• Heimskringla, snorri sturluson, olav tryggvason

    109- Les plans perfides du jarl Sigvald

    En même temps que le roi Svein envoyait un message en Svithjod pour demander une armée, il dépêcha le jarl Sigvald au Vindland pour espionner l'avancée du roi Olaf Tryggvason, et pour faire en sorte, à l'aide de ruses, que le roi Svein et le roi Olaf puissent former les rang l'un avec l'autre contre le roi de Norvège. Alors Sigvald s'embarqua pour le Vindland. Il vint d'abord à Jomsborg, puis alla trouver le roi Olaf Tryggvason. Il y avait beaucoup d'amitié dans leur conversation, et le jarl entra lui-même en faveur auprès du roi. Astrid, l'épouse du jarl, fille du roi Burizleif, était une grande amie du roi Olaf Tryggvason, en particulier du fait de leur parenté lorsqu'Olaf avait été marié à sa sœur Geira. Le jarl Sigvald était un homme prudent, à l'esprit circonspect. Et comme il avait obtenu une voix au conseil du roi Olaf, il lui répéta souvent d'attendre avant de faire voile vers sa demeure, trouvant toujours de nouvelles raisons pour ce retard. De ce fait, les gens d'Olaf étaient insatisfaits au plus haut point. Car les hommes étaient désireux de rentrer chez eux, et ils se tinrent prêts à appareiller, n'attendant qu'un vent favorable. Enfin, le jarl Sigvald reçut un message secret en provenance du Danemark disant que l'armée du roi de Suède était arrivée de l'est, et que le jarl Eirik était prêt également. Et que tous les chefs étaient sur le point de faire voile vers le Vindland, et attendraient le roi Olaf dans une île nommée Svold. Ils voulaient également que le jarl Sigvald s'ingénie à trouver le moyen de leur faire rencontrer le roi Olaf là-bas.

     

    110- Le voyage du roi Olaf depuis le Vindland.

    Il arriva d'abord un rapport au Vindland disant que le roi danois, Svein, avait assemblé une armée. Et il se chuchota bientôt qu'il avait l'intention d'attaquer le roi Olaf. Mais le jarl Sigvald dit au roi Olaf : "- Il n'entrerait jamais dans les intentions du roi Svein de s'aventurer à t'attaquer avec les seules forces danoises, pas contre ta si puissante armée. Mais si tu as le moindre doute que quelque chose de néfaste se prépare, je te suivrai avec mes forces (A cette époque, le soutien des vikings de Jomsborg était considéré comme un atout important pour une armée), et je te donnerai onze vaisseaux avec un bon équipage."

    Le roi accepta cette offre, et comme une légère brise vint à être favorable, il ordonna que les navires soient allégés et que les lurs de guerre sonnent le signal du départ. Les voiles furent hissées, et tous les petits bateaux, navigant plus vite, prirent la mer avant les autres. Le jarl, qui voguait au plus près du roi, appela l'équipage pour lui demander de dire au roi de naviguer dans la piste de sa quille : "Car je sais où l'eau est la plus profonde entre les îles et dans les détroits, et ce grand navire nécessite la plus grande profondeur." 

     

    Heimskringla, snorri sturluson, olaf tryggvason

     

    Alors le jarl navigua en premier avec ses onze vaisseaux, et le roi suivit avec ses grands bateaux, également au nombre de onze. Mais l'ensemble du reste de la flotte prit le large. Alors lorsque le jarl Sigvald arriva à proximité de l'île Svold, un esquif en vint pour prévenir le jarl que l'armée du roi danois attendait dans le port devant eux. Alors le jarl ordonna que les voiles soient affalées, et ils ramèrent vers l'île.

    Haldor le Peu Chrétien dit :

    "Provenant du Sud, le vaillant fils de Tryggve

    Arriva avec soixante et onze voilures

    Pour teinter son épée dans le sanglant combat

    Contre la puissance de l'ennemi danois.

    Mais le roi fut trahi par le perfide jarl

    Et on raconte de l'hypocrite Sigvald

    Qu'il déserta les rangs de la flotte d'Olaf

    Et s'enfuit lâchement pour rejoindre les Danes."

    Il est dit ici que le roi Olaf et le jarl Sigvald disposaient de soixante-dix voiles plus une lorsqu'ils naviguèrent depuis le sud.

     

    111- La consultation des rois.

    Le roi des Danois Svein, le roi de Suède Olaf et le jarl Eirik se trouvaient là avec toutes leurs forces (1000). Le temps étant agréable et le soleil brillant, tous ces chefs, avec une suite nombreuse, sortirent de l'île pour voir les vaisseaux naviguant au large, et beaucoup d'entre eux se rassemblèrent et virent un navire grand et brillant entre tous. Les deux rois dirent : "- C'est un grand et magnifique vaisseau. Ce sera le Long Serpent".

    Le jarl Eirik répondit : "- Il ne s'agit pas du Long Serpent." Et il avait raison. Car c'était le bateau appartenant à Eindride de Gimsar.

    Peu après, ils virent approcher un autre navire encore plus grand que le premier. Alors le roi Svein dit : "- Olaf Tryggvason doit être effrayé, car il n'ose pas s'aventurer à naviguer avec sa figure de proue en forme de dragon."

    Le jarl Eirik dit : "- Ce n'est toujours pas le navire du roi. Car je reconnais ce vaisseau aux rayures colorées de sa voile. C'est celui d'Erling Skjalgson. Laissons-le naviguer. Car il est préférable pour nous que ce navire ne soit pas avec la flotte d'Olaf, tant est bon son équipage. "

    Peu après, ils virent et reconnurent les vaisseaux du jarl Sigvald, qui tournèrent vers eux et se mirent à couvert dans l'île. Puis ils virent trois bateaux arrivant à la voile, dont un très vaste. Le roi Svein ordonna à ses hommes de se rendre à leurs vaisseaux, "car arrive maintenant le Long Serpent ".

    Le jarl Eirik dit : "- Bien d'autres bateaux autres que le Long Serpent sont grands et majestueux. Attendons encore un peu".

    Alors plusieurs dirent : "- Le jarl Eirik ne combattra pas et ne vengera pas son père. Et c'est grande honte qu'il puisse être dit que nous avions ici une si grande force et que nous avons laissé le roi Olaf s'échapper vers la pleine mer sous nos yeux."

    Mais après avoir ainsi parlé un petit moment, ils aperçurent quatre navires faisant voile le long de l'île, dont un portait une grande tête de dragon richement dorée. Alors le roi Svein se leva et dit : "- Ce dragon me mènera haut ce soir, car je vais le diriger." Et ils furent nombreux à dire "- Le Long Serpent est sans doute un navire merveilleusement grand et beau, et il faut avoir un esprit élevé pour avoir construit un tel bateau."

    Le jarl Eirik dit si fort que plusieurs personnes l'entendirent : "- Même si le roi Olaf n'avait pas d'autres vaisseaux que celui-ci, le roi Svein n'aurait pu le prendre avec les seules forces danoises."

    Après quoi tous les hommes se ruèrent à bord de leurs navires, démontèrent les tentes, et se préparèrent à combattre en toute hâte.

    Tandis que les chefs discutaient entre eux ainsi que précédemment relaté, ils virent trois très grands navires, puis après eux, un quatrième qui était le Long Serpent. Des grands bateaux qu'ils avaient vus avant et qu'ils avaient pris pour le Long Serpent, le premier était la Grue. Le suivant était le Petit Serpent, et lorsqu'ils virent réellement le Long Serpent, tous le surent, et aucun ne dit mot contre cela, que c'était le roi Olaf Tryggvason qui devait naviguer sur un tel bateau. Et ils se rendirent à leurs navires pour s'armer pour la bataille. 

    Un accord avait été conclu entre les chefs, le roi Svein, le roi Olaf de Suède et le jarl Eirik, qu'ils se partageraient la Norvège en trois parts, s'ils venaient à réussir leur entreprise contre le roi Olaf Tryggvason. Mais le premier des chefs qui monterait à bord du Long Serpent l'aurait pour lui, ainsi que tout le butin qui pourrait être trouvé dessus, et chacun s'emparerait pour lui-même des vaisseaux qu'il aurait vidés de leurs hommes. Le jarl Eirik possédait un grand navire de guerre qu'il utilisait pour ses expéditions vikings. Et il avait une barbe de fer en forme de peigne de chaque côté de la proue, et dessous, une épaisse plaque de métal aussi large que les peignes, qui descendait presque jusqu'au plat-bord.

     

    112- Des gens du roi Olaf

    Lorsque le jarl Sigvald rama avec ses vaisseaux à proximité de l'île, Thorkel Dydril de la Grue et les autres commandants des navires qui voguaient avec lui virent qu'il faisait tourner ses bateaux en direction de l'île, et firent donc affaler les voiles et ramèrent à sa poursuite, l'appelant, et lui demandant pourquoi il naviguait dans cette direction. Le jarl répondit qu'il attendait le roi Olaf, car il craignait qu'il n'y ait des ennemis dans ces eaux. Ils relevèrent les avirons jusqu'à ce que Thorkel Nefia arrive avec le Serpent Court et les trois vaisseaux qui l'accompagnaient. Alors ils leur dirent de faire la même chose, d'amener les voiles, et de laisser les navires dériver en attendant le roi Olaf. Mais lorsque le roi arriva à la voile en direction de l'île, l'ensemble de la flotte ennemie survint à la rame dans le détroit depuis l'île. Lorsqu'ils virent cela, ils prièrent le roi de poursuivre sa route et de ne pas se risquer à engager le combat contre une si grande force. Le roi répondit, du haut du gaillard d'arrière sur lequel il se trouvait :
    "- Affalez les voiles ! Jamais mes hommes ne doivent songer à fuir. Je n'ai jamais fui la bataille. Que Dieu dispose de ma vie, mais je ne prendrai jamais la fuite."

    Il fut fait ainsi que le roi commandait. Halfred dit ceci à ce sujet :

    "Qu'au loin et largement les paroles audacieuses

    Du guerrier courageux soient dites et rapportées.

    Le roi bien éprouvé par nombre de batailles,

    Cria à ses vaillants champions autour de lui :

    "- Jamais mes combattants n'apprendront par mes ordres

    A fuir devant les sombres nuages des armes."

    Jamais ces crânes mots une fois prononcés

    Ne furent oubliés de ses hommes fidèles."

     

    113- La préparation à la bataille des vaisseaux d'Olaf.

    Le roi Olaf ordonna que les cors de guerre résonnent pour que tous ses navires se rapprochent les uns des autres. Le vaisseau du roi se tenait au milieu de la ligne, et d'un côté se tenait le Petit Serpent, et de l'autre, la Grue. Et ils furent attachés ensemble par leurs proue. Le Long Serpent et le Serpent Court furent attachés ensemble, mais lorsque le roi s'en aperçut, il appela ses hommes et ordonna que le plus grand des vaisseaux soit un peu avancé, de manière à ce que sa poupe ne dépasse pas autant à l'arrière de la flotte.

    Alors Ulf le Rouge dit : "- Si le Long Serpent doit être disposé à l'avant des autres navires puisqu'il est plus long qu'eux, nous allons avoir fort à faire ici sur le gaillard d'avant. "

    Le roi répondit : "- Je ne pensais pas avoir un homme de proue aussi effrayé que rouge. "

    Ulf dit : "- Défends donc le pont arrière comme moi le gaillard d'avant. "

    Le roi tenait un arc à la main, et plaça une flèche sur la corde, visant Ulf.

    Ulf dit : "- Tire ailleurs, roi, où ce sera plus utile. Mon travail est ton gain. "

     

    114- Du roi Olaf

    Le roi Olaf se tenait sur le pont arrière du Long Serpent, bien plus haut que les autres. Il avait un bouclier doré, et un heaume incrusté d'or. Il portait par-dessus son armure un court manteau rouge, et était facilement visible parmi les autres hommes. Lorsque le roi vit que les forces dispersées de l'ennemi étaient en train de se rassembler sous leurs bannières, il demanda : "- Qui est le chef de la flotte qui nous est directement opposée ? "

    Il lui fut répondu que c'était le roi Svein avec l'armée danoise.

    Le roi répondit : "- Je ne crains pas ces danois mous, car il n'y a en eux aucune bravoure. Mais quelles sont les troupes à la droite des Danes ?"

    Il lui fut répondu qu'il s'agissait du roi Olaf avec les forces suédoises.

    "- Il serait préférable, dit le roi Olaf, pour ces suédois d'être assis chez eux et de pratiquer leurs sacrifices rituels, plutôt que de s'aventurer sous les armes du Long Serpent. Mais qui possède les grands navires à bâbord des danois ?"

    "- Le jarl Eirik Hakonson", dirent-ils.

    Le roi répondit : "- Lui, je crois, a de bonnes raisons de nous affronter. Et nous devons nous attendre à un âpre combat contre ses hommes, car ce sont des Norvégiens comme nous."

     

     Heimskringla, snorri sturluson, olaf tryggvason                                                                                                                      Heimskringla, snorri sturluson, olaf tryggvason


    votre commentaire
  • Heimskringla, snorri sturluson, olaf tryggvason

    115- La bataille commence

    Les rois firent alors relever les rames, et se préparèrent à attaquer (1000). Le roi Svein disposa son navire contre le Long Serpent. Plus loin de lui, Olaf de Suède se prépara, et plaça la poupe de son vaisseau contre le navire le plus extérieur de la ligne du roi Olaf. Et de l'autre côté se rangea le jarl Eirik. Alors un difficile combat commença. Le jarl Sigvald se tint en retrait avec les rames sorties, mais ne rejoignit pas la bataille. Ainsi en parla Skule Thorsteinson, qui était en ce temps aux côtés du jarl Eirik :

    "J'ai pendant ma jeunesse accompagné Sigvald,

    Et le vaillant Eirik, et à dire le vrai,

    Maintenant que je suis devenu raide et vieux,

    Pour le chant des lances j'étais autrefois brave.

    Là où les flèches chuintaient sur le rivage

    Du fjord de Svolder j'arborais mon bouclier,

    Me tenant au milieu de l'assaut furieux

    Quand l'épée déchaînait sa clameur sur les targes."

     

    Et Halfred chanta ainsi :

    "En vérité je crois que le superbe roi

    Au milieu d'une telle assemblée d'ennemis

    Put être respecté comme étant le meilleur

    Dans les lignes serrées de ses gars de Throndhjem.

    Car nombreux sont les chefs qui s'esquivèrent et fuirent,

    Lâchant notre courageux roi dans la mêlée,

    Face à la puissance de deux grands souverains,

    Et d'un jarl influent, avec son petit groupe,

    Le roi qui a osé une telle prouesse

    Devra pour son scalde devenir un héros."

     

    Heimskringla, snorri sturluson, olaf tryggvason, svolder

    La bataille de Svolder. Otto Sinding.

     

    116- La fuite de Svein et d'Olaf de Suède

    Cette bataille fut une des plus rudes à avoir jamais été rapportée, et innombrables furent les morts. Les hommes du gaillard d'avant du Long Serpent, du Petit Serpent et de la Grue jetèrent des grappins et des chaînes sur le navire du roi Svein, et utilisèrent bien leurs armes contre les hommes qui se tenaient face à eux, car ils libérèrent les ponts de tous les navires sur lesquels ils purent prendre pied. Et le roi Svein, et tous les hommes qui s'enfuirent, rejoignirent d'autres vaisseaux, et se tinrent à l'écart des tirs d'arc. Il en alla de cette force tout comme le roi Olaf Tryggvason l'avait prévu. Puis le roi Olaf de Suède vint prendre sa place. Mais lorsqu'il parvint auprès des grands navires, il en alla pour lui comme pour les Danois, car il perdit nombre d'hommes et quelques vaisseaux, et fut obligé de s'échapper. Mais le jarl Eirik plaça son bateau bord à bord avec le navire le plus extérieur de la flotte du roi Olaf, en décima l'équipage, trancha ses câbles et le laissa dériver. Puis il se rangea le long du suivant, et livra bataille jusqu'à l'avoir vidé de ses hommes également. A ce moment, tous ceux qui se trouvaient sur les petits vaisseaux se repliaient sur les grands, et le jarl les libérait aussitôt qu'il en avait éliminé tous les hommes. Les Danois et Suédois se tenaient à présent hors de portée de tir tout autour des vaisseaux d'Olaf. Mais le jarl Eirik restait toujours bord à bord au plus près des bateaux, et utilisait les épées et les haches de bataille, et dès que ses hommes tombaient dans ses vaisseaux, d'autres, Danois et Suédois venaient à leur place.

    Ainsi en parla Haldor le Peu-Chrétien :

    "Epées et boucliers cliquetaient vivement,

    Et la chanson des lances à bord était stridente

    Et les flèches sifflaient en essaims resserrés

    Contre les courageux combattants du Serpent,

    Et toujours, a-t-on dit, le jarl Eirik pouvait

    Aligner à ses côtés des ennemis frais,

    Des armées entières de Danois et Suédois,

    Maniant haut les lames bleues de leurs épées."

     

    Alors le combat devint encore plus âpre, et beaucoup d'hommes tombèrent. Et à la fin, il advint ceci, que tous les navires du roi Olaf Tryggvason furent vidés de leurs hommes à part le Long Serpent, à bord duquel étaient réunis tous ceux qui pouvaient encore porter les armes. Alors le le jarl Eirik disposa son navire à côté du Serpent, et le combat se poursuivit à l'épée et à la hache de bataille. Ainsi en parla Haldor :

    "Enserré de tous côtés par des ennemis,

    Le Serpent vacilla sous les coups, les assauts.

    Les targes s'écrasaient tout autour de la proue !

    Torses et cuirasses percés de part en part !

    Dans l'orage des lames, auprès du chêne vert1

    Le navire du jarl vint se ranger tout près

    Du royal Long Serpent, souverain de la mer.

    La destinée donna au comte la victoire."

     

    Heimskringla, snorri sturluson, olaf tryggvason, svolder

     

    117- Du jarl Eirik

    Le jarl Eirik était à l'avant de son navire, où un rempart2 de boucliers avait été dressé. Lors du combat, les armes tranchantes, épées, et haches, de même que la poussée des lances, avaient été utilisées. Et tout ce qui avait pu être jeté comme missiles l'avait été. Certains faisaient usage de l'arc, d'autres lançaient les javelots à la main. Tant d'armes avaient été envoyées dans le Serpent, et les lances et flèches avaient volé si serrées, que les boucliers pouvaient difficilement les arrêter toutes, car le Long Serpent était de tous côtés cerné par des navires de guerre. Alors les hommes du roi Olaf devinrent fous de fureur, à tel point qu'ils coururent à l'abordage des vaisseaux ennemis, pour rejoindre les hommes et les tuer à coups d'épée. Mais nombreux étaient ceux qui ne se tenaient pas si près du Long Serpent, afin d'échapper à une rencontre trop rapprochée avec une épée ou une hache. En conséquence, la plupart des hommes d'Olaf passèrent par-dessus bord et coulèrent avec leurs armes, pensant combattre sur la terre ferme.

    Ainsi en parla Halfred :

    "Les gars audacieux ne fuirent pas la mort

    Sautant par dessus bord et sombrant au-dessous

    De la quille du Serpent, sautant tout armés,

    Et coulent vers le bas à cinq brasses de fond.

    L'ennemi fut intimidé par leur clameur.

    Le roi, resté encor le maître du Serpent,

    Pris dans le détroit, en proie à l'ennemi,

    Aurait voulu bien plus d'hommes comme ceux-là."

     

    Heimskringla, snorri sturluson, olaf tryggvason, svolder

    La bataille de Svolder. P.N. Arbo

     

    118- D'Einar Tambarskelver (Secoue-Panse)

    Einar Tambarskelver, un des plus brillants archers, se tenait près du mât, et tirait à l'arc. Einar décocha une flèche sur le jarl Eirik, qui frappa la barre juste au dessus de la tête du jarl et en pénétra le bois jusqu'à la hampe. Le jarl s'en avisa et demanda si l'on savait qui avait tiré ainsi. Et au même moment, une autre flèche vola entre sa main et son flanc, et se ficha dans le rembourrage de son siège, de telle sorte que son fer dépassa loin de l'autre côté. Alors le jarl dit à un homme nommé Fin – mais qui en fait était de la race de Finn (laplandais), et était un excellent archer - "Tire sur ce grand homme près du mât". Fin tira, et sa flèche toucha le milieu de l'arc d'Einar juste au moment où il le bandait, et l'arc fut brisé en deux.

    "Qu'est-ce qui s'est brisé avec un tel bruit ?" cria le roi Olaf.

    "La Norvège, roi, s'est échappée de tes mains" rétorqua Einar.

    "Non, pas encore tant que ça", dit le roi, "prends mon arc et tire", et il lui jeta l'arc.

    Einar prit l'arc, et le banda au-delà de la tête de la flèche.

    "- Trop faible, trop faible", dit-il, "pour l'arc d'un puissant roi", et, jetant l'arc de côté, il prit épée et bouclier et combattit vaillamment.

     

    Heimskringla, snorri sturluson, olaf tryggvason, einar tambarskelver  

    "Trop faible, trop faible !". C. Krohg.

     

    svolder, einar tambarskelver

    Louis Moe.

     

    119- Olaf donne des épées acérées à ses hommes

    Le roi se tenait sur les coursives du Long Serpent et tira la majeure partie de la journée, parfois avec l'arc, parfois au javelot, jetant alors toujours deux lances à la fois. Il jeta un coup d'oeil par-dessus les bord du bateau, et vit que ses hommes frappaient à la ronde avec leurs épées, et blessaient quelquefois, mais rarement. Alors il cria : "- Pourquoi frappez-vous si doucement que vous ne touchez que rarement ?" Un parmi ses hommes répondit : "- Les épées sont émoussées et pleines d'entailles." Alors le roi se rendit au gaillard d'avant, ouvrit le coffre sous le trône, et en sortit de nombreuses épées aiguisées, qu'il tendit à ses hommes. Puis comme il étirait son bras droit en les portant, on put observer que du sang coulait de son gant d'acier, mais personne ne savait où il était blessé.

     

    Heimskringla, snorri sturluson, olaf tryggvason, svolder

     

    120- L'abordage du Serpent.

    Désespérée était la défense à bord du Serpent, et c'est par l'équipage de la proue et du pont avant que la plus grande tuerie d'hommes avait lieu, car en ces deux endroit, les hommes avait été choisis, et le navire était plus haut, mais vers le centre du bateau, le nombre des combattants se réduisait beaucoup. Lorsque le jarl Eirik vit qu'il ne restait plus grand-monde autour du mât, il décida l'abordage. Et il entra sur le Serpent avec quatre hommes. Vinrent contre lui Hyrning, le beau frère du roi, et quelques autres, et ce fut un combat des plus acharnés. Et à la fin, le jarl fut obligé de sauter en arrière à bord de son propre navire, et certains de ceux qui l'avaient accompagné furent tués, et les autres blessés. Thord Kolbeinson y fait allusion :

    "Sur les planches d'Odin, tout humides de sang,

    Se tenait le héros au casque décoré

    Et le vaillant Hyrning y acquit son honneur

    Les libérant de son épée toute teintée.

    Les plus hautes montagnes devront s'écrouler

    Avant que l'on n'oublie de rappeler ces faits."

     

    Heimskringla, snorri sturluson, olav tryggvason, svolder

    L'abordage du Long Serpent. H. Egedius.

     

    Puis le combat devint plus chaud, et de nombreux hommes tombèrent à bord du Serpent, et les hommes à son bord commencèrent à être décimés, et la défense s'affaiblit. Le jarl résolut d'aborder à nouveau, et reçut encore une fois une réception brûlante. Lorsque les hommes du gaillard d'avant du Serpent virent ce qui se passait, ils rappliquèrent à l'arrière et se battirent avec la dernière énergie, mais tant d'hommes du Serpent étaient tombés que les côtés du navire étaient en plusieurs endroits dépourvus de défenseurs. Et les hommes du jarl déferlaient de partout sur le vaisseau, et tous les hommes qui étaient encore capables de le défendre se regroupaient autour du roi, et se rangeaient d'eux-mêmes pour sa défense.

     

    Heimskringla, snorri sturluson, olaf tryggvason, svolder

     

    Ainsi dit Haldor le Peu Chrétien :

    "Eirik clame à ses hommes :

    "- A nouveau, à la charge !"

    Les quelques courageux

    Des combattants d'Olaf

    Doivent trouver refuge

    Sur le gaillard d'arrière.

    Tout autour de leur roi

    Disposés en anneau,

    Protégeant de leurs targes

    Le roi de l'ennemi,

    Et quelques survivants

    Frappent, fous mais en vain.

    Eirik clame à ses hommes :

    "- A nouveau, à la charge !"

     

    1 Heiti pour "bateau".

    2 Voir la technique de la tortue des romains.

     

    Heimskringla, snorri sturluson, olaf tryggvason                                                                                                                         Heimskringla, snorri sturluson, olaf tryggvason


    votre commentaire
  • Heimskringla, snorri sturluson, olaf tryggvason

    121- L'éclaircissement du pont du Serpent

    Kjolbjorn le Marshall, qui portait des vêtements et des armes dignes de rois, et était un homme remarquablement beau et bien fait, rejoignit le roi sur le pont arrière. Le combat se poursuivait avec férocité, même sur le gaillard d'avant. Mais de même que de très nombreux hommes du jarl avaient maintenant envahi le Serpent, pour autant qu'ils y aient trouvé de la place, ses vaisseaux entouraient le Serpent, et il restait peu de monde sur le navire pour assurer sa défense contre une telle force.

     

    Heimskringla, snorri sturluson, olaf tryggvason, svolder

     

    Et en peu de temps, la plupart des hommes du Serpent tombèrent, si robustes et courageux qu'ils fussent. Le roi Olaf et Kolbjorn le marshall sautèrent tous deux par-dessus bord, chacun de son côté du navire. Mais les hommes du jarl avaient disposé des bateaux autour du Serpent et tuaient ceux qui sautaient à la mer. Alors quand le roi eut sauté par-dessus bord, ils essayèrent de l'attraper avec leurs mains pour l'amener au jarl Eirik. Mais le roi Olaf jeta son bouclier par-dessus sa tête, et coula sous les eaux. Kolbjorn tenait son bouclier devant lui pour se protéger des lances projetées depuis les bateaux cernant le Serpent, et et il tomba de telle manière qu'il arriva au-dessus de lui, ce qui fait qu'il ne put plonger assez vite. Il fut donc pris et amené dans une barque, et ils supposèrent qu'il était le roi. Il fut conduit devant le jarl. Et lorsque le jarl vit qu'il s'agissait de Kolbjorn et non du roi, il lui laissa la vie sauve. Au même moment, tous les hommes du roi Olaf encore en vie sautèrent par-dessus le bord du Serpent, et Thorkel Nefia, le frère du roi, fut le dernier de tous à sauter.

    Il a été dit au sujet du roi par Halfred :

    "Le Serpent et la Grue ne laissent qu'un naufrage

    Pour le Prince. Jetant les yeux sur son épée,

    Il n'entrevit nulle chance de réussite.

    A son maréchal, à qui dans les temps passés

    La fortune au combat avait été donnée,

    Il a dit une parole, et, prenant son souffle,

    A sauté vers son destin dans les eaux profondes."

     

    122- Ce qui s'est dit parmi le peuple

    Le jarl Sigvalde, ainsi qu'il a été dit précédemment, arrivait du Vindland en compagnie du roi Olaf, avec dix navires. Mais le onzième était équipé d’hommes de la reine Astrid, la fille du roi, épouse du jarl Sigvalde. Lorsque le roi Olaf sauta par-dessus bord, toute l’armée poussa un cri de victoire, et le jarl Sigvalde et ses hommes remirent leurs avirons dans l’eau et ramèrent vers le lieu de la bataille.

    Halldor le Peu-Chrétien en parle ainsi :

    “Alors vinrent en premier les vaisseaux du Vindland

    Dans la bataille mais avec fort peu de gloire ;

    Le combat continuait encore sur les vagues

    Bien que l’espoir ait fui avec Olaf le brave.

    Telle un rapace déjà rassasié, la guerre

    Ouvrait encor sa sombre gueule pour la fête.

    Les quelques qui restaient debout s’enfuirent vite,

    Lorsque s’enfla le cri grondant : “Olaf est mort”.”

     

    Mais le bateau du Vindland dans lequel se trouvaient les hommes d’Astrid rama vers l’arrière en direction du Vindland. Et la rumeur se répandit rapidement partout, et fut répétée par nombre de personnes, que le roi Olaf avait enlevé sa cotte de mailles sous l’eau et avait nagé, plongeant sous les langskips, jusqu’à ce qu’il arrive au vaisseau du Vindland, et qu’Astrid l’avait ramené au Vindland. Et de nombreux contes ont été inventés au sujet des aventures d’Olaf le Roi.

    Halfred en parla ainsi :

    “Olaf est-il en vie ? Ou est-il mort ?

    Les corbeaux affamés l'ont-ils mangé ?

    Je ne sais pas ce que j’en pourrais dire

    Tant on raconte tout et son contraire.

    Je peux dire, sans crainte de mentir,

    Qu’il a été grièvement blessé,

    Si blessé dans ce combat sanglant

    Que sauver sa vie était difficile.”

     

    Mais quoi qu’il en ait été, le roi Olaf Tryggvason n’est jamais revenu en son royaume de Norvège.

    Halfred Vanbredaskald en parle également ainsi :

    “Le témoin qui rapporte ces évènements

    Au sujet de Tryggvason, notre brave roi,

    Servait le souverain et devrait dire le vrai :

    Olaf haïssait les menteurs comme l’enfer.

    Si Olaf échappa à l’exploit de l’épée

    Je crains qu’un pire sort n’ait guetté notre roi,

    Pire qu’on n’imagine ou qu’on ne le saura

    Car il n’était cerné que par des ennemis.

    Du lointain orient arrivent des nouvelles

    Du roi sauvant sa vie de ses graves blessures.

    Sa mort, par trop certaine, me laisse indifférent

    Aux toiles d’araignée des rumeurs aériennes.

    Il n’a jamais été voulu par le destin

    Qu’Olaf d’un si mortel et dangereux péril

    Ait pu sauver sa vie ! La vérité fait mal.

    “Ce que le peuple veut, il y ajoute foi.”

     

    123- Du jarl Eirik, fils de Hakon

    Par cette victoire, le jarl Eirik Hakonson devint le propriétaire du Long Serpent, et s’acquit en outre un grand butin. Et il commanda le Serpent après la bataille.

    Ainsi en parle Haldor :

    “Olaf, avec pour couronne un heaume brillant

    Dirigea le Serpent à travers le détroit.

    Les hommes applaudirent sur leurs bateaux parés

    Quand la flotte d’Olaf vogua avec splendeur.

    Mais le descendant du prestigieux Heming,

    Dont la race a compté nombre de rois de mer,

    Rougit son épée bleue dans le sang de la vie,

    Et gagna bravement le navire d’Olaf.”

     

    Svein, un fils du jarl Hakon, et frère du jarl Eirik, s’était alors engagé à épouser Holfrid, une fille du roi Olaf de Suède. Lorsque Svein de Danemark, Olaf de suède et le jarl Eirik se partagèrent le royaume de Norvège, le roi Olaf prit quatre districts dans la région de Throndhjem, ainsi eut les districts de More et de Raumsdal. Et dans la partie est du pays, il eut Ranrike, de la rivière Gaut au détroit de Svin. Olaf remit ces domaines entre les mains du jarl Svein, aux mêmes conditions dont bénéficiaient auparavant les roitelets et les jarls sous le commandement des grands rois du pays. Le jarl Eirik eut quatre districts dans la région de Throndhjem, ainsi que les districts de Halogaland, Naumudal, et Fjord, Sogn, Hordaland, Rogaland, et Agder nord, toutes les routes vers les Naze.

    Ainsi en parla Thord Kolbeinson :

    “Tous les chefs en notre pays

    Sont à présent avec Eirik :

    Erling est le seul, que je sache,

    A rester ennemi d’Eirik.

    Tous aiment le jarl généreux,

    Il donne et n’est pas un avare :

    Tous les hommes sont très contents

    De devoir ce chef au destin.

    Depuis Veiga jusqu’à Agder,

    Ils obéissent, heureux, au jarl,

    Et tous se tiennent à ses côtés

    Pour garder le pays du Nord.

    Et puis se répand la nouvelle

    Que le puissant Svein est mort,

    Que la chance a abandonné

    Les ennemis des Norvégiens.”

    Le roi danois Svein garda Viken, qu’il tenait déjà auparavant, mais il donna Raumarike et Hedemark au jarl Eirik. Svein Hakonson reçut le titre de jarl de la part du roi Olaf de Suède. Svein était un des plus beaux hommes qu’on ait pu voir. Les jarls Eirik et Svein se firent tous deux baptiser, et adoptèrent la vraie foi. Et aussi longtemps qu’ils gouvernèrent la Norvège, ils permirent à chacun de se convertir à sa guise au christianisme. Mais d’un autre côté, ils conservèrent les vieilles lois, et tous les anciens droits et coutumes en vigueur dans le pays, et furent d’excellents hommes et gouvernants. La voix du jarl Eirik était prépondérante sur celle de son frère dans tous les domaines du gouvernement.

     

    Fin de la Saga d'Olaf Tryggvasson.

     

    Heimskringla : Saga d'Olaf Trygvason XIX

    Statue d'Olaf Ier de Norvège à Throndheim.

     

    Heimskringla, snorri sturluson, olaf tryggvason                                                                                                             Heimskringla, snorri sturluson, olaf tryggvason


    votre commentaire
  • Heimskringla, snorri sturluson, saint olaf

     Heimskringla, snorri sturluson, saint olaf

     

    Heimskringla, snorri sturluson, saint olaf

    Olaf II de Norvège

    Olaf Haraldson

    Olaf le Gros

     

    La Saga d'Olaf le Saint est un texte très long, occupant une bonne partie de l'Heimskringla, et existe en librairie dans une version complète et annotée par Régis Boyer :

    "La Saga de Saint-Olaf", Snorri Sturluson, traduite et annotée par Régis Boyer, Editions Payot.

    Comme ce texte est sans nul doute bien meilleur que ce que je pourrais obtenir, je vais faire pour le moment  l'impasse sur sa traduction.

    Pour comprendre les épisodes suivants :

    Olaf Haraldson, né en 986 était le fils d'Harald Grenske du Vestfold et d'Asta Gudbrandsdottir. Après le meurtre de son père par Sigrid Storrada, il est élevé par Sigurd Syr Halfdansson du Ringerike, second époux de sa mère. Il est le demi-frère d'Harald Sigurdsson (Harald Hardraada).

    Après une jeunesse de viking plutôt mouvementée, où il séjourne en France et en Angleterre et où il s'intéresse au christianisme, il entre conflit avec Canute le Grand de Danemark, roi d'Angleterre, de Norvège et de Danemark. Olaf revient en Norvège en 1015 et se fait élire roi en 1016. Les deux combats de sa vie seront livrés contre Canute et contre le paganisme. Il détruit les anciennes places sacrées, construit des églises, fonde l'unicité de l'Eglise norvégienne, fait venir des prêtres d'Angleterre, révise le code des lois et s'attire l'opposition armée des notables norvégiens, qu'il réprime sans pitié.

    Une bataille sans vainqueur l'oppose, avec son allié suédois, à Canute en 1026, puis Canute revient en Norvège après plusieurs campagnes, et se proclame roi de ce pays en 1028. Olaf s'exile durant deux ans, puis tente un retour en 1030 lors de la bataille de Stiklestad au cours de laquelle il affronte, outre les Danois, une partie des Norvégiens. Il y perd la vie, le 29 juillet 1030.

     

    Sinon, pour une vision décalée et désopilante "à froid" de la vie de ce roi, lire l'excellente "Saga des fiers-à-bras" d'Halldor Laxness, écrivain islandais contemporain et prix Nobel de littérature (également traduite par R. Boyer).

    Suit un résumé de la saga de ce saint si particulier, guerrier, pillard, amateur de bonne chère, et ayant réussi à se mettre ses voisins et une partie de son peuple à dos..., dont la sainteté ne faisait pourtant plus aucun doute pour personne à peine un an après sa mort. Il fut canonisé en 1164.

     

    saint Olaf

     

     Heimskringla, snorri sturluson, saint olaf                                                                                                                             Heimskringla, snorri sturluson, saint olaf


    votre commentaire



    Suivre le flux RSS des articles
    Suivre le flux RSS des commentaires