, 1123, et son corps fut ramené dans le nord à Nidaros, et enterré dans l'église du Christ. Et on dit généralement que jamais il n'y avait jamais eu tant de personnes en deuil sur une tombe en Norvège que sur celle du roi Eystein, au moins depuis le décès de Magnus le Bon, fils de Saint-Olaf. Eystein avait été vingt ans (1104-1120) roi de Norvège. Et après sa mort, son frère, le roi Sigurd, fut le seul roi de Norvège tant qu'il vécut.

     

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     Les funérailles du roi Eystein. G. Munthe

     

    28- Le baptême du peuple de Smaland

    Le roi Danois, Nikolas, fils de Svein Ulfson, épousa par la suite la reine Margaret, une fille du roi Inge, laquelle était auparavant mariée au roi Magnus Berrfoetr. Et leurs fils furent Nikolas et Magnus le Fort. Le roi Nikolas envoya un message au roi Sigurd le Croisé, et lui demanda s'il voulait l'accompagner, avec toute sa puissance, vers l'est des territoires suédois, pour l'aider à baptiser les habitants du Smaland. Car les gens qui vivaient là n'avaient aucune considération pour le christianisme, bien que certains d'entre eux se soient laissés baptiser. A cette époque, il restait beaucoup de personnes en périphérie des domaines suédois, qui étaient païens, et beaucoup étaient de mauvais chrétiens. Car là régnaient quelques rois qui avaient renoncé au christianisme, et continuaient à pratiquer des sacrifices, comme Blotsvein, et après lui Eirik Arsale, le faisaient.

    Le roi Sigurd promit d'entreprendre ce voyage, et les rois se donnèrent rendez-vous à Eyrarsund. Le roi Sigurd appela alors à la levée d'une armée, hommes et navires, partout en Norvège. Et lorsque l'armée fut assemblée, il disposait d'environ trois cents navires. Le roi Nikolas vint en avance à l'endroit du rendez-vous, et y resta longtemps. Et les bondi se mirent à murmurer, disant que les hommes du nord n'avaient pas l'intention de venir. Alors l'armée danoise se dispersa, et le roi s'en alla avec sa flotte. Le roi Sigurd arriva peu après, et en eut grand déplaisir. Mais il vogua vers l'est et Svimaros, et y tint un Thing privé, lors duquel il parla, au sujet du roi Nikolas, de rupture de parole, et les Norvégiens, de ce fait, décidèrent de partir en maraude dans la région. Ils commencèrent par piller un village nommé Tumathorp, non loin de Lund. Puis partirent plus à l'est vers la ville marchande de Calmar, qu'ils dévastèrent, de même qu'ils pillèrent en Smaland et imposèrent à la région un tribut de mille cinq cents têtes de bétail comme provisions pour les navires. Et le peuple du Smaland fut christianisé. Après quoi, le roi Sigurd s'en retourna avec sa flotte et rentra en son royaume chargé d'objets de valeur et d'un grand butin, rassemblé au cours de cette expédition. Et cette levée fut nommée la levée de Calmar. C'était en été, avant une éclipse. Ce fut la seule expédition de ce type que le roi Sigurd effectua tant qu'il régna.

     

     1 : le jeu de la comparaison, de préférence entre deux personnes illustres, était courant. La bière aidant, il arrivait qu'il dégénérât en bagarre.

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